logo
L'élevage de porcs en plein air, une activité délicate et risquée

L'élevage de porcs en plein air, une activité délicate et risquée

24 Heuresa day ago
Les cochons élevés «à l'herbe» séduisent les consommateurs. Mais cela reste une activité de niche. Reportage au cœur du Val-de-Ruz. Publié aujourd'hui à 10h32
En complément de l'activité d'élevage de bovins en stabulation libre, Audrey El Hayek, qui gère avec son mari le Domaine de l'Aurore, s'est lancée il y a six ans dans l'élevage de porcs en plein air.
Florian Cella / Tamedia
En bref:
Les cochons sont assommés par la canicule, comme tout le monde en ce jour d'été où nous venons les déranger. Avachis sous l'appentis, qui leur garantit une relative fraîcheur, ils tardent à se manifester, mais, la curiosité aidant, finissent par sortir, au pas de sénateur, en direction du grand arbre et de son ombre. Audrey El Hayek les encourage: «Allez, c'est la presse, venez vous montrer!»
Avec son mari, elle tient le Domaine de l'Aurore , à Cernier, au cœur du Val-de-Ruz. Bétail en stabulation libre, poulets, poules pondeuses, cultures d'épeautre, entre autres. Les cochons, eux, sont regroupés dans leur ferme, à quelques centaines de mètres, sur la commune de Chézard-Saint-Martin (NE). Une douzaine de porcelets, âgés d'à peine 3 mois, mais pesant déjà leurs 50 kilos bien sonnés. Petit élevage modèle au Val-de-Ruz
Le couple s'est lancé dans l'élevage de porcs en plein air il y a cinq ans. «Comme nous avions la place nécessaire, nous avons tenté notre chance», explique Audrey El Hayek. À cet instant se pointe Madeleine , la truie, la reine mère, qui a assuré l'essentiel des portées depuis le début. À 6 ans, âge où l'on renouvelle d'habitude les femelles reproductrices, elle se porte encore bien et pourra sans doute assurer son rôle encore un certain temps.
«Mais la portée que vous voyez ici est constituée de cochons d'élevage, et non d'engraissement pur et dur, car parmi eux, je vais sélectionner celle qui lui succédera.» Les truies d'élevage sont en effet, en général, plus attentives à leurs petits. «Sa fille, Coquelicot , qui a été aussi une truie pour la reproduction, mais issue d'une lignée de cochons d'engraissement, avait tendance à se coucher, sans regarder, sur sa progéniture si je n'étais pas là pour éviter le pire.»
À voir la petite Amandine se faufiler près de Madeleine , sans appréhension, on comprend qu'en effet, Madeleine est une vraie mère poule, attentive à ses déplacements. Audrey El Hayek montre le terrain à disposition de ses porcs. «Ils sont très organisés et très propres, pour peu qu'on leur donne de la place, relève-t-elle. Ici, l'endroit où ils font leurs besoins, très clairement séparés de la zone où ils mangent l'herbe et fouillent le sol à la recherche de nourriture.»
Déjà bien malmenée, la parcelle en question sera replantée à l'automne, avec du seigle fourrager. Une obligation, car en cas de pluie, la terre doit être tenue.
Le champ est clôturé par une barrière électrifiée à deux fils, afin qu'ils ne s'aventurent pas sur les terrains d'autrui. Et pour éviter le contact avec les sangliers? «Par bonheur, il n'y en a pas au Val-de-Ruz, contrairement au Val-de-Travers, dès Rochefort, sourit-elle. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être la route fait-elle un obstacle naturel?» La question est importante, car les sangliers peuvent transmettre aux cochons diverses maladies, au premier rang desquelles la peste porcine. Si cela arrive, c'est tout l'élevage qui doit être abattu.
En plus de l'herbe qu'ils mangent alentour, et de ce qu'ils trouvent dans le sol, les porcs sont également nourris avec un mélange pour l'engraissement.
Florian Cella / Tamedia
Cependant, le danger vient parfois sous des traits inattendus. Il y a quelques années, une militante antispéciste, qui ramenait des cochons sauvés d'un élevage industriel à l'étranger, est passée par la route toute proche pour se rendre dans le fonds du Val-de-Ruz. «Comme ces bêtes étaient malades, nous avons dû faire des prises de sang à tous nos porcs, qui ont heureusement donné des résultats négatifs, se souvient Audrey. Et je peux vous dire que c'est sport, car on le prélève dans le cou, et un cochon qui se débat, c'est quelque chose…» Potentiellement dangereux
Elle s'interrompt du reste pour nous mettre en garde: «Attention à ce que Madeleine ne vous marche pas sur le pied par inadvertance, car elle fait 300 kilos et ça pourrait se finir aux urgences.» Deux porcelets, joueurs, donnent de petits coups de groin propres à vous faire presque perdre l'équilibre. «Ils ont une force incroyable, avec le groin et la nuque, et avec une taille un peu supérieure, ils peuvent vous projeter à terre facilement!»
Quant à la reine mère, mieux vaut qu'elle vous ait à la bonne. «Non seulement elle pourrait vous étendre, mais aussi vous infliger des morsures terribles.» D'étranges images de film gore se superposent fugitivement au joli reportage champêtre. Nous voilà prévenus.
Blessée à une patte, Coquelicot a malheureusement dû être endormie, mais à terme, le cheptel devrait remonter à environ 24 porcelets, grâce à la relève. L'idéal est une portée de quatorze petits, soit le nombre exact de tétines. Des élevages de cette taille, il s'en compte quelques dizaines en Suisse romande. «Le nombre de bêtes importe assez peu, car nous devons faire face au même cahier des charges et aux mêmes problématiques que des exploitations plus grandes», nuance Audrey. Élevage de porcs à plus grande échelle
À la Ferme en Croix de Vullierens (VD), au-dessus de Morges, l'échelle n'est pas la même. Avec une capacité de 300 bêtes, et un troupeau actuel de 120, cet élevage de porcs en plein air figure parmi les plus gros de Suisse. «Il y en a un autre de taille comparable en Thurgovie, et celui de Witzwil dans le canton de Berne, proche des établissements pénitentiaires, mais ils ont dû beaucoup réduire, à cause des sangliers», indique Rudolf Steiner, à la tête de l'exploitation avec son épouse, Caroline.
Audrey El Hayek (ici avec sa fille Amandine, et Noémie, une jeune stagiaire) amène ses bêtes à un poids vif de 160 kilos, ce qui lui assure 100 kilos de viande par animal.
Florian Cella / Tamedia
Des fermes de cette taille, qui engraissent des cochons en plein air, ou «à l'herbe», il n'y en a que 18 en Suisse. Une activité qui demeure confidentielle, si on la compare aux quelque 3000 exploitations industrielles, qui fournissent le commerce de détail. Mais leur nombre diminue inexorablement depuis le tournant du siècle: elles étaient encore 5600 en 2020. Sous la pression économique, les exploitants ont tendance à se recentrer sur cette seule activité, alors qu'auparavant, le cochon était souvent une source de revenus parmi d'autres. Beaucoup d'espace, beaucoup de frais
Rudolf Steiner, au bénéfice d'une expérience de vingt-sept ans, confirme la difficulté de ce mode d'élevage: «On n'a pas droit à l'erreur, d'autant plus que c'est une scène ouverte et qu'on est vite apostrophé.» Il faut aussi énormément d'espace, avec une moyenne de 200 m² par cochon, sans compter les 18 hectares d'herbe. De l'espace, beaucoup de travail, et des frais. Rien que pour les doubles clôtures à trois fils chacune, «cela représente 40 km de fil et 1000 piquets en plastique pour des parcs de 300 mètres de long sur 80 mètres de large».
«Les fermiers qui font le pari du plein air restent non seulement minoritaires, mais en plus il y en a beaucoup qui ont renoncé, justement à cause des risques, maladies en tête», rappelle Adrian Schütz, secrétaire général remplaçant à la faîtière Suisseporcs . Le concept de la remorque
Pas question donc de grand basculement vers de la viande de porc garantie plein air et bêtes épanouies. Toutefois, les petits troupeaux comme celui du Domaine de l'Aurore sont plutôt nombreux. Quelques dizaines dans le canton de Vaud, selon Gérald Huber, patron de BioVaud , association qui a récemment mis à disposition des agriculteurs intéressés une remorque avec tunnel d'abri inclus, qui permet de s'essayer au cochon en plein air, sans devoir construire une structure dédiée. «Ils peuvent la louer, pour tester, puis soit en commander une chez le carrossier qui l'a conçue, soit en étudier les plans et la fabriquer eux-mêmes.»
Le concept de remorque itinérante, avec tunnel intégré pour protéger les porcs des intempéries, venue de Suisse alémanique (ci-dessus) a été repris par l'association BioVaud. Les agriculteurs peuvent soit la louer, soit demander au fabricant de leur en construire une, ou encore se procurer les plans et la réaliser eux-mêmes.
Claire Berbain FiBL
Toutes ces exploitations sont destinées à la vente directe. Les standards ne sont en effet pas ceux de la grande distribution, rappelle Audrey El Hayek: «Chez nous, il n'y a qu'une portée par année, contre 2,3 pour les truies des élevages industriels, et je pousse mes cochons jusqu'à 160 kilos de poids vif.» Pour la grande distribution, la limite est en moyenne de 120 kilos. «Cela me permet d'avoir 100 kilos de viande à écouler, et d'ailleurs, la taille des côtelettes les empêcherait d'être mises en barquette.»
Le dur défi de l'élevage de porcs Newsletter
«La semaine neuchâteloise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Neuchâtel, chaque vendredi.
Autres newsletters Ivan radja est journaliste à la rubrique économique depuis 2009. Il suit notamment l'actualité horlogère et le développement des nouvelles technologies vertes. Auparavant, il a travaillé pour Dimanche.ch, L'Express et L'Impartial. Plus d'infos @Radjignac
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

De dangereux amalgames
De dangereux amalgames

24 Heures

timean hour ago

  • 24 Heures

De dangereux amalgames

Accueil | Opinion | Éditorial | Opinion En trouvant peu opportun de programmer un film d'un festival de culture juive dans le contexte de la guerre à Gaza, le Cinéma Bio a fait polémique. Éditorial Publié aujourd'hui à 16h07 Faut-il programmer des films d'un festival de culture juive alors que les soldats de Tsahal tuent des civils palestiniens à Gaza? Le directeur du Cinéma Bio de Carouge s'est sans doute posé cette question. Sans mesurer dans l'instant, probablement, ce que cela impliquait. Réduire la culture juive à l'État d'Israël et a fortiori au gouvernement Netanyahou, c'est une faute historique, voire une faute morale. Loin du conflit au Proche-Orient qui connaît une de ses heures les plus sombres, avec les massacres de civils à Gaza, après le pogrom du Hamas, le 7 octobre, des citoyens, de bonne foi pour certains, poussent à des amalgames dangereux tandis que d'autres, plus cyniques, enfoncent le clou pour des raisons électoralistes. Ce fut le cas du parti travailliste britannique de Jeremy Corbyn ou aujourd'hui, des Insoumis français de Jean-Luc Mélenchon. Face à des irruptions antisémites de plus en plus fréquentes relevées par la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation ( Cicad ), des membres de la communauté genevoise sont pris à partie, enjoints de prendre position quand ils ne sont pas insultés ou menacés, quand bien même certains l'ont fait spontanément, ne confondant pas leur judaïté avec la politique destructrice du gouvernement israélien, répondant à la barbarie par la barbarie. À une époque de polarisation extrême, la culture devrait être un espace de dialogue et un havre de paix. Et face à la banalisation antisémite, on aimerait entendre les responsables politiques s'en émouvoir. Malheureusement, c'est le silence, au mieux. Des déclarations hypocrites, au pire. Et des citoyens non juifs qui, à tort, ne se sentent pas concernés. L'histoire de l'Europe devrait pourtant suffire à leur rappeler que cela devrait les préoccuper. Antisémitisme en Suisse Olivier Bot est rédacteur en chef adjoint depuis 2017, chef de la rubrique Monde entre 2011 et 2017. Prix Alexandre de Varennes de la presse. Auteur de «Chercher et enquêter avec internet» aux Presses universitaires de Grenoble. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Une éducatrice licenciée à Fribourg à cause d'un passé néonazi qui refait surface
Une éducatrice licenciée à Fribourg à cause d'un passé néonazi qui refait surface

24 Heures

timean hour ago

  • 24 Heures

Une éducatrice licenciée à Fribourg à cause d'un passé néonazi qui refait surface

La Commune de Chiètres (FR) a remercié une employée liée à des mouvements néonazis. Publié aujourd'hui à 16h00 La Commune fribourgeoise de Chiètres a remercié une collaboratrice aux affiliations néonazies; elle avait été engagée dans un service d'accueil extrascolaire. Unsplash L'affaire a secoué le canton de Fribourg en début d'année, quand la Commune de Chiètres a engagé, pour l'accueil extrascolaire, une employée soupçonnée d'être une influenceuse… néonazie. D'après «Watson» , cette femme, mariée à un «néonazi» connu du paysage romand, s'est illustrée sur les réseaux sociaux comme figure de proue de l'extrême droite germanophone. Peu après l'entrée en fonction de l'employée, le passé de cette dernière a rapidement refait surface dans la presse. Des photos la montrant tout sourire devant le camp de concentration d'Auschwitz ou posant aux côtés d'un groupe punk faisant l'apologie de Hitler ont été mises en lumière, apportant la preuve de ses affinités idéologiques. Ce lundi, «La Liberté» révèle que la Commune de Chiètres a finalement décidé de renvoyer cette collaboratrice. Cette décision fait suite à une enquête interne et repose sur «le passé personnel de l'employée, jugé incompatible avec ses fonctions». Les autorités communales précisent par ailleurs que «des mesures appropriées ont été prises immédiatement afin de garantir, à tout moment, un accueil stable, fiable et adapté aux enfants». L'actu du canton de Fribourg Newsletter «La semaine fribourgeoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Fribourg, chaque vendredi. Autres newsletters Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Carte blanche à nos photographes: «Fin de route»
Carte blanche à nos photographes: «Fin de route»

24 Heures

time3 hours ago

  • 24 Heures

Carte blanche à nos photographes: «Fin de route»

Durant une année, carte blanche a été donnée aux photographes de «24 heures», de la «Tribune de Genève» et du «Matin Dimanche» pour raconter Vaud ou Genève autrement. Quatrième volet: «Fin de route». Publié aujourd'hui à 14h42 Pont-de-Nant, le 5 février 2023. Chantal Dervey En bref: Carnet de travail: Projet: Suivre une route sinueuse dans les Alpes vaudoises… Hameaux en bout de route… Continuer au-delà… Chantal Dervey Le choix: Région Alpes vaudoises . Vallées entre abandon et résidences. Hameaux de montagne. Chantal Dervey Les lieux: Morcles, dernier village vaudois en altitude. Vallon de Nant. Luan. Chantal Dervey Points communs: Routes tortueuses et cul-de-sac en hiver… Téléski en fonction ou abandonné… Lieux préservés du tourisme de masse… Avec l'arrivée de l'automne, le paysage devient sauvage… En hiver, les photos se font à pied ou en raquettes à neige… Chantal Dervey À faire: Auberge de Morcles . Vestiges de l'armée. Rivière l'Avançon de Nant entre Bex et Pont-de-Nant . Alpage ou bergerie. Boîte à lettres. Cabane délabrée sous les arbres, ancien téléski de Luan. Tunnel des Agites. Forêts. La carte blanche «Comme une errance» Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store