
À la défense de criminels
Il y avait par exemple quelque chose de franchement surréaliste à voir Pierre Poilievre soutenir ces manifestants qui ont pourri la vie des résidants d'Ottawa avec ses mots, du café et des beignes.
Surréaliste parce que parmi les leaders du mouvement d'occupation d'Ottawa se trouvaient des gens qui exigeaient le remplacement du gouvernement Trudeau par une autre structure nommée par la gouverneure générale : l'équivalent d'un coup d'État, quoi.
Surréaliste parce que le principal carburant de cette manifestation était celui de tant de manifestations en pleine pandémie : les théories du complot à propos de la COVID-19. Le discours sur la « liberté » était le glaçage sur un gâteau nauséabond de désinformation créé par des désinformateurs.
Voir des élus s'associer à ce mouvement qui, en plus, pourrissait la vie des gens travaillant et habitant les quartiers centraux d'Ottawa ? Surréaliste.
Surréaliste, mais politiquement efficace : l'appui de certains députés a créé un schisme dans le Parti conservateur, avant de faire exploser le leadership du chef conservateur Erin O'Toole, ouvrant la voie à une course à la direction remportée haut la main par Pierre Poilievre.
Trois ans et demi plus tard, deux des leaders du convoi de la « liberté » vont donc recevoir leur peine pour leur participation à ce concert de désobéissance, de méfaits et de klaxons qui a duré trois semaines et qui a monopolisé des centaines de policiers.
Tamara Lich et Chris Barber ont été arrêtés en 2022. Ils ont fait face à 13 chefs d'accusation, allant de l'intimidation à l'incitation à intimider en passant par des accusations de méfait.
Le procès s'est étiré sur plus d'une année et, en avril dernier, la juge Heather Perkins-McVey a tranché : Barber et Lich ont été déclarés coupables de méfait. Barber, en plus, a été reconnu coupable d'avoir incité à désobéir à une ordonnance judiciaire. Lich ne faisait pas face à ce chef d'accusation.
Score des courses : ces deux leaders complotistes ont été blanchis de la majorité des chefs d'accusation auxquels ils faisaient face. Ils sont quand même des individus reconnus coupables de crimes.
Cette semaine à Ottawa auront lieu les observations sur la peine pour Chris Barber et Tamara Lich. La Couronne va présenter ses vues sur la durée des peines. Les avocats de la défense vont faire de même. Procédure standard.
Ce qui n'a rien de standard, c'est que le Parti conservateur de Pierre Poilievre a décidé de sauter par-dessus la clôture qui, d'ordinaire, sépare le politique du judiciaire.
Tamara Lich a publié récemment une capture d'écran – non confirmée – des arguments de la Couronne qui réclamerait sept ans de prison pour elle et Barber.
Pierre Poilievre lui-même s'est insurgé, sur X : « Pendant que des criminels violents sont libérés quelques heures après leurs plus récentes accusations, que des émeutiers antisémites vandalisent des commerces, terrorisent des garderies et bloquent le trafic sans conséquences, la Couronne veut sept ans de prison pour les chefs de méfait de Lich & Barber. Est-ce de la justice ? »
La cheffe adjointe du Parti conservateur, Melissa Lantsman, a carrément parlé de « vengeance politique » et utilisé l'affaire pour expliquer que « la confiance dans les institutions est en recul ».
Les juges et les procureurs de la Couronne sont indépendants du pouvoir politique. Si la cheffe adjointe du Parti conservateur a des preuves que la Couronne ontarienne agit par vengeance « politique », qu'elle les présente au public.
Encore une fois, le mot qui me vient à l'esprit est « surréaliste ». Les élus se gardent généralement de commenter les décisions des tribunaux et de critiquer les acteurs du système de justice au nom de la séparation des pouvoirs et, oui, de la confiance envers les institutions.
L'autre aspect surréaliste de la sortie des conservateurs, c'est que Tamara Lich et Chris Barber sont… des criminels.
Surréaliste, encore : le Parti conservateur se décrit comme le parti de la loi et de l'ordre, par opposition à un Parti libéral trop « permissif » avec le crime et les criminels. Or, ce même Parti conservateur défend deux criminels. Ce n'est pas banal.
Sauf qu'en lisant les commentaires de certains députés conservateurs, il ne faut pas chercher longtemps pour en trouver qui banalisent les faits reprochés à ce duo de leaders complotistes.
Andrew Lawton, député conservateur ontarien : « La Couronne demande sept ans de prison pour une manifestation pacifique qui a eu lieu il y a trois ans et demi. »
Pacifique ?
Ce n'est sûrement pas le mot qui vient à l'esprit de milliers de résidants et de travailleurs du centre-ville d'Ottawa qui ont enduré les incivilités, l'intimidation et les klaxons des manifestants de la « liberté » qui les ont fait suer pendant trois semaines, au mépris de la loi et d'injonctions des tribunaux.
Jeremy Patzer, député conservateur saskatchewanais : « Les priorités des libéraux sont claires. Les conservateurs sont les seuls qui proposent de réparer nos lois pour que les vrais criminels finissent derrière les barreaux… »
Donc, même pas besoin de lire entre les lignes : Lich et Barber ne sont pas de vrais criminels pour certains députés de M. Poilievre, ils ont simplement participé à une manifestation « pacifique ».
J'ai maintes fois écrit tout le mal que je pensais des manifestants de la « liberté ». Les gens d'Ottawa, qui ont subi ces manifestations, pensent des choses encore plus brutales que moi face à Lich, à Barber et aux autres leaders complotistes de 2022…
Mais je trouve quand même réjouissant que la juge Heather Perkins-McVey ait complètement ignoré la clameur publique quand elle a écarté la majorité des chefs d'accusation contre Lich et Barber. C'est ainsi que j'aime nos juges : indépendants, en toutes choses.
Je parie qu'en prononçant les sentences de Lich et Barber, encore une fois, la juge va ignorer ceux qui hurlent – politiciens conservateurs en tête – et se fier uniquement à une chose pour déterminer leur peine : la loi.
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