
Les manufacturiers anticipent un « automne catastrophique »
(Montréal) La baisse du nombre de travailleurs étrangers temporaires inquiète le secteur manufacturier québécois, qui craint « un automne catastrophique » pour les travailleurs et les entreprises visés.
Stéphane Rolland
La Presse Canadienne
« Il est vraiment minuit moins une parce que les gens commencent à quitter, a affirmé la présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), Julie White, en entrevue lundi. Quand on ne sait pas si on va pouvoir travailler à l'automne. Ça se peut qu'on décide de s'en aller. »
Elle demande au gouvernement Carney d'accorder une clause de droit acquis pour les travailleurs déjà présents au Canada.
« On demande au gouvernement fédéral de permettre à ces travailleurs-là de rester au Québec, a expliqué Mme White. Ils occupent déjà des logements. Ils sont déjà ici. Ils travaillent. Ils paient des impôts. »
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE
La PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec, Julie White
Depuis le printemps, le milieu des affaires multiplie les sorties publiques contre le resserrement des critères d'accès à un travailleur étranger temporaire.
Auparavant, les entreprises ne pouvaient embaucher que 20 % de travailleurs étrangers temporaires à bas salaire. Ce seuil a été abaissé à 10 %. Des entreprises pourraient ainsi perdre des travailleurs essentiels à leur bon fonctionnement, si rien n'est fait rapidement.
Ce resserrement met « des bâtons dans les roues » aux entreprises qui doivent déjà composer avec un contexte économique incertain dans la foulée de la guerre commerciale, selon Mme White.
MEQ évoque des pertes de revenus, si les entreprises ne parviennent pas à recruter la main-d'œuvre nécessaire. « Il y a beaucoup, beaucoup de nervosité du côté des entreprises, beaucoup d'incompréhension aussi sur ce qui se passe. »
Au Québec, un travailleur gagnant moins de 34,62 $ l'heure est considéré comme à bas salaire, selon les modalités établies par le gouvernement fédéral en fonction du salaire médian.
Ce seuil ne tient pas compte de la réalité de plusieurs régions, a déploré Mme White.
Il faut voir que, dans plusieurs régions, le 34 $, c'est beaucoup plus élevé que le revenu moyen. Donc, ça crée des difficultés.
Julie White, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec
Mme White a affirmé qu'elle a l'oreille des élus québécois du gouvernement Carney, mais les choses ne bougent pas assez vite à son goût. « C'est bien d'avoir de l'écoute, mais il faut qu'on réussisse à faire changer les choses. On n'a pas l'impression qu'à Ottawa, il y a le même sentiment d'urgence qu'on a dans les régions du Québec en ce moment. »
Au cabinet de la ministre de l'Emploi et des Familles, Patty Hajdu, on défend les changements, qui viseraient à « réduire la dépendance des employeurs canadiens à l'égard du Programme des travailleurs étrangers temporaires [PTET] ».
« Pour être clair, le PTET est conçu comme une mesure extraordinaire à utiliser pour combler des lacunes critiques en matière d'emploi, uniquement lorsque des Canadiens qualifiés et des résidents permanents ne sont pas en mesure d'occuper les postes vacants », a insisté l'attachée de la ministre, Jennifer Kozelj.
« Il ne remplace pas les talents canadiens et est subordonné à la garantie que des mesures ont été prises pour recruter des travailleurs canadiens, a-t-elle ajouté. C'est le moment idéal pour investir dans les talents canadiens. »
Mme Kozelj n'a pas voulu s'avancer à savoir si des ajustements seraient faits pour répondre aux demandes du milieu des affaires.
Mme White répond que les travailleurs étrangers sont nécessaires aux manufacturiers, tandis que la main-d'œuvre locale se fait rare et que de nombreux travailleurs approchent de la retraite. « S'il y avait des travailleurs locaux, les entreprises manufacturières les embaucheraient. »
Recruter des travailleurs étrangers entraîne des coûts et des démarches administratives, que Mme White estime à environ 15 000 $ par travailleur temporaire.
« C'est du temps, c'est de l'investissement, a-t-elle souligné. Ce n'est pas une solution qui est simple. On ne fait pas ça parce que c'est plus facile. »
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