
Une période d'instabilité lourde de menaces
Yoshito Matsishige, un photographe professionnel, se trouvait à sa résidence à Hiroshima le 6 août 1945 lorsque la bombe atomique larguée par un bombardier américain a explosé à quelques kilomètres de là.
Après avoir quasi miraculeusement survécu au souffle de l'explosion, qui lui a donné l'impression d'être « transpercé simultanément par des milliers d'aiguilles », il a pris un appareil photo et s'est précipité dehors.
Le Japonais s'est rapidement retrouvé face à un groupe d'adolescentes qui étaient dans la rue au moment de la détonation.
Grièvement brûlées, la « peau pendant comme un tapis », elles étaient en train de mourir, a souligné M. Matsishige, dont le témoignage a été conservé par l'Atomic Heritage Foundation.
PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Les ruines du bâtiment de promotion industrielle de la préfecture d'Hiroshima, en septembre 1945. Aujourd'hui connu sous le nom de « Dôme de la bombe atomique », le bâtiment a été préservé en tant que monument.
PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Combinaison de photos d'archives datant de 1945 montrant la ville dévastée d'Hiroshima avant et après le largage de la première bombe atomique par l'armée de l'air américaine, le 6 août 1945.
PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Une bombe atomique similaire à Little Boy, celle larguée sur Hiroshima, en 1945
PHOTO JOSEPH PREZIOSO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Un rapport publié sur le programme de la bombe atomique avant le largage de la bombe sur Hiroshima, et signé par J. Robert Oppenheimer et d'autres participants au programme américain, est exposé lors de sa mise aux enchères à Boston, en mars 2024.
PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Les ruines du bâtiment de promotion industrielle de la préfecture d'Hiroshima, en septembre 1945. Aujourd'hui connu sous le nom de « Dôme de la bombe atomique », le bâtiment a été préservé en tant que monument.
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Au total, plus de 140 000 personnes de la ville ont péri, tuées par l'explosion ou l'impact subséquent des radiations.
Le 9 août, la scène se répète à Nagasaki. Cette fois, 75 000 personnes trouvent la mort.
Le sentiment d'horreur suscité par les bombardements n'empêchera pas, à la fin de la guerre, les États-Unis et la Russie de se lancer dans une course effrénée à l'armement qui entraînera une multiplication du nombre d'ogives nucléaires.
Un sommet de près de 65 000 ogives sera atteint en 1986 avant que le total reparte à la baisse avec la fin de la guerre froide, pour s'établir autour de 12 000 grâce à une série de traités entre les deux superpuissances.
Mais l'ère de la réduction des armes nucléaires dans le monde « touche à sa fin », a prévenu en juin Hans Kristensen, un chercheur de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).
PHOTO TIRÉE DU COMPTE X DE HANS KRISTENSEN
Hans Kristensen, chercheur de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI)
Au lieu de [la réduction], nous observons une nette tendance à l'augmentation des arsenaux nucléaires, à l'exacerbation de la rhétorique nucléaire et à l'abandon des contrôles d'armement.
Hans Kristensen, chercheur de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI)
Le constat est partagé par Kelsey Davenport, spécialiste de l'Arms Control Association, qui s'alarme de constater que le système mis en place pour empêcher la prolifération nucléaire se trouve aujourd'hui à un dangereux « carrefour » alors que neuf pays détiennent la bombe atomique.
PHOTO TIRÉE DU COMPTE X DU KROC INSTITUTE
Kelsey Davenport, spécialiste de l'Arms Control Association
Il y a un risque réel dans les prochaines années que d'autres États cherchent à se doter de l'arme nucléaire ou arrivent à la conclusion qu'elle est nécessaire à des fins de dissuasion.
Kelsey Davenport, spécialiste de l'Arms Control Association
De coûteux efforts de modernisation
Les cinq pays officiellement autorisés par le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) à disposer d'armes nucléaires (États-Unis, Russie, France, Royaume-Uni et Chine) multiplient les efforts pour renforcer leur force de frappe dans ce domaine, plutôt que la réduire comme ils s'étaient engagés à le faire.
Moscou et Washington, qui détiennent près de 3500 des 3900 ogives déployées à l'heure actuelle de manière à pouvoir être utilisées rapidement, mènent notamment d'importants programmes de modernisation qui sont susceptibles, selon le SIPRI, « d'accroître la taille et la diversité de leur arsenal ».
INFOGRAPHIE LA PRESSE
Le nombre d'armes nucléaires opérationnelles ne baisse plus.
L'administration américaine prévoit investir des centaines de milliards de dollars pour adopter par exemple des missiles balistiques intercontinentaux plus performants et intégrer des sous-marins plus sophistiqués.
Le dernier traité bilatéral entre les deux pays, qui limite le nombre d'ogives déployées, arrive à échéance en 2026 et aucune discussion diplomatique n'est en cours pour le renouveler.
La Chine, qui investit massivement dans le secteur militaire pour s'imposer comme superpuissance, accroît aussi rapidement son arsenal existant de 600 ogives afin de se rapprocher d'ici 2035 du niveau de la Russie et des États-Unis.
INFOGRAPHIE LA PRESSE
Armes nucléaires dans le monde en 2022
L'Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël, qui n'adhèrent pas au TNP, cherchent aussi à améliorer leurs capacités militaires dans ce domaine.
Le pacte au cœur du traité, qui permet aux pays signataires de développer l'énergie nucléaire à des fins civiles en contrepartie de leur engagement à ne pas développer la bombe atomique, est fragilisé par l'évolution du contexte géopolitique.
Ali Vaez, un spécialiste de l'Iran rattaché à l'International Crisis Group, pense que les attaques menées récemment par les États-Unis et Israël pour contrer le programme nucléaire de Téhéran « minent la confiance » envers le TNP puisqu'ils envoient le message que ses signataires ne sont pas à l'abri d'opérations militaires.
IMAGE ARCHIVES THE NEW YORK TIMES
Cette image satellite, fournie par Maxar Technologies, montre les dégâts causés par les frappes américaines sur le Centre de technologie nucléaire d'Ispahan, en Iran.
Mme Davenport convient que le régime iranien, qui nie vouloir se doter de la bombe atomique, n'avait pas de raison d'enrichir de l'uranium à un niveau de 60 % s'approchant du seuil militaire, mais précise que le traité ne l'interdit pas. Certains pays ont notamment besoin d'atteindre ce seuil pour opérer des réacteurs nucléaires qui permettent de produire des isotopes à des fins médicales.
L'Iran s'interroge maintenant ouvertement sur l'intérêt de demeurer signataire du TNP en relevant que son adhésion ne semble pas assurer sa sécurité et garantir son droit à un programme nucléaire civil. D'autres pays vont retenir que les États-Unis et Israël ont eu recours préventivement et illégalement à la force pour répondre à un programme nucléaire qui ne représentait pas une menace immédiate.
Kelsey Davenport, spécialiste de l'Arms Control Association
L'épisode, souligne l'analyste, montre que les États-Unis sont disposés à faire fi de leurs engagements internationaux en réponse aux besoins de pays alliés.
L'administration Trump met parallèlement en doute des accords de défense avec d'autres alliés comme la Corée du Sud et le Japon qui placent les dirigeants de ces pays face à un dilemme relativement à la nécessité de développer leur propre arsenal.
PHOTO VLADIMIR SMIRNOV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Vladimir Poutine est reçu en grande pompe par son homologue Kim Jong-un, lors de la visite officielle du président russe à Pyongyang, au mois de juin l'an dernier, durant laquelle les deux pays ont signé un accord de défense mutuelle.
La Russie s'écarte aussi de normes établies de longue date, par exemple en prodiguant son soutien à la Corée du Nord pour développer son programme nucléaire ou encore en évoquant la possibilité de frappes nucléaires dans le cadre de la guerre en Ukraine.
« Nous entrons dans une période de plus grande instabilité dans laquelle le risque que des armes nucléaires soient utilisées augmente… Il faut espérer que les esprits vont se calmer et qu'une ouverture politique pourra être trouvée afin de relancer le dialogue et de revenir au contrôle des armements », plaide Mme Davenport.
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