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80e anniversaire de la bombe d'Hiroshima

80e anniversaire de la bombe d'Hiroshima

La Presse05-08-2025
Au bout du fil, Katsukuni Tanaka ne cesse de s'excuser.
Même si sa vie a été largement définie par la bombe atomique qui a ravagé la ville où il est né il y a 80 ans, l'ancien journaliste japonais s'en veut de ne pas avoir grand-chose de « concret » à me raconter.
Voyez-vous, il avait 10 mois quand la bombe larguée par les États-Unis est tombée sur Hiroshima le 6 août 1945 à 8 h 15. « Je suis un survivant, mais j'étais un bébé. La sœur de ma mère, qui travaillait au bureau de poste, a été tuée par la bombe. On n'a jamais retrouvé ses restes », dit-il, à partir de Vancouver où il est de passage.
Après l'immense explosion, sa mère a pris le petit Katsukuni dans ses bras et a marché pendant 20 kilomètres pour se mettre à l'abri, laissant derrière elle 70 000 vies englouties, une ville calcinée et un fleuve couleur sang.
Ce n'était que le début. On estime que 145 000 personnes, empoisonnées par les retombées radioactives, sont mortes à Hiroshima dans les six mois qui ont suivi l'explosion. Et après, il y a eu les cancers. Une épidémie de cancers qui a emporté la mère et le grand-père maternel de M. Tanaka.
Aujourd'hui, son principal souvenir de l'évènement est le silence de ses proches. Dans sa famille, on ne parlait pas de cette arme nucléaire, Little Boy, nourrie par de l'uranium canadien, qui a pris pour cible des civils. On ne parlait pas de cet immense crime de guerre pour lequel les États-Unis n'ont jamais demandé pardon. Et pour cause, en parler a été interdit par l'armée d'occupation américaine pendant sept ans. La douleur, la discrimination et le stigmate ont ensuite entretenu ce lourd silence.
Encore aujourd'hui, Washington estime que la fin – freiner l'empereur Hirohito et l'armée japonaise afin de mettre un terme à la Seconde Guerre mondiale – justifiait tous les moyens.
Katsukuni Tanaka n'a peut-être pas de souvenirs de la bombe, mais ça ne l'a pas empêché de faire de la promotion de la paix un des piliers de sa vie, comme beaucoup d'autres Hibakusha, le nom donné aux survivants des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki.
PHOTO LAURA-JULIE PERREAULT, ARCHIVES LA PRESSE
Katsukuni Tanaka, devant le dôme de Genbaku, à Hiroshima, au Japon
Leur travail acharné a été récompensé par le prix Nobel de la paix l'an dernier. Lors de la remise du prix en Norvège, c'est un autre Tanaka, Terumi, aujourd'hui âgé de 93 ans, qui a pris la parole pour Nihon Hidankyo, l'Association des victimes de la bombe atomique et de la bombe à hydrogène. « Nous [demandons] l'abolition des armes nucléaires, qui sont des armes de tueries de masse inhumaines et ne doivent pas pouvoir coexister avec l'humanité », a-t-il réitéré au nom des 99 000 Hibakusha encore vivants aujourd'hui. Ils étaient 650 000 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Ceux qui restent partagent une inquiétude viscérale. L'opprobre mondial entourant les armes nucléaires – opprobre qu'ils ont nourri de leurs histoires – faiblit de jour en jour. Les fortes mutations dans l'ordre mondial font actuellement ressurgir la tentation nucléaire à travers le monde, comme l'a récemment détaillé mon collègue Marc Thibodeau dans un dossier1. Le tout est accompagné par une course à l'armement qui balaie la planète entière. Le résultat, c'est qu'on n'a jamais été aussi proche d'une autre catastrophe nucléaire, selon le Bulletin of Atomic Scientists, mis sur pied par les scientifiques du Projet Manhattan, qui ont créé Little Boy.
« Au Japon, des mouvements politiques très à droite veulent tourner le dos à la culture pacifiste, c'est dangereux, mais je suis convaincu que la majorité des Japonais n'est pas de cet avis », dit Katsukuni Tanaka, en faisant référence à la montée du parti d'extrême droite Sanseito aux élections sénatoriales du mois dernier.
M. Tanaka ne voit pas non plus d'un bon œil le regain d'intérêt de plusieurs pays à l'égard de l'énergie nucléaire. « Au Japon, on a vécu la catastrophe de la centrale Fukushima après un tsunami. On mettra encore 30 ans à s'en remettre complètement. En Ukraine, on craint tous les jours pour la centrale de Zaporijjia, qui se retrouve au cœur des combats », rappelle-t-il.
Découragé par la posture des États à l'égard du nucléaire, Katsukuni Tanaka continue de penser que ce sont les individus qui feront la différence à travers une sensibilisation de personne à personne. J'en suis moi-même le produit. M. Tanaka m'a fait visiter sa ville en 20192. Il a aussi été le photographe d'Yves Boisvert lors de sa visite à Hiroshima en 2015.
Un des fondateurs de l'Association Hiroshima-Canada, M. Tanaka a aussi multiplié au cours des ans les voyages au Canada et les amitiés à Montréal, notamment avec l'ancien maire Pierre Bourque. C'est d'ailleurs dans le Jardin japonais qu'a créé M. Bourque qu'aura lieu la commémoration du 80e anniversaire de la bombe d'Hiroshima en ce mardi 5 août, à 19 h 15, soit l'heure de son explosion au Japon.
M. Tanaka, lui, sera à Toronto lors de ce triste anniversaire, auprès d'une autre Hibakusha de renommée internationale, Setsuko Thurlow, aujourd'hui citoyenne canadienne. Cette dernière est l'une des figures de proue de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN), qui a remporté un autre prix Nobel de la paix, en 2017, pour avoir été à l'origine du Traité pour l'interdiction des armes nucléaires, aujourd'hui ratifié par 73 pays.
« La politique, c'est compliqué, mais à travers le monde, il y a un immense réseau de citoyens qui se battent pour la paix », note Katsukuni Tanaka, qui est en contact avec des militants de toutes les nationalités, de tous les horizons
C'est d'ailleurs à ces agents de la paix que je penserai à l'heure de la commémoration de la tuerie d'Hiroshima, tout en demandant à l'univers de faire de chacun de nous des héritiers des Hibakusha.
1. Lisez notre dossier « La tentation nucléaire »
2. Lisez la chronique « Hiroshima mon amour » de Laura-Julie Perreault
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Les réfugiés ukrainiens en Alaska se préparent à l'arrivée de Poutine
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La Presse

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Les réfugiés ukrainiens en Alaska se préparent à l'arrivée de Poutine

Environ 1000 réfugiés ukrainiens se sont installés en Alaska après le début de la guerre. Parmi les millions d'Ukrainiens chassés de leurs foyers par l'invasion russe, 1000 ont abouti, contre toute attente, en Alaska. Ils ont trouvé du travail dans les pêcheries et les boulangeries, ont appris à conduire sur les routes enneigées en hiver, et se sont construit une nouvelle vie. Jack Healy, Julia O'Malley et Emily Schwing The New York Times Aujourd'hui, ils observent avec un mélange d'espoir et d'inquiétude l'arrivée dans l'État américain où ils ont trouvé refuge de l'homme qui a mené l'attaque contre leur patrie, le président russe Vladimir Poutine, venu rencontrer le président américain Donald Trump vendredi dans une base militaire à Anchorage. « Il est difficile d'accepter qu'il va être ici », déclare Liudmyla Stretovych, qui a quitté l'Ukraine deux semaines après l'invasion russe en février 2022, à propos de Poutine. « Nous avons beaucoup souffert à cause de lui. » PHOTO ASH ADAMS, NEW YORK TIMES Liudmyla Stretovych Toute l'Alaska est en émoi à propos du sommet, les habitants discutent de la présence d'agents des services secrets dans les cafés, tandis que les autorités de l'État se demandent s'il faut fermer les routes pour des raisons de sécurité et composer avec la fermeture de l'espace aérien pendant la haute saison touristique estivale. Pour leur part, les nouveaux arrivants ukrainiens en Alaska soutiennent que la visite imminente de Poutine les avait profondément bouleversés, ramenant une guerre, qui n'est jamais loin dans leur esprit, dans leur propre cour arrière. Stretovych, 42 ans, et ses deux enfants ont passé les premiers jours de la guerre, au début de 2022, blottis dans le sous-sol de leur immeuble à Kyiv avant de fuir. Ils sont arrivés aux États-Unis dans le cadre d'un programme de l'ère Biden appelé Uniting for Ukraine, qui a permis à 240 000 Ukrainiens de vivre et de travailler aux États-Unis avant que Trump ne suspende les nouvelles demandes peu après son entrée en fonction. PHOTO ASH ADAMS, NEW YORK TIMES Les nouveaux arrivants ukrainiens en Alaska soutiennent que la visite imminente de Vladimir Poutine les a profondément bouleversés, ramenant une guerre, qui n'est jamais loin dans leur esprit, dans leur propre cour arrière. Des liens familiaux les ont amenés à Anchorage, où Stretovych a trouvé un emploi comme fleuriste dans un supermarché et chauffeuse Uber. Son fils de 7 ans s'est mis au taekwondo, tandis que sa fille de 15 ans a rejoint l'équipe de volley-ball de son école secondaire. Mais Stretovych ne peut pas se sentir pleinement installée en Alaska tant que la guerre fait rage. Sa mère vit toujours en Ukraine et l'un de ses cousins, un soldat, a été tué dans le conflit, explique-t-elle. « C'est difficile, dit-elle. Je veux que cette guerre s'arrête. » Prudence d'abord et avant tout Plusieurs immigrants indiquent qu'ils prévoient rester à l'écart des manifestations pro-ukrainiennes prévues jeudi et vendredi autour d'Anchorage, craignant de faire quelque chose qui puisse compromettre leur statut d'immigrant, alors que l'administration Trump supprime les protections gouvernementales accordées aux personnes fuyant les conflits. 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Ils se sont réunis dimanche dans une église russo-ukrainienne locale pour prier pour la paix. « Je ne peux pas me préoccuper de la géopolitique », déclare Yuliia Maiba, 31 ans, qui a quitté l'Ukraine en décembre 2023 avec ses filles jumelles, aujourd'hui âgées de 8 ans. « La seule chose qui m'inquiète, c'est ma famille, que mes proches soient en vie. » PHOTO ASH ADAMS, NEW YORK TIMES Yuliia Maiba et ses deux filles Maiba est arrivée en Alaska pour la première fois à l'âge de 15 ans dans le cadre d'un programme d'échange scolaire, et sa famille d'accueil lui a proposé de l'accueillir à nouveau après l'invasion de la Russie en février 2022. « Ce n'était pas mon rêve de revenir », admet-elle, mais l'aggravation des violences et leurs conséquences sur ses filles ont contraint la famille à partir. Ils ont emménagé dans un petit appartement attenant à la maison de la famille d'accueil de Maiba. 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Et certains dirigeants autochtones d'Alaska disent avoir été totalement exclus de la planification et des discussions à propos d'un sommet ayant lieu sur leurs terres ancestrales. « Nous devrions être à la table à dîner, pas le serviteur », déclare Faye Ewan, une aînée du village de Kluti-Kaah à Copper Center, à environ 320 kilomètres à l'est d'Anchorage. Entre doute et espoir Certains Ukrainiens ne sont pas optimistes quant à la possibilité que Trump parvienne à un accord acceptable avec Poutine, qu'ils dénoncent comme un criminel de guerre impénitent qui continue de bombarder l'Ukraine malgré les précédentes rondes de négociations. « Nous savons ce que veut Poutine », affirme Olha Korol, qui a fui la ville ukrainienne de Dnipro au début de la guerre avec son mari et ses trois enfants, et qui travaille désormais comme coiffeuse en Alaska. « Il veut toujours plus de territoire ukrainien. » Mais Svitlana Shyrinian, 55 ans, souligne qu'elle doit garder espoir. 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