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24 Heures
09-07-2025
- Politics
- 24 Heures
Ce surdoué de la pêche a des recettes plein ses filets
Installé aux Eaux-Vives, ce mordu de l'hameçon a la réputation d'être un gros bosseur et un as des fourneaux. Publié aujourd'hui à 11h00 Rencontre avec Alexandre Muni, jeune professionnel travaillant son poisson à la Maison de la pêche. LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA En bref: Le jour se lève sur la rade de Genève. Il est 4 h 45 et Alexandre Muni saute dans son bateau et plonge dans le rose du ciel pour rejoindre ses filets tendus au large: «C'est la première fois que l'aube a cette couleur aussi marquée cette année», sourit, ému, ce pêcheur de 25 ans. Escorté par des goélands renfrognés et des cormorans aux aguets, Alexandre n'est jamais vraiment seul au travail. À son retour au port à 10 h 30, à la Maison de la pêche des Eaux-Vives, le jeune habitant de Chambésy ramène 4 kilos de perches aux teintes exotiques et un silure argenté. Il nous montre la bête à la bouche ouverte et gluante: «Celui-ci est petit. Hier, j'en ai ramené un qui mesurait 2 mètres.» Une silhouette dans les algues Fasciné par ce moustachu du lac, faussement placide et vraiment vorace, le pêcheur nous mène à la «tanière» à silures la plus proche. Bingo: dans l'eau verdâtre, une silhouette grise surgit d'une forêt d'algues. «Regardez ce gros mâle, il rôde pour protéger le nid. Forcément, on est en période de reproduction.» Le silure du jour, trois ou quatre fois plus petit que celui de la veille. LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA C'est plus fort que lui. Quand Alexandre voit frétiller une bestiole dans l'eau, il l'imagine immédiatement dans son assiette. «J'ai un rapport démesuré à la bouffe, j'adore cuisiner.» Le voilà en train de nous expliquer comment dégraisser le silure, trancher un morceau de filet blanc ivoire, le fariner et le saisir dans une huile de colza très chaude: «Une fois qu'il est rôti de chaque côté, je sors de mon congélo une fine plaque de beurre ramolli avec de la livèche et de la panure. Je pose cet appareil sur la chair nacrée et dix minutes de four plus tard, je déguste le plat agrémenté d'une sauce composée de jus de veau, de fond de poisson et de vermouth Noilly-Prat.» De la Sicile à l'usine à Genève À l'issue du récit de sa recette, ses yeux scintillent comme des écailles. Ses origines italiennes, par son père sicilien, expliquent en partie ce goût des fourneaux. «C'est mon grand-père qui est venu en Suisse au milieu des années 50. Il a bossé comme maçon puis comme taxi. Il a pris sa retraite il y a quelques années. À 80 ans. Ma grand-mère, elle, a travaillé comme ouvrière à l'usine.» Issu d'un milieu modeste, le couple a ses racines à Centuripe: «Une ville historique», précise le petit-fils de ces immigrés, comme pour les habiller d'un passé plus glorieux. Du côté de sa mère, on est plutôt vaudois. Un grand-père de Lavaux, une grand-mère du Gros-de-Vaud. Un couple qui s'établira à Chambésy, où vit encore aujourd'hui son petit-fils devenu pêcheur. «J'avais 4-5 ans quand mon père, ingénieur électricien et fan de voile, m'a emmené pêcher sur le Léman avec mon frère. Je revois les premières perches sautiller dans notre petit bateau. Avant l'âge de 10 ans, j'ai dit à mes parents que j'allais faire ce métier.» L'intuition précoce de la vocation en somme. La pêche miraculeuse À l'âge de 8 ans, il se rend en vacances avec sa famille sur l'île de Favignana, dans le sud de l'Italie. «On appâtait avec une sorte de pâte faite de farine, de fromage et d'œuf.» Au pied des rochers, la pêche miraculeuse: des poissons multicolores, d'autres noirs et allongés mordaient à l'hameçon: «On les a mangés en soupe et en friture. Inoubliable.» Les parents d'Alexandre n'ont jamais tenté de le dissuader de faire un travail manuel, parfois ingrat et éprouvant dès potron-minet: «Mais ils m'ont dit d'apprendre d'abord un autre métier.» Ce sera l'horticulture à l'école de Lullier: «J'ai beaucoup apprécié ce boulot. Mais, comme paysagiste, je regardais souvent ma montre en espérant la venue de la fin de la journée. Aujourd'hui je fais pareil, mais c'est pour être sûr d'avoir assez de temps pour finir ce que je suis en train de faire. J'aime passionnément ma profession.» Difficile d'en douter. À la Maison de la pêche , Alexandre Muni fait office de surdoué de l'hameçon, même si, par modestie, il s'en défend. Trois amateurs lèvent les filets de leurs perches du jour et assurent en chœur: «Muni, c'est un sacré bosseur.» Depuis cinq ans, le jeune homme se lève aux aurores et se fait des journées qui peuvent aller jusqu'à seize ou dix-sept heures de travail: «Installer, lever et réparer les filets. Enlever les poissons , les préparer notamment en terrine, en rillettes et en version fumée. Je fais tout, tout seul et c'est pour cela que je m'en sors.» Des piranhas aux truites géantes Au chapitre des prises exceptionnelles, ce pêcheur tout terrain en a plein ses filets. Il les cite en vrac: des piranhas au Brésil, une daurade coryphène de 6 kilos à Tenerife, des brochets au Canada. «J'adore la pêche en rivière dans la vallée d'Aoste pour ses truites. Mais aussi dans la Versoix ou le Borne, en Haute-Savoie.» À propos de ce salmonidé «mythique, très malin et dur à piéger», le Genevois n'est pas peu fier de celui capturé en 2021 en face de Genthod: 10 kilos et demi de bonheur. «Bon poids. J'en ai fait du gravelax, du tartare, des filets fumés et d'autres poêlés et déglacés. Au champagne, forcément.» À 25 ans, ce rythme de vie lui convient; mais plus tard? «On verra bien. Je prépare un projet de repas que je pourrais proposer ici au public, mais aussi une idée de conserverie de poissons du lac. Ceux que les gens ne connaissent pas.» Et de citer la liste des mal-aimés de la clientèle accro aux filets de perches au beurre: «Découvrez la brême, la tanche, le gardon, le rotengle.» Sans oublier son espèce chérie, qui a l'avantage d'être dépourvue d'arêtes: le silure. «J'en vends beaucoup au restaurant du Creux de Genthod et sur sa carte, ça commence à marcher. Vous savez, pour répondre à votre question, une conserverie me permettrait d'adopter des horaires compatibles avec une vie de famille.» Mais pour l'heure, c'est de la musique d'avenir. Coups de couteau Il est passé midi. Le soleil cogne sur la surface du Petit-Lac. Le temps presse. Les prises du jour, stockées dans une grosse glacière de pique-nique, doivent être préparées pour les clients. Couteau effilé en main, Alexandre se met au travail. Les filets se multiplient. Dans sa tête, il égrène des dizaines de recettes possibles: «Je vous l'ai bien dit, la bouffe, c'est obsessionnel.» Du bateau au vélo, Alexandre Muni est à l'aise partout. LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA Autour de la pêche Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Fedele Mendicino est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2002. Il couvre en particulier les faits divers et l'actualité judiciaire. Plus d'infos @MendicinoF Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
08-07-2025
- Science
- 24 Heures
Fils de coiffeur, cet ex-cadre de la pharma est devenu pêcheur
Docteur en neurosciences, Jean-Charles Bensadoun a tardé à avouer à son père sa reconversion sur le lac. Publié aujourd'hui à 10h59 Bilan du jour pour le pêcheur de Tannay: «Dix-huit perches… Ma recette équivaut à 40 francs.» LAURENT GUIRAUD En bref: La pêche du jour n'est de loin pas miraculeuse en ce lundi pluvieux de juin à Tannay . «Dix-huit perches dans mes filets et rien de plus, soupire Jean-Charles Bensadoun, 54 ans. C'est comme ça depuis des mois …» Revient le temps de l'époque bénie, 2022-2023, durant laquelle le pêcheur pouvait vendre certains mois pour plus de 20'000 francs de poissons: «Aujourd'hui, ma recette équivaut à 40 francs.» La gloire de son père À qui la faute? «Chacun y va de sa théorie», poursuit le professionnel debout depuis 3 h du matin. La surpêche, la chimie de l'eau, la nourriture, l'appétit des silures, des brochets et des cormorans («J'y crois peu»), la vidange du Rhône qui modifie les courants ou encore les aléas de la météo. Sous un ciel de cendre, le vent ride le lac et les précipitations dessinent des nuées de petits cercles. Au sec, dans sa baraque ripolinée comme un laboratoire médical, le Vaudois, élevé à La Gradelle, sort un couteau affûté et lève les filets de ses poissons zébrés aux nageoires orangées. «Mon père est mort en mars dernier à 97 ans. Né au Maroc dans une famille modeste, il a quitté l'école à 14 ans pour travailler et ramener de l'argent pour la famille (ndlr: cinq enfants) et est alors devenu coiffeur. Il a coupé des cheveux à Genève jusqu'à passé 80 ans. Vous savez, il écrivait merci avec un ç.» Privé d'études par nécessité, le patriarche était fier d'avoir envoyé son fils à l'université. «Mes notes, mes mentions, ma thèse, mon poste comme directeur dans la pharma, mon passage au Campus Biotech, à la Protection des animaux du canton de Vaud: tous les clients de mon père connaissaient mon CV par cœur. Alors, quand je me suis reconverti dans la pêche professionnelle en 2018, j'ai mis quelques années avant de lui avouer ce changement. C'était il y a deux ans. Finalement, il l'a bien pris.» Il faut dire que Joseph Bensadoun, le figaro de l'Opéra Coiffure à la place Neuve, savait depuis longtemps que le jeune Jean-Charles en mordait pour la poiscaille en tout genre: des petits alevins capturés au gobelet à Genève-Plage aux crevettes de l'Atlantique draguées à l'épuisette durant les vacances en Bretagne. «Mon père voulait que je m'essaie à l'équitation, sa passion avortée faute de moyens. Entre 8 et 12 ans, je montais à cheval, sans grande conviction, à Juvigny, en France voisine.» Poisson au goût de pétrole À deux pas du manège coule le Foron. «J'y ai chopé mes premières truites.» Un émoi de rivière rattrapé par une déception aux fourneaux: «La chair avait le goût de pétrole en raison de la pollution de ce cours d'eau. C'était immangeable.» Qu'à cela ne tienne, le gamin de Chêne-Bougeries sait que ce qu'il aime avant tout, c'est attraper des poissons. Pas les tuer. «Leur mort est silencieuse. Même si je dois les étourdir avec un bâton et les éviscérer, j'arrive à surmonter la portée de ce geste qui ne me pose pas de problème au fond. Mais je ne me vois pas forcément chasser et devoir achever un chevreuil blessé criant comme un bébé…» Le cri du batracien transpercé Un souvenir inconfortable remonte des profondeurs. «À environ 15 ans, je me promenais avec un ami à Vandœuvres. Au bord d'un plan d'eau, il y avait des grenouilles. Je savais que ma maman, française d'origine, en mangeait.» Jean-Charles affûte alors une branche d'arbre. Il s'en sert pour transpercer aussitôt un batracien posé sur des herbes aquatiques. L'animal, meurtri par la flèche de fortune et délogé de son habitat, se met à émettre un son dans l'air qui glace le sang de l'adolescent: «Je ne m'attendais pas à entendre le bruit de la souffrance.» Le parcours scolaire puis universitaire du Genevois est un long fleuve tranquille. «J'étais consciencieux et j'avais une bonne mémoire.» Alors qu'il planche sur sa thèse en neurosciences au CHUV , au début des années 2000, le doctorant profite de toutes les occasions pour s'adonner, ici et ailleurs, à la pêche à la mouche. Une réussite. Les truites de l'Inn et des autres rivières limpides des Grisons n'ont pas le goût d'hydrocarbure du Foron de son enfance. Tout comme les salmonidés qu'il capturera ensuite en Autriche, en Russie, en Alaska et en Écosse. Côté professionnel, le jeune homme s'avère plus terre à terre. Jusqu'en 2010, il travaillera à l'EPFL au sein d'un laboratoire d'étude sur la neurodégénérescence avant d'entrer chez Merck Serono à Sécheron en tant que directeur d'un département de recherche. Après la délocalisation de la multinationale, il intègre, toujours en tant que cadre scientifique, le Campus Biotech à Genève. En 2006, Jean-Charles devient toujours plus vaudois en déménageant à Chigny, un village morgien de quelque 400 habitants. Dix ans plus tard, il entre dans l'Exécutif communal tout en travaillant deux ans à l'État aux affaires vétérinaires comme chef de la protection des animaux. Gros coup de gouvernail en 2018: il décide de vivre de la pêche. D'abord à Founex, puis, depuis 2023, à Tannay. «En 2011, avec ma femme, elle aussi biologiste, nous avons acheté un mazet près de Cavalaire-sur-Mer.» Autant dire que ce nouveau terrain de jeu aquatique occupe largement Jean-Charles Bensadoun et ses deux enfants en vacances: «Mon aîné est même devenu meilleur que moi. Vive internet!» Espadon de 1 mètre Le pêcheur sort son téléphone et montre ses enfants tenant à bout de bras tantôt un barracuda, tantôt une grosse pélamide ou un trio de bonites (sorte de petits thons). Après les clichés, les vidéos: «C'était en 2022, j'étais avec mon cadet et on a attrapé et relâché cet espadon de 1 mètre. C'est beau non?» Une prise qui contraste avec les 18 perches du jour. La douche froide. «Si je peux aller de l'avant, c'est parce qu'il y a eu des jours meilleurs et aussi grâce à ma femme. Maître d'enseignement et de recherche à l'Hôpital ophtalmologique Jules-Gonin à Lausanne, elle assure nos arrières.» La pluie a cessé. La fin du tam-tam aquatique laisse la place au bruit des voitures sur la route bordée de villas tapies derrière des thuyas détrempés. «C'est riche comme commune hein? Si vous saviez combien on me fait payer de loyer…» Il est midi. À ce propos, côté cuisine, la famille Bensadoun n'est pas du genre à se noyer dans un verre d'eau. La preuve en quelques recettes prises à la volée. La féra? «Je la prépare fumée et en mousse.» Les œufs de brochet? «J'en fais du caviar, fumé ou non.» Les filets de perches? «Classiques, poêlés avec du beurre.» Et quid des barracudas du sud de la France? «En tartare, c'est excellent.» Les quelques perches du jour. LAURENT GUIRAUD D'autres histoires de pêche Newsletter «La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Fedele Mendicino est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2002. Il couvre en particulier les faits divers et l'actualité judiciaire. Plus d'infos @MendicinoF Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.