Taron Egerton dans Smoke d'Apple : «En tant qu'acteur, je vis pour le danger»
Révélé par la comédie d'espionnage Kingsman, bluffant en jeune Elton John tourmenté dans Rocketman, Taron Egerton se fait rare ces dernières années au cinéma. L'acteur britannique de 35 ans a concentré ses forces créatives dans un fertile partenariat avec le romancier Dennis Lahane, souvent adapté au cinéma (Mystic River, Shutter Island). Dans la minisérie Black Bird, sortie en 2022, il incarnait un trafiquant de drogues et armes transformé en indic par le FBI et envoyé partager la cellule d'un tueur en série présumé. Sa mission ? Faire avouer à son voisin d'infortune ses crimes.
Lahane et Egerton poursuivent leur collaboration avec Smoke, lancée sur Apple TV + fin juin. Cette fois, le comédien de 35 ans incarne un enquêteur pyromane tiraillé entre ses pulsions incendiaires, sa soif de reconnaissance et fasciné par le jeu du chat et de la souris qui en découle. Dès le premier épisode, la mèche est vendue au spectateur pour mieux l'inviter à se perdre dans les entrelacs d'une psyché manipulative, insaisissable même pour celui qui l'incarne.
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TV MAGAZINE. C'est votre seconde collaboration avec le romancier et scénariste Dennis Lehane. Vous ne vous quittez plus.
Taron EGERTON. - Dennis m'a parlé de Smoke, alors que nous étions à la Nouvelle-Orléans en train de terminer le tournage de sa précédente série Blackbird. C'était bien avant qu'il n'y ait un script ou que nous ayons une vision précise de l'intrigue. Dennis et moi avions, avant tout, envie de retravailler ensemble. C'était incroyable de découvrir ses premières idées sur le sujet. Smoke s'inspire d'une véritable histoire criminelle, celle du pompier et pyromane multirécidiviste John Orr, qui a défrayé la chronique dans les années 90. Un podcast fabuleux a été fait sur son cas, Firebug. Ce qui était fascinant c'est que Dennis avait toutes ces idées sur la manière de faire bifurquer l'histoire. Dennis a une plume, une patte unique. Il sait comme personne se plonger dans la noirceur et l'obscurité de l'âme humaine. C'est un voyage, une odyssée passionnante à entreprendre.
Était-ce impressionnant de «jouer» autant de fois avec le feu ?
Ce n'est pas ma première fois. J'avais eu une expérience similaire, il y a treize ans, sur le tournage de la série britannique au titre très proche The Smoke. Je campais déjà un pompier, même s'il était débutant ! Les producteurs de Smoke ont mis à notre disposition pléthore de ressources. J'ai pu échanger avec des pompiers, un véritable enquêteur d'incendies criminels. Nous avions le temps de répéter chaque scène de feu. En tant qu'acteur, je vis pour le danger. Quand il y a un tel niveau de risque, tout le monde est concentré sur le plateau. C'est exaltant pour moi de m'emparer de personnages extrêmes. C'était la même chose avec Kingsman et Rocketman, cela ouvre la possibilité de vivre d'autres vies, comme lorsqu'on lit un grand roman d'aventures.
Votre personnage Dave tombe, dès le premier épisode, le masque. Sous ses dehors d'enquêteur avisé et beau-père dévoué, il se révèle être le pyromane que ses coéquipiers recherchent.
Dave pense tout savoir, alors même qu'il n'a aucune idée de qui il est. Être déconnecté de soi est problématique et dangereux. Ne serait-ce parce qu'il est déjà difficile pour n'importe qui de définir notre relation à nous-même. Être en accord avec soi-même reste un sentiment passager. Vous ne vous sentez pas toujours comme ça, mais cela fait du bien quand vous ressentez quelque chose qui s'en rapproche. C'est un sentiment hors de portée pour Dave. Cela l'empoisonne à petit feu. C'est très visible dans ses tentatives littéraires quand il se prend pour un futur grand écrivain. Une activité créative peut aider à mieux se connaître. Cependant, Dave en fait vite un exercice d'ego, une preuve de ses limites. Quand il se décrit c'est comme un héros, un homme à femmes, un dur à cuire. Autant de stéréotypes grossiers que vous utilisez normalement pour dépeindre les autres. Mais jamais vous-même !
Dave n'est pas le seul pyromane de la série. Il y a aussi Freddy, un employé de fast-food sans diplôme cherchant à échapper à la misère. Voyez-vous des points communs à ces personnages ?
J'ai hâte que vous découvriez leur confrontation dans le septième épisode (en ligne ce vendredi, ndlr). Dave est persuadé qu'il fera qu'une bouchée de ce simplet. Toutefois, Freddy va complètement le désarmer en forçant Dave à se confronter à une facette de lui-même qu'il préférerait enterrer. Ils partagent de nombreuses similitudes. Mais la différence fondamentale c'est que Dave aurait pu choisir d'être quelqu'un d'autre. Sauf qu'il a pris une mauvaise pente. Freddy est lui malheureux, victime de la vie et des circonstances dans lesquelles il se trouve. Même s'il le souhaite, il ne peut briser le plafond de verre, les barreaux invisibles de sa prison sociale. Un sort bien plus tragique.
Dave et Michelle (Jurnee Smollett)
Apple
Une autre épine dans le pied de Dave est sa coéquipière dans cette enquête, Michelle.
Leur relation est emplie de rivalité et d'antagonisme. En même temps, Dave perçoit chez elle la même impossibilité à se connecter à soi-même, dont il souffre. Cela l'attire, le fascine tout comme c'est quelque chose qu'il cherche à détruire. Habituer un personnage aussi obsédé de lui que Dave s'est avéré un état d'esprit assez toxique et épuisant. Il est incapable de voir les autres et d'aller plus loin que le bout de son nez. C'était une immersion d'autant plus riche quand elle est imaginée par la prose inhabituelle et nuancée de Dennis Lahane. Mes choix de carrière ont toujours été guidés par le réalisateur, le scénariste ou le showrunner à la barre. Je veux des rôles qui ne se répètent pas et qui me forcent à confronter différentes facettes de moi-même.
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