7 days ago
Le niveau du fleuve sous étroite surveillance
Le fleuve Saint Laurent fait l'objet d'une étroite surveillance, en raison d'un niveau d'eau à son plus bas depuis 2021, ce qui pourrait affecter la navigation commerciale et de nombreux autres usages.
« On est dans une période relativement sèche, confirme Michel Leclerc, ingénieur et hydrologue. Le niveau du fleuve est bas parce que les niveaux de tous les cours d'eau qui l'alimentent, le lac Ontario d'abord, et la rivière des Outaouais, les rivières Richelieu et Saint-Maurice ont tous des débits plus faibles que la normale », explique-t-il.
Un hiver moins neigeux, un couvert de glace plus mince dans les Grands Lacs et des précipitations plus faibles en été sont des facteurs qui influent sur le niveau du fleuve.
Le niveau d'eau au port de Montréal était lundi de 11,24 m, soit très près du minimum garanti pour la navigation commerciale. « La situation actuelle devrait se maintenir dans les prochains jours », indique la porte-parole du Port de Montréal, Renée Larouche.
Si le niveau d'eau devait baisser davantage, « il y a des navires qui vont devoir alléger leurs chargements », dit Jean-Denis Girard, directeur général de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent Central.
Les pilotes du Saint-Laurent ont la responsabilité de la conduite des navires transatlantiques dans la Voie maritime du Saint-Laurent entre Les Escoumins et Montréal. Ceux de la zone Saint-Laurent Central prennent en charge la navigation entre Québec et Montréal.
« On ne s'en cache pas, il n'y a pas beaucoup d'eau cette année », dit Jean-Denis Girard, qui, de son bureau situé au bord du fleuve à Trois-Rivières, a vu apparaître de l'autre côté du cours d'eau des plages qui n'étaient pas là au début de l'été.
« Ce sont des cycles, précise Mario Bonenfant, directeur Navigation du Groupe Desgagnés. Quand ça arrive, on charge moins les navires et ça nous oblige à faire un voyage de plus. On réduit la vitesse. Il y a des coûts associés à ça. »
Hausse des coûts
Ces coûts peuvent être considérables selon la taille du navire. « Chaque baisse de 1 centimètre du niveau d'eau fait qu'on peut charger 100 tonnes de moins », illustre Claude Comtois, professeur émérite de géographie à l'Université de Montréal et conseiller du Port de Montréal. La marchandise qui ne peut pas être transportée doit être entreposée et des voyages supplémentaires deviennent nécessaires.
Les armateurs ne sont toutefois pas pris de court avec un navire trop chargé au milieu de l'Atlantique, explique le professeur. Ils sont avertis suffisamment à l'avance des niveaux d'eau dans les ports de destination et peuvent ajuster les chargements en conséquence.
Le niveau du fleuve a déjà été plus problématique pour la navigation commerciale, selon Jonathan White, vice-président, affaires commerciales, de Canada Steamship Lines, dont le siège est à Montréal.
Heureusement, cette année, nous n'avons pas eu besoin d'apporter de grands changements à nos opérations en raison du niveau de l'eau. La Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent a tout de même instauré certaines limites de vitesse, mais elles n'ont pas eu d'effet notable jusqu'à maintenant. Nos activités se poursuivent normalement et nos clients ne sont pas touchés.
Jonathan White, vice-président, affaires commerciales de Canada Steamship Lines
Le niveau d'eau de la Voie maritime du Saint-Laurent, qui permet aux marchandises de se rendre très loin au cœur du continent nord-américain, est très étroitement surveillé. Le Port de Montréal, mais aussi la Garde côtière, la Corporation des pilotes du Saint-Laurent, la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent et une foule de spécialistes s'y intéressent de près.
« On monitorise ça très étroitement, dit le professeur Comtois. La technologie permet aujourd'hui d'avoir des données en temps réel. Il n'y a pas de raison de paniquer. C'est très surveillé par des gens très compétents. »
Des plaisanciers surpris
La baisse du niveau d'eau du fleuve peut avoir des impacts énormes pour la navigation commerciale et les chaînes d'approvisionnement, mais aussi pour beaucoup d'autres usages. Les prises d'eau potable des municipalités peuvent se retrouver au-dessus du niveau du cours d'eau. La végétation, les poissons et les mammifères marins et même la production hydroélectrique peuvent être touchés.
Jusqu'à maintenant, ce sont surtout les plaisanciers qui en subissent les effets. Les bris d'hélices et de pièces de moteur se multiplient, dit Pierre-Olivier Dumas. Son entreprise Dumas Marine, qui a des succursales à Trois-Rivières et à Sorel-Tracy, est très occupée ces jours avec les réparations des bris causés par des plaisanciers qui naviguent dans les endroits qu'ils connaissent, mais qui ne leur sont plus accessibles en raison du bas niveau d'eau.
Même mettre des bateaux à l'eau peut être plus compliqué, parce que les descentes sont trop courtes, précise-t-il. « Ça fait 10, 15 ans que je suis dans le domaine et je n'avais jamais vu ça. »