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« Il faut repenser la place de l'enfant »
« Il faut repenser la place de l'enfant »

La Presse

time3 days ago

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« Il faut repenser la place de l'enfant »

Avec son essai Pour une biodiversité de l'enfance – De la fabrique à la forêt, la pédopsychiatre Céline Lamy souhaite que la société porte un regard différent sur l'enfant. Selon elle, les principes de l'agriculture intensive sont souvent appliqués à l'enfant. On en fait des êtres normés, alors qu'ils devraient s'épanouir selon leur propre nature. Entrevue. Notre société réserve-t-elle un traitement inadéquat à l'enfant ? On est aveuglés, on est des pantins du système. Très tôt, l'enfant est précipité dans une course performative visant à le rendre très rapidement autonome et adapté aux exigences de la société. Il faut que nos enfants se développent au bon rythme, aient de bonnes notes à l'école. On est finalement dans une culture du rendement et de la statistique. Ce qui fait que lorsque notre enfant a un 90 %, on se dit que tout va bien, mais on ne se questionne pas sur ce qu'il y a derrière ce 90 %. Je vois beaucoup d'enfants qui sont d'excellents élèves à l'école, mais qui sont dans une souffrance énorme, car leurs parents ne voient que leur rendement scolaire et se disent que si ça se passe bien à l'école, c'est que tout va bien. Alors que les enfants sont anxieux, fatigués, déprimés. De l'extérieur, l'enfant a un bon rendement et ça n'inquiète personne. Pourquoi sommes-nous dans une crise de l'enfance ? On applique aux enfants les principes de l'agriculture intensive. Alors qu'il y a cette possibilité d'être dans la permaculture. La permaculture, c'est le bon sens du jardinier. Le jardinier ne se précipite pas pour asperger son jardin de pesticides. Il regarde ce qui pousse, ce qu'on peut mettre comme plantes les unes à côté des autres. Quand on étend ce principe à la vie et à l'enfant, ça change le paradigme, on pose notre regard sur l'enfant, on l'observe dans tous ces écosystèmes, à l'école, avec ses amis, avec sa famille. On a ainsi une vision à 360 degrés. En tant que médecin, on ne peut pas prendre des décisions en le voyant pendant une heure dans un bureau. On doit l'observer comme une petite pousse dans un jardin, écouter les rétroactions, s'ajuster et élaborer des solutions adaptées. Il y a aussi cette notion importante de biodiversité qu'il faudrait appliquer. C'est lorsque différentes espèces se côtoient qu'il y a une force et une résilience ensemble, et non une monoculture. Dans la vie et dans les écoles, c'est la même chose, pourquoi met-on ensemble les enfants qui ont le même trouble ? Il faut prôner la diversité, que les enfants soient mélangés avec des enfants différents, ne serait-ce que pour développer leur empathie. Mais les enfants ne sont-ils pas une priorité ? On ne peut pas supprimer des millions en éducation en se disant que les enfants, c'est la priorité. Il faut une réforme de l'éducation en profondeur, inspirée de la Finlande qui a tout mis à plat pour se recentrer sur les enfants. La permaculture, on peut la pratiquer à petits pas. Par exemple, envisager de travailler sur le potentiel de l'enfant en dehors de son potentiel scolaire. Qu'est-ce que cet enfant peut apporter à la classe ? Dans les premiers jours d'école, les professeurs peuvent découvrir les talents des enfants, au-delà des capacités scolaires. C'est important pour le groupe et pour les enfants. Savoir qu'un enfant dans la classe fait des maquettes ou est très doué en dessin, par exemple. C'est ce dont les enfants ont besoin, plutôt que les réduire à leur note de 40 %. PHOTO MARIE-HÉLÈNE GILBERT-LAMBERT, FOURNIE PAR CÉLINE LAMY Céline Lamy, pédopsychiatre et autrice La permaculture de l'enfance, ça veut dire considérer la vie différemment. Déjà, des professeurs me disent : « Je veux voir l'enfant derrière l'élève. » Vous parlez dans votre livre de l'importance de la nature pour les enfants. Être dehors a des bienfaits sur l'ensemble du développement de l'enfant (cognitif, affectif, moteur, social) et sur sa santé physique. L'enfant déploie son talent, sa créativité, il fait face à l'imprévu, au changement. Au Danemark, il y a 700 écoles maternelles nichées dans la forêt. Les écoles des villes ont des lieux forestiers où ils vont explorer. Cela fait partie de l'éducation. On n'enseigne pas la nature, on la vit. Il faut réapprendre à aimer la nature, un lieu apaisant. Le danger, il n'est pas dans la nature, il est à l'intérieur de nos maisons à travers les écrans. Vous proposez de créer un ministère consacré à l'enfance. Il faut repenser la place de l'enfant et créer un ministère voué à l'enfance dans le but de coordonner les politiques publiques qui le concernent, relatives à la santé, à l'éducation, à la famille, aux services sociaux et à la justice. Un ministère qui veillerait à ce que les services essentiels soient accessibles, adaptés aux besoins de chacun, et que les politiques publiques prennent en compte les besoins spécifiques (milieux défavorisés, handicaps, besoins éducatifs particuliers). Un ministère qui serait occupé par des adultes et des enfants, qui se parleraient vraiment et qui construiraient ensemble un nouveau jardin de croissance. Pour réenchanter le monde !

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