
« Chaque photo a plus de sens »
Aurélie Lachapelle
La Presse
Il y a quelques années, Rémi Poitras reçoit un appareil analogique du copain de sa grand-mère. Intrigué et curieux, il se rend à la boutique Gosselin Photo pour acheter de la pellicule 35 mm. « Je n'avais aucune idée comment mettre ça dans l'appareil. Les employés m'ont montré. »
Il découvre rapidement la complexité de ce médium. L'appareil n'a aucun moyen de calculer l'exposition. Rémi se servait de son cellulaire pour calculer les paramètres de chaque portrait avant de prendre les photos pour s'assurer que l'éclairage soit parfait.
Les vacances de Noël arrivent et Rémi décide d'apporter son appareil au chalet avec sa famille. « Je me suis amusé à prendre mes 36 poses. » Chacune des poses est réfléchie, parce que leur nombre est limité. Rémi prend parfois jusqu'à cinq minutes avant de tirer un portrait pour s'assurer que les paramètres soient parfaits.
Une semaine ou deux plus tard, il reçoit les images développées. Il n'a aucune attente. En voyant les résultats, il est « flabergasté » d'obtenir des résultats aussi impressionnants.
C'est le coup de foudre. « Je trouvais ça plus proche de la réalité que n'importe quelle photo numérique que j'avais pu réaliser ou voir avant. »
L'approche lente lui plaît énormément. « En numérique, il y a la possibilité de prendre le nombre de clichés que tu veux, puis répéter, recommencer encore pour arriver à un résultat parfait. »
Photos prises par Rémi Poitras PHOTO FOURNIE PAR RÉMI POITRAS Photo sur pellicule prise par Rémi Poitras à Cuba
PHOTO FOURNIE PAR RÉMI POITRAS Photo sur pellicule prise par Rémi Poitras à Montréal
PHOTO FOURNIE PAR RÉMI POITRAS
Photo sur pellicule prise par Rémi Poitras en Suisse
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En pellicule, il faut accepter les défauts d'une image, ce qui la rend terriblement plus humaine. « Il y a comme quelque chose de tangible. Il y a quelque chose d'hyper humain, puis d'authentique. On ne cherche pas la perfection. »
Une texture, une chaleur
Les contraintes sont une source de créativité pour lui. Avec les restrictions de la photographie analogique, « ça aide à être meilleur quand l'artiste retourne au numérique ». Sur pellicule, la sensibilité à la lumière – ou l'ISO – ne peut pas être changée avec des paramètres. Il faut donc s'en remettre à d'autres moyens, comme la vitesse d'obturation, la prise de vue ou la lumière naturelle.
L'étudiant en cinéma à l'Université du Québec à Montréal voit aussi l'engouement pour cette expression artistique chez ses amis. « C'est vraiment comme un hobby qui est différent du numérique. »
« Il y a quelque chose de magique dans la pellicule qu'on dirait qui est chaleureux. » Rémi fait le parallèle avec les vinyles qui, tout comme la photographie analogique, sont plus vrais.
Il n'est pas le seul à faire le parallèle. Adil Boukind, photographe pigiste, remarque aussi un boum de popularité, en comparant aussi avec le vinyle. Il travaille majoritairement en presse quotidienne, en vendant ses photos au Devoir, donc n'a pas la chance de photographier quotidiennement en pellicule.
Il aime l'approche documentaire, donc quand il a la chance d'avoir le temps de faire de la photographie analogique pour un contrat, il s'en réjouit. « Ça me permet de souffler un peu, d'être dans la lenteur. »
En vacances, la photo numérique étant devenue son gagne-pain, il s'adonne au plaisir de la photographie sur film.
Photos prises par Adil Boukind PHOTO FOURNIE PAR ADIL BOUKIND Photo sur pellicule prise par Adil Boukind
PHOTO FOURNIE PAR ADIL BOUKIND Photo sur pellicule prise par Adil Boukind
PHOTO FOURNIE PAR ADIL BOUKIND Photo sur pellicule prise par Adil Boukind
PHOTO FOURNIE PAR ADIL BOUKIND
Photo sur pellicule prise par Adil Boukind
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J'aime découvrir les photos trois mois plus tard. Il y a souvent des petits accidents sur les photos, c'est marrant.
Adil Boukind
Il est récemment parti en Égypte, là où il a pris plaisir à prendre plusieurs photos sur film, grâce à une bourse en photojournalisme du Fonds québécois en journalisme international. Son travail sera d'ailleurs exposé en octobre et en novembre à Chicoutimi.
Tout comme Rémi, Adil trouve que les photos sur numérique sont parfois « trop chirurgicales, trop parfaites ». Sur pellicule, il remarque que les couleurs sont beaucoup plus belles.
« On touche à quelque chose de tangible, qui est vraiment juste une question de réaction chimique. Il n'y a pas d'ordinateur, rien. Il y a quelque chose de concret dans mes mains », conclut Rémi.
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