logo
Une bibliothèque comme une petite librairie

Une bibliothèque comme une petite librairie

La Presse3 days ago
En ce 12 août, où le livre québécois est à l'honneur, Jules Faulkner Leroux, facteur et écrivain, nous donne sa définition bien à lui de ce que pourrait être une bibliothèque idéale
Jules Faulkner Leroux
Facteur et écrivain*
Je semble avoir développé ce qui pourrait s'apparenter à une relation malsaine avec les livres. Une compulsion, voire une dépendance. Car pour l'instant, il ne s'agit pas de les lire, mais de les posséder. Probablement la pire raison pour aimer la littérature, me direz-vous. Bref, ma bibliothèque déborde et mes piles à lire s'érigent en petits stacks, ici et là dans ma maison.
Derrière ce désir il y a, comme pour la plupart des histoires d'amour, une attirance physique : l'objet-livre me fascine. Je ne peux m'empêcher de le saisir, mes mains doivent le parcourir et faire défiler ses pages, je dois aussi le sentir.
Mais lorsqu'on a plus de livres qu'on ne saurait en lire, force est de constater que, pour soi, « avoir » est la réelle motivation et que « lire » est un accessoire que l'on remettra à plus tard – mais à quand, au fait ?
À cette angoisse littéraire (et financière aussi, il faut le dire), j'ai pu trouver, au fil du temps, différentes théories déculpabilisantes qui m'aident à justifier l'accroissement perpétuel de ma bibliothèque.
La bibliothèque-cellier
La première théorie que j'ai trouvée veut qu'une bibliothèque ne soit pas différente d'un cellier : on ne boit pas toutes les bouteilles de vin que l'on achète le même jour. Comme pour certaines bonnes bouteilles, on se garde des livres et on les ressortira plus tard, lorsqu'on aura envie de rencontrer un nouvel ami ou d'en retrouver un.
J'ajoute à cette théorie qu'on peut relire un livre autant de fois qu'on en ressent l'envie. Alors, bien souvent, le livre nous en donne encore davantage ; c'est qu'entre-temps nous avons mûri, telle une bonne bouteille, et ce livre que l'on pense déjà connaître s'ouvre soudainement sur de nouvelles notes.
Enfin, la bouteille de vin doit se racheter chaque fois qu'elle se vide. Grâce à la relecture, la collection de livres est donc plus économique. Oui, l'ivresse a bien meilleur coût.
La bibliothèque-pharmacie
Une autre théorie, attribuée à Umberto Eco, pousse le raisonnement plus loin : notre bibliothèque ne serait pas un cellier, mais une pharmacie. Et comme il nous est impossible de savoir de quel mal nous souffrirons, il est plus sage de posséder de façon préventive tous les remèdes. Ainsi, le moment venu, il suffira de se diriger vers notre bibliothèque-pharmacie et de sélectionner le livre qui soignera notre état d'esprit. Les mots savent soigner les maux, ça, n'importe quel pharmacien ou psychologue vous le confirmera.
De mon côté, je dois concéder que mon rapport aux livres n'est ni épicurien ni pharmaceutique. Il s'agit plutôt, comme mentionné précédemment, d'un rapport tout à fait malsain : il me faut les posséder. Lorsque je les vois, jolis, fraîchement imprimés, et que leur quatrième de couverture est écrite pour moi, il me faut les avoir, tout simplement et sans autres considérations.
Mais il y a autre chose. C'est que j'aspire moi aussi à devenir écrivain et, par une superstition tout à fait ésotérique, j'ai secrètement espoir qu'en me procurant ce nouveau livre et en l'insérant tout bonnement dans ma bibliothèque, ses qualités littéraires et le génie de l'auteur s'infuseront aussitôt en moi, par un phénomène magique de percolation – je sais le ridicule de la chose, inutile de me le rappeler.
En plus des nouveaux livres que j'achète dans les librairies, en plus des très nombreux livres que j'achète dans les librairies de livres usagés, j'emprunte aussi des livres à la bibliothèque.
C'est que la bibliothèque est parfois mon bureau d'écriture. Lorsque j'y vais, avant d'y poser mon postérieur, je m'arrête souvent devant le présentoir, à l'entrée. Là, on ne retrouve pas les livres de l'heure, ceux dont on nous a déjà vendu les mérites. On retrouve plutôt les recommandations des bibliothécaires. Un choix aussi riche qu'éclectique. Des livres, à mon avis, potentiellement plus intéressants que les buzz littéraires de l'heure, car avant ce moment, je ne savais pas encore que j'en avais besoin. Ce riche terreau littéraire, dénué de tout intérêt mercantile et qui ne repose sur rien d'autre que l'humeur d'un ou une bibliothécaire, me permet de croire, un instant, en la découverte d'un trésor qui ne demande qu'à être cueilli.
Ma théorie : la bibliothèque-librairie
Pour justifier mes (trop) nombreux achats, j'ai fini par élaborer ma propre théorie : on doit faire de sa bibliothèque non pas un cellier ni une pharmacie, mais une petite bibliothèque municipale, ou, encore l'étalage d'une librairie qui mettrait de l'avant non pas les nouveautés du moment, encore moins le palmarès des ventes, mais les coups de cœur des libraires. En somme, on doit posséder suffisamment de livres non lus pour que, bien longtemps après l'excitation suivant la parution du livre que tout le monde s'arrache un certain 12 août, on puisse le découvrir, seul, chez soi, comme pour la première fois.
La rentrée littéraire d'automne, la rentrée littéraire d'hiver, les parutions des livres « de plage » et le 12 août sont tout autant de wagons remplis à ras bord. Oui, il est opportun d'acheter son billet à l'avance, mais parfois, il est bon de laisser passer quelques trains avant d'entreprendre ce genre de voyage. Alors, on bénéficie d'un siège de choix, sur le bord de la fenêtre, et le paysage s'offre entièrement à nous : la vue est dégagée et il n'y a plus toute cette rumeur qui nous somme d'en profiter ; on est alors disposé à découvrir un trésor qui était juste là, devant nous, dans notre bibliothèque-librairie.
Quelle que soit votre approche pour votre bibliothèque personnelle, je vous souhaite de trouver, ce 12 août, le trésor que vous recherchez. Mais gardez en tête qu'au-delà des écus étincelants, les perles, elles, mettent du temps, beaucoup de temps, à arriver à terme.
* L'auteur publiera le court roman La rue dévore le 24 septembre aux éditions L'Interligne.
Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

Gilles Proulx poursuit Marie-Claude Savard en diffamation
Gilles Proulx poursuit Marie-Claude Savard en diffamation

La Presse

time3 hours ago

  • La Presse

Gilles Proulx poursuit Marie-Claude Savard en diffamation

L'animateur Gilles Proulx poursuit en diffamation la productrice et animatrice Marie-Claude Savard pour 140 000 $. Il lui reproche de l'avoir accusé d'avoir volé 90 000 $ à l'ex-boxeur Alex Hilton. Des accusations fausses et « extrêmement graves », selon Gilles Proulx. « [Marie-Claude Savard] a commis une faute grave en relayant des allégations de détournement de fonds sans preuve, ni vérification, et en les amplifiant à travers de multiples canaux médiatiques de premier plan », allègue-t-on dans une poursuite en diffamation déposée jeudi au palais de justice de Montréal. Cette affaire découle du documentaire Être un Hilton diffusé sur la plateforme Crave en octobre 2024, et rediffusé sur des chaînes de Bell. Ce documentaire produit et animé par Marie-Claude Savard présente la rédemption de l'ex-boxeur Alex Hilton. Un pan majeur est consacré à la disparition d'un pécule de 90 000 $ amassé par l'athlète en fin de carrière, alors que Gilles Proulx était son agent. En entrevue sur les ondes de Radio-Canada pour faire la promotion du documentaire, Marie-Claude Savard a déclaré que ces 90 000 $ ont « été volés par un animateur de radio bien connu, qui a accepté de faire le documentaire. Faque c'était Gilles Proulx ». Des propos « diffamatoires et calomnieux », insiste M. Proulx dans sa poursuite. Dans le documentaire, Marie-Claude Savard orchestre un « récit accusatoire » qui laisse « faussement entendre » que Gilles Proulx aurait détourné 90 000 $ à Alex Hilton, et ce, sans la moindre preuve, outre les dires de l'ex-boxeur, affirme le clan Proulx dans la poursuite. « En procédant ainsi, [Marie-Claude Savard] a sciemment tourné le dos à toute objectivité, dirigeant ses propos à l'aide de questions suggestives ; elle a fabriqué un récit à charge faisant passer [Gilles Proulx] pour un voleur, sans jamais lui offrir un véritable droit de réponse », peut-on lire dans la poursuite déposée par Me John T. Pepper Jr. « [Marie-Claude Savard] a volontairement abandonné toute rigueur, se présentant comme narratrice omniprésente, intervenante partisane, et même, selon ses propres mots, 'avocate' de Monsieur Hilton, adoptant ainsi une posture accusatoire plutôt qu'informative », indique-t-on dans la requête. Selon la poursuite, Gilles Proulx avait recommandé à l'époque à Alex Hilton de déposer ses bourses dans un compte à la Caisse Desjardins. Or, un autre homme, Jean-Léon Gélinas, a « plutôt incité » Alex Hilton à investir les fonds par l'entremise de Victor Lacroix. Mais tout le magot s'est envolé, en même temps que ce Victor Lacroix. La Presse était revenue sur cette affaire en novembre 2024. En entrevue, Gilles Proulx avait juré n'avoir « jamais volé Alex Hilton ». Il expliquait avoir été « naïf » d'investir l'argent du boxeur vers 2004, mais qu'il avait agi comme un « grand frère ». Les conséquences sur sa réputation ont été majeures, affirme Gilles Proulx. Les propos « diffamatoires et calomnieux » ont été diffusés à « grande échelle » sur Crave, Noovo, Canal D, Radio-Canada et De plus, plusieurs articles ont été publiés sur cette affaire. Gilles Proulx affirme avoir subi une perte « importante » de contrats professionnels, dont sa participation à QUB Radio en janvier 2025. Il a aussi été visé par des propos haineux sur les réseaux sociaux, en plus d'être harcelé à plusieurs reprises dans des lieux publics. « Il endure une souffrance psychologique constante, liée à cette campagne de salissage injustifiée, humiliante et profondément blessante », indique-t-on dans la poursuite. C'est pourquoi Gilles Proulx réclame 105 000 $ en dommages moraux et 35 000 $ en dommages punitifs. Il demande aussi des excuses publiques de Marie-Claude Savard et une rétractation complète. Joints par La Presse, Gilles Proulx et Marie-Claude Savard ont refusé de commenter en raison du processus judiciaire en cours.

Le SPVM enquête sur des cas d'intoxications à ÎleSoniq
Le SPVM enquête sur des cas d'intoxications à ÎleSoniq

La Presse

time3 hours ago

  • La Presse

Le SPVM enquête sur des cas d'intoxications à ÎleSoniq

Le corps policier invite les victimes et les témoins à contacter le 9-1-1 ou leur poste de quartier. (Montréal) Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) enquête sur des cas d'intoxications qui seraient survenues à l'insu des victimes lors du festival de musique électronique ÎleSoniq, le week-end dernier à Montréal. La Presse Canadienne Le SPVM se penche sur six cas qui ont été rapportés au corps policier, qui seraient survenus les 9 et 10 août derniers à l'évènement au parc Jean-Drapeau. « Dans l'ensemble d'entre eux, les victimes auraient ressenti une forte piqûre dans la partie arrière du corps alors qu'elles se trouvaient parmi la foule. Par la suite, certaines des victimes, qui sont des femmes et des hommes, se seraient senties étourdies », précise le SPVM, par voie de communiqué. Le corps policier invite les victimes et les témoins à contacter le 9-1-1 ou leur poste de quartier. Le SPVM précise qu'il est aussi possible d'effectuer un signalement de façon anonyme avec Info-Crime Montréal, au 514-393-1133 ou sur le site web d'Info-Crime. Des récompenses allant jusqu'à 3000 $ peuvent être remises par Info-Crime Montréal pour des informations menant à l'arrestation d'un suspect. « À ce stade-ci, il est prématuré de fournir des précisions additionnelles sur l'enquête en cours ou de confirmer si les évènements rapportés seraient reliés. À noter que les responsables de la sécurité du festival ÎleSoniq et d'evenko collaborent étroitement avec le SPVM afin de faire progresser l'enquête », affirme le corps policier.

Comme une jument sauvage
Comme une jument sauvage

La Presse

time5 hours ago

  • La Presse

Comme une jument sauvage

Synopsis : Au Dakota du Sud, une veuve élevant des chevaux reçoit d'un riche homme d'affaires une offre d'achat pour ses 3000 acres de terrain. Tabatha Zimiga n'est ni un personnage de fiction ni une actrice. C'est une force de la nature. Une héroïne comme on aime en voir au cinéma. Une femme hors du commun incarnant fièrement le Nouvel Ouest tel que le dépeint, dans toute sa splendeur et dans toute sa rigueur, Kate Beecroft dans East of Wall (Prix du public à Sundance). Fascinée par cette figure féminine évoquant les légendes de l'Ouest qu'ont été Annie Oakley, Calamity Jane et Belle Starr, la cinéaste l'a suivie pendant trois ans afin de s'inspirer de sa vie pour son premier long métrage. Arborant crinière platine, coupe guerrière, tatouages et piercings, Tabatha possède un don unique pour élever les chevaux jugés indomptables. Veuve depuis un an, elle refuse de remonter à cheval, préférant entraîner des jeunes filles, dont sa fille adolescente (Porshia Zimiga), à exécuter des acrobaties à cheval afin de vendre ses chevaux. Vivant avec sa mère Tracey (l'Anglaise Jennifer Ehle dans un surprenant contre-emploi), qui fabrique le meilleur moonshine du coin, Tabatha élève ses trois enfants en plus d'offrir un gîte aux jeunes en difficulté, parmi lesquels des Autochtones et des immigrants. Lors d'une vente aux enchères, Roy Waters (Scoot McNairy), riche homme d'affaires, remarque Tabatha. Sachant qu'elle tire le diable par la queue, Roy lui propose de racheter son ranch. PHOTO FOURNIE PAR MÉTROPOLE FILMS Tabatha Zimiga et Porshia Zimiga dans East of Wall, de Kate Beecroft À la fois drame familial intimiste sur le deuil et peinture de milieu naturaliste, où la plupart des personnages sont incarnés avec aisance par des non-professionnels dans leur propre rôle, East of Wall séduit d'abord par son esthétisme. Dans la lumière du directeur photo Austin Shelton, les plaines dorées du Dakota du Sud et les rochers escarpés des Badlands rivalisent de beauté avec le bleu du ciel. En contrepoint à ces moments contemplatifs, lesquels traduisent avec brio la soif de liberté de Tabatha, Kate Beecroft offre des chevauchées haletantes où Porshia, digne fille de sa mère, fait littéralement corps avec sa monture sous le regard émerveillé de Roy. Soucieuse d'illustrer l'Ouest d'aujourd'hui avec authenticité, la réalisatrice y intercale judicieusement des images de TikTok tournées par les jeunes écuyères et des chansons hip-hop. À la lumière de ce que présente Kate Beecroft, l'Ouest demeure un territoire hostile pour l'être humain, où la femme peut tout de même se tailler une place de choix. Alors que les États-Unis paraissent plus divisés que jamais, East of Wall laisse aussi présumer qu'il existe encore des coins de pays où le vivre-ensemble est possible. En salle Consultez l'horaire du film

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store