
Au Havre, une superbe exposition dédiée aux paquebots et aux traversées transatlantiques
Cap en 1935, il y a quatre-vingt-dix ans. La France entre dans l'ère de la modernité. Le paquebot Normandie en est l'éclatant symbole. Le nom de l'ingénieur Vladimir Yourkevitch est sur toutes les lèvres. Esprit novateur, il a conçu une coque révolutionnaire. Ses choix s'avèrent payants. Le bateau, qui affiche une majestueuse silhouette lors de son voyage inaugural sur la ligne Le Havre-New York, remporte le ruban bleu deux ans plus tard en pulvérisant le record de traversée de l'Atlantique.
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Plus rien ne sera comme avant. Y compris dans le domaine de l'art. Les peintres et les écrivains s'emparent du phénomène. Puis les architectes. À leur tour, les cinéastes surfent sur la vague. Un style est né, un art de vivre aussi. Une mode loin d'être retombée. En témoigne l'émerveillement des visiteurs devant les pièces variées (toiles, affiches, dessins, photographies, accessoires de table…) rassemblées par les commissaires de l'exposition « Paquebots, une esthétique transatlantique » *, organisée par le Musée d'art moderne André Malraux en coproduction avec le Musée d'arts de Nantes.
« Brochure publicitaire pour le paquebot 'Normandie' », Jean Auvigné, vers 1935.
Collection French Lines & Compagnies
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La connexion avec le large s'opère tout naturellement. Par les fenêtres lumineuses de l'institution normande, la mer apparaît dans toute sa splendeur. Le sentiment d'embarquer dans un environnement singulier est bel et bien réel. La traversée débute sous les meilleurs auspices. Confirmation dans les salles avec une première série d'affiches hautes en couleur. On y découvre toute la créativité des illustrateurs choisis par les agences de publicité ou les maisons d'édition qui tournent à plein régime à cette période-là.
Comme les architectes, les designers, les cinéastes ou les écrivains, des peintres célèbres comme Fernand Léger et Raoul Dufy ont succombé aux sirènes des « monstres des mers »
« Ce qui est intéressant, c'est de constater à quel point cette histoire maritime est le miroir de la société », note Clémence Poivet-Ducroix, co-commissaire du parcours. Tout, sauf un hasard si Le Figaro se trouvait aux premières loges lors du premier voyage de Normandie, par l'intermédiaire de son rédacteur en chef Pierre Brisson, qui se démenait pour sortir des informations exclusives avant ses concurrents du Temps ou de Paris-Soir dans une atmosphère bon enfant.
Des grands noms de l'époque sont mis à l'honneur. Paul Colin (1892-1935), qui contribua à lancer la carrière de la jeune Joséphine Baker, en fait partie. On admire une superbe lithographie signée de lui, qui présente le profil conquérant du navire fendant les flots dans un ciel bleu, blanc, rouge. D'autres représentations, fidèles aux splendides formes géométriques du bateau, constituent des œuvres d'art à part entière. Premier choc visuel. Les photographies en noir et blanc, au cœur desquelles figurent des passagers d'une rare élégance, font souffler un même vent de fraîcheur et de liberté dans les salles du MuMa. La mode à bord ? Tout un sujet…
« Femme et voilier », par Marcelle Cahn, huile sur toile, vers 1926-1927
Musées de Strasbourg, A. Plisson
Curiosités
Même effet ressenti devant les toiles. Citons d'abord Paquebot Paris, une huile iconique de l'Américain Charles Demuth (1883-1935), qui a immortalisé avec des traits simples – mais somptueux – deux cheminées du navire. Sollicité pour réaliser les décors de la piscine du Normandie – projet finalement avorté –, Raoul Dufy (1877-1953) entre en scène. Son Souvenir du Havre, où apparaissent au premier plan d'imposants coquillages et où s'impose au second la structure massive du vaisseau, constitue une vraie curiosité.
Sans oublier les travaux de Marcelle Cahn (1895-1981), Fernand Léger (1881-1955), Jules Lefranc (1887-1972) ou Jean Émile Laboureur (1877-1943), qui a merveilleusement croqué le tangage d'un paquebot dans Le Roulis transatlantique. Une section parfaite, faisant la part belle à tous les genres. Rien ne semble manquer, malgré la complexité de l'exercice. « Un tel parcours n'a pas été facile à réaliser puisqu'il a fallu rassembler un corpus jamais réuni auparavant », confie la commissaire.
L'exposition «Paquebots, une esthétique transatlantique», au MUMA-Le Havre
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Savoir-faire français
Adopter un rythme de croisière est une cadence idéale pour découvrir la suite. On s'attarde devant les décors imaginés par les architectes les plus réputés des années 1930. Le style Art déco est à son apogée. Les palaces deviennent flottants. Les panneaux de laque de Jean Dunand (1877-1942), La Conquête du cheval. Deux cavaliers attrapant au lasso sauvage, donnent un aperçu parfait du savoir-faire français. Voire de l'excellence.
« Ce sont, selon moi, les dernières grandes réalisations qui ont succédé aux palais terrestres », souligne Adrien Motel, qui a signé le passionnant ouvrage 'Normandie', un rêve français (Éditions Place des Victoires). La description de la salle à manger de la première classe, par Paul Iribe, nous donne l'occasion de nous projeter à l'âge d'or des traversées mythiques avec leur lot de festins bien arrosés et de soirées dansantes jusqu'à l'aube.
Sentiment de nostalgie
« La vie à bord en disait long sur les caractères nationaux, précise l'auteur. Les Américains évoluaient dans un climat de grande surexcitation, à l'inverse des Anglais ou des Allemands. Ambiance garantie si le reste des passagers étaient français, malgré les commissaires chargés de veiller à la préservation d'un certain standing. » Des fauteuils archidesign et des carafons épousant la proue d'un navire rappellent encore à quel point les intérieurs ont été une inépuisable source d'inspiration pour les créateurs.
Un sentiment de nostalgie (fort agréable) flotte dans l'air. Renouer avec ces décennies glorieuses – en ces temps moroses et agités – n'est sûrement pas étranger à la vogue des objets en lien avec les paquebots et l'engouement toujours croissant des croisières. « Des compagnies essaient de perpétuer la tradition en organisant de grandes soirées de gala, en imposant des tenues obligatoires », conclut Clémence Poivet-Ducroix.
Des concours y sont-ils organisés ? Les historiens du Figaro n'ont pas oublié que notre journal avait lancé un jeu consistant à deviner la vitesse moyenne (29,98 nœuds) et la durée (environ 4 jours et 3 heures) de la première traversée de Normandie. Une lectrice avait vu juste. Son prix ? Un équipement de sport ou une croisière en Méditerranée. Elle avait choisi la première option. Les gens sont bizarres.
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* « Paquebots, une esthétique transatlantique », MUMA-Le Havre, jusqu'au 21 septembre.
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