1995, l'année charnière qui a fait basculer le rugby de l'amateurisme au professionnalisme
Quand surgit sur le sol sud-africain en 1995 la troisième édition du trophée Webb Ellis, deux milliardaires australiens, Rupert Murdoch et Kerry Packer, qui se vouent une haine féroce depuis quarante ans, s'affrontent avec pour enjeu le rugby à XV. À compter de 1993 et l'annonce du choix de l'Australie pour organiser les Jeux Olympiques en 2000, Murdoch, propriétaire de News Corp et résidant des États-Unis dont il domine les médias, veut phagocyter le marché du sport. En août 1994, il propose à Rugby World Cup d'acheter l'édition 1995. L'offre est refusée. Packer, lui, possède de nombreux médias australiens ainsi que les droits très lucratifs du Championnat national de rugby à XIII (ARL). Pour déstabiliser son rival, Murdoch monte une Super Ligue treiziste. De crainte d'être pillé, Packer approche les Wallabies pour renforcer le prestige de l'ARL puis décide, avec l'aide de Bob Dwyer, ancien coach national australien, de créer un Championnat professionnel à XV.
Ce projet inquiète les trois provinces australiennes (Queensland, Nouvelle-Galles du Sud et Canberra). En septembre 1994, elles menacent de faire sécession si la possibilité de rémunérer joueurs et entraîneurs n'est pas envisagée par l'IRB (aujourd'hui World Rugby). Sous pression, l'instance mondiale qui gère le rugby se réunit à Bristol et le 14 mars 1995 présente une refonte du statut amateur. Jugée insuffisante, elle incite les dirigeants de Toulouse, Castres, Toulon, Agen, Dax, Perpignan, Montferrand, Brive, Narbonne et Grenoble à se grouper sous l'appellation Club des Présidents pour fixer des règles en matière de défraiements des joueurs.
Packer tente d'attirer les meilleurs joueurs du monde dans son Championnat
Le projet Packer avance vite. Le 27 avril 1995, pour recruter les meilleurs joueurs français, Bob Dwyer propose le nom d'Éric Blondeau, ancien joueur d'Angoulême spécialisé dans le négoce tonnelier à Cognac et croisé à Hongkong. Trois semaines plus tard, Blondeau, qui a accepté ce défi, prend contact avec Philippe Saint-André alors en stage à Chantilly avec le quinze de France, dont il est le capitaine. L'Australien Ross Turnbull, ancien pilier international, fait de même depuis Londres avec Gavin Hastings (Écosse), Mike Hall (pays de Galles), Brian Moore et Rob Andrew (Angleterre).
30 ans après la Coupe du monde 1995, le rugby sud-africain tourne la page de l'apartheid
Pendant la Coupe du monde 1995, alors que Blondeau et Turnbull sillonnent l'Afrique du Sud pour séduire les joueurs influents au sein des sélections nationales, Murdoch parvient à convaincre les présidents des trois grosses fédérations sudistes de lui céder pendant les dix prochaines années les droits commerciaux de deux compétitions conçues pour alimenter ses chaînes de télévision : le Tri Nations et le Super Twelve. Signé le 22 juin 1995, cet accord n'est pas du goût des All Blacks, des Springboks et des Wallabies, traités comme des pions.
Le duel des magnats atteint son acmé : Packer est proche d'enrôler les meilleurs joueurs de la planète, siphonnant ainsi les compétitions créées pour Murdoch. Mais le 15 août 1995, après avoir négocié à la hausse leurs primes, les Wallabies se rangent derrière leur Fédération. Floué, Packer retire ses billes mais deale avec Murdoch la diffusion en Asie de courses hippiques. Forts de la manne financière distribuée par Murdoch et soucieux de verrouiller leurs internationaux, les présidents de l'Afrique du Sud, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie insistent pour que le rugby quitte sa gangue amateur.
Le terme « professionnalisme » n'apparaît pas dans le communiqué
Présidée par le Français Bernard Lapasset, fils spirituel d'Albert Ferrasse, opposé depuis toujours au professionnalisme, l'IRB se réunit dans l'urgence à Paris. Les représentants de l'Irlande, de l'Écosse, mais aussi de l'Argentine et du Japon, souhaitent maintenir le statut amateur. Français, Anglais et Gallois sont favorables à des avancées mesurées.
Au terme de quarante-huit heures d'échanges musclés, le sud finit par imposer son point de vue. Mais Lapasset insiste pour le terme « professionnalisme » n'apparaisse pas dans le communiqué. Il lui préfère l'expression « open », utilisée par le golf et le tennis. Libre à chaque fédération de choisir son mode opératoire. Ce 27 août 1995, face à la presse entassée dans le minuscule salon de l'hôtel Ambassador, boulevard Haussmann, Lapasset proclame la rupture avec un siècle d'amateurisme. Mais il précisera immédiatement après que la FFR n'ouvrira pas la boîte de Pandore. Croyant protéger ainsi un bienfait hérité de l'ère Ferrasse, il répandra pendant trois ans des maux dont le rugby français se serait passé.
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