« Ça me fait des frissons » : à la rencontre de Marinette et du public du Tour de France dans le village de Dourgne
Marinette a 95 ans et la beauté de l'allégresse. Derrière elle, il y a de la place à l'ombre, mais elle a demandé qu'on mette sa chaise en plein soleil. « Je veux bien voir les coureurs et la caravane », dit-elle de sa voix guillerette. Le Tour ne va passer que dans une heure, elle nous montre son bras avec un sourire complice : « Ça me fait des frissons. »
On voulait passer une journée dans un village traversé par le peloton, raconter ce que la Tour fait à la France, les chaises sur les trottoirs, les tonnelles partout, les gens qui font des choses ensemble. Et on est tombés sur Dourgne et Marinette. Au départ, on n'a pas vu l'élégante dame, mais les immenses tables posées sur la place du village. Ils étaient bien trois cents à être assis là, à l'ombre des platanes, une assiette devant eux, un oeil sur l'écran géant au fond, et la tête à la joie. Pas de musique d'ambiance, pas de jeux, rien que des amis qui discutent et qui rient.
Dourgne et ses 1 300 habitants ont appris que le Tour passerait au centre du village dans le courant du mois de janvier. Immédiatement, madame la maire, Dominique Cougnaud, a convoqué une sorte d'états généraux des associations locales pour décider que faire de ce « cadeau ». Certes, Dourgne avait déjà vu passer le Maillot Jaune, mais plus bas, sur la RD85. Jamais face aux Promenades, où la fête du Romarin et la fête votive sont organisées chaque année. Lors de la réunion, on s'est dit que c'était l'occasion de mettre le village en valeur. La MJC a proposé des « mini-Romarin », et c'était décidé, le Tour serait la troisième fête de l'année.
Vénus de Milo, banderoles et Annie Cordy
Il est un peu plus de 13 heures. Au milieu des tables, Luis, 77 ans et amoureux des « ambiances de village comme ça », raconte des souvenirs de Tour en passionné d'art. « J'ai perdu ma maman très jeune, mes oncles et tantes m'emmenaient voir le Tour passer, c'était comme voir la Vénus de Milo. » Pour l'instant, la « Vénus de Milo » est encore à Muret, ville-départ.
Sur un coin de la place de Dourgne, des « jeunes » aux cheveux grisonnants, comme elles s'amusent à se décrire, ont dressé un stand avec quelques chaises et une simple table. Elles sont membres des « Amis des Arcades », une des associations qui ont décidé que le Tour ne passerait pas sans que l'on soit ensemble. Ici, on vend des confitures et curbelets faits maison. L'argent servira à payer des sorties aux pensionnaires de l'EHPAD situé quelques mètres plus haut, face à la route du Tour. « Ça égaye leur journée », explique Monique, qui ajoute en souriant : « Et puis ça sera peut-être à notre tour d'y aller plus tard. »
Comme tout le village est là, ou presque, le directeur de l'EHPAD vient se mêler à la discussion. Cédrik Decavelle a quelque chose à nous montrer. Avec lui, on remonte la rue jusqu'aux arcades qui donnent son nom à l'établissement. Là, une vingtaine de pensionnaires patientent, à l'ombre et sous une banderole qu'ils ont confectionnée eux-mêmes : « Les Arcades aiment le Tour », avec un coeur dessiné à la place du « aime ». Il y a là M. Raymond, qui a vu le Tour et Annie Cordy à Revel, dans les années 1960, et qui dit d'une voix un peu lourde : « Ça fait du bien, mentalement, de le voir passer ici. » Et devant M. Raymond, seule pensionnaire sous le soleil, avec une longue robe à fleurs, un collier de perles et un bob publicitaire rouge qu'elle arrive à rendre gracieux, il y a Marinette. Un soleil. Une joie dans la joie du Tour.
« Ca me fait encore plus d'effets que lorsque j'étais enfant »
Marinette, spectatrice du Tour de France
Il est 14 heures, la caravane est encore loin, mais Marinette est déjà traversée d'émotions. « Je crois que je vais en rêver toute la nuit », pouffe-t-elle. Dans sa jeunesse, « papa et maman » l'ont emmenée sur la route du Tour, « dans la côte de Lafontasse », près de Castres. C'est comme si ce moment lui avait inoculé une dose de bonheur pour toute la vie, et la sienne est très longue. « J'en ai encore un souvenir... C'est inexplicable. Et je crois qu'aujourd'hui, j'ai l'impression de revivre ça. Oui, ça me rappelle ma jeunesse », souffle-t-elle avec un regard qui plonge loin dans sa mémoire.
Après ça, elle a revu le Tour avec son mari à Carcassonne - « On s'était perdus dans la foule », rit-elle -, elle a adoré Luis Ocaña, parce qu'il était Espagnol comme elle, elle a vu « l'Américain lever le bras avec Hinault » (« Ah oui, Greg LeMond ! »), et on en passe, parce que Marinette n'a pas oublié grand-chose à part quelques noms. Et voilà donc qu'en ce 20 juillet 2025, alors que les années ont un peu tordu ses doigts et affaibli ses jambes, le Tour vient lui rendre visite, devant « chez elle ». « Je suis époustouflée, peine-t-elle à décrire. Et les gens de l'EHPAD qui nous ont organisé cette sortie, je leur dois quelque chose de beau. »
Quand la caravane arrive, « madame Massip », comme elle n'aime pas qu'on l'appelle, se met debout. D'une main, elle tient la cordelette qui sépare le trottoir de la route ; de l'autre, elle fait coucou à toutes les voitures. Longuement, avec le sourire de ses 10 ans. « Ça me fait encore plus d'effets que lorsque j'étais enfant, s'étonne-t-elle. Je suis peut-être devenue plus sensible. » Une heure plus tard, quand le peloton passe à toute allure, les larmes lui montent. Toute chamboulée, elle se retourne en montrant l'endroit des tripes : « Il y a quelque chose là-dedans, ça ne partira pas. » Et ça fait plus de quatre-vingts ans que c'est en elle. On voulait voir ce que le Tour fait à la France, et Marinette est apparue.
À lire aussi
La folle journée d'Alaphilippe
Et si la file indienne était une erreur ?
«On se bat avec nos armes» : les équipes françaises impuissantes
Lipowitz, la révélation

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


Le Parisien
2 hours ago
- Le Parisien
Guerre en Ukraine : Jean-Noël Barrot en visite à Kiev
Un déplacement pour afficher son soutien . Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est arrivé à Kiev ce lundi pour une visite de deux jours, ont constaté des journalistes de l'AFP. Le chef de la diplomatie française doit rencontrer son homologue Andriï Sybiga, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, ainsi que la nouvelle Première ministre, Ioulia Svyrydenko . « Au lendemain des sanctions d'ampleur inédite venant d'être adoptées par la France et l'Union européenne contre le régime russe, le ministre réalisera un point d'étape sur le soutien apporté par la France à l'Ukraine », a indiqué le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué. Vendredi, l'Union européenne a adopté un nouveau paquet de sanctions d'ampleur contre la Russie en raison de la guerre en Ukraine, abaissant notamment le plafond du prix du pétrole russe exporté vers des pays tiers à un niveau 15 % inférieur à la valeur du marché. Jean-Noël Barrot est arrivé peu après la levée des alertes aériennes à Kiev, où une nouvelle nuit d'attaques russes a fait au moins un mort dans la capitale. Alors que des frappes sont régulièrement menées par les forces armées russes contre les infrastructures énergétiques de l'Ukraine, menaçant sa sécurité et celle du continent européen, le ministre se rendra à la centrale nucléaire de Tchernobyl. La France a contribué à la réparation d'une structure de confinement radiologique de la centrale, endommagée par un drone russe en février, une attaque qui n'a pas entraîné de rejet de radioactivité.


Le Parisien
3 hours ago
- Le Parisien
Les pharmacies de garde poursuivent leur mouvement de grève partout en France
Trouver une pharmacie de garde pourrait être compliqué cet été. Les représentants des pharmaciens ont annoncé poursuivre leur grève des gardes et envisagent de fermer les officines tous les samedis à compter du 27 septembre. Mobilisée depuis début juillet, la profession proteste contre une baisse des remises commerciales sur les médicaments génériques . Les organisations syndicales des pharmaciens d'officine et les groupements de pharmacies ont « unanimement décidé de poursuivre et d'amplifier la mobilisation » après la décision du gouvernement de fixer à 30 % le plafond de ces remises commerciales. Pour encourager la distribution de génériques, moins chers que les médicaments sous brevet, les remises consenties par les laboratoires aux pharmacies pouvaient jusqu'alors atteindre 40 % du prix du générique. Un projet gouvernemental visant à limiter ces remises à un taux compris entre 20 et 25 %, dans le cadre d'économies à réaliser dans les dépenses de santé en 2025 , avait suscité la protestation des pharmaciens. La profession est alors descendue dans la rue début juillet. Après une réunion mercredi, « le gouvernement a présenté son arbitrage » et « a décidé de le fixer à 30 % », une décision qui reste toutefois « inacceptable » par les organisations de pharmaciens (FSPF, Uspo, UNPF, Federgy, UDGPO), selon leur communiqué . Elles ont annoncé « la poursuite de la grève des gardes », et « la grève immédiate du tiers payant conventionnel pendant les réquisitions » imposées par les préfets pour assurer ces gardes. Elles envisagent aussi « une fermeture complète des pharmacies le 18 septembre 2025 » ainsi qu'une fermeture « tous les samedis à compter du 27 septembre 2025 ». « Pour les petites pharmacies de proximité, les remises sont une ressource indispensable. Elles ne pourront essuyer la moindre perte et devront licencier, voire fermer définitivement », soulignent les représentants des pharmaciens.

Le Parisien
4 hours ago
- Le Parisien
« On verra bien ce que ça donne » : l'Oise tente de dompter le flux incessant de camions
« Un projet unique en France. » En fin de semaine dernière, le département de l'Oise a ratifié la toute première charte pour la circulation des poids lourds . Un document inédit, qui doit faire émerger des solutions contribuant à l'amélioration de la cohabitation entre riverains et transporteurs sur le territoire, situé à un carrefour stratégique entre le poumon économique francilien et l'interface maritime de la Manche et de la mer du Nord. Le rendez-vous était donné, le vendredi 18 juillet à Cuvergnon, dans les locaux du transporteur Idelot, réunissant la sous-préfète Noura Kihal-Flegeau, la présidente du conseil départemental Nadège Lefebvre (LR), et Cécile Pottier, vice-présidente de la communauté de communes du Pays de Valois, arrivées en camion pour l'occasion.