27-07-2025
Dix ans après l'accord de Paris, dernier espoir pour lutter contre la pollution plastique
Après l'échec de fin d'année, les négociations reprennent le 5 août. Une centaine de pays sont désormais prêts à limiter la production. Publié aujourd'hui à 09h31
Déchets plastiques ramenés par la houle et le vent, sur les rivages de la zone naturelle protégée de Ras Baghdadi, près de Marsa Alam au bord de la mer Rouge, dans le sud de l'Égypte, en mai 2025.
AFP
En bref:
La semaine du 4 août, les représentants de plus de 170 États afflueront vers Genève afin de tenter de s'entendre sur un traité mondial pour enrayer la pollution plastique. Entamées en 2022, ces négociations constituent le projet d'accord environnemental le plus ambitieux depuis celui sur le réchauffement climatique, obtenu à Paris il y a dix ans.
Le rendez-vous arrive après cinq tours de négociations, tenus à Punta del Este, avant Paris, Nairobi, siège du PNUE, l'agence onusienne en charge, qui orchestre les discussions, ou Ottawa . En fin d'année dernière, à Busan, en Corée du Sud, où avaient conflué plus de 200 lobbyistes de la pétrochimie, ce qui devait être le cinquième et ultime round s'est soldé par un échec. D'où cette conférence de rattrapage, dite «5.2», pour arracher un consensus avant le délai imparti: la réunion de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement, début décembre. Surmonter le blocage
Les chiffres sont sur la table. Ils sont inquiétants. De l'aveu même des industriels, la production mondiale de plastique doublera d'ici à 2040. Et sera multipliée par trois à l'horizon 2060, pour atteindre 1,2 milliard de tonnes annuelles. Plus du tiers est utilisé pour les emballages, les plus aisés à substituer.
«Les négociations de Genève ne vont pas tout réinventer, elles partent d'un projet d'accord, retravaillé depuis la Conférence de Busan, qui touchent aussi bien à la réduction de la toxicité des plastiques qu'à des mécanismes financiers internationaux aidant les pays, notamment à revenu faible, à gérer les déchets plastiques et à passer à des alternatives durables», rappelle Charlotte Durieux, responsable du pôle conseil au sein du cabinet de conseil en recherche environnementale Earth Action , à Lausanne.
Dans le port sud-coréen de Busan, en décembre dernier, à la fin de la dernière session de négociations en vue d'obtenir un accord mondial sur la réduction de la pollution plastique.
UNEP / Duncan Moore
Principal défi: contourner le blocage des poids lourds de la pétrochimie que sont l'Arabie saoudite, la Russie ou l'Iran. Lors de la dernière session, leurs représentants ont opposé un barrage de veto à la mesure clé du texte, soit une réduction imposée du rythme de production des plastiques vierges, au niveau mondial. En préférant se faire les défenseurs du recyclage ou de la gestion des déchets.
Alors qu'en face, les activistes de Greenpeace appellent la planète à «se libérer du plastique» en réduisant sa production de… 75% dans les quinze ans à venir. Signal positif des multinationales
Entre les deux, les lignes pourraient bouger. En juin, lors du sommet sur la pollution des océans à Nice, près d'une centaine de pays – dont la Suisse et ceux de l'Union européenne – ont signé une déclaration soutenant des objectifs de réduction de la fourniture de nouveaux plastiques.
Autre signe fort, la Business Coalition for a Global Plastic Treaty, le plus important groupement d'entreprises impliquées dans les discussions, parmi lesquels les plus gros pollueurs, soutient désormais «des obligations juridiques visant l'élimination progressive des plastiques et de leurs composés chimiques problématiques». Et fait miroiter un «modèle économique» rimant avec «création d'emplois» à des pays clés n'ayant pas signé à Nice: Chine, Inde, Japon, Indonésie ou Brésil.
«On retrouve dans ce groupement les multinationales qui recourent le plus aux emballages plastiques à usage unique , comme Nestlé ou Unilever. Malgré cette attitude ambiguë, il tient à se distinguer des géants de la pétrochimie et pourrait, au final, avoir une influence positive sur les négociations», reconnaît Joëlle Hérin, experte des questions d'économie circulaire chez Greenpeace Suisse, rompue à ces négociations. Mais que fera Trump?
La grande inconnue reste l'attitude qu'adoptera la nouvelle administration américaine, même si les sorties du président Trump sur les pailles en plastique donnent un indice. Avant le dernier round, les États-Unis avaient suscité l'espoir, en reconnaissant qu'il fallait encadrer «l'ensemble du cycle de vie» des polymères. En clair, fabrication incluse. Figurant parmi les principaux producteurs de plastique, le pays refuse cependant la mise en place de limitations qui ne soient pas volontaires.
Un consensus devra être obtenu sur une seule version. Ici, les paragraphes les plus sensibles du projet d'accord débattu le 1er décembre dernier à Busan, en Corée du Sud – ceux sur une possible limitation à l'échelle mondiale des quantités produites de plastique vierge. Les délégués ne devront garder qu'un seul mot parmi ceux proposés.
UNEP
Au final, tout se jouera sur une formulation du texte au millimètre. Le projet qui sera remis sur le métier à Genève reste encore émaillé de trous. En particulier son article le plus crucial, rédigé ainsi: «La Conférence des Parties adopte un objectif mondial visant à réduire? Visant à maintenir? Visant à gérer? La production et la consommation? La seule consommation?» Charge aux délégués nationaux de faire disparaître ces points d'interrogation. Ou pas. Le vote, la fausse bonne idée
Dans ce dernier cas, les négociateurs feront face à un dilemme. «Soit viser à tout prix un accord consensuel – mais qui risque d'être obtenu sur des objectifs moins ambitieux –, soit déroger à la règle d'or des précédents traités sur l'environnement et recourir au vote», décrit Charlotte Stalder, consultante environnementale pour Earth Action.
Avec la menace que des pays clés ne claquent la porte. «Adopter un traité à l'issue d'un vote à la majorité des deux tiers impliquerait une lutte politique, avec les pays fortement attachés à la prise de décision par consensus. Un spectre qui plane sur le processus depuis deux ans», prévient Greenpeace.
«Les négociations de Genève ne vont pas tout réinventer, elles partent d'un projet d'accord […] qui touche aussi bien à la réduction de la toxicité des plastiques qu'à des mécanismes financiers aidant les pays à gérer les déchets plastiques», rappelle Charlotte Durieux, du cabinet Earth Action, à Lausanne.
UNEP / Duncan Moore
Autre alternative? Avancer sur une simple convention de lutte contre la pollution plastique, que le front du refus pourrait rejoindre au fil des ans. Sur le modèle du protocole de Montréal sur la couche d'ozone. «Cette option a été ouvertement évoquée à Busan, lorsque certains pays ont demandé que les plus farouchement opposés à avancer quittent le processus», rappelle Joëlle Hérin, qui était présente sur place.
S'il ne se fissure pas en chemin, ce bloc d'une centaine de membres, qui ont répété leurs ambitions en juin, pourrait alors enclencher une dynamique vertueuse. En dépit de l'échec d'accord planétaire sur le plastique. Le 5 septembre, une planète dépassée par le plastique
Earth Action est à l'origine d'une méthode d'évaluation des fuites de plastiques dans l'environnement – 22 millions de tonnes en 2019. Le cabinet de conseil calcule chaque année un «jour du dépassement plastique», date à partir de laquelle le volume de ces déchets dépasse la capacité de les gérer efficacement au niveau mondial. Il tombera cette année le 5 septembre.
Un chercheur du CNRS examine des microplastiques collectés dans le Rhône, à Arles, en avril 2025.
AFP
À Genève, les tractations iront bien au-delà du point crucial d'une réduction de la quantité de plastiques neufs à l'échelle mondiale. «Ce qui pose problème, ce n'est pas seulement le plastique, mais sa toxicité. Une étude publiée récemment sur le portail de la Confédération recense plus 16'000 produits chimiques dont au moins 4200 jugés préoccupants – certains incorporés en grandes quantités durant le recyclage afin de conserver les spécificités de ces matériaux», décrit Charlotte Durieux, la spécialiste de Earth Action.
Une toxicité également liée aux sites de production. Un rapport de Greenpeace International révèle que plus de 50 millions de personnes dans onze pays, dont la Suisse, sont exposées à la pollution de l'air venant de la production pétrochimique liée au plastique. En Suisse, 973'000 personnes sont concernées.
L'océan en première ligne d'un traité sur le plastique Newsletter
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Pierre-Alexandre Sallier est journaliste à la rubrique Économie depuis 2014. Auparavant il a travaillé pour Le Temps , ainsi que pour le quotidien La Tribune , à Paris. Plus d'infos
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