HPI, pétages de plombs, dépression pendant le Covid : le parcours atypique de Terence Atmane, sensation du Masters 1000 de Cincinnati
Ceux qui le connaissent savaient que Terence Atmane avait trop de qualités, en tête desquelles cette fabuleuse gifle de coup droit, pour ne pas frapper un jour à la porte du grand monde. C'était une question de quand, simplement n'imaginaient-ils pas qu'il la défoncerait dans un tel fracas. Moins d'un mois après avoir perdu en deux petits sets face au 537e mondial Pablo Llamas Ruiz (6-3, 6-3) à Umag, le Français de 23 ans s'apprête à disputer les demi-finales du Masters 1000 de Cincinnati face au numéro 1 mondial Jannik Sinner.
Et parce qu'il ne fait pas grand-chose comme les autres depuis qu'il a attrapé son premier grip, quand sa mère Séverine en a eu assez de le voir jouer à la console, lové dans le canapé familial, le Boulonnais vient de châtaigner en vingt-quatre heures deux tops 10, Taylor Fritz (3-6, 7-5, 6-3) et Holger Rune (6-2, 6-3), alors qu'il traînait une patte violette il y a encore quelques jours. Victime d'une lésion musculaire de grade 2 et d'une entorse du gros orteil du pied gauche fin juillet à Toronto, le 136e mondial, qui sera a minima top 75 la semaine prochaine, a déjà gagné sept matches dans l'Ohio. Et il ne s'interdit pas d'en remporter un huitième samedi face au patron du circuit, « une personne avec deux bras et deux jambes, comme moi ».
Terence Atmane : « Je vais voir ce qu'est le très, très haut niveau »
158 de quotient intellectuel
Ambitieux, Atmane l'a toujours été. « Avec ce que j'ai dans la raquette, je pense qu'il n'y a pas de limite », nous confiait-il l'an passé, chez lui à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Ce jour-là, au printemps 2024, il nous avait fièrement montré son impressionnante collection de cartes Pokémon, « l'une des plus grandes en France », avant de nous mettre sans peine en échec et mat avec son cavalier blanc, puis il avait conclu le déjeuner par un tour de magie bien ficelé. Fan de jeux vidéo et de metalcore, musique chevelue qui tranche avec sa bouille glabre, le Nordiste est un touche-à-tout qui apprend vite. Parfois trop vite. « À l'école, je n'avais besoin de lire quelque chose qu'une seule fois pour le retenir dix ans donc je m'ennuyais beaucoup, ça me semblait trop simple », raconte-t-il.
L'explication, il la découvrira à 15 ans, à la suite d'un quiproquo entre sa mère et une psychologue. « Je reçois une lettre de la Fédé avec les tests médicaux à faire, rembobine Séverine Atmane. Il fallait prendre rendez-vous avec une psy pour savoir si l'enfant n'était pas en surmenage. J'en ai trouvé une à Lille. Elle m'a dit :''On va faire le test WISC.'' Je lui ai fait confiance, je n'y connaissais pas grand-chose. » L'ado passe alors le célèbre test de QI développé par David Wechsler, « huit à dix heures d'exercices », se souvient-il. « À la sixième heure, reprend sa mère, la psy a dit : ''Terence, tu as 130 de QI et tu as encore les maths à faire. Vous comprenez ce que ça veut dire ? - Non - 130, c'est déjà haut potentiel.'' À la fin, il avait 158. On est reparti avec ce nombre. »
« Le fait de rater tel coup droit à tel instant, ça me rend dingue. Au fond de moi, ça me brûle »
Terence Atmane
Si l'expression haut potentiel intellectuel (HPI) est dévoyée par certains parents pour justifier que leur marmot dessine sur les murs et fasse du trampoline sur le canapé des amis, l'annonce de ce diagnostic a aidé Atmane à mieux comprendre ce qui se tramait dans sa boîte crânienne. « Mon cerveau fonctionne différemment, pose-t-il. Des situations qui sont incompréhensibles pour la plupart des personnes seront pour moi totalement banales et très claires. J'avais des réactions qui me semblaient normales mais qui, pour les autres, sont complètement disproportionnées. »
Atmane, le mental retrouvé
Nerveux et excessif sur le court depuis l'enfance, le fiévreux gaucher abattait régulièrement sa colère sur sa raquette ou l'arbitre. « Tout petit, il a eu cette image : ''Cool, on va jouer Terence Atmane, on va lui faire péter un câble, on est tranquille'' », dévoile sa mère. Chez les juniors, il a multiplié les dérapages. En 2019, il a écopé de 34 avertissements et a été suspendu de compétitions pendant plusieurs mois par la Fédération internationale. Il a même été privé de Roland-Garros juniors par la FFT.
« C'étaient des pétages de plombs, rembobine celui qui rechute parfois, comme à Roland-Garros l'an passé, lorsqu'il avait frappé une balle en tribunes et touché une spectatrice, frôlant la disqualification. Le fait de rater tel coup droit à tel instant, ça me rend dingue. Au fond de moi, ça me brûle. Avant, je voulais tout le temps bien jouer, c'est là où ça pouvait décapsuler là-haut. Je pétais des câbles tous les trois points ! Je m'en prenais beaucoup aux arbitres en juniors et j'étais vachement négatif envers moi-même. Je n'étais plus lucide et je pouvais perdre deux, trois jeux de suite sans réaction. »
Parti seul dans le Var à 13 ans
Avec le recul, il sait que son attitude l'a longtemps tenu à l'écart des plans fédéraux. « Ça m'a porté un peu préjudice, admet-il. Plus jeune, je n'étais pas aidé par la Fédération et les pôles. Je me suis toujours débrouillé seul. » C'était aussi un choix familial, notamment celui du papa, Stéphane, qui n'imaginait pas son fils capable de s'épanouir dans un groupe ni d'accepter une discipline trop stricte. « Terence n'était pas dans les dix meilleurs Français jusqu'à 12-13 ans, recontextualise sa mère. Comme il n'était pas dans les meilleurs de la Ligue des Flandres, on n'avait pas de place dans les TMC (Tournois Multichances). On prenait la liste des tournois en France, on appelait les directeurs et on leur demandait s'ils avaient des places. Quand certaines ligues n'envoyaient qu'un joueur au lieu de deux, on se déplaçait. Partout en France. »
Et très vite à l'étranger, où le Boulonnais craignait moins le regard des autres. « Comme il est hypersensible, c'était mieux pour lui de jouer devant des personnes qu'il ne connaissait pas. En France, il a toujours un peu cette peur du jugement », explique Séverine Atmane qui l'emmenait régulièrement en Angleterre. « Là-bas, mieux on est classé, plus on joue à l'intérieur. Donc quand il était petit, même quand il neigeait, il jouait dehors. Nous avec les couvertures dans la voiture, lui sur le terrain, avec des grandes chaussettes de foot et le bonnet. »
Atmane : « Etre HPI m'aide à créer des effets de surprise sur le court »
Lancé à l'initiative de son père sur le circuit Tennis Europe à 12 ans, Atmane a traversé le continent. « Ils allaient en Tchécoslovaquie en voiture, souffle la maman. Des globe-trotteurs ! » Alors quand il a été question de l'envoyer seul dans le sud à 13 ans, le gamin de Boulogne-sur-Mer n'a pas hésité. « À 13 ans, il dormait avec la lumière allumée, alors seul dans un appart si jeune, loin de tout, c'est chaud ! Mais il a tout de suite dit oui, assure sa mère. De toute façon, c'était ça ou rien. Il n'y avait pas d'autre choix. Il aimait le tennis, pourquoi arrêter ? »
« Je dormais très mal, je faisais des cauchemars toutes les nuits et des paralysies du sommeil. Pendant six mois, ça a été extrêmement sombre dans ma tête et dans mes pensées »
À Carqueiranne, dans le Var, Atmane, qui s'entraînait dans une petite structure avec un coach employé par la mairie, a vécu seul plusieurs années. Puis l'épidémie de Covid-19 a frappé et le joueur au chômage technique s'est enfoncé dans une lente dépression. « Pour un jeune qui a l'habitude de voyager trente-cinq semaines dans l'année, être enfermé dans 12m2, c'est compliqué, glisse sa mère. Les jeux vidéo l'ont un peu plombé, il ne faisait plus rien d'autre. » « Me lever sans motivation m'a fait sombrer très rapidement, soupire-t-il. Je dormais très mal, je faisais des cauchemars toutes les nuits et des paralysies du sommeil. Mon coeur battait au-delà de 200 pulses par minute en pleine nuit. C'était beaucoup d'anxiété et de mal-être. Pendant six mois, ça a été extrêmement sombre dans ma tête et dans mes pensées. »
Prié par ses parents de rentrer au bercail pendant la deuxième vague du Covid-19, Atmane a pris soin de sa santé mentale en même temps qu'il se remettait d'une rupture de deux ligaments de sa cheville gauche. « Cette blessure a déclenché ma progression, pense-t-il plusieurs années plus tard. Je me suis vraiment repris en main, j'ai arrêté de me morfondre et de me chercher des excuses. » Cette période noire, il y repense souvent. « Je me suis tellement accroché, j'ai tellement cru en moi-même, que quand je suis dans le dur, en match ou à l'entraînement, je me dis que ce n'est pas grave, qu'il y a pire. Aujourd'hui, je m'en sers comme d'une force. » Celle qui l'habite lui a permis de résister aux secousses d'un premier trimestre 2025 raté et des critiques qui ont jailli après sa défaite sans combattre et une poignée de main très fraîche avec Richard Gasquet à Roland-Garros.
L'an passé, à propos de son jeu instinctif et imprévisible, Atmane se disait « préparé mentalement à des grosses défaites ». « Mais, ajoutait-il sourire en coin, il y a aura aussi des très grosses victoires. » Nous y voilà.
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