logo
Retirer leurs armes aux maris violents? L'idée fait son chemin

Retirer leurs armes aux maris violents? L'idée fait son chemin

24 Heures7 days ago
Jessica Jaccoud (PS/VD) propose de saisir les armes à feu lors de séparations conflictuelles ou de violences conjugales. Elle est soutenue par des élus de gauche comme de droite. Publié aujourd'hui à 06h31
Les homicides commis par arme à feu dans la sphère domestique sont presque exclusivement perpétrés par des hommes.
Getty Images
En bref:
Egerkingen (SO) est une petite commune paisible. Mi-juin, elle a pourtant fait la une des journaux. Un homme de 41 ans tue par balle son ex-femme. Il se rend ensuite dans le village voisin, où il tue ses ex-beaux-parents. Il n'acceptait pas le divorce et était en conflit pour la garde de leur fils. Ces meurtres illustrent une tendance de fond. Près d'un quart des homicides commis avec une arme à feu dans la sphère domestique ont lieu lors d'une séparation ou peu après, selon une étude du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes (BFEG). Les victimes sont principalement des femmes.
Pour lutter contre ces féminicides, Jessica Jaccoud (PS/VD) a déposé une intervention parlementaire lors de la dernière session. Elle exige de confisquer les armes à feu d'une personne en cas de séparation conflictuelle ou de violences conjugales qui ont fait l'objet d'une plainte ou d'une dénonciation. Les policiers, les douaniers, les militaires en fonction et les agents secrets ne seraient pas concernés par le changement. Accessibilité des armes à feu cruciale
«La simple présence d'une arme à feu à la maison facilite le passage à l'acte», pointe la Vaudoise, s'appuyant sur l'étude du BFEG. Et de souligner que ce sont majoritairement des hommes suisses âgés, souvent d'anciens militaires ayant racheté leur arme de service, qui tuent leur compagne ou leur ex-compagne. «Supprimer le moyen, c'est supprimer l'opportunité. Car il faut savoir que ces féminicides ont souvent lieu quand leurs auteurs traversent une crise. Le fait de ne pas avoir un pistolet immédiatement sous la main peut changer l'issue.»
Faute d'armes à feu, les auteurs ne risquent-ils pas tout simplement de se tourner vers des armes blanches pour tuer leur (ex-)partenaire? Le dernier féminicide enregistré en Suisse est celui d'une jeune femme de 30 ans, début juillet, à Givisiez (FR). Son partenaire lui a asséné de multiples coups de couteau. Tout comme à leur bébé de 6 mois. Le rapport du BFEG montre d'ailleurs qu'il y a deux fois moins d'homicides commis avec une arme à feu que sans.
Jessica Jaccoud (PS/VD), conseillère nationale.
24 heures/Marie-Lou Dumauthioz
«Les profils psychologiques sont très différents, balaie Jessica Jaccoud. Le meurtrier qui utilise une arme à feu maintient une distance physique entre lui et sa victime. Souvent, il se suicidera juste après. Avec une arme blanche, on doit être très proche de sa victime. Les coups sont aussi souvent répétés. Et l'auteur ne retournera pas le couteau contre lui.»
Sa proposition a de bonnes chances de passer. Des élus Verts, centristes et PLR l'ont cosignée. Des voix dubitatives s'élèvent toutefois du côté de l'UDC. «Il est déjà possible de confisquer les armes des personnes violentes ou ayant proféré des menaces, souligne Manfred Bühler (UDC/BE). Je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire de changer la loi.»
Le député se dit favorable au retrait préventif des armes pour les personnes s'étant avérées véritablement dangereuses. «Mais je suis contre les automatismes. Ce sont les individus qui sont problématiques. Pas les armes. Des mesures trop coercitives pourraient faire perdre la confiance dans les autorités. Lors de séparations conflictuelles, les reproches fusent de toute part. Si l'épouse lance des accusations en l'air pour embêter son mari et que ce dernier se fait sortir du lit à 6 h par la police pour se faire saisir toutes ses armes, c'est inutilement brutal.»
Manfred Bühler (UDC/BE), conseiller national.
Nicole Philipp
Jessica Jaccoud se défend de tout excès. «Tant que des hommes tuent des femmes, il est nécessaire d'agir.» D'autant plus que le système juridique actuel est lacunaire, ajoute Julia Meier, responsable politique de l'association Brava, anciennement Terre des femmes. Le cas soleurois en est un exemple parfait. L'homme avait déjà proféré des menaces contre son ex-femme, avant de passer à l'acte. Gravité méconnue des violences conjugales
«Faute de connaissances, les autorités pénales ne comprennent pas toujours la complexité et la gravité des violences domestiques, souligne Julia Meier. Elles n'ordonnent alors pas la saisie des armes, qui serait pourtant nécessaire. Dans deux tiers des féminicides, les victimes ont fait l'objet de stalking . Pourtant, le stalking n'est souvent pas pris suffisamment au sérieux. Les armes ne sont, par exemple, pas toujours saisies.»
Son association, qui conseille les femmes victimes de violences conjugales, soutient fermement la proposition Jaccoud. Et elle va même plus loin. «À nos yeux, les armes de service ne devraient pas être conservées à la maison. Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une arme militaire qu'elle sera moins utilisée pour un féminicide.» L'idée, beaucoup plus clivante, risque d'affronter de fortes oppositions, alors que certains élus poussent dans le sens inverse. Un sénateur et un député UDC proposent même de remettre aux militaires des munitions de poche, adaptées à leur arme, pour qu'ils les conservent à la maison. Des menaces ont précédé un quart des féminicides
Les homicides commis par arme à feu dans la sphère domestique sont presque exclusivement perpétrés par des hommes, bien souvent suisses et âgés de plus de 60 ans. Et les victimes sont majoritairement leurs femmes, en grande partie suisses et de plus de 50 ans. Dans 61% des cas, l'auteur a ensuite retourné l'arme contre lui. Tels sont les résultats de l'une des rares études sur le sujet, à savoir le rapport «Homicides par arme à feu dans la sphère domestique» du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes (BFEG), sorti en février 2025.
Une différence notable doit toutefois être soulignée entre les homicides simples et les homicides suicides. Ces derniers sont généralement commis par des hommes plus âgés. L'âge moyen de l'auteur est de 67,9 ans. Pour les homicides simples, il s'établit à 55,8 ans. Leurs auteurs ont également plus de problèmes psychiques ou d'antécédents judiciaires que leurs aînés, et sont plus souvent sous l'influence de l'alcool ou de la drogue.
Dans un féminicide sur quatre, l'auteur avait déjà menacé la victime ou recouru à la violence à son encontre. Quelque 23% des meurtriers avaient déjà été condamnés et 4% avaient fait de la prison. Le moment le plus dangereux pour une femme est lorsqu'elle veut se séparer de son compagnon: 22,5% des homicides par arme à feu ont lieu lors de cette période.
L'actu sur les féminicides Newsletter
«Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde.
Autres newsletters
Delphine Gasche est correspondante parlementaire à Berne depuis mai 2023. Spécialisée en politique, elle couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, elle a travaillé pendant sept ans pour l'agence de presse nationale (Keystone-ATS) au sein des rubriques internationale, nationale et politique. Plus d'infos
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

Les commerçants lausannois mécontents ne sont plus anonymes
Les commerçants lausannois mécontents ne sont plus anonymes

24 Heures

time6 hours ago

  • 24 Heures

Les commerçants lausannois mécontents ne sont plus anonymes

Une campagne «indépendante et spontanée» dénonce la politique communale actuelle. Derrière l'initiative se cache un «serial entrepreneur» qui dit agir sans étiquette politique. Publié aujourd'hui à 18h59 DR Les élections communales approchent. Certains signes ne trompent pas. Comme cette campagne anonyme des «commerçants et entreprises du centre-ville qui en ont assez de la politique actuelle» de la Municipalité de Lausanne. Cela se traduit par des affichettes «Stop! On en a marre» que l'on peut voir sur certaines vitrines lausannoises. Ces tracts renvoient à un site web qui décompte les secondes jusqu'aux élections, le 8 mars prochain. Qui est à la manœuvre derrière cette initiative présentée comme «citoyenne, spontanée et indépendante»? La RTS a débusqué l'auteur du site internet. Il s'agit de Claudio Bocchia, un «serial entrepreneur» qui est à la tête de plusieurs sociétés comme Sigma Consulting, une agence de communication, ou Masculin Center, un institut de beauté pour homme. «Pas de comité, pas de porte-parole» L'entrepreneur siège également au comité de la Fédération vaudoise du commerce de détail et son agence de communication compte l'association des commerçants de la rue de Bourg et Saint-François parmi ses clients. Claudio Bocchia assure que cela n'a rien à voir avec sa démarche. «Cette initiative n'est pilotée ni par une association de commerçants ni par un parti politique. Il n'y a pas de comité d'organisation, pas de porte-parole. Il y a juste une mobilisation sincère, sans étiquette, née d'un profond ras-le-bol face à des réalités quotidiennes devenues intenables», précise-t-il à «24 heures» par SMS, en répétant une notice qui figure en bas de la page web. Non à la péréquation intercommunale Il y a tout de même une volonté claire de peser sur la campagne, puisque le site affiche aussi en grosses lettres: «Mon commerce ne soutient pas les autorités communales actuelles pour les élections 2026.» La Municipalité et le Conseil communal étant à majorité de gauche, Claudio Bocchia appelle-t-il à voter pour le camp d'en face? «Non, j'invite simplement les gens qui ont en marre à s'exprimer démocratiquement en votant.» Sur les tracts, on peut lire que le «ras-le-bol» est, notamment, dû aux «travaux sans fin», à la «suppression des stationnements», à la «généralisation du 30 km/h», aux «incivilités croissantes», au «trafic de drogue» ou encore à la «mendicité agressive». Parmi tous ces griefs, l'un paraît moins concernant pour des commerçants lausannois: «Contre la péréquation financière intercommunale pour mettre Lausanne devant ses responsabilités.» Claudio Bocchia, domicilié à Préverenges, nous explique: «Les gens ont en marre que la Ville de Lausanne fasse n'importe quoi avec l'argent qu'elle reçoit de la péréquation.» Les commerçants lausannois Newsletter «La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Renaud Bournoud est journaliste à la rubrique vaudoise de «24 heures» depuis 2012. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

201 personnes ont été victimes de traite d'êtres humains en Suisse en 2024
201 personnes ont été victimes de traite d'êtres humains en Suisse en 2024

24 Heures

time7 hours ago

  • 24 Heures

201 personnes ont été victimes de traite d'êtres humains en Suisse en 2024

La traite d'êtres humains est en légère hausse en Suisse: l'an dernier, 201 victimes ont été recensées par la Plateforme Traite, dont 73% sont des femmes. Publié aujourd'hui à 18h23 En 2024, les personnes qui ont subi de la traite provenaient de 54 pays différents (image d'illustration). Getty Images/Westend61 En Suisse, 201 victimes de traites d'êtres humains ont été recensées l'année dernière par la Plateforme Traite , soit une légère hausse par rapport à 2023. Près de trois quarts des victimes (73%) sont des femmes, selon les statistiques publiées mardi. «Ces chiffres ne cessent de confirmer que la traite d'êtres humains est une réalité en Suisse» écrit mardi la Plateforme Traite, qui regroupe les cinq organisations spécialisées dans le conseil et l'aide aux victimes (Fiz, Astrée, CSP Genève, Antenna et Avit) dans un communiqué. En 2024, les personnes qui ont subi de la traite provenaient de 54 pays différents, indique la plateforme. Les nouvelles victimes provenaient majoritairement du Nigeria, de la Colombie et de Hongrie. La Plateforme Traite souligne que ces chiffres ne «reflètent qu'une partie de la réalité du phénomène en Suisse». L'identification dépend en effet fortement de la présence de services spécialisés, du degré de sensibilisation à la thématique et des secteurs contrôlés. À lire aussi sur la traite d'êtres humains Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters ATS Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Victime d'une arnaque aux sentiments, ce septuagénaire piège à son tour 42 personnes.
Victime d'une arnaque aux sentiments, ce septuagénaire piège à son tour 42 personnes.

24 Heures

time7 hours ago

  • 24 Heures

Victime d'une arnaque aux sentiments, ce septuagénaire piège à son tour 42 personnes.

Un Valaisan de 72 ans a emprunté plus de 600'000 francs sans les rembourser. L'homme, ruiné par un amour virtuel, aurait escroqué des proches. Publié aujourd'hui à 18h07 Le Ministère public valaisan a ouvert une instruction pénale pour escroquerie. Police cantonale valaisanne Un Valaisan de 72 ans a été victime d'une arnaque sentimentale sur internet avant de causer lui-même un préjudice de plus de 600'000 francs à 42 personnes, rapporte un communiqué du Ministère public du canton du Valais ce mercredi. L'homme, après avoir été escroqué par une personne rencontrée en ligne, aurait à son tour emprunté de l'argent à des amis. Ruiné par les sollicitations financières répétées de son prétendu amour virtuel, le septuagénaire a multiplié les demandes d'argent auprès de son entourage pour continuer à satisfaire les exigences de son escroc. Ces emprunts, obtenus par des mensonges selon les autorités, n'auraient jamais été remboursés en raison de sa situation financière dégradée. Une instruction pénale pour escroquerie Le Ministère public valaisan indique avoir ouvert une instruction pénale concernant cette affaire. Jusqu'à présent, 42 personnes se sont manifestées auprès de la police cantonale pour signaler avoir été victimes de ces agissements. Les autorités rappellent toutefois que le principe de présomption d'innocence s'applique jusqu'au prononcé du jugement. Face à ce cas, la police cantonale valaisanne appelle à la vigilance. Elle insiste particulièrement sur le fait qu'un «amour basé sur l'argent n'est jamais le véritable amour». Les autorités recommandent de refuser les demandes d'ajout d'amis provenant d'inconnus sur les réseaux sociaux et de se méfier des personnes vivant dans des pays lointains qui souhaitent soudainement entamer une relation à distance. Il est également conseillé de se montrer suspicieux lorsque l'interlocuteur parle de sentiments intenses avant même une première rencontre, et de garder à l'esprit que tout peut être falsifié sur internet, des profils aux photos. La police rappelle enfin que toute demande d'argent ou de biens doit être un signal d'alarme immédiat pour couper court à la relation. Plus sur l'arnaque sentimentale Newsletter «La semaine valaisanne» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton du Valais, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Claude Béda est journaliste à la rubrique vaudoise de 24 heures. Licencié en sciences sociales et politiques, passionné par les sujets de société et la vie des gens d'ici, il a couvert plusieurs régions du canton, avant de rejoindre la rédaction lausannoise. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store