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La résilience du diamant Gabrielle Boulianne-Tremblay

La résilience du diamant Gabrielle Boulianne-Tremblay

La Pressea day ago
« La fille de la foudre, ce n'est pas le roman que je voulais écrire », laisse tomber Gabrielle Boulianne-Tremblay au sujet de son nouveau livre, la suite attendue de La fille d'elle-même. « La fille de la foudre, c'est le livre que j'avais besoin d'écrire. » Rencontre avec une femme brillante, dans tous les sens du terme.
Gabrielle Boulianne-Tremblay aurait difficilement pu rêver de mieux. Avec La fille d'elle-même, son premier roman, paru en février 2021, elle est non seulement devenue une des porte-parole les plus respectées de la communauté trans, mais aussi, surtout, une écrivaine à part entière, lauréate en plus de quelques prestigieuses récompenses comme le Prix des libraires du Québec et le Prix Bibliothèque et Archives Canada.
« Je suis contente, d'un point de vue social, dit-elle un peu plus de quatre ans plus tard, parce que le livre s'est beaucoup lu en dehors de la sphère LGBTQ+. J'ai reçu plusieurs témoignages de la part de parents qui m'ont dit que ça les avait aidés à comprendre ce que vivaient leurs enfants. »
Mais pour une personne trans, effectuer une transition de genre, comme celle que ce premier roman mettait poétiquement en récit, ne signifie pas pour autant que tout ne sera désormais que bonheur, douceur et allégresse.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Gabrielle Boulianne-Tremblay
Dans La fille de la foudre, Gabrielle Boulianne-Tremblay renoue avec son alter ego autofictif qui collectionne les problèmes de dépendance, incapable de se passer de la chaleureuse morsure de l'alcool et de la corrosive chaleur des hommes.
Croyait-elle qu'une fois son identité de femme affirmée, il ne resterait plus qu'à être heureuse ? Elle sourit. « Je pense que oui. » Silence. « Il y a une partie de moi qui était très optimiste, enthousiaste là-dessus. »
Un rêve qu'on ne rêve plus
Si La fille d'elle-même répondait à la question « Qui suis-je ? », La fille de la foudre creuse donc plus loin. « De quoi suis-je composée ? », s'y demande celle pour qui l'autofiction est un sport extrême, généreux en angoisse – « je me demande tout le temps si le parachute va s'ouvrir » –, mais aussi en occasions de mieux se comprendre et, par le fait même, de se sentir plus vivante que jamais.
À travers des années de thérapie, Gabrielle Boulianne-Tremblay aura également appris qu'elle vit avec un trouble de la personnalité limite, qu'elle soignait tant bien que mal grâce à l'effervescence du champagne et à l'ivresse des corps. Autant de succédanés à une réelle compréhension de soi, autant d'occasions de s'éviter.
Ou, si vous préférez, dans les mots qu'emploie sa narratrice : « Quand est-ce que je suis devenue aussi froide qu'un rêve qu'on ne rêve plus ? »
« C'est une question que je me suis tellement posée », confie l'autrice et actrice, sobre depuis maintenant bientôt quatre ans. « J'avais des aspirations, des rêves, mais on dirait qu'avec l'alcool, j'avais dévié de ma trajectoire. J'étais devenue une espèce d'empreinte de moi-même, comme un calque. »
Protéger l'enfant
Gabrielle Boulianne-Tremblay contemple souvent une petite photo de l'enfant qu'elle a un jour été. « Chaque fois que je traverse des moments difficiles, chaque fois que j'ai peur, je regarde cette photo et je me rappelle que je dois être, au présent, la personne qui aurait pu me protéger. »
Alors que la publication de La fille d'elle-même semblait accompagner une période d'ouverture face aux personnes trans, La fille de la foudre paraît au moment où le climat sociopolitique fait craindre le pire à l'autrice. Cette exténuante impression que rien n'est jamais gagné taraude aussi son incarnation livresque, incapable d'échapper à un air du temps aux parfums délétères.
On a fait tant de progrès et là, on assiste à un retour du balancier avec la montée de l'extrême droite un peu partout dans le monde, mais ici aussi avec des projets de loi transphobes, avec des chroniques transphobes publiées dans de grands journaux. Mes sœurs et mes frères sont ostracisés, démonisés, déshumanisés. Et moi, ça me fait mal quotidiennement.
Gabrielle Boulianne-Tremblay
Puis c'est sur un ton banal qu'elle prononcera la phrase suivante, qui ne l'est pourtant pas du tout : « Il m'est arrivé dans les dernières années de perdre le goût de vivre. »
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Gabrielle Boulianne-Tremblay
Mais, chaque fois, Gabrielle aura pu compter sur sa plus fidèle amie, l'écriture. « L'écriture me sauve tout le temps », résume-t-elle avec un sourire soudainement solaire. « C'est un refuge. Parce que ce n'est pas toi qui écris le roman, c'est le roman qui t'écrit. »
La blessure du paysage
C'est qu'au-delà de la thérapie, c'est le travail des mots qui lui aura permis de cartographier son monde intérieur. Le roman a d'ailleurs bien failli s'intituler La faille d'elle-même, titre rejeté afin de ne pas alimenter la confusion en librairie avec La fille d'elle-même. Mais qu'à cela ne tienne, La fille de la foudre arpente bel et bien une faille. Gabrielle croit-elle l'avoir colmatée ?
« Je compose avec le paysage », répond-elle joliment avant de parler de son coin de pays, Charlevoix, et de son astroblème, ce cratère météoritique provoqué par un impact survenu il y a 400 millions d'années. Un cratère qui aura profondément défini la région.
Si on remonte à la racine grecque du mot 'astroblème', on se rend compte que 'blème' vient de blema, qui veut dire blessure ou cicatrice. Mon personnage vit son propre choc météoritique, et après, elle doit faire la paix avec la cicatrice, peut-être même la célébrer.
Gabrielle Boulianne-Tremblay
Infusé par la fascination de Gabrielle pour la formation des minéraux, La fille de la foudre est ainsi à la fois célébration d'une singularité et récit d'une aspiration universelle au bonheur. Dans le dernier quart du livre, sa narratrice rend visite à sa mère, des chapitres d'une simple et consolante beauté.
« C'est un roman qui peut être lourd par moments, explique-t-elle, et je tenais à montrer que c'est possible d'accéder à un certain bonheur, que tout le monde est digne d'un bonheur stable. »
Gabrielle me laisse avec cette dernière pépite de sagesse : « Dans leur composition, il n'y a pas une grande différence entre le charbon et le diamant. » Elle sait trop bien à quel point ce qui hier se consumait peut aujourd'hui briller.
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Ce que le tribunal ne m'a pas permis de dire
Ce que le tribunal ne m'a pas permis de dire

La Presse

time3 hours ago

  • La Presse

Ce que le tribunal ne m'a pas permis de dire

Le père de Romane Bonnier a transmis à La Presse le texte intégral qu'il n'a pas pu lire à l'audience de sentence de l'assassin de sa fille. Guy Bonnier Père de Romane Bonnier Le 4 août 2025, le procès de François Pelletier s'est conclu par une audience de sentence. Il avait été reconnu coupable du meurtre de ma fille Romane. Romane, 24 ans, a été poignardée à mort, en pleine rue, en plein jour, par celui qui fut un temps son colocataire et son amoureux. François Pelletier a choisi de se défendre seul. La cour lui en a donné le droit. Pendant cinq jours et demi, nous avons dû l'écouter s'auto-interroger, dériver, insinuer, répéter, construire des théories blessantes et incohérentes sur notre fille. Ensuite, pendant deux jours, il a été autorisé à contre-interroger le psychiatre qui l'avait évalué. Tout cela, parce qu'il avait choisi de se représenter seul. Nous, sa famille, avons dû rester là, silencieux, à écouter, à encaisser. En plus de perdre Romane, nous avons dû endurer cette torture. Puis, au moment de la sentence, la cour nous a invités à nous exprimer. J'ai soumis mon texte à l'avance comme demandé. On m'a autorisé à lire la deuxième partie de mon texte – celle plus personnelle, tournée vers Romane –, mais pas la première, celle qui portait sur le fait de pouvoir se défendre seul, sans avocat. On m'a dit que ce n'était « pas le bon forum ». Que je pouvais parler de ma peine, mais pas remettre en question le système. Que je pouvais évoquer Romane, mais pas évoquer l'absurde. Pourtant, ce matin-là, François Pelletier a pu s'exprimer comme bon lui semblait, et cela, sans avoir à soumettre son texte au préalable, comme nous, la famille, avons dû le faire. C'est une véritable gifle. Alors j'ai choisi de ne rien dire plutôt que de jouer le jeu – celui d'une justice qui nous fait taire quand elle aurait intérêt à nous écouter. Aujourd'hui, je choisis de faire entendre cette voix autrement. Voilà le texte que je n'ai pas pu lire devant le Tribunal. À Romane la banane, de son Papa. Les membres de ma famille ont présenté la tragédie, j'ai décidé de présenter le théâtre comique de la bêtise humaine. J'ai constaté qu'on pouvait dire n'importe quoi pendant cinq jours et demi puis en ajouter une autre couche pendant deux jours. Alors je prendrai 30 minutes pour dire ce que je pense. Je remercie la cour de cette opportunité. Aussi absurde et choquant que cela puisse vous paraître, c'est l'humour, entre autres choses, qui nous a sauvés de l'horreur du meurtre de notre belle Romane. Elle en avait aussi à revendre, de l'humour. Une caractéristique importante pour l'actrice qu'elle est. On dit qu'entre la tragédie et la comédie il n'y a qu'un cheveu. Nous en avons été témoins plusieurs fois durant ce procès ! Mais comme on dit aussi, ce n'est pas parce qu'on rit que c'est drôle ! Partie 1, ICI ! J'ai appris que l'idée de pouvoir se défendre seul, sans avocat, dans un procès criminel et pénal, découle d'un principe fondamental du droit commun britannique, dont a hérité directement le système juridique canadien. Ce droit n'a pas été introduit par une seule personne, mais est ancré dans la tradition juridique anglaise depuis très longtemps, puis a été consacré dans la Charte canadienne des droits et libertés en 1982. J'ai appris que dès le Moyen ge, les accusés avaient, en théorie, le droit de plaider leur cause eux-mêmes devant les tribunaux royaux. Ce droit a été confirmé et reconnu comme essentiel à un procès équitable. Le juge Dadour a rappelé d'ailleurs aux membres du jury que cela fait 700 ans qu'on juge les gens ainsi ! Sur le moment, j'ai trouvé la chose intéressante parce que j'adore l'histoire. Donc, toute personne a le droit fondamental de se défendre elle-même, sans avocat et parce que cela a toujours été comme ça au nom de la liberté et d'un procès équitable. Un procès juste et équitable ? C'est contestable. Comment peut-on, au nom d'un procès équitable, laisser une personne se défendre seule d'une accusation de meurtre alors que le Code criminel annoté 2025 fait 2752 pages et que chaque jurisprudence ouvre la porte à une réflexion et une nouvelle interprétation des lois ? Comment peut-on, au nom d'un procès équitable, laisser une personne chez qui on a diagnostiqué un trouble de la personnalité limite se représenter seule pour se défendre d'une accusation de meurtre ? Comment peut-on laisser cette personne se citer à témoin et s'auto-interroger ? Nous l'avons bien entendu s'interroger lui-même pendant cinq jours et demi ! Partir à la dérive, faire du coq à l'âne – d'ailleurs nous devrions dans le cas présent rénover l'expression pour du coq à l'éléphant ! Comment peut-on errer au point de laisser cette personne qui se représente seule contre-interroger le psychiatre qui l'a évalué, a même posé un diagnostic ? J'emprunte à Cyrano le style littéraire de son créateur pour décrire le fond de ma pensée et panser par l'humour, les plaies laissées par cette absurdité : Cyrano aurait dit : En indigné : « C'est une honte ! Une gifle au bon sens, un naufrage du droit ! » En satirique : « Oh, quelle brillante idée : confier à l'accusé le soin de discréditer son propre diagnostic psychiatrique ! Fallait y penser ! » En révolté : « Voilà donc où nous mène l'amour du formalisme : à l'absurde, à l'ignoble, à l'inhumain. » Le formalisme, c'est cette fameuse charte canadienne ! À ce stade, je me pose la question que tous se posent : comment en sommes-nous arrivés là ? J'apprends que toute cette absurdité, c'est parce que nous avons perdu la guerre ! C'est après la conquête de la Nouvelle-France que le droit criminel anglais est imposé au Canada. Le droit de se représenter seul fait partie intégrante du droit criminel canadien dès lors. C'est là qu'on regrette les Français ! En France, une personne accusée de meurtre ne peut pas se représenter seule. Si l'accusé n'a pas choisi d'avocat, le président – en gros l'équivalent du juge chez nous – lui en commet un d'office. L'accusé ne peut pas renoncer à son avocat. Même s'il dit qu'il veut se défendre seul, la cour est tenue de lui désigner un avocat d'office. C'est une garantie du droit à un procès équitable ! Aïe ! Un procès équitable ! Eux aussi ! C'est pour la même raison que nous, mais… It's the other way around, dirais-je en anglais, pour respecter le caractère anglophone de ce procès. Oui ! Car j'ai aussi appris pourquoi le procès de l'assassin de Romane s'est tenu en anglais et parfois en bilingue. En vertu de l'article 530 du Code criminel du Canada, l'accusé peut choisir d'être jugé dans la langue officielle de son choix – même si ce n'est pas sa langue maternelle ou qu'il la maîtrise moins bien. Ce droit est absolu, personnel et non conditionné à des critères de compétence linguistique. Étonnant ! C'est un droit individuel fondamental aussi protégé par la Charte canadienne des droits et libertés, ce droit appartient à l'accusé seul. Les mots résonnent en écho : même si ce n'est pas sa langue maternelle ou qu'il la maîtrise moins bien. « Étonnant » mérite une mise à jour : « inconcevable » ! C'est le moins que l'on puisse dire. Qui donc a rédigé cette charte ? J'ai appris que c'est à l'époque du célèbre rapatriement de la Constitution que la Charte canadienne des droits et libertés a été rédigée sous l'impulsion de Pierre Elliott Trudeau et intégrée dans la Constitution à l'issue de négociations politiques dirigées par le fédéral en 1980-1981. Négociations politiques ! Ah, la politique, maintenant je comprends un peu mieux. Le célèbre humoriste français Coluche disait : « C'est pas dur la politique comme métier ! Tu fais cinq ans de droit et tout le reste c'est de travers. » Ce fut un devoir de représenter notre fille puisqu'elle n'est plus ici pour se défendre. Donc, qu'en est-il de la famille et des amis de la victime ? Je comprends bien qu'il ne s'agit pas de notre procès, mais n'aurions-nous pas aussi droit à des droits ? Rien dans la fameuse Charte. N'aurions-nous pas pu éviter cette torture mentale facilement évitable en laissant aux professionnels le soin d'effectuer leur travail et à l'accusé celui de simplement être l'accusé, et non pas un avocat de pacotille qui consomme le précieux temps des honorables membres de la cour et l'argent des contribuables ? Respectueusement, je soumets ici ces quelques pointes d'humour dans l'espoir de sensibiliser les personnes concernées à modifier la Constitution canadienne et à rénover notre système judiciaire moyenâgeux afin qu'une personne accusée d'un crime grave ne puisse plus se représenter seule sans avocat, comme c'est le cas en France, et cela, au nom d'un procès juste et équitable. Se représenter seul, à la lumière de ce procès, n'est ni juste ni équitable pour l'accusé, c'est une perte de temps pour les membres de la cour, un embourbement de notre système judiciaire déjà embourbé et une épreuve pénible pour la famille et les amis de la victime alors qu'on pouvait affirmer hors de tout doute, avant de commencer le procès, que l'accusé avait assassiné Romane. La situation actuelle me paraît tellement absurde qu'elle fait la promotion d'une perte de confiance en notre système judiciaire auprès du peuple canadien. Partie 2 : Là-Bas Romane la banane, où es-tu ? Romane la banane, m'entends-tu ? Quand les jumelles, les filles, comme on disait, étaient petites, je leur avais donné un surnom qu'elle aimait bien. Romane la banane et Marilou le p'tit chou. Ça les amusait et ça les amuse encore. Dans la nuit, je médite, depuis… depuis… l'évènement, et j'appelle Romane. Romane la banane, où es-tu ? Romane la banane, m'entends-tu ? Je sais qu'elle est là-bas. J'ai des réminiscences claires de vie antérieure depuis l'âge de 5 ans. Là-bas existe puisque j'en viens. Elle me livre des impressions télépathiques depuis le moment où j'ai appris sa mort. Des impressions souvent difficiles à recevoir… trop d'informations en une fraction de seconde que le cerveau interprète difficilement, étant en dichotomie avec la réalité. Qu'est qui en reste, qu'est ce qui est de l'ordre de l'imagination ? Je ne sais pas, je ne sais plus. En janvier 2003, le magazine Science et Vie titrait « Le temps n'existe pas ! Une expérience quantique le prouve ». À l'échelle quantique, le temps ne coule pas. Les équations fondamentales qui décrivent l'univers, notamment en mécanique quantique, ne comportent aucune flèche temporelle : pas de passé, pas de futur – seulement un état global fait de relations entre évènements. Pour le physicien Carlo Rovelli, le temps n'est pas une composante fondamentale de la réalité, mais une illusion émergente, une construction de notre esprit pour donner du sens à un monde complexe. Ce que nous appelons le « présent » serait simplement notre point de vue mouvant à l'intérieur d'un univers atemporel. Dans cette vision, l'univers serait semblable à un bloc d'espace-temps où tout ce qui nous arrive dans une vie est déjà là – inscrit dans la structure même du réel. Le passé, le présent et le futur coexistent, mais notre conscience ne les perçoit que successivement, comme si nous tournions les pages d'un livre dont le contenu existerait déjà en entier. Mais pour nous, humains conscients, ces évènements ne deviennent « réels » qu'au moment où nous les vivons – car notre conscience fonctionne dans un temps linéaire. En somme : le temps ne serait pas réel, mais une ombre portée par notre conscience sur un monde quantique intemporel où ce qui nous arrive n'advient pas… mais se révèle. Est-ce donc pour cela que je m'inquiète pour Romane depuis toujours ? Inconsciemment, je savais ? On s'inquiète pour tous nos enfants, mais Romane était pour moi une victime. Pourquoi ? Bébé, je m'inquiétais, par exemple, à savoir si elle avait un retard mental. Pourtant rien ne donnait à penser une telle chose. Oups, j'écris ces lignes dans la nuit et soudainement je l'entends rire, dans ma tête, j'entends son rire et le mot ORTHO. Que de souvenirs ! Lorsque Romane, Marilou et Lancelot étaient à l'école FACE, l'insulte suprême entre eux parlant d'un élève qu'il trouvait stupide c'était : « Y est t'Ortho ! » Toujours dans la nuit, je regarde l'heure : 3 h 13. J'observe l'heure qui s'affiche sur mon ordinateur et c'est bizarre, car 13 est le chiffre magique dans notre famille. Un héritage de mon père. Mais je cligne des yeux et c'est 3 h 33. Je suis pourtant certain que c'était 3 h 13 ! Le temps n'existe donc pas ou mon imagination me joue des tours. Romane rit encore. Quelques jours auparavant : 25 juillet, 2 h du matin, je cherche les mots pour ce texte. Je médite. J'appelle Romane la banane, je tente l'écriture automatique. Je fais une pause et soudainement ces mots se bousculent : Je t'aime… tous, vous… tous, tous, AMOUR, un mot Amour, se retrouver, bravo ! Et si tout était effectivement déjà arrivé pour une raison inconnue ? L'une des grandes épreuves que j'ai vécues après la mort de Romane a été d'entrer dans son appartement, dans son univers, et de ressentir le temps qui s'était arrêté. Mais si le temps n'existe pas, pourquoi s'arrête-t-il ? La première chose que je vois est un post-it jaune collé sur le mur de sa chambre face à son lit : « J'accueille avec amour tout ce qui m'arrive ». Le caractère indéniablement éphémère d'un post-it sur un mur et la force du message dans le contexte de l'épreuve d'entrer dans sa chambre arrêtée à l'heure de son départ du matin du 19 octobre 2021 me fait fondre en larmes. Elle n'est plus avec nous, mais elle est bien, me dit le post-it. Quelle épouvantable douleur quand même ! Comment s'en sort-on ? disait mon ami André Buffard, avocat de la défense en France. En novembre 2011, je tournais un documentaire sur sa carrière d'avocat de la défense. Il avait, me disait-il, traversé sa vie professionnelle à côtoyer les assassins et, juste en face, les parents de la victime, ou encore, comme partie civile, à côtoyer les parents de la victime en se posant toujours la même question, sans réponse : Comment s'en sort-on ? Comment les parents d'un enfant assassiné pouvaient-ils arriver à se sortir de la mort tragique de leur enfant ? Avait-il une peur subconsciente de vivre une telle épreuve ? Si le temps n'existe pas, se doutait-il qu'il allait effectivement frôler l'épreuve ? Comment survivre à l'épreuve ? D'abord avec beaucoup beaucoup d'amour : Jasmine une compagne extraordinaire, Romane, Marilou, Lancelot et Gregory, des enfants extraordinaires remplis d'amour, une famille extraordinaire, des amis extraordinaires ; parce qu'un geste aussi horrible paradoxalement déclenche en contrepartie une vague d'amour inconditionnelle. Celle qui rappelle que nous sommes UN, tous liés les uns aux autres. On y survit parce que la mort de Romane n'est pas la fin de Romane. Néanmoins pour le pauvre humain que je suis, il n'en demeure pas moins que mourir… c'est partir beaucoup ! Tu me manques, tu nous manques. Romane la banane, j'accueille avec amour ce qui m'arrive. Je suis certes triste, affreusement triste d'un tel gâchis. Héritage des enseignements catholiques de mon enfance, je porterai cette croix que j'ai sans doute choisi de porter pour toutes ces bonnes raisons que je ne connais pas et que je ne comprends pas sachant que la fin du parcours est notre prochaine rencontre. À mon humble avis, c'est tout simplement comme cela qu'on peut s'en sortir, cher ami André. Je remercie chaleureusement Sonia Vallière et la CAVAC, le juge Dadour de sa patience et de son impartialité irréprochable, les procureurs Mariana Ferraro, Louis Bouthillier, les enquêteurs Louis Touzin et Kelly Busque, Paul pour leur empathie et leurs délicates attentions envers Jasmine et moi, les Amici (amis de la cour) qui ont eu le mauvais rôle, les greffiers pour tenter de brancher tout ce bazar technologique. Remerciement aussi au dévoué personnel de ce tribunal. Nous sommes UN, tous liés les uns aux autres. Je souhaite à François Pelletier de réparer son cœur.

La meilleure journée de son histoire
La meilleure journée de son histoire

La Presse

time5 hours ago

  • La Presse

La meilleure journée de son histoire

Pour son 10e anniversaire, îleSoniq a frappé un véritable coup de circuit, samedi. Le festival a tenu la journée la plus fréquentée de son histoire et dans l'ensemble, prévoit signer la deuxième édition la plus fructueuse de son existence. Les chiffres préventifs de la fin de semaine, qui seront appelés à croître d'ici la fin du festival : 43 000 billets vendus pour samedi, 31 000 billets vendus pour dimanche. Avec un total de 74 000 entrées prévues, la présente édition n'a de supérieure que celle de 2019, qui avait mis en vedette les vedettes Marshmello, Bad Bunny et Alesso pour vendre 78 000 billets sur deux jours. On a le meilleur lineup qu'on a jamais eu et [presque] les meilleures ventes. C'est une édition [presque] record dans tous les sens. Évelyne Côté, directrice programmation, concerts et évènements chez evenko PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE Évelyne Côté, directrice programmation, concerts et événements chez evenko. Ne serait-ce que des « I wanna be where you are » chantés à tue-tête par la foule, en symbiose avec le titre de prédilection de la tête d'affiche américaine John Summit, il était facile d'y croire samedi soir. Dépasser les attentes Le festival de musique électronique montréalais, qui n'avait pas initialement été conçu pour durer aussi longtemps, peut se donner une tape dans le dos. « On n'était pas certains, au début en 2014, de la longévité possible pour îleSoniq. On a été agréablement surpris de l'adoption de ce festival par la scène montréalaise, et même canadienne », lance Évelyne Côté, qui chapeaute l'évènement. « On aurait parié un festival qui aurait duré 6, 7, 8 ans dans nos rêves les plus fous. C'est comme inespéré », sourit-elle, lorsque nous lui parlons dans la zone média samedi. Aujourd'hui, même si la majorité de la foule est québécoise, nombreux sont les Canadiens d'ailleurs qui affluent depuis l'Ontario, l'Ouest et les Maritimes. Suivent ensuite des plus petits pourcentages des États-Unis, de l'Europe et de l'Amérique latine. Quand à la répartition des âges, autant on voit sur place quelques groupes de jeunes de 18 à 20 ans, la bonne partie des festivaliers semblait dans la vingtaine ou la trentaine. Quelques-uns dans la quarantaine également. « ÎleSoniq est rendu à maturité. Au début, on était dans un cadre plus commercial pour faire notre place. Maintenant, on fait des choix de programmation assumés dans des styles pointus, explique Évelyne Côté. On a la crédibilité et l'audace de vouloir inclure ces genres. » Samedi, ce sont des noms comme Steve Aoki, Kaskade, Black Tiger Sex Machine, Bunt et LP Giobbi qui se sont relayés aux platines, invitant chacun et chacune le public dans son univers. PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE La foule lors du spectacle de Black Tiger Sex Machine Bulle électro Les festivaliers ont ici le cœur à la fête, au défoulement ou à la détente. Ils et elles viennent ici pour l'ambiance nocturne qui plane même le jour, et peut-être pour oublier les tracas du quotidien. Sur le plan vestimentaire, îleSoniq bâtit son propre monde. Tenues légères-pensées pratiques pour la chaleur ou simplement déjà prévues peu importe la météo–, lunettes de soleil stylisées, couleurs vives, éventails, maquillages brillants, accoutrements synchronisés en couple ou groupe d'amis. Chaque élément se reconnaît bien. Chacun d'entre eux fait partie d'un tout, qui nous montre qu'on assiste à une célébration de la musique électronique. Pour la chaleur, soit jusqu'à 31 degrés samedi, evenko a distribué des bouteilles d'eau gratuites à l'entrée et installé plusieurs colonnes de brume afin de rafraîchir les visiteurs du site. PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE Kaskade Devant la double scène Oasis, antre principal du spectacle, la colline était plus dégagée qu'à Osheaga, qui a lieu la semaine précédente. L'ampleur moindre d'ÎleSoniq lui permet une circulation plus fluide et octroi, par la loi du nombre, la possibilité d'avoir une bulle personnelle un peu plus ample. La scène Néon, à quelques minutes de marche de la colline principale, se voulait une sorte de repaire entre les arbres où une ambiance chill et groovy était au rendez-vous. Animé par des mélodies house, parfois tirées des années 90 ou 2000, l'espace était idéal pour se déhancher sans presse et sans complexe. Une danse légère, naturelle, alimentée au rythme des notes. Il n'y avait de papier ou d'insigne à cet effet nulle part, mais on pouvait pratiquement croire que les occupants de l'espace Néon avaient convenu, tous ensemble, de se mettre un sourire aux lèvres et de se laisser porter par le moment. Ça ne veut toutefois pas dire que c'était relax pour tous : plus on avançait vers le DJ, plus on se collait à une masse qui s'envoie la tête d'avant à l'arrière, qui saute, qui lève les bras, qui crie et qui, essentiellement, fait tout par le véhicule d'un intense entrain. PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, LA PRESSE Le festival ÎleSoniq Dimanche, ce sont Illenium, Sara Landry, Chase & Status, Alesso, Deep Dish, Mau P et Max Styler qu'il faudra surveiller. Encore une fois, que ce soit le dubstep, le drum and bass, le EDM, le house, le funk… il y en aura pour tous les goûts, parmi les sous-genres de l'électro. Et pour l'an prochain ? « Je ne donnerai pas de nom, mais on a envoyé quelques offres à des gens avec qui on a des discussions depuis des années », glisse Évleyne Côté.

Une élue conservative veut que Guilbeault s'excuse auprès du chanteur MAGA
Une élue conservative veut que Guilbeault s'excuse auprès du chanteur MAGA

La Presse

time12 hours ago

  • La Presse

Une élue conservative veut que Guilbeault s'excuse auprès du chanteur MAGA

Une élue conservatrice exige du ministre fédéral de l'Identité et de la Culture canadiennes, Steven Guilbeault, qu'il s'excuse auprès du controversé chanteur américain Sean Feucht après que Parcs Canada lui eut révoqué un permis pour donner un concert dans un lieu historique de Halifax. La Presse Canadienne La députée de Sarnia—Lambton—Bkejwanong, Marilyn Gladu, qui est aussi la porte-parole du parti en matière des libertés civiles, a adressé vendredi une lettre uniquement en anglais au ministre. Elle y affirme que la décision de révoquer le permis ne protégeait pas « le principe d'inclusion ». Au contraire, elle rejetait hors de la communauté Sean Feucht et les nombreux Canadiens qui prévoyaient d'écouter le concert du chanteur. Sean Feucht est un musicien qui se décrit lui-même comme un missionnaire, un auteur et un militant. Il s'est souvent prononcé contre l'avortement, la communauté LBGTQ+ et ce qu'il appelle « l'idéologie des genres ». Ses opinions politiques et religieuses très droitières lui ont attiré de nombreux reproches tout en captant l'attention de l'administration de Donald Trump. Il avait tenté sans succès d'être nommé candidat républicain au Congrès aux élections de 2020. Mme Gladu a déclaré que, peu importe si l'on partage ou non les idées de Sean Feucht, la Charte des droits et des libertés garantissait la liberté d'expression au Canada. PHOTO ÉDOUARD DESROCHES, ARCHIVES LA PRESSE Steven Guilbeault Plusieurs salles canadiennes ont annulé, souvent à la dernière minute, des concerts prévus du chanteur américain. Six concerts ont été annulés, le forçant à chercher d'autres lieux. À Montréal, une église a autorisé Feucht à donner un concert programmé à la hâte, malgré les objections de l'administration municipale, L'établissement fait face à une amende de 2500 $ qu'il conteste. Un de ces concerts devait se dérouler le 24 juillet au lieu historique national de la Redoute-York, surplombant le port d'Halifax. Parcs Canada avait dit avoir reçu l'avis de la police avant de révoquer le permis pour le concert de Feucht, « Parcs Canada a réévalué les conditions du permis et les impacts potentiels sur les membres de la communauté, les visiteurs, les spectateurs et les organisateurs d'évènements », avait alors expliqué l'agence. ajoutant que le site, un fort britannique construit en 1793, présentait des « problèmes de sécurité ». « Après un examen attentif et en raison de préoccupations accrues en matière de sécurité publique, Parcs Canada a informé l'organisateur que le permis a été révoqué. »

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