
1938-2020 : notre grande dégustation à travers l'histoire de Château Giscours
À Château Giscours, au cœur de l'appellation Margaux, le décor semble inchangé depuis toujours. Une allée de platanes majestueux, un château aux lignes néoclassiques, un vaste parc aux accents de jardin anglais... Et pourtant, sous la surface de cette grande maison en apparence figée, tout a changé ces dernières années. Depuis une décennie, le domaine mène une transformation silencieuse mais profonde : réorganisation du vignoble, vinifications parcellaires, conversion à l'agriculture biologique. La discrétion fait partie du style maison.
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Propriété au passé mouvementé, Château Giscours apparaît dans les archives dès le XIV siècle, mais c'est véritablement au XIX que le domaine prend son envol, porté par l'élan d'une bourgeoisie éclairée. Sous la houlette de Pierre Skawinski, figure pionnière de la viticulture moderne, le cru est hissé au rang de troisième grand cru classé en 1855. Mais Giscours, comme tant de maisons bordelaises, connaîtra des heures plus sombres au XX siècle. La crise économique des années 1920, puis l'arrivée de la Seconde Guerre mondiale, viennent arrêter l'élan du château. De nombreux propriétaires se succèdent, jusqu'à la reprise du domaine en 1952 par Nicolas Tari, important viticulteur d'Algérie. La famille Tari restera à la tête de la propriété pendant plus de 40 ans.
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Il faudra attendre 1995 pour qu'Éric Albada Jelgersma, entrepreneur néerlandais, redonne au château les moyens de son ambition. Travaux de fond dans les vignes, investissements dans les chais, retour à une viticulture de précision : le cru retrouve peu à peu sa voix. L'homme d'affaires installe à la tête du château un jeune compatriote, Alexander Van Beek, âgé seulement de 24 ans quand il débarque à Bordeaux en 1995. Trente ans plus tard, le cru est toujours dirigé par le talentueux Van Beek qui, avec son épouse Véronique Sanders, directrice du château Haut-Bailly, fait partie de l'un des «power couples» du Bordelais. Sous son égide, Giscours poursuit sa remontée dans la hiérarchie des grands vins de Bordeaux, avec un œil sur l'histoire et l'autre résolument tourné vers l'avenir.
Le Figaro Vin a eu le privilège de faire partie du petit cercle invité à déguster pas moins de 40 millésimes de Giscours. Nous en avons sélectionné dix millésimes à travers desquels retracer les évolutions stylistiques et techniques, les bouleversements humains et les temps forts de cet incontournable du Médoc.
La dégustation
1938
Dernier millésime avant la Seconde Guerre mondiale, il surprend par sa fraîcheur intacte.
Note Le Figaro : 91/100
Un nez vivace et exubérant, tel un vieux monsieur plein d'entrain, qui respire la santé. Il dévoile des notes d'épices, de cuir, de feuilles d'automne. En bouche, il est très frais et fin, avec une densité soyeuse et une finale saline qui apporte encore plus de fraîcheur. L'acidité domine et a permis à ce vin de rester jeune.
1967
Produit sous l'égide de l'ancien propriétaire, Pierre Tari (fils de Nicolas Tari, NDLR), ce millésime capture l'élan d'une époque.
Note Le Figaro : 94/100
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Un nez sensuel, animal, charnel, sur des notes éclatantes, addictives de fruits rouges éclatants et de pétale de rose, avec un côté bucolique. En bouche, le vin se révèle mûr et vivace, plein, avec une générosité de fruits rouges. Une belle harmonie.
1971
Le 400e millésime de la propriété. Selon des documents d'archives, les premières vendanges du domaine eurent lieu en 1571 et représentaient une production totale de 15 tonneaux.
Note Le Figaro : 93/100
Un bouquet intrigant de rose rouge, de poivre blanc et d'agrumes. Il se révèle rond et généreux en bouche, comme des vagues de fruits juteux qui déferlent sur la langue.
1989
Le millésime du XXe siècle, suivi de près par 1982, avec des conditions idéales pour le cabernet sauvignon, cépage dominant à Giscours.
Note Le Figaro : 95/100
Un nez riche et raffiné comme le velours rouge, assuré, aux notes de moka. La bouche, ronde, caressante, généreuse, vous prend fermement par la main, comme un gentil géant. Un vin complexe, harmonieux, sensuel.
1995
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C'est l'année de l'acquisition du château par Éric Alberda Jelgersma, homme d'affaires néerlandais passionné de vin, qui nomme le jeune Alexander Van Beek à sa direction. Cette même année, Château Giscours a été accusé d'avoir mélangé des raisins non autorisés et d'avoir falsifié son second vin, La Sirène de Giscours. L'affaire sera soldée en 2008 par un jugement couvert par une amnistie, dont les détails n'ont jamais été rendus publics.
Note Le Figaro : 90/100
Au nez, des fleurs tendues (capucine et dahlia). La bouche est fraîche, concentrée, acidulée, mais avec des tanins caressants.
1999
Changement de garde et de style. Michel Rolland quitte le cru ; Jacques Boissenot devient consultant œnologue à sa place.
Note Le Figaro : 94/100
Un bouquet lifté de fruits des bois, d'ardoise et de fleurs, avec des notes complexes de sparadrap et de yuzu. La bouche est délicate, délicieuse, elle valse avec grâce et équilibre.
Retrouvez ici l'ensemble des notes et commentaires pour les 40 millésimes dégustés :
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2015
L'année qui marque un tournant dans la qualité des vins du domaine, car elle incarne l'aboutissement de deux décennies de travail de fond dans les vignes, combiné à un millésime naturellement exceptionnel en rive gauche. Tout au long de la dégustation, Alexander Van Beek nous parle des vignes, sans presque évoquer la vinification – sauf lorsqu'on l'a interrogé sur le sujet. Une approche peu courante à Bordeaux. Selon lui, plus la précision dans les vignes est grande, plus il est possible d'adopter une vinification infusée, en mode réductif, qui saisit vraiment le fruit. Résultat : des tanins plus nobles, une image plus précise, comme plus de pixels.
Note Le Figaro : 95/100
Éblouissant au nez, comme une danseuse de flamenco, toute de rouge vêtue, mais difficile à cerner. En bouche, il possède une texture gourmande qui lui donne de la présence, le rendant irrésistible. Un vin très complet, plein de promesses.
2018
Après le décès du propriétaire, Eric Albada Jelgersma, ses enfants, Dennis, Derk et Valérie, reprennent les rênes du château. C'est aussi l'année qui a marqué un tournant dans les vignes, apportant une précision accrue aux vins grâce à des vendanges plus ciblées. Cette année-là, avec l'aide du consultant Axel Marchal, l'équipe a commencé à mesurer le stress hydrique et a constaté que l'âge des vignes pouvait entraîner de grandes différences de maturité, même au sein d'une même parcelle. Ils ont donc commencé à ramasser les vignes d'une même parcelle en trois temps selon l'âge de chaque pied, afin d'assurer une maturité optimale des raisins, parfois avec jusqu'à deux semaines d'écart. «Autrement dit, les dates de vendange avaient toujours été un compromis», explique Van Beek.
Note Le Figaro : 94/100
Le nez est d'une exubérance éclatante et d'une précision comme nul autre millésime jusque-là, sur des notes scintillantes de fraise. La bouche se construit autour d'un fruit rouge juteux, léger, éclatant, comme macéré à l'eau-de-vie, dans une tarte aux fruits d'été, avant de glisser vers une finale saline.
2019
Si 2018 avait apporté davantage de définition au vin, l'effet s'est accentué encore en 2019. Cela coïncide avec l'arrivée du consultant œnologue Thomas Duclos, qui a aidé l'équipe à pleinement poursuivre la nouvelle démarche déjà testée à plus petite échelle en 2018.
Note Le Figaro : 97/100
Un vin sérieux qui capte toute votre attention avec son nez de poivre noir, de fruits noirs et d'épices douces, souligné d'une touche pierreuse. En bouche, il est mélodieux, puissant mais caressant, plein de grâce et de tonicité, somme toute délicieux. Des fruits soyeux s'associent à une vivacité pleine de sève. Un véritable chef-d'œuvre.
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2020
La troisième année d'une trilogie remarquable (2018, 2019 et 2020).
Note Le Figaro : 96/100
Un nez aérien et lifté qui évoque une brise estivale apportant une touche d'exotisme aux parfums d'un jardin anglais en été. Il regorge de fruits rouges, mûrs et juteux, avec également des notes de prune, de groseille à maquereau, de rhubarbe rose et d'épices douces. Pur et précis en bouche, voluptueux, un vin douillet comme un kilo de plumes. Une finale impressionnante et envoûtante, avec le fruit au premier plan.
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