
Tout le sérieux qu'exige le comique
Depuis sa sortie de l'École nationale de théâtre en 1989, André Robitaille a multiplié les rôles sur les planches et au petit écran. Il a incarné Scapin dans la pièce de Molière, Stan Laurel du duo Laurel et Hardy, Mozart dans Amadeus… Mais outre l'animation de diverses émissions – dont Les enfants de la télé à ICI Télé depuis 2014 –, son emploi du temps est surtout occupé par la mise en scène, qu'il pratique à un rythme que certains pourraient qualifier d'effréné.
Cet été seulement, trois de ses mises en scène vont prendre la route du Québec : Le dîner de cons, Appelez-moi Stéphane et La pièce qui tourne mal. À titre de producteur, il veille aussi au bien-être des troupes qui portent sur scène les pièces Toc toc et, bientôt, Québec-Montréal.
Bref, inutile de le chercher en juillet. Il hante sans doute les coulisses d'un théâtre près de chez vous. Avec bonheur. « M'asseoir dans les coulisses avec une petite bière et voir mes amis comédiens se serrer dans leurs bras à la fin d'un spectacle… c'est un sentiment incroyable ! », lance André Robitaille.
Ce dernier insiste toutefois : le jeu lui manque et il serait ravi qu'on lui offre un rôle à défendre. « J'aimerais bien jouer dans une série télévisée », dit-il. Mais en attendant que le téléphone sonne, il profite des plaisirs qui viennent avec la mise en scène. « J'assume mieux mon leadership aujourd'hui. J'aime tenir le volant sur tous les aspects du spectacle. Même si c'est exigeant pour ma tête ! »
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE
André Robitaille occupe les fonctions de directeur artistique de Monarque Productions.
Je suis un metteur en scène très directif. Le comique demande énormément de précision. Et je peux dire sans prétention que je suis assez habile là-dedans. Pour moi, la comédie passe par la vérité, par le ventre. C'est Denise Filiatrault qui disait : 'C'est sérieux, faire du comique…'
André Robitaille
Même après 170 représentations, comme c'est le cas avec Le dîner de cons, il va donner périodiquement des commentaires aux acteurs pour les ramener dans le droit chemin s'ils s'égarent. Donner un tour de vis ici, augmenter le rythme là… « Le rire, c'est comme une drogue ; c'est facile de se perdre en voulant en faire trop ou en étirant la sauce… »
Les aléas du théâtre privé
Il faut dire qu'avec les années, sa maîtrise de la mécanique comique s'est affinée. Et son flair pour trouver ce qui fait rire – ou pas – ne semble pas se démentir. Depuis 2012, la compagnie a présenté 21 spectacles différents, dont plusieurs ont été mis en scène ou adaptés par André Robitaille. Et le succès est au rendez-vous. En 13 ans, Monarque Productions a vendu quelque 950 000 billets. Le tout sans aucune subvention.
« Monarque Productions est une compagnie de théâtre privée. C'est notre choix. Sauf en ce qui concerne une aide à la tournée que nous aurions aimé obtenir lors du dernier budget. Et qui nous a été refusée. »
Ce refus jette une ombre sur l'avenir de la culture en région, croit-il.
Ça m'inquiète, car les tournées coûtent de plus en plus cher : le prix des matériaux et des nuits à l'hôtel a grimpé. C'est du concret. Pourra-t-on encore aller à Baie-Comeau, à Val-d'Or ou même à Gatineau avec nos pièces d'envergure ? J'ai peur que le territoire culturel du Québec se rétrécisse un peu.
André Robitaille
Il poursuit : « Les diffuseurs ont besoin de spectacles comme les nôtres, qui remplissent les salles. Ça leur permet de proposer des spectacles d'artistes émergents ou de disciplines plus nichées comme la danse. Des salles pleines permettent de payer plus d'employés et de faire vivre des restaurants du coin… Les bénéfices sont multiples. »
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE
Monarque Productions mise sur des pièces à succès et des acteurs de renom. Un modèle d'affaires qui oblige André Robitaille à être plus prudent comme directeur artistique.
Pour Monarque, faire du théâtre sans subvention n'est pas sans contraintes. Il y a notamment celle de choisir des pièces à succès – « des gros titres », comme les appelle André Robitaille – qui seront défendues par des artistes bien connus du public.
« Comme directeur artistique, je peux moins prendre de risques, admet-il. Pour que notre modèle d'affaires fonctionne, on a l'obligation de vendre des billets. Et il faut que notre prévente soit musclée pour couvrir les gros investissements qu'on doit faire en amont. » Pour y arriver, il choisit des acteurs de renom ainsi que des comédies (toujours !) qui résonnent chez le public.
Les projets d'André Robitaille cet été PHOTO ÉMILIE LAPOINTE, FOURNIE PAR MONARQUE PRODUCTIONS La pièce Le dîner de cons a été présentée 170 fois. Et la tournée n'est pas terminée. Après la salle Albert-Rousseau à Québec en juin, la pièce sera de passage au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts en octobre.
PHOTO ÉMILIE LAPOINTE, FOURNIE PAR MONARQUE PRODUCTIONS Bernard Fortin incarne le personnage-titre dans Appelez-moi Stéphane. La pièce passera le mois de juillet à la salle Albert-Rousseau avant de migrer vers Gatineau et Brossard.
PHOTO DOMINIC GOUIN, FOURNIE PAR MONARQUE PRODUCTIONS La distribution de la nouvelle mouture de Toc toc. La pièce, campée dans la salle d'attente d'un psychiatre, passera par L'Assomption, Brossard et Rivière-du-Loup cet été.
PHOTO ÉMILIE LAPOINTE, FOURNIE PAR MONARQUE PRODUCTIONS La distribution de La pièce qui tourne mal. Le spectacle s'installe à la Maison des arts Desjardins, à Drummondville, tout l'été.
PHOTO ARIANE FAMELART, FOURNIE PAR MONARQUE PRODUCTIONS
La pièce Québec-Montréal, dont on voit ici la distribution, arrivera sur scène à la mi-août à L'Assomption. Suivra une tournée qui passera notamment par Drummondville, Brossard, Québec et Montréal.
1 /5
Il ne s'est pas trompé avec Le dîner de cons – le plus gros succès de Monarque jusqu'ici. Les classiques du répertoire comique québécois, comme Les voisins ou Appelez-moi Stéphane, attirent aussi nombre de spectateurs.
L'ingénieuse machine derrière La pièce qui tourne mal
Cette année, Monarque Productions a fait un choix qu'André Robitaille qualifie d'audacieux : offrir l'adaptation québécoise d'un spectacle anglais qui connaît un immense succès à Broadway. La bien nommée Pièce qui tourne mal.
« C'est une grosse, grosse machine, avec beaucoup d'effets de théâtre, affirme ce fou assumé de l'humour britannique. Le titre dit tout. On a affaire à une pièce où tout, mais vraiment tout, va mal. C'est du théâtre très physique, très clownesque, où tout doit marcher au quart de tour. »
Le décor est un trésor d'ingéniosité, avec des portes dérobées, des échelles cachées, des tableaux qui risquent de se décrocher en tout temps. « Pendant trois jours, des techniciens sont venus de Londres pour nous aider avec ce volet important du spectacle. Dans La pièce qui tourne mal, il y a vraiment un spectacle sur scène et un autre dans les coulisses. C'est très chorégraphié. »
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE
André Robitaille et Rosemarie Levasseur examinent l'arrière du décor de La pièce qui tourne mal.
Pour interpréter cette comédie qui fait le tour de la planète depuis une dizaine d'années, il a fait appel à des membres de la garde rapprochée de Monarque – les habitués que sont Rémi-Pierre Paquin et Pierre-François Legendre –, mais aussi à des nouveaux venus dans la compagnie, dont Fabien Cloutier, Olivia Palacci ou Guillaume Lambert.
L'autre création de l'été signée Monarque sera l'adaptation scénique du film Québec-Montréal, sorti en 2002. La distribution comprend notamment Pier-Luc Funk et Catherine Brunet, qui ont joué dans Les voisins.
Il faut savoir qu'André Robitaille est un metteur en scène très fidèle à ses collaborateurs, qu'ils soient devant ou derrière la scène. « Il y a presque une troupe Monarque, admet-il. Je pense à Brigitte Lafleur, Josée Deschênes, Marcel Leboeuf… Travailler avec ces gens permet des raccourcis. On se comprend rapidement. Pour moi, le bonheur de l'acteur est très important. »
Le bonheur du public l'est tout autant, jure-t-il. « Mon objectif est que les spectateurs repartent en se disant : 'Maudit que c'est cool, le théâtre, et qu'on a des bons artistes au Québec. Ils ont vraiment tout donné.' »
Consultez la page de La pièce qui tourne mal
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La Presse
4 hours ago
- La Presse
Sortir les gens de leur indifférence
Il pleut des cordes à Carleton-sur-Mer. Impossible de profiter de la terrasse du restaurant Cap-à-la-Mer, qui offre un panorama spectaculaire sur la baie des Chaleurs. Pas grave. Émile Roy et moi nous attablons à l'intérieur, au bord d'une fenêtre, où, malgré le temps gris, la vue est époustouflante. Le grand-père d'Émile Roy, Michel, a été journaliste, rédacteur en chef du Devoir et éditeur adjoint de La Presse. Son père, Patrice, anime Le téléjournal à Radio-Canada. La pomme n'est pas tombée bien loin de l'arbre ; Émile n'est pas journaliste, mais possède « une imagination et une sensibilité » qu'il confie vouloir « transmettre différemment ». C'est principalement dans les nouveaux médias que l'homme de 26 ans se démarque. Il préfère ne pas dépendre d'une seule plateforme. L'art, croit-il, « doit pouvoir exister à la fois sur TikTok et dans un musée ». Sa page YouTube, où il publie des courts et moyens métrages portant sur des sujets comme les changements climatiques, la politique, l'amour et l'anxiété, compte 166 000 abonnés. Sur Instagram, il est suivi par 34 000 personnes. Sur TikTok, par près de 30 000 abonnés. Il exécute aussi des contrats pour des séries documentaires et des publicités. Comment se décrit-il ? « J'accepte tous les mots ! Ce que je préfère, c'est réalisateur ou vidéaste. Ce sont ceux qui sont les plus clairs à propos de ce que je fais au quotidien : écrire, filmer, monter et souvent mener des équipes créatives autour de moi. » Sa mission : « parler des sujets les plus viscéraux pour les gens […] et le faire de manière, j'espère, positive ». PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE Émile Roy Si c'est un documentaire sur les changements climatiques, il faut que j'apporte soit de nouvelles informations, soit des solutions, soit de l'espoir. Ça doit apporter quelque chose. Il faut que ça parle des sujets qui touchent le plus les gens. C'est ce que j'aime le plus au monde. Émile Roy L'amour moderne, Comment renverser l'écoanxiété, L'épidémie de la solitude et La politique de la peur sont quelques-uns des titres que l'on retrouve sur sa page YouTube. Ils vont de courts métrages de 15 minutes à des moyens métrages d'une heure. Et dans chacun d'eux, on devine un travail de recherche en profondeur. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Video Player is loading. 2:21 Lecture Skip Backward Skip Forward Désactiver le son Current Time 0:00 / Duration 0:00 Loaded : 0% 0:00 Stream Type LIVE Seek to live, currently behind live LIVE Remaining Time - 0:00 Picture-in-Picture Plein écran This is a modal window. Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. 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Parfois, il s'entoure d'une « petite équipe », d'autres fois il réalise ses projets « tout seul ». Parfois, il est devant la caméra, d'autres fois non. Documenter la forêt amazonienne À la fin de l'année 2024, Émile Roy s'est envolé pour le Brésil. Il a passé trois semaines en Amazonie. Armé de sa caméra et accompagné d'une amie anthropologue, il a arpenté la forêt amazonienne afin d'y documenter la violence envers les peuples autochtones. « L'Amazonie représente pour moi le combat climatique mondial. Il n'y a pas plus symbolique que ce qui se passe là-bas. C'est comme le poumon du monde. « On a pu habiter avec les peuples autochtones pendant plusieurs semaines. Ils nous ont emmenés vraiment loin dans la forêt, dans des réserves protégées et traditionnelles dans l'Amazonie. » Là-bas, il a rencontré plus d'une centaine de personnes ; des habitants, des membres d'organismes et des spécialistes du climat qui travaillent à protéger la forêt. Au moment de notre rencontre, le réalisateur se préparait à présenter son documentaire d'une heure à des diffuseurs télévisuels. « Ce qui est assez inhabituel, c'est que j'y suis allé sans avoir aucune entente, rien. Je me suis dit : au pire, ce sera sur ma chaîne YouTube. C'est encore une possibilité. » Toucher les « indifférents » Émile Roy se souvient nettement de la journée où est née sa passion de faire des vidéos. Il avait 10 ans. Sa grande cousine possédait une caméra et s'était mise à les filmer, sa sœur et lui. « J'ai dit : attends, n'importe qui peut filmer ? Je pensais que c'était Hollywood seulement ! » Cet après-midi-là, le trio a fait un court métrage. Sa sœur jouait un voleur, lui un policier. Ce jour-là, ma vie a changé. C'était comme de la magie : wow, je peux faire un film ! Ma vie prenait une dimension extraordinaire. Émile Roy PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE Émile Roy C'est à l'adolescence, vers l'âge de 15 ans, qu'Émile Roy a lancé sa page YouTube. Au début, il réalisait des courts métrages, des « fictions classiques » humoristiques. « J'étais assez gêné, donc je n'étais pas devant la caméra du tout. » Gêné ? « Très gêné. J'étais hyper timide. […] c'est ce qui est beau : au fil des projets, je me dégênais et les gens me donnais de la reconnaissance. Ça me donnait la confiance d'aller plus loin au prochain projet, d'aller devant la caméra, de prendre des risques. » Au fil des années, sa passion s'est développée jusqu'à avoir un impact sur les gens et le monde. En 2019, année de la grande marche pour le climat qui a réuni 500 000 personnes dans les rues de Montréal, deux de ses vidéos sur les changements climatiques ont rejoint plus de 2 millions de personnes chacune. C'est là que, dit-il, tout a « décollé ». Après sept ans à travailler à temps plein comme réalisateur vidéaste, Émile Roy n'est pas « là où [il] veut être ». J'ai des projets tellement plus ambitieux que j'ai envie de faire plus tard et je n'y suis pas du tout encore. Je sais tout le chemin qu'il y a encore à faire. Émile Roy Il caresse des projets ambitieux : des documentaires, de la fiction et, éventuellement, des longs métrages et des séries. Il souhaite surtout arriver à toucher le grand public, lui qui s'adresse actuellement principalement aux 18 à 45 ans. Son objectif est d'« aller chercher ceux qui sont indifférents », pas seulement ceux qui sont déjà convaincus, disons, par l'importance de la lutte contre les changements climatiques. « On veut aller chercher le grand public qui est chez lui, qui est déjà affecté par le chaos, par tellement de nouvelles au quotidien. On veut essayer de lui offrir un projet qui lui apporte quelque chose, qui le sort de son indifférence pendant un moment. » Questionnaire estival À quoi ressemble ton été idéal ? Un mélange parfait d'aventures, de roadtrips, de coups de soleil, de sport, de musique, de lecture, de travail lent, de longues discussions et de soirées festives avec les amis et la famille. Un mélange parfait d'aventures, de roadtrips, de coups de soleil, de sport, de musique, de lecture, de travail lent, de longues discussions et de soirées festives avec les amis et la famille. Quels livres veux-tu lire absolument cet été ? Je plonge dans l'œuvre de Dany Laferrière. Je viens de finir L'art presque perdu de ne rien faire et Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer. J'aimerais enchaîner avec tous les suivants. Je trouve son écriture profondément drôle et intelligente, d'une justesse foudroyante sur notre époque et qui transpire le soleil. Je plonge dans l'œuvre de Dany Laferrière. Je viens de finir L'art presque perdu de ne rien faire et Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer. J'aimerais enchaîner avec tous les suivants. Je trouve son écriture profondément drôle et intelligente, d'une justesse foudroyante sur notre époque et qui transpire le soleil. Si tu pouvais prendre un verre avec une personnalité, ce serait… Florence Longpré pour discuter avec elle de son chef-d'œuvre Empathie, qui est la meilleure série québécoise des dernières années. Sinon, Jay Du Temple parce que son parcours sportif et humoristique ainsi que sa personnalité m'inspirent beaucoup. Qui est Émile Roy ? Émile Roy est un réalisateur et vidéaste multiplateforme, qui s'est surtout fait connaître sur YouTube, où il est suivi par plus de 167 000 abonnés. Il est le fils de Patrice Roy, chef d'antenne du Téléjournal de Radio-Canada, et le petit-fils de Michel Roy, qui a été journaliste, rédacteur en chef au Devoir et éditeur adjoint à La Presse. L'amour moderne, Comment renverser l'écoanxiété, L'épidémie de la solitude, La politique de la peur sont quelques-uns des courts et moyens métrages que l'on retrouve sur sa page YouTube. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


La Presse
4 hours ago
- La Presse
Feu les ailes de poulet à 10 cents
La fermeture, il y a quelques semaines, de l'emblématique Peel Pub marque la « fin d'une époque » pour ses anciens aficionados « C'est comme une partie de ma jeunesse qui s'éteint. » Dans les années 1990, le Peel Pub était un passage obligé pour Sylvain Legros chaque fin de semaine. Quelques semaines après la fermeture de ce bar emblématique du centre-ville de Montréal, le pompier de 54 ans se remémore avec tendresse les bons moments passés dans cet établissement. « Les pichets n'étaient vraiment pas chers, et les ailes de poulet coûtaient à peine 10 cents », se rappelle-t-il. Ce souvenir est d'ailleurs resté gravé dans sa mémoire, tout comme sa commande préférée : les fameuses ailes « suicide », réputées pour leur piquant extrême. « Elles étaient vraiment fortes. On buvait beaucoup de bière après », ajoute-t-il en riant. Après plus de 60 ans d'activité, le Peel Pub a fermé ses portes à la suite d'un avis de faillite reçu le 19 juin. Mais dans le cœur de ceux qui l'ont connu, l'ambiance de ce lieu mythique résonne comme si c'était hier. PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE Le Peel Pub a fermé ses portes à la suite d'un avis de faillite reçu le 19 juin dernier. Pour preuve, si Sylvain Legros fréquentait assidûment le Peel Pub, ce n'était pas que pour ses ailes de poulet, c'était avant tout pour son côté vibrant. Il appréciait particulièrement les prestations en direct de groupes de musiciens qui animaient les soirées. Avec son cercle d'amis, ces sorties au Peel Pub étaient devenues un rituel festif avant de poursuivre la soirée ailleurs. Une atmosphère festive Jean-Marc Saint-Vil, qui a été l'animateur attitré du bar du milieu des années 1990 à 2005, garde de très bons souvenirs de cette période. Chasses au trésor, chaises musicales, concours de « wet t-shirt », M. Saint-Vil savait mettre de l'ambiance. L'atmosphère était si festive que même la police venait parfois… non pas pour intervenir, mais pour assister au spectacle ! À l'époque, il faisait même découvrir des exclusivités musicales aux clients. « J'avais un contact avec les Fugees, et lorsque Lauryn Hill a sorti Can't Take My Eyes Off of You, nous avons été les premiers à la diffuser », dévoile-t-il. Au-delà de ses propres idées, Jean-Marc Saint-Vil répondait aussi aux envies de la clientèle étudiante, notamment celle de l'Université McGill. « C'est ici qu'ils faisaient leurs soirées d'initiation », raconte-t-il. Le Peel Pub, pour lui, c'était un lieu de chaleur humaine, où une véritable complicité régnait entre employés et clients. « C'était comme une petite famille. On pouvait y faire tout… et rien. C'était vraiment une belle place », confie-t-il avec nostalgie. PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE Des amateurs de football venus fêter la victoire des Alouettes contre les Roughriders de la Saskatchewan au Peel Pub, en 2010 Un autre ancien client, Andrew Gurudata, aujourd'hui âgé de 56 ans, garde lui aussi un souvenir marquant de l'endroit. Étudiant à l'Université Concordia à la fin des années 1980, il fréquentait le bar surtout en semaine, parfois même entre deux cours, pour y déguster son plat préféré : l'assiette de spaghetti. Pour lui, le Peel Pub était un véritable lieu de rencontre pour les étudiants, peu importe l'âge légal. « Il y avait clairement des gens dont on se demandait comment ils avaient pu entrer là », lance-t-il avec humour. « Mais c'est justement ce qui faisait la réputation du Pub », ajoute-t-il. L'ancrage montréalais Cette atmosphère unique, bien ancrée dans le paysage montréalais, n'a jamais pu être recréée ailleurs. Après ses études à Concordia, Andrew Gurudata est parti vivre à Toronto, où une succursale du Peel Pub avait tenté de s'implanter. Mais l'ambiance n'y était tout simplement pas la même, « les seuls clients qu'on y voyait, c'étaient d'anciens Montréalais », observe-t-il. Certains établissements sont tellement enracinés dans la culture de Montréal qu'il est presque impossible de les transposer ailleurs. Et le Peel Pub en était l'exemple parfait. Ce sentiment d'appartenir à une véritable famille, Marc Alexandre Przybylowski le partage aussi. DJ résident au Peel Pub d'avril 1997 à janvier 2005, il faisait vibrer la foule sur les morceaux les plus réclamés par le public, comme Lady (Hear Me Tonight), du groupe français Modjo, No Diggity de Blackstreet et Dr Dre, ou encore It Wasn't Me de Shaggy. L'une des soirées les plus mémorables pour lui reste celle du passage à l'an 2000. Le 31 décembre 1999, le bar est resté ouvert toute la nuit, avec une file d'attente qui s'étirait jusqu'à 5 h du matin. « On a atteint la capacité maximale, la piste de danse était pleine de 21 h jusqu'à 6 h », se souvient-il. À l'annonce de la fermeture du Peel Pub, l'ancien DJ a été recontacté par plusieurs visages du passé, des habitués avec qui il avait perdu contact. « C'est la fin d'une époque », conclut-il.


La Presse
8 hours ago
- La Presse
Un succès plus que mérité pour Benson Boone
Benson Boone vaut-il beaucoup plus que son succès Beautiful Things et ses saltos arrière ? Absolument. Sa performance sur la scène du Festival d'été de Québec (FEQ) donne très envie de croire que le phénomène est loin de n'être qu'un feu de paille. Les lumières se sont éteintes. Les premiers accords de synthétiseurs ont vrombi. La foule s'est excitée. Beaucoup. Et Benson Boone a débarqué, radieux, assuré, vêtu d'un simple t-shirt à col rond et de simples jeans ajustés. Il a débuté sur Sorry I'm Here for Someone Else, titre au rythme captivant. Bonne nouvelle : si les deux têtes d'affiche précédentes ont eu des soucis de voix, Benson Boone, lui, nous a surpris, renversés même, par sa performance vocale. La modulation qui a conclu la seconde chanson, I Wanna Be the One You Call, a été le premier de nombreux moments où il a prouvé qu'il n'était pas sur cette scène par hasard, qu'il a mérité sa place. Ce que nous retenons de cette soirée en compagnie de Benson Boone, c'est qu'il est un chanteur au contrôle impressionnant de sa voix, aux capacités immenses. Il n'a jamais fait preuve de retenue, il s'est donné à fond, vocalement, même si (attention, divulgâcheur) il a gardé sa chanson la plus difficile à interpréter, son grand succès Beautiful Things, pour la toute fin. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Benson Boone et ses musiciens sur la scène des plaines d'Abraham, samedi soir Très attendu par le public de Québec, il n'a pas lésiné sur les moyens d'en mettre plein la vue et les oreilles, entre les hautes notes qu'il a atteintes, les jets de feux d'artifice, les super éclairages et les arrangements puissants. Des rampes latérales lui ont permis de se percher souvent sur son piano à queue surélevé d'où il a joué, mais dont il s'est surtout jeté à plusieurs reprises. Au moment de Drunk in My Mind, on a pu constater que même si beaucoup de ses chansons sont assez oubliables, d'autres sont plutôt belles. Et, encore une fois, il nous a complètement subjugués grâce à ses exploits vocaux. Comme avec la balade There She Goes, qui a valu des lumières de cellulaires dans le ciel et un « oh my God » bien senti du chanteur qui observait pour la première fois l'effet des plaines d'Abraham illuminées devant lui. Talentueux Boone Alors, un one-hit wonder, ce Benson Boone ? Bien malin celui qui saura deviner la trajectoire que prendra la carrière de l'artiste de 23 ans seulement, mais une chose est certaine : jusqu'ici, tout va bien. Très bien même, alors que les plaines d'Abraham ont probablement été bien plus bondées et animées en cette troisième soirée que les deux fois avant. Benson Boone nous a surpris et convaincus. Il a énormément de talent, de passion, de potentiel. On le décrit un peu partout comme « celui qui fait des pirouettes », car on le connaît pour ses impressionnants saltos arrière, qu'il exécute avec aisance durant ses performances. Le jeune Américain est bien plus que ses acrobaties. Il est aussi, mentionnons-le ici, très, très charismatique. Son second album, American Heart, n'a pas convaincu la critique. Agréable à l'oreille, sa collection de chansons, parue il y a moins d'un mois, ne se démarque en rien. On ne sent pas qu'on a affaire ici à un artiste qui a trouvé une unicité qui permettra à beaucoup de morceaux de survivre dans la mémoire collective. Mais lorsqu'on est face à lui en spectacle, quelque chose clique. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Benson Boone sur la scène des plaines d'Abraham, samedi soir Les paroles parfois vides de ses chansons sont posées sur des rythmes parfaitement accrocheurs. Et le chanteur, lui, ne nous permet pas un instant de le lâcher des yeux. Sur la route de la longévité Certains l'ont critiqué de s'être beaucoup inspiré d'un certain Freddie Mercury sur le plan de ses looks, mais au diable l'idée qu'il est de mauvais goût de vouloir ramener les bons coups du passé. Les combinaisons en lycra sont de ceux-là. L'attitude scénique aussi semble vouloir se rapprocher de celle du meneur de Queen. Il a dans ses gestes cette ambition de créer du grandiose. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE La foule pendant le spectacle de Benson Boone, samedi soir Le premier saut périlleux est arrivé très tôt dans la soirée, dès la première minute. La réaction de la foule a été immédiate. Les acrobaties ont une bonne raison d'être, tout compte fait. Et s'il se fait comparer à Mercury ou même à Harry Styles, nous avons pu constater au fil de l'heure et demie en sa compagnie qu'il est sa propre personne, même s'il devra se découvrir lui-même encore un peu. Lorsqu'il s'est installé à son piano (dont il joue depuis qu'il est tout jeune) pour la jolie Slow It Down, il a montré de nouveau qu'il est plus qu'une chanson qui a fait un tabac sur TikTok. Mr Electric Blue, un autre simple tiré de son récent album, est une de ces chansons dont la plus grande qualité est qu'elle nous fait passer un bon moment. Elle est fun, électrisante. Et elle lui donne l'occasion d'avoir un superbe moment de rock star, du haut de son piano, la musique en crescendo, ses bras dans les airs. L'amusante et dansante Mystical Magical (immense succès TikTok), puis Man in Me et What Was ont suivi. La mise en scène électrisante, l'envie irrépressible de danser, l'immense talent d'interprète de l'artiste (toujours dans la grande émotion)… à mi-chemin environ durant le concert, notre idée était faite : Benson Boone a le potentiel d'aller très, très loin. C'est flagrant quand on le voit sur scène. Il serait trop facile de le catégoriser comme une saveur du moment. Quand la prestation s'est conclue avec Beautiful Things, une chanson qui est devenue si populaire qu'on en oublie peut-être à quel point elle est belle, nous aurions pu parier que l'on venait d'assister à l'une des meilleures performances de cette 57e édition du FEQ (oui oui, au troisième jour seulement). Remi et Julyan convainquent le public En première partie de Benson Boone, nous avons rencontré l'autrice-compositrice-interprète Remi Wolf, dont le nom est aussi cool que sa musique. Tout comme Benson Boone, Wolf est un rejeton de l'émission American Idol, même si elle ne s'est pas rendue bien loin. Tout comme Benson Boone, elle s'est créé un auditoire sur TikTok et a grimpé les échelons jusqu'à la grande scène sur laquelle elle s'est retrouvée samedi (et les autres qu'elle a foulées en tant que première partie d'Olivia Rodrigo). PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Remi Wolf sur la scène des plaines d'Abraham, samedi soir Sa pop infusée de soul et de funk est séduisante et innovante. Sa présence scénique est très convaincante. Ses chansons aussi. Sa reprise de Dreams de Fleetwood Mac également. Remi Wolf n'est vraiment pas difficile à aimer. PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE Julyan sur la scène des plaines d'Abraham, samedi soir Quant à Julyan, juste avant, il nous a presque fait oublier la forte pluie lors de sa prestation d'ouverture. Le natif de Québec, ancien membre de The Seasons avec son frère Hubert Lenoir, a présenté ses airs ensoleillés lors d'une demi-heure passée bien vite et très agréable. Il a la voix, les chansons accrocheuses, le talent, surtout. « J'ai commencé à Beauport, le FEQ, pour moi, c'est iconique, a-t-il lancé. C'est débile d'être là ! »