
Les réfugiés ukrainiens en Alaska se préparent à l'arrivée de Poutine
Parmi les millions d'Ukrainiens chassés de leurs foyers par l'invasion russe, 1000 ont abouti, contre toute attente, en Alaska. Ils ont trouvé du travail dans les pêcheries et les boulangeries, ont appris à conduire sur les routes enneigées en hiver, et se sont construit une nouvelle vie.
Jack Healy, Julia O'Malley et Emily Schwing
The New York Times
Aujourd'hui, ils observent avec un mélange d'espoir et d'inquiétude l'arrivée dans l'État américain où ils ont trouvé refuge de l'homme qui a mené l'attaque contre leur patrie, le président russe Vladimir Poutine, venu rencontrer le président américain Donald Trump vendredi dans une base militaire à Anchorage.
« Il est difficile d'accepter qu'il va être ici », déclare Liudmyla Stretovych, qui a quitté l'Ukraine deux semaines après l'invasion russe en février 2022, à propos de Poutine. « Nous avons beaucoup souffert à cause de lui. »
PHOTO ASH ADAMS, NEW YORK TIMES
Liudmyla Stretovych
Toute l'Alaska est en émoi à propos du sommet, les habitants discutent de la présence d'agents des services secrets dans les cafés, tandis que les autorités de l'État se demandent s'il faut fermer les routes pour des raisons de sécurité et composer avec la fermeture de l'espace aérien pendant la haute saison touristique estivale.
Pour leur part, les nouveaux arrivants ukrainiens en Alaska soutiennent que la visite imminente de Poutine les avait profondément bouleversés, ramenant une guerre, qui n'est jamais loin dans leur esprit, dans leur propre cour arrière.
Stretovych, 42 ans, et ses deux enfants ont passé les premiers jours de la guerre, au début de 2022, blottis dans le sous-sol de leur immeuble à Kyiv avant de fuir. Ils sont arrivés aux États-Unis dans le cadre d'un programme de l'ère Biden appelé Uniting for Ukraine, qui a permis à 240 000 Ukrainiens de vivre et de travailler aux États-Unis avant que Trump ne suspende les nouvelles demandes peu après son entrée en fonction.
PHOTO ASH ADAMS, NEW YORK TIMES
Les nouveaux arrivants ukrainiens en Alaska soutiennent que la visite imminente de Vladimir Poutine les a profondément bouleversés, ramenant une guerre, qui n'est jamais loin dans leur esprit, dans leur propre cour arrière.
Des liens familiaux les ont amenés à Anchorage, où Stretovych a trouvé un emploi comme fleuriste dans un supermarché et chauffeuse Uber. Son fils de 7 ans s'est mis au taekwondo, tandis que sa fille de 15 ans a rejoint l'équipe de volley-ball de son école secondaire.
Mais Stretovych ne peut pas se sentir pleinement installée en Alaska tant que la guerre fait rage. Sa mère vit toujours en Ukraine et l'un de ses cousins, un soldat, a été tué dans le conflit, explique-t-elle.
« C'est difficile, dit-elle. Je veux que cette guerre s'arrête. »
Prudence d'abord et avant tout
Plusieurs immigrants indiquent qu'ils prévoient rester à l'écart des manifestations pro-ukrainiennes prévues jeudi et vendredi autour d'Anchorage, craignant de faire quelque chose qui puisse compromettre leur statut d'immigrant, alors que l'administration Trump supprime les protections gouvernementales accordées aux personnes fuyant les conflits. Selon des groupes de défense locaux, plusieurs Ukrainiens en Alaska ont déjà dû quitter le pays parce que leur statut légal était échu.
Au lieu de cela, les Ukrainiens d'Alaska discutent discrètement de leurs espoirs et de leurs préoccupations à propos du sommet dans des groupes d'études bibliques, ou lorsqu'ils parlent à leurs proches restés à la maison. Ils se sont réunis dimanche dans une église russo-ukrainienne locale pour prier pour la paix.
« Je ne peux pas me préoccuper de la géopolitique », déclare Yuliia Maiba, 31 ans, qui a quitté l'Ukraine en décembre 2023 avec ses filles jumelles, aujourd'hui âgées de 8 ans. « La seule chose qui m'inquiète, c'est ma famille, que mes proches soient en vie. »
PHOTO ASH ADAMS, NEW YORK TIMES
Yuliia Maiba et ses deux filles
Maiba est arrivée en Alaska pour la première fois à l'âge de 15 ans dans le cadre d'un programme d'échange scolaire, et sa famille d'accueil lui a proposé de l'accueillir à nouveau après l'invasion de la Russie en février 2022.
« Ce n'était pas mon rêve de revenir », admet-elle, mais l'aggravation des violences et leurs conséquences sur ses filles ont contraint la famille à partir. Ils ont emménagé dans un petit appartement attenant à la maison de la famille d'accueil de Maiba. Elle a trouvé un emploi comme enseignante d'anglais à d'autres immigrants et dans la formation professionnelle auprès du New Chance United Relief Program, une organisation locale à but non lucratif qui vient en aide à de nombreux Ukrainiens de la région.
Statut juridique incertain
Zori Opanasevych, directrice exécutive du groupe, a aidé à organiser des vols et des parrainages qui ont permis à des centaines de nouvelles familles ukrainiennes de s'installer en Alaska. Selon elle, beaucoup se trouvent désormais dans une situation incertaine, leur statut juridique risquant d'expirer.
« Ils essaient de se concentrer sur leur vie ici, de s'investir dans leur travail, d'apprendre l'anglais et de mener une vie positive », explique Mme Opanasevych, dont la famille a immigré en Alaska dans les années 1990.
Depuis l'annonce du sommet, elle rêve à ce qui se passerait si elle croisait Poutine dans les rues d'Anchorage. Que lui dirait-elle ? Et comme le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est pas invité, Mme Opanasevych indique qu'elle souhaite y assister afin que quelqu'un puisse parler au nom des Ukrainiens d'Alaska.
Les dirigeants de l'Alaska ont salué ce sommet, affirmant qu'il mettait en évidence l'importance géopolitique de l'État dans l'Arctique.
« Je pense que l'État est enthousiasmé par ce sommet », a déclaré le gouverneur Mike Dunleavy, républicain et allié de Trump, lors d'une entrevue. « Nous aimons croire que l'Alaska est au centre du monde. Nous sommes plus proches de Moscou que ne l'est peut-être Washington. C'est tout à fait logique d'un point de vue géographique et politique. »
Plaintes et protestations
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À Anchorage, des résidants protestent contre le sommet en accrochant des drapeaux ukrainiens à l'extérieur de leurs maisons et en suspendant des banderoles de soutien à l'Ukraine sur les ponts routiers.
Mais divers habitants de l'Alaska ont exprimé leurs inquiétudes. Certains se sont plaints que les exigences en matière de sécurité liées à l'accueil de deux présidents mettraient à rude épreuve les ressources au moment où les aéroports et les quais de croisière de l'Alaska sont bondés de touristes, et où la fonte des glaciers inonde certaines parties de la capitale de l'État, Juneau.
À Anchorage, les résidants libéraux protestent contre le sommet en accrochant des drapeaux ukrainiens à l'extérieur de leurs maisons et en suspendant des banderoles de soutien à l'Ukraine sur les ponts routiers. Certains plaisantent en disant qu'ils craignent que Trump ne revende l'Alaska à la Russie pour conclure un accord sur l'Ukraine.
Et certains dirigeants autochtones d'Alaska disent avoir été totalement exclus de la planification et des discussions à propos d'un sommet ayant lieu sur leurs terres ancestrales.
« Nous devrions être à la table à dîner, pas le serviteur », déclare Faye Ewan, une aînée du village de Kluti-Kaah à Copper Center, à environ 320 kilomètres à l'est d'Anchorage.
Entre doute et espoir
Certains Ukrainiens ne sont pas optimistes quant à la possibilité que Trump parvienne à un accord acceptable avec Poutine, qu'ils dénoncent comme un criminel de guerre impénitent qui continue de bombarder l'Ukraine malgré les précédentes rondes de négociations.
« Nous savons ce que veut Poutine », affirme Olha Korol, qui a fui la ville ukrainienne de Dnipro au début de la guerre avec son mari et ses trois enfants, et qui travaille désormais comme coiffeuse en Alaska. « Il veut toujours plus de territoire ukrainien. »
Mais Svitlana Shyrinian, 55 ans, souligne qu'elle doit garder espoir. Elle a fui l'Ukraine avec ses deux filles au début de la guerre, emportant seulement une petite valise en espérant qu'elles seraient de retour chez elles dans deux semaines.
Avocate d'affaires en Ukraine, elle travaille désormais comme caissière dans un déli à Anchorage, où elle pèse des saucisses et vend de la choucroute à ses compatriotes ukrainiens. Ces derniers temps, le sommet est dans tous les esprits. Elle ne peut pas se permettre d'être cynique.
« J'ai toujours de l'espoir, dit-elle. Comment peut-on rêver autrement, s'il n'y a pas de paix ? »
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