04-07-2025
Ce nouveau film sur Netflix est la bonne surprise de l'été
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La comédie musicale animée salue la K-pop et le K-drama avec un enthousiasme non dénué d'ironie mordante. Netflix, 99 min. Publié aujourd'hui à 17h39
À croire qu'une intelligence artificielle dépêchée par un démon de la mythologie coréenne veille sur le film d'animation « K-pop Demon Hunters ». Produit par le géant Sony, ce récital de tubes K-pop se pimente de péripéties sentimentales et de retournements dramatiques dignes de la culture K-drama.
Tout en observant les codes de ce phénomène désormais mondial, «K-pop Demon Hunters», d'ailleurs très bien reçu sur la plateforme Netflix, s'aventure à lancer quelques piques acides à l'encontre de la culture de masse, cet opium du peuple qui étourdit les fans avides de réseaux sociaux.
La réalisatrice Maggie Kang y voit une lettre d'amour à ses racines coréennes mais mixe les répertoires avec une habileté qui lui évite d'être cataloguée dans un camp ou un autre. Ainsi de son héroïne Rumi, une reine de la pop à la tignasse d'une princesse de Walt Disney et à la voix perchée d'une choriste de Beyoncé.
Sortie d'un rêve à la mièvrerie douceâtre de bubble gum longuement mastiqué, la sylphide arrive à contenir dans son body sculptural un paquet de traumatismes et de contradictions qui remontent à ses origines hybrides.
La plastique parfaite de Rumi se révèle veinée d'une ascendance diabolique, que la jeune fille masque sous le maquillage et le lycra. Leader du groupe Huntr/x, la chanteuse perd sa voix sous la pression d'une force démoniaque. Or au hit-parade, un boys band talonne les filles, pressé de les éjecter des podiums.
Une romance se noue entre Rumi et Jinu, le meneur des Saja Boys, commentée en chansons évidemment. Le beau ténébreux a lui aussi quelques secrets honteux à partager. Sous la guimauve pointent des loyautés anciennes à des croyances ou des parents cachés, percent aussi des désirs inassouvis d'indépendance. Saillies drolatiques
Le thème de l'émancipation, qu'elle soit politique ou individuelle, reste toujours très actuel en Corée du Sud, comme la commercialisation culturelle à outrance, arme de consommation massive. Mais loin d'une machine de guerre porteuse de messages revendicateurs, «Demon Hunters» la joue soft.
Ainsi, les demoiselles de Huntr/X ne défendent pas seulement le monde des mortels du roi des démons en usant de stratégies sanglantes, les chasseresses soulignent la nécessité de traquer les signes de la faiblesse humaine et d'en prendre conscience.
Pour moralisateur, ce penchant permet surtout quelques saillies drolatiques, la moquerie par exemple des sodas censés apporter beauté et puissance. Au passage s'esquisse une critique du placement de produits chers à l'industrie sérielle. Salve contre le show-business
Façonnées pour cibler chaque type de groupie, les Huntr/X n'hésitent pas à tourner en dérision les fantoches qui peuplent le show-business et qui les a mises au pouvoir. Rumi et ses acolytes observent aussi l'hébétude de leurs publics faciles à conduire dans les salles de concert comme des moutons au pré, la futilité des télé-crochets aisés à manipuler, etc.
Leur mission? Apprendre à leurs disciples à dresser une barrière, le Golden Honmoon, pour empêcher les démons de pourrir la pureté du lien magique entre les fans et leurs idoles. Formée chez DreamWorks autant que dans les ateliers coréens de webtoons, la réalisatrice Maggie Kang se faufile entre les influences, passant de Tex Avery à Bong Joon-Woo.
L'humour léger reste sa marque, même si elle n'épargne pas plus les sémillants Saja Boys. Sous leur attirail macho, longs impers noirs de justiciers masqués, mèches longues gominées et autres artifices, les bellâtres finissent par se mettre à nu en pathétiques marionnettes.
Le soin apporté à la partition achève de donner à cette pochade musicale un petit air de parfait divertissement pour ados désœuvrés. Au royaume de la K-pop, cette totale adéquation pourrait paraître suspecte.
Dans «Demon Hunters» galope un gros chat tigré sorti d'une légende coréenne avec les yeux exorbités du matou d'«Alice au pays des merveilles» revu par Tim Burton. Personnifie-t-il une intelligence artificielle à l'œuvre, capable de sauter d'une culture à l'autre? À elle seule, la créature réussit à se moquer tendrement des fans tout en faisant patte blanche pour obtenir leur adhésion.
Notre note: 4 étoiles
Cécile Lecoultre, d'origine belge, diplômée de l'Université de Bruxelles en histoire de l'art et archéologie, écrit dans la rubrique culturelle depuis 1985. Elle se passionne pour la littérature et le cinéma… entre autres! Plus d'infos
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