
L'estampe en trois mouvements
Elmyna Bouchard, Ce que nous devenons
« Je ne sais pas comment vous allez le recevoir », avoue Elmyna Bouchard, que nous avons rencontrée à l'Imprimerie, un centre d'artiste où elle travaille à Montréal.
En fait, parfois, Elmyna Bouchard ne sait même pas ce que cette pièce qu'elle entame deviendra, finalement. Par exemple, cette culotte qui est faite d'une multitude de petites impressions. Au départ, l'artiste pose les petites étampes sur le papier, une à une. Et puis, l'œuvre fait son œuvre et s'impose. « C'est comme du tissage ou du tricot », explique-t-elle.
À Trois-Rivières, on découvre ses lithographies qui représentent, en tout ou en partie, des objets du quotidien. Ils sont magnifiés. Parfois par la technique, comme c'est le cas pour la fameuse culotte, ou par des textures qui viennent de cette fascination qu'Elmyna Bouchard entretient face à l'ordinaire. « Parfois, je regarde le jus de betterave », nous lance-t-elle dans son atelier, presque comme un conseil – celui de prendre le temps d'observer le beau dans tout.
On peut difficilement ne pas le voir dans son travail qui est empreint d'une grande sensibilité.
Les objets du quotidien peuvent prendre une autre dimension quand on vieillit et que chacun de nos mouvements devient plus lourd, plus difficile. Ce constat a nourri sa réflexion. Accepter ce que nous devenons peut être difficile.
L'artiste a aussi un travail dans le domaine de la santé mentale, ce qui lui a donné une grande pudeur face à l'autre, face à nous. Elle aime mieux évoquer que d'illustrer crûment. D'où cette réception qui appartient à chaque personne qui croise ses œuvres.
IMAGE FOURNIE PAR ELMYNA BOUCHARD
Avec ces œuvres, Elmyna Bouchard a remporté le prix Loto-Québec pour la démarche écoresponsable de la Biennale.
Elmyna Bouchard a entrepris une démarche écoresponsable dans sa pratique artistique, il y a environ sept ans. Elle utilise des matériaux moins toxiques.
« L'écoresponsabilité, c'est faire des efforts, dit-elle. Si tu peux trouver un remplacement, tu le prends. » Les solutions viennent souvent des grandes entreprises, dans l'imprimerie par exemple, qui doit éliminer les solvants toxiques de ses procédés.
Comme si on avait besoin d'une autre raison pour expliquer ce coup de cœur pour son travail.
À la Biennale, les œuvres d'Elmyna Bouchard sont exposées à l'Ancienne gare ferroviaire de Trois-Rivières.
Valérie Guimond, Ce qui nous façonne
PHOTO FOURNIE PAR L'ARTISTE
Valérie Guimond
« En gravant le bois, je crée une empreinte qui dévoile sa chair brute. »
C'est le cœur du travail de cette artiste. Creuser pour dévoiler.
Valérie Guimond est chef atelier en sérigraphie et gravure à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Trois de ses œuvres sont présentées à la Biennale. Il s'agit de grands panneaux de bois, gravés.
Son travail aborde l'hypersexualisation, celle qui est insidieuse. C'est un thème qui est important pour elle et qu'elle expose d'une manière efficace et peu commune. On ne peut pas rester insensible face à ses trois grands panneaux, sombres. On y voit une jeune fille entourée d'une aura faite des coups de ciseaux, francs.
On est ici dans le deuxième degré. L'artiste explique qu'avec le temps lui est venu, naturellement, le besoin de faire confiance aux gens qui voient son travail. Et qui le reçoivent comme ils peuvent ; comme ils veulent.
« Toutes les réponses sont bonnes quand on regarde une œuvre », dit-elle.
Valérie Guimond a entamé un cycle de travail il y a une décennie alors que sa fille avait 8 ans. Ses questionnements ont interpellé la mère. Son travail a évolué en parallèle de ce qui façonnait son propre enfant.
Cette série Pas même un clignement est une sorte de finalité, la fin d'une époque de grandes transformations. La forme surprend. On ne s'attend peut-être pas à ce genre de pièces dans une foire consacrée à l'estampe.
PHOTO EMMANUEL AUCLAIR, FOURNIE PAR L'ARTISTE
L'œuvre de Valérie Guimond montre des personnages grandeur nature.
« L'estampe, c'est une grande famille qui inclut plusieurs techniques, explique Valérie Guimond, en entrevue téléphonique. Mais ce qui les rassemble, c'est qu'il va y avoir une matrice qu'on va encrer. L'impression est souvent sur du papier. »
C'est donc le début du processus qui nous est ici présenté. « J'ai conçu ces œuvres-là pas pour être des matrices, précise l'artiste, mais des œuvres finies. »
Les œuvres de Valérie Guimond sont exposées à la Galerie du parc de Trois-Rivières.
Stephanie Russ, Ce que nous gardons
PHOTO FOURNIE PAR L'ARTISTE
Stephanie Russ
Que conservons-nous de notre passé ? Qu'est-ce que cela dit de nous ?
Stephanie Russ s'intéresse aux objets que nous gardons de notre enfance, avec les années. À leur valeur, plutôt sentimentale pour plusieurs.
C'est le décès du père de l'artiste qui est le point de départ de cette démarche. Stephanie Russ devait disposer d'une grande quantité d'objets. Plusieurs pièces étaient brisées.
« Ces objets me rappelaient mon père », précise l'artiste qui enseigne au département des médias imprimés de l'Université Concordia.
PHOTO FOURNIE PAR L'ARTISTE
Ars Longa Vita Brevis contient plusieurs œuvres avec des techniques diverses, dont la lithographie.
« Qu'est-ce qu'on fait avec ces objets-là ? Est-ce qu'on a une responsabilité de les garder ? De les passer aux autres ? »
Elle a entrepris un processus pour faire des archives visuelles avec les objets. La démarche était très personnelle pour Stephanie Russ. Face au résultat, on peut penser que ça risque d'inspirer plusieurs visiteurs, touchés par cet acte de mémoire.
C'est une réflexion concrète face à notre propre patrimoine matériel, celui qui souvent ne vaut rien de plus que toute l'émotion qui nous lie à lui. Ce qui est souvent énorme.
À la Biennale, les œuvres de Stephanie Russ sont exposées à la Galerie du parc.
La Biennale internationale d'estampe contemporaine de Trois-Rivières se déroule jusqu'au 7 septembre.
Consultez le site de la Biennale internationale d'estampe contemporaine de Trois-Rivières
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