La Bretagne s'affirme, la Nouvelle-Aquitaine en berne... quelles sont les régions les plus représentées dans l'histoire de la Ligue 1 ?
L'idée nous est venue en regardant une cartographie des clubs prenant part cette saison à la Ligue 1, car la rupture est nette. Si la partie nord de la France est massivement représentée, celle du sud ne compte que cinq équipes sur dix-huit (voir par ailleurs). « Une morne plaine, même si la donne pourra toujours un peu évoluer l'année prochaine », affirme Loïc Ravenel, docteur en géographie et chercheur au Centre international d'études du sport. Mais forcément, ce contraste intrigue. Et il nous a poussés à tenter de comprendre l'histoire du Championnat de France de D1.
Pour y parvenir, nous avons pris en compte les régions actuelles. Si ce choix peut prêter à débat, il a permis de répondre à plusieurs interrogations. Quelles régions comptent le plus de présences dans l'élite ? Pourquoi certaines souffrent-elles d'un manque d'exposition ? Et comment expliquer le phénomène observé cette saison, alors que lors de la première édition du Championnat de France professionnel, en 1932-1933, le sud-est occupait une place prépondérante avec dix clubs sur vingt ?
« Le foot, c'est d'abord un sport des ports, des cités industrielles »
Paul Dietschy, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Franche-Comté
Si le nord et le sud sont opposés cette saison, la Division 1 apparaît quasiment coupée en deux jusqu'au milieu des années 50, entre l'est et l'ouest. « On voit clairement une sorte de ligne entre Le Havre et Marseille, c'est le signe d'une démarcation entre une France urbanisée et une France plus rurale », explique Paul Dietschy, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Franche-Comté et auteur de plusieurs ouvrages sur le football.
« Le foot, à l'époque, c'est d'abord un sport des ports, des cités industrielles, développe le directeur de la revue Football(s). Dans les années 30, Strasbourg est ainsi proche de certains industriels comme Émile Mathis, important constructeur automobile. Idem pour Sochaux avec Peugeot. » Avec ses ports, « la façade méditerranéenne était ouverte au commerce et a connu une implantation du football précoce, enchaîne Ravenel. Quand on passe au professionnalisme, ces clubs-là sont en force car ils ont une génération d'avance. »
Durant plus de vingt ans, le Grand Est, les Hauts-de-France et le Sud-Est, avec la PACA et l'Occitanie, constituent une grande partie du Championnat de France. « Mais il faut séparer l'Occitanie de l'Ouest et de l'Est, précise Ravenel. Dans l'ancien Midi-Pyrénées, il n'y a que Toulouse. Du côté du Languedoc-Roussillon, on a un chapelet de villes de foot avec Nîmes, Alès, Montpellier, Sète. » Surnommée La Mecque du football au début du XXe siècle, Sète est d'ailleurs championne en 1934 et 1939.
Emergence de l'Ouest, apparition de la Corse
Le milieu des années 50 amorce une transformation, avec l'émergence de l'Ouest et de la Nouvelle-Aquitaine. « Ces territoires se développent, indique Dietschy. Dans les années 50, par exemple, un plan Bretagne est instauré, c'est le début de la révolution agricole. » Pour les Pays de la Loire, Angers découvre la D1 en 1956-1957, Nantes en 1963-1964, la région Auvergne-Rhône-Alpes prend de la grandeur avec Saint-Étienne et Lyon. Alors que les patronats, les investisseurs locaux, les municipalités ou les collectivités contribuent aux développements de certains clubs, la Corse, elle, découvre la D1 en 1967-1968. Et cette apparition découle d'une professionnalisation par défaut.
« En 1959, une refonte du Championnat de France Amateurs (CFA) a lieu afin d'intégrer les clubs d'Algérie, explique Didier Rey, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Corse. Mais une discrimination ne concerne que la Corse : tant qu'un club de l'Île est en CFA, aucun autre ne peut y accéder. Le choix du professionnalisme intervient à ce moment-là. Aidés par des subventions, l'AC Ajaccio et le Sporting Club de Bastia ont de l'argent et ils sont intégrés quasi immédiatement en Division 2. » Avant donc de basculer en D1 en 1967-1968 pour l'AC Ajaccio, rejoint dès la saison suivante par Bastia.
Si ces deux clubs corses ont intégré aussi vite la D2, c'est également parce que le foot français traverse une période de crise dans les années 60. « Pas mal de clubs des zones classiques sont au bord de la faillite, la D2 peine parfois à trouver des prétendants, expose Ravenel. En 1970, une D2 "open "s'ouvre alors aux amateurs. Ça permet à des équipes d'accéder à ce niveau et de pouvoir prétendre rejoindre l'élite. » Le rééquilibrage est progressif. Seule région jusqu'alors manquante, le Centre-Val de Loire découvre la D1 en 1980 avec Tours.
« Les deux dernières décennies sont celles des métropoles »
Loïc Ravenel, docteur en géographie et chercheur au Centre international d'études du sport
À la fin des années 80 et au début des années 90, la région PACA règne pour la seule fois en maître sur la carte de la D1, la Bourgogne-Franche-Comté (19 présences dans l'élite) et la Normandie (14) connaissent leur meilleure période, alors que les Hauts-de-France (19) sont en chute. La Corse aussi. Après la faillite de l'ACA en 1974, Bastia la frôle en 1988.
« La catastrophe de Furiani est liée à ça, analyse Rey. Vous avez repris un club à la dérive, vous essayez de le redresser en investissant mais vous n'avez pas les moyens. Pour cette demi-finale (de la Coupe de France face à Marseille, en 1992), vous construisez à la va-vite une tribune pour renflouer les caisses et éponger le déficit. Ce drame découle de la faiblesse structurelle économique de la Corse. »
Comment s'abonner à Ligue 1 + et à quel prix ?
Depuis toujours, la pratique du foot au plus haut niveau dépend d'un contexte économique favorable et d'un bassin de population important. Des particularités existent, parfois aidées par une personnalité clé comme Noël Le Graët à Guingamp ou Guy Roux à Auxerre. Mais ces cas sont rares et expliquent la faiblesse historique de certaines régions, comme le Centre-Val de Loire. « Les deux dernières décennies sont celles des métropoles », expose Ravenel. Au XXIe siècle, sept des dix villes les plus peuplées de France ont ainsi été sacrées (Nantes, Lyon, Bordeaux, Marseille, Lille, Montpellier et Paris), seul le titre de 2017 leur échappant au profit de Monaco.
« L'anomalie » parisienne
Si le PSG a remporté 11 des 13 derniers Championnats, le faible poids de l'Île-de-France, hormis dans les années 30, marque nos interlocuteurs. « C'est une anomalie dans l'histoire du foot français vu sa puissance économique, réagit Dietschy. C'est lié à la place secondaire du foot pendant très longtemps dans les divertissements à Paris. D'autres sports passionnaient également, comme la boxe. Il y avait peut-être aussi un manque d'identité. Le PSG est d'ailleurs créé pour occuper le nouveau Parc des Princes. »
Pour la première fois depuis 35 ans, la capitale bénéficiera de deux clubs dans l'élite cette saison, avec le PSG et le Paris FC. Le Grand Est, lui, ne connaît pas ce problème : il arrive en tête dans 6 des 9 périodes proposées, grâce à son lien historique avec le Championnat de France, la présence de grandes villes comme Strasbourg, Metz, Nancy ou Reims. À sa superficie aussi, même si cela ne suffit pas. Désormais plus grande région de France, avec 84 036 km2, la Nouvelle-Aquitaine est à la traîne (voir infographie). La région a pourtant produit de grands joueurs, comme Didier Deschamps, Bixente Lizarazu ou Aymeric Laporte.
La Bretagne, désormais deuxième place forte de l'élite
« Mais seule Bordeaux est une très grande ville dans la région, constate Ravenel. Et la pratique d'autres sports, notamment le rugby, a un fort impact. Il faut des sponsors locaux et ils ne sont pas indéfinis. » Mais une autre région, loin d'être la plus grande par la taille, a pris de l'ampleur. En progression constante depuis le milieu des années 80, la Bretagne est devenue, lors de la dernière décennie, la deuxième place forte de l'élite du foot français.
« On y a toujours beaucoup joué au football, et ce phénomène renvoie à son développement, son urbanisation, et aussi au tissu de PME qui sont souvent derrière les clubs, détaille Dietschy. Et un autre facteur me semble important : le sentiment régional. En juin 1978, des autonomistes bretons avaient par exemple fait sauter une bombe au château de Versailles. Aujourd'hui, on voit beaucoup de drapeaux bretons. Et ce sentiment contribue à un marketing local important. »
Si Rennes avait pris part aux tout premiers Championnats, il avait fallu attendre Brest, en 1979-1980, pour voir un deuxième club breton dans l'élite. Cette époque semble bien révolue. Cette saison, la Bretagne est d'ailleurs la région la plus représentée au plus haut niveau, avec trois clubs. Le début d'une nouvelle ère ?
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