08-07-2025
Pied qui traîne, coup de coude ... : pourquoi le numéro un mondial de squash est accusé de triche
Des compilations des actes supposés d'antijeu de l'Egyptien Mostafa Asal ont fleuri sur le web. De quoi ébranler le circuit en quête de respectabilité olympique ?
« Mostafa Asal triche depuis le début. Je me souviens de l'avoir regardé dès le British 0pen en 2019. Et il truquait déjà. » La personne qui met ainsi en cause le meilleur joueur mondial actuel de squash est un Youtubeur anonyme animant la chaîne Quash Bad Squash. Il s'est spécialisé dans les compilations de mouvements suspects de l'Egyptien, l'une d'elle atteignant près de 250 000 vues quand les résumés de la PSA, l'organisatrice du circuit mondial, atteignent parfois 40 000 visionnages. Un buzz qui a même attiré l'attention du New York Times. « QBS » se présente comme un « insider » et affirme : « Tout le monde du squash a un problème avec l'attitude d'Asal, mais personne ne parle publiquement. Seul Rob Owen (joueur anglais retraité, ndlr) a osé affirmer que c'était un grand joueur, mais aussi un tricheur. » Asal jouerait-il « dirty » ?
L'Egyptien avait déjà été suspendu
Au squash, les adversaires partagent le même terrain. De fait, c'est le seul sport de raquettes... et de contacts. Sur le court entouré de parois transparentes, celui ou celle qui frappe doit laisser l'espace pour que l'autre tape à son tour. En cas d'interférence, l'arbitre détermine si la gène empêche le joueur de frapper dans de bonnes conditions (let) ou si la poursuite du jeu est dangereuse (stroke). Un let provoque une balle à rejouer et un stroke un point pour le joueur ou la joueuse lésé-e. Voilà pour la règle. Quant à l'esprit, il est affaire de subjectivité et, comme tous les sports, le vice s'y niche.
A 24 ans, Mostafa Asal possède un palmarès impressionnant : 22 titres, dont le championnat du monde de mai dernier... mais aussi de nombreuses sanctions. En juillet 2023, à la suite de plusieurs comportements interdits, la PSA l'avait banni pour une durée de 3 mois. L'Égyptien avait par la suite montré des signes d'amélioration, avant de retomber dans ses travers, agrippant l'entrejambe de son compatriote Ali Farag lors de la finale du British Open 2024. Des irrégularités qui ont poussé QBS à agir : « Je remarquais que le diffuseur officiel Squash TV enlevait ce genre de controverses dans ses vidéos. Après la finale du tournoi d'El Gouna 2025 où il a mis un coup de pied vers l'arrière pour bloquer son adversaire, je me suis dit que c'en était assez. » Ses montages sont édifiants : pied marchant sur l'adversaire, geste amplifié pour toucher, coude qui traîne...
Durant ses recherches, QBS découvre des ruses parfois grossières : «Sur un point, il cogne la tête de Paul Coll (Néo-Zélandais, ex n°1 mondial, NDLR) trois fois. Et ce n'est pas signalé. Toutes ses tricheries lui donnent un immense avantage. » Et qui vont jusqu'à provoquer la gêne de son propre coach, le pourtant très placide anglais James Willstrop. Par son action, QBS espère « que ça cesse. Que les arbitres appliquent les règles. »
Les J0 2028 changent la donne
Sélectionneur de l'équipe de France, Mathieu Castagnet, tempère sur la complaisance des arbitres : « C'est un exercice très difficile, le jeu au haut niveau se passe en une fraction de seconde et il y a tant de paramètres à évaluer comme la différence de gabarit des joueurs. Un joueur de 80 kilos comme Asal prend plus de place et il a toujours joué avec la limite. C'est dommage parce que, quand il est en forme, il est au-dessus. Il n'a pas besoin de ce type d'attitudes. »
Asal pousse les règles à leurs limites. Ce n'est pas propre au squash, ça existe dans toutes les disciplines, comme le passage en force au handball qui peut être sifflé dans un sens ou dans l'autre.
Victor Crouin, numéro un français
Des gestes qui pourraient continuer à le desservir car l'horizon de Los Angeles 2028 s'approche. Le squash y deviendra sport olympique. Alors, les instances internationales veulent que le jeu, souvent ponctué de discussions autour de l'arbitrage entre les points, ne soit plus haché. La tendance est que les juges limitent le nombre de balles à rejouer, une obstruction trop flagrante se transforme alors en point à l'adversaire. Mathieu Castagnet est ainsi persuadé qu'Asal va devoir démuscler son jeu : « Asal a commencé à améliorer ses attitudes, mais il a créé une image de vice plus jeune et ça va mettre du temps à changer. S'il veut rester n°1, il va falloir qu'il trouve une jauge tolérable pour les arbitres. »
Concernant les vidéos de QBS, l'entraîneur admet leur efficacité mais rappelle que chaque décision arbitrale doit être considérée dans un contexte : « Il faut voir les échanges d'avant et ce qui s'est passé. Les arbitres veillent à ce que les deux adversaires puissent s'exprimer. Entre un joueur clean et Asal, je pense que l'Égyptien sera plus sanctionné au vu de ses antécédents. Son jeu rude, il faut faire avec. En tant qu'entraîneur, nous devons trouver la parade. » Des solutions que les joueurs trouvent parfois. Les deux derniers grands tournois de juin ont été remportés par le Péruvien Diego Elias (British Ppen) et le Gallois Joel Makin (World Series Finals en juin).
Victor Crouin, le n°1 français, ne souhaite pas alimenter la polémique : « Asal pousse les règles à leurs limites. Ce n'est pas propre au squash, ça existe dans toutes les disciplines comme le passage en force au handball qui peut être sifflé dans un sens ou dans l'autre. Comme nous pratiquons un sport de contact, ça fait partie du jeu. » Une composante que le récent vainqueur de l'Open d'Allemagne travaille à l'entraînement : « Avec mon partenaire, on organise des sessions avec davantage de physique pour jouer la balle après contact. »
Il admet que ne pas laisser l'accès complet à la sphère noire est assez commun : « On le fait de temps en temps, mais Asal, c'est presque à chaque frappe, c'est son art du déplacement. » Au sujet de l'évolution de l'arbitrage qui accorde moins de place aux balles à rejouer, Victor Crouin indique : « Ça met plus d'enjeu sur chaque point puisqu'un jeu se conclue en 11 points et que ça file vite. Avant, quand on était fatigué sur un point, on pouvait chercher un let. Là, on peut moins prendre ce risque. » Objectif : LA 2028 qu'il perçoit comme « la chance de (s)a vie. » Il y croisera certainement Asal en tant que favori... Si ses débordements l e lui permettent.