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La Presse
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Deux zones phares en français seulement
(Québec) Après l'affichage commercial ou encore la musique à la radio, faut-il réglementer la place du français chez… les amuseurs de rue ? La question fait débat depuis quelques jours dans la capitale, où une nouvelle réglementation demande aux artistes de chanter en français dans deux secteurs touristiques du Vieux-Québec. Atteinte à la liberté artistique ? Défense légitime du français ? Jeudi au passage de La Presse dans le Petit-Champlain, la question ne se posait pas : un musicien jouait de l'inoffensive harpe, sans paroles. Les touristes passaient rapidement, contrariés par la pluie. Depuis le printemps, la Ville de Québec demande aux artistes de chanter en français – ou de s'en tenir à de la musique instrumentale – sur deux sites du Vieux-Québec, la Place Royale et le Petit-Champlain. Les 51 autres sites où les activités d'amusement public sont permises à Québec ne sont pas touchés par le changement. Y chanter en anglais ou dans une autre langue reste permis. Mais ces deux endroits représentent « le dernier spot lucratif en ville » pour les artistes, déplore Birdie Veilleux, un des trois membres des Bosko Baker's Do Makers. Ce groupe de swing inspiré de La Nouvelle-Orléans chante notamment des chansons en anglais dans le secteur touché par le nouveau règlement. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Birdie Veilleux, membre du groupe Bosko Baker's Do Makers, déplore la nouvelle règle instaurée par l'administration du maire Bruno Marchand. « Cette année, on reçoit l'habituel courriel de renouvellement de permis, explique-t-il. Là, sans avertissement, pour le Petit-Champlain on dit musique instrumentale ou francophone uniquement. Et là on est à la fin mai, on n'a pas eu le temps de se préparer. » Selon Birdie Veilleux, la décision de la Ville limite la liberté artistique tandis que « les terrasses continuent de faire jouer de la musique pop américaine partout en ville ! ». Il soutient qu'Hubert Lenoir et Jérôme 50, aujourd'hui des ambassadeurs de la langue française, chantaient en français et en anglais dans la rue à Québec. « Moi, je veux recentrer le débat sur la liberté artistique, pas à propos de la langue, note M. Veilleux. Si la Ville commence à dire ce qu'on peut faire ou ne pas faire, ça brise l'esprit de l'art de rue. » « Est-ce que les Cubains chantent du Vigneault ? » L'idée de resserrer les règles qui régissent les artistes de rue vient notamment de groupes de citoyens. Les amuseurs de rue sont présents depuis des décennies dans la capitale. Cette année, 75 permis ont été attribués qui permettent de jouer dans les 53 sites désignés. Michel Masse, président du Comité des citoyens du Vieux-Québec, explique qu'il a remarqué une place de plus en plus grande de l'anglais chez les amuseurs depuis la pandémie. On se rendait compte que chez les amuseurs de rue, ce qu'on entendait surtout, c'était de l'anglais. Autant dans leurs interventions que dans les chansons. On s'est dit ben coudonc, on est à Québec, dans le berceau de l'Amérique française ! Michel Masse, président du Comité des citoyens du Vieux-Québec PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE Michel Masse, président du comité des citoyens du Vieux-Québec Les deux sites retenus pour la nouvelle réglementation – le Petit-Champlain et la place Royale – sont emblématiques, selon M. Masse. Il estime que, de toute façon, les touristes viennent à Québec pour entendre du français. « Est-ce que les Cubains vont nous chanter du Gilles Vigneault sur la plage pour appâter les touristes québécois ? Non, ils jouent des chansons en espagnol. Pourquoi on ne pourrait pas faire la même chose ici ? » « Il n'y a pas de censure », dit le maire Marchand La question a même rebondi à l'hôtel de Ville où Birdie Veilleux a fait une intervention mercredi soir. Le violoniste demandait à l'administration Marchand un sursis pour permettre à son groupe d'adapter les chansons en français, vu le caractère subit des nouvelles règles sur la langue. « Non, pour cet été, on ne va pas changer le projet pilote. C'est moins de 4 % des sites où on demande de le faire en français », a répondu le maire de Québec, Bruno Marchand. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Le quartier du Petit-Champlain, dans le Vieux-Québec Le maire s'est défendu de censurer les artistes. « C'est juste pour dire 'ici on vit en français' et on va assumer ça », a lancé M. Marchand au conseil municipal. « Quelqu'un qui veut le faire en anglais, en espagnol, en langue autochtone, il peut le faire ailleurs. » Il n'y a pas de censure du tout, 96 % des sites vont le permettre. Mais, oui, on va être fiers de notre langue, fiers du fait français et on va le mettre en évidence dans deux sites. Bruno Marchand, le maire de Québec Les Bosko Baker's Do Makers entendent se conformer au nouveau règlement. Mais leur chanteur, dont le français n'est pas la langue maternelle, devra s'approprier le nouveau répertoire, note Birdie Veilleux. « J'ai traduit une bonne partie de nos pièces en français, en me revirant sur un dix cennes. Mais Bosko, même s'il parle bien français et est au Québec depuis dix ans, ça lui prend un certain temps, notamment pour le joual. » M. Veilleux espère que les fonctionnaires de la Ville feront preuve d'indulgence d'ici là. Il ignore à quel type de contravention il s'expose. La Ville de Québec n'a pas été en mesure de le préciser vendredi. « Mais ça doit bien représenter deux jours de travail dans la rue ! »


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Deux zones emblématiques en français seulement
(Québec) Après l'affichage commercial ou encore la musique à la radio, faut-il réglementer la place du français chez… les amuseurs de rue ? La question fait débat depuis quelques jours dans la capitale, où une nouvelle réglementation demande aux artistes de chanter en français dans deux secteurs touristiques du Vieux-Québec. Atteinte à la liberté artistique ? Défense légitime du français ? Jeudi au passage de La Presse dans le Petit-Champlain, la question ne se posait pas : un musicien jouait de l'inoffensive harpe, sans paroles. Les touristes passaient rapidement, contrariés par la pluie. Depuis le printemps, la Ville de Québec demande aux artistes de chanter en français – ou de s'en tenir à de la musique instrumentale – sur deux sites du Vieux-Québec, la Place Royale et le Petit-Champlain. Les 51 autres sites où les activités d'amusement public sont permises à Québec ne sont pas touchés par le changement. Y chanter en anglais ou dans une autre langue reste permis. Mais ces deux endroits représentent « le dernier spot lucratif en ville » pour les artistes, déplore Birdie Veilleux, un des trois membres des Bosko Baker's Do Makers. Ce groupe de swing inspiré de La Nouvelle-Orléans chante notamment des chansons en anglais dans le secteur touché par le nouveau règlement. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Birdie Veilleux, membre du groupe Bosko Baker's Do Makers, déplore la nouvelle règle instaurée par l'administration du maire Bruno Marchand. « Cette année, on reçoit l'habituel courriel de renouvellement de permis, explique-t-il. Là, sans avertissement, pour le Petit-Champlain on dit musique instrumentale ou francophone uniquement. Et là on est à la fin mai, on n'a pas eu le temps de se préparer. » Selon Birdie Veilleux, la décision de la Ville limite la liberté artistique tandis que « les terrasses continuent de faire jouer de la musique pop américaine partout en ville ! ». Il soutient qu'Hubert Lenoir et Jérôme 50, aujourd'hui des ambassadeurs de la langue française, chantaient en français et en anglais dans la rue à Québec. « Moi, je veux recentrer le débat sur la liberté artistique, pas à propos de la langue, note M. Veilleux. Si la Ville commence à dire ce qu'on peut faire ou ne pas faire, ça brise l'esprit de l'art de rue. » « Est-ce que les Cubains chantent du Vigneault ? » L'idée de resserrer les règles qui régissent les artistes de rue vient notamment de groupes de citoyens. Les amuseurs de rue sont présents depuis des décennies dans la capitale. Cette année, 75 permis ont été attribués qui permettent de jouer dans les 53 sites désignés. Michel Masse, président du Comité des citoyens du Vieux-Québec, explique qu'il a remarqué une place de plus en plus grande de l'anglais chez les amuseurs depuis la pandémie. On se rendait compte que chez les amuseurs de rue, ce qu'on entendait surtout, c'était de l'anglais. Autant dans leurs interventions que dans les chansons. On s'est dit ben coudonc, on est à Québec, dans le berceau de l'Amérique française ! Michel Masse, président du Comité des citoyens du Vieux-Québec PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE Michel Masse, président du comité des citoyens du Vieux-Québec Les deux sites retenus pour la nouvelle réglementation – le Petit-Champlain et la place Royale – sont emblématiques, selon M. Masse. Il estime que, de toute façon, les touristes viennent à Québec pour entendre du français. « Est-ce que les Cubains vont nous chanter du Gilles Vigneault sur la plage pour appâter les touristes québécois ? Non, ils jouent des chansons en espagnol. Pourquoi on ne pourrait pas faire la même chose ici ? » « Il n'y a pas de censure », dit le maire Marchand La question a même rebondi à l'hôtel de Ville où Birdie Veilleux a fait une intervention mercredi soir. Le violoniste demandait à l'administration Marchand un sursis pour permettre à son groupe d'adapter les chansons en français, vu le caractère subit des nouvelles règles sur la langue. « Non, pour cet été, on ne va pas changer le projet pilote. C'est moins de 4 % des sites où on demande de le faire en français », a répondu le maire de Québec, Bruno Marchand. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Le quartier du Petit-Champlain, dans le Vieux-Québec Le maire s'est défendu de censurer les artistes. « C'est juste pour dire 'ici on vit en français' et on va assumer ça », a lancé M. Marchand au conseil municipal. « Quelqu'un qui veut le faire en anglais, en espagnol, en langue autochtone, il peut le faire ailleurs. » Il n'y a pas de censure du tout, 96 % des sites vont le permettre. Mais, oui, on va être fiers de notre langue, fiers du fait français et on va le mettre en évidence dans deux sites. Bruno Marchand, le maire de Québec Les Bosko Baker's Do Makers entendent se conformer au nouveau règlement. Mais leur chanteur, dont le français n'est pas la langue maternelle, devra s'approprier le nouveau répertoire, note Birdie Veilleux. « J'ai traduit une bonne partie de nos pièces en français, en me revirant sur un dix cennes. Mais Bosko, même s'il parle bien français et est au Québec depuis dix ans, ça lui prend un certain temps, notamment pour le joual. » M. Veilleux espère que les fonctionnaires de la Ville feront preuve d'indulgence d'ici là. Il ignore à quel type de contravention il s'expose. La Ville de Québec n'a pas été en mesure de le préciser vendredi. « Mais ça doit bien représenter deux jours de travail dans la rue ! »


La Presse
2 days ago
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La langue n'est pas une abstraction
Élément distinctif de l'identité canadienne, le français doit être protégé pour ne pas devenir un élément de son folklore, en particulier là où vivent les francophones en situation minoritaire, croit l'autrice. Isabelle Bourgeault-Tassé Écrivaine franco-ontarienne* En octobre 1774, lors du premier Congrès continental de Philadelphie, les révolutionnaires américains ont rédigé une lettre destinée aux habitants de la colonie britannique de Québec, les exhortant à saisir l'occasion d'être « conquered into liberty1 ». La liberté. Par la conquête. « Vous êtes un petit peuple, comparé à ceux qui vous accueillent à bras ouverts dans leur communauté, écrivaient-ils2. Une brève réflexion devrait vous convaincre de ce qui est dans votre intérêt et votre bonheur : avoir le reste de l'Amérique du Nord comme amis inébranlables, ou comme ennemis irréconciliables. » Les Canadiens français de l'époque, mes aïeux, ont refusé. Ils croyaient que leur langue, leur foi, leur culture survivraient mieux sous les institutions britanniques. Ce n'était pas par loyauté envers l'Empire, mais un pari de survivance. Des siècles plus tard, notre langue tient encore. Elle s'accroche. Et depuis que la souveraineté du Canada est de nouveau sur la sellette, on glorifie le français comme joyau d'un certain imaginaire national. Mais trop souvent, cette révérence reste trompeuse. « [Les États-Unis sont] un melting pot. Le Canada est une mosaïque », a lancé le premier ministre Mark Carney, élu à la tête du Parti libéral. « [Aux États-Unis, on] ne reconnaît pas les différences. [On] ne reconnaît pas les Premières Nations. Et il n'y aura jamais de droits pour la langue française. La joie de vivre, la culture et la langue française font partie de notre identité. Nous devons les protéger, nous devons les promouvoir. » Le contraste est saisissant : plus tôt cette année, les États-Unis se sont déclarés unilingues anglophones. Au Canada, en revanche, la pluralité linguistique est consacrée par la Loi sur les langues officielles, ainsi que par la Loi sur les langues autochtones, qui protège les langues ancestrales et fondatrices des Premières Nations, des Inuits et des Métis. De la théorie à la pratique L'échec de la loi modernisée sur les langues officielles3 ne tient pas à ses principes, mais à son application — et ce sont les francophones en situation minoritaire, qu'elle devait pourtant protéger, qui en paient le prix. À la fin mai, le rapport 2024–2025 du commissaire aux langues officielles a confirmé que, malgré la nouvelle loi, le gouvernement n'a toujours pas défini les règlements qui permettraient d'en assurer le respect et de protéger les langues officielles4. En clair : le commissaire n'a pas les mains libres pour agir sur les 1163 plaintes recensées dans le rapport qui visent un chapelet d'institutions et de prestataires de services. Parmi les contrevenants : • La fonction publique fédérale, où les droits linguistiques des employés sont piétinés, compromettant tant leurs droits individuels que la capacité de l'État à servir les Canadiens dans la langue officielle de leur choix. • La Cour suprême du Canada, qui a refusé de traduire plus qu'une poignée de ses 6000 décisions rendues avant 1970, allant à l'encontre de l'appel du commissaire et niant l'accès à une justice historique. Et l'aéroport international Pearson, le carrefour le plus fréquenté du pays, qui, dans la dernière année, a balayé la majorité des recommandations du commissaire. Ce n'est pas une abstraction. C'est vécu. Chaque jour. « Regardez ce qui s'est passé avec la langue française en Louisiane », a lancé l'ancien premier ministre Jean Chrétien lors du congrès libéral de 2025, évoquant les lois linguistiques qui ont décimé les communautés francophones de cet État en à peine deux générations — un avertissement sur ce qui attendrait le français sous le joug américain. Oui. Et pourtant, par l'indifférence et l'inaction politique, le français au Canada risque un sort semblable. De Sudbury à Saint-Boniface, de Moncton à Moose Jaw, de Chéticamp à Calgary – partout où le fait français vit, lutte et refuse le silence –, la menace n'est pas seulement l'effacement, mais d'être réduit à la mémoire et au mythe. Dans ce pays qu'ont imaginé mes aïeux, la langue n'est pas un idéal symbolique, mais un socle vivant de justice, de dignité et d'appartenance. Et si le français constitue vraiment un rempart contre l'hégémonie américaine, il doit être protégé. En cette ère d'édification nationale, le Canada doit revendiquer l'avenir du français, particulièrement hors Québec, avec du réel — pas du rituel. * L'autrice tient un blogue intitulé La tourtière. 1. Lisez le texte du Globe and Mail « What might we learn from previous attempts by the Americans to invade Canada ? » (en anglais) 2. Lisez la Lettre au Québec des révolutionnaires américains (en anglais) 3. Consultez la page Modernisation de la Loi sur les langues officielles 4. Lisez le rapport 2024-2025 sur les langues officielles * Consultez le blogue de l'auteure Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue