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Un auteur québécois récompensé dans un château français

Un auteur québécois récompensé dans un château français

La Presse4 days ago
En mai dernier, l'auteur montréalais David Dorais a remporté en France le prix Boccace pour son recueil de nouvelles Les réinventions, paru l'automne dernier à L'instant même. C'est la première fois que cette récompense vouée au genre de la nouvelle est remise à un écrivain québécois.
Caroline Bertrand
Collaboration spéciale
Le jury loue en ces termes le recueil Les réinventions : « Intelligence du choix des sujets, cultivé sans ostentation, style remarquable, un vrai travail d'écriture et un visible plaisir à jouer avec les mots. Très bel hommage à la littérature et au mystère de la création littéraire. Le tout narré avec humour et facétie », nous a transmis par courriel l'association Tu Connais la Nouvelle ?, qui organise le prix Boccace.
L'auteur féru de littérature de l'imaginaire se réjouit d'avoir su conjuguer dans Les réinventions fantastique, savoir et humour, ses personnages, dont moult « créateurs ratés » aux dires de leur inventeur, s'adonnant à de titanesques, mais ridicules projets littéraires. Il demeure qu'« il y a quelque chose d'admirable dans leur ambition », souligne le docteur en littérature et en psychologie en entrevue.
Cette reconnaissance à l'étranger – son premier prix en 20 ans d'écriture – participe à ses yeux « d'un mouvement, d'un moment dans la réception de la littérature québécoise en France ».
Il semble y avoir une liberté de création au Québec appréciée des jurys et du lectorat français.
David Dorais
Accueil princier
C'est dans l'enceinte d'un château de la Renaissance, en Centre-Val de Loire, que David Dorais a reçu son prix lors d'une cérémonie hors norme. Dans diverses pièces du château de Chamerolles, comédiens et comédiennes ont interprété une nouvelle des cinq auteurs et autrices finalistes ; les mots des Réinventions ont pour leur part résonné dans la chapelle, une musicienne les drapant d'atmosphères sonores.
En récitant la nouvelle de David Dorais à l'aune de sa propre compréhension, la comédienne lui a révélé un tout autre sous-texte que celui qu'il avait imaginé, exercice que l'auteur a trouvé formidable. « Avec ses intonations, elle a mis en relief des intentions et des émotions dans mon texte que je n'avais moi-même pas vues, relève-t-il. C'était parfaitement pertinent ! Ça m'a rappelé à quel point les arts peuvent s'éclairer et s'enrichir les uns les autres. »
Le prix Boccace se déroulant qui plus est dans le cadre d'un festival littéraire, le Litt'Oral, David Dorais a eu l'occasion d'assister avec fascination à un procès des plus atypiques dans un véritable palais de justice, à Orléans.
Y comparaissaient quatre autrices et auteurs inculpés d'un chef d'accusation inspiré de leurs nouvelles. « Un auteur était accusé, par exemple, de vouloir retourner dans le passé et de ramener des souvenirs douloureux, alors que les écrivains devraient s'en tenir à de beaux sujets », se souvient David Dorais.
PHOTO BERTRAND RUNTZ, FOURNIE PAR TU CONNAIS LA NOUVELLE ?
La remise du prix Boccace, décerné à l'auteur montréalais David Dorais, s'est déroulée dans le château de Chamerolles, situé à Chilleurs-aux-Bois dans le département du Loiret, en région Centre-Val de Loire, en France.
Durant ce « procès littéraire » gratuit, le public a ainsi pu observer à l'œuvre de véritables avocats et juges à la retraite.
Ils le faisaient avec théâtralité, emphase, ils portaient leur toge, ils prenaient ça au sérieux. C'était incroyable de voir des gens de la magistrature qu'on imagine très sérieux s'adonner à cette activité culturelle avec bonheur.
David Dorais
Il n'a pu s'empêcher de songer qu'une telle activité ne verrait pas le jour au Québec. « Le monde trouverait ça compliqué, c'est la fin de semaine, il faudrait payer des gens. En France, les gens embarquent dans la culture. La salle était bondée par une belle journée de mai. C'était merveilleux de voir ça. »
Faire rayonner la nouvelle
Ravi de sa récompense, David Dorais souhaite sincèrement qu'elle inspire les auteurs et autrices de nouvelles au Québec à participer au prix Boccace. « C'est vraiment un prix de qualité, fait avec le plus grand sérieux, affirme-t-il. Le dernier jury est composé d'écrivains français publiés dans de grandes maisons. »
Celui qui a été professeur de littérature au cégep durant près de 20 ans se réjouit de l'existence de ce prix consacré à un genre littéraire qu'il juge mal-aimé au Québec, mais qu'il affectionne énormément. « Ça offre tellement de liberté. Formellement, on peut se permettre toutes sortes d'expérimentations qui seraient peut-être lassantes en 200 pages, expose-t-il. Il y a une esthétique propre au recueil qui est vraiment stimulante à explorer, comme des contrastes ou des ressemblances entre différents textes. »
PHOTO FOURNIE PAR TU CONNAIS LA NOUVELLE ?
David Dorais
La force du pur recueil de nouvelles est dans l'hétérogénéité ; on peut partir dans toutes sortes de directions, et les lecteurs créent leur propre réseau de sens d'un texte à l'autre.
David Dorais
Outre les idées de nouvelles baignées d'énigmatique ou de fantastique qui prolifèrent dans son esprit, David Dorais publiera un essai sur la chanson Au clair de la lune – « elle rejoint mon intérêt pour l'imaginaire, le féérique, le poétique, le mystérieux » – ainsi qu'un roman fantastique mettant en scène un personnage projeté dans un univers basé sur le recueil de poèmes Le tombeau des rois d'Anne Hébert.
À cela se greffe un ouvrage collectif sur la place et la force de l'imaginaire en littérature, projet mené de concert avec un autre adepte du genre, l'auteur Philippe Labarre, lauréat du Prix de poésie Radio-Canada en 2022. « On trouve qu'il se passe des trucs spécifiques dans cette littérature », conclut celui qui en est un éloquent ambassadeur avec ses Réinventions.
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