Des aliments moins nutritifs à cause de l'agriculture moderne
Chaque semaine, notre journaliste répond aux questions scientifiques de lecteurs.
Est-il vrai que les fruits et légumes ont moins de nutriments à cause de l'agriculture intensive ?
Emma Boileau
Oui, la concentration en nutriments a diminué au fil des années, mais pas seulement à cause de l'agriculture intensive. Et le phénomène a surtout été démontré pour les céréales, comme le blé.
« Un suivi sur les légumes au Royaume-Uni a montré une baisse de la concentration en nutriments au fil des décennies », explique Steve McGrath, de l'Institut de recherche agricole Rothamsted, au nord de Londres. « Mais les preuves les plus fortes concernent les cultures arables [arable crops] comme le maïs, le blé et le riz, qui composent une plus grande part de notre alimentation que les légumes. »
Selon plusieurs études, depuis un demi-siècle, la quantité de nutriments comme le fer, le cuivre, le magnésium et le calcium, notamment, a décliné de 20 % à 50 % par gramme de céréales, de fruits et de légumes.
M. McGrath a fourni les preuves les plus fortes avec des études sur le blé, publiées il y a 20 ans. « Au fil des années, les méthodes d'analyse ont changé, les instruments sont plus sensibles. Ça peut fausser les résultats. Il y a aussi des différences de climat et de sols. Nous avons donc décidé de retourner analyser les échantillons des décennies passées. Et nous avons fait une étude sur trois ans, en serre, sur des variétés d'aujourd'hui et d'antan. »
« Révolution verte »
Pour les céréales, le responsable de la baisse des nutriments est la « révolution verte », qui grâce à des croisements traditionnels a fait bondir les rendements du blé, du riz et du maïs à partir des années 1960. « On a obtenu pour le blé des variétés qui faisaient croître les parties comestibles plutôt que la tige », explique Andy Gregory, responsable des essais à long terme à Rothamsted. Ces essais à long terme ont été lancés au milieu du XIXe siècle.
Les nutriments moins présents dans le blé sont l'azote, le phosphore et le potassium pour les « macro-nutriments », et le fer, le cuivre, le zinc, le manganèse et le cobalt pour les « micro-nutriments », présents en doses beaucoup plus faibles, selon M. McGrath. Les vitamines n'ont pas été étudiées.
Ces changements ne sont pas pris en compte par les comités qui font des recommandations en alimentation, déplore le biologiste britannique. « Les portions typiques d'aliments à base de blé contiennent plus de calories, mais moins de nutriments », note-t-il.
Maladies et irrigation
Le phénomène est probablement le même pour les fruits, selon M. McGrath. « Si on fait des croisements pour avoir des variétés plus grosses, on dilue la quantité de nutriments par unité de poids. Mais on peut avoir la même dilution en utilisant de l'engrais ou des pesticides, ou si on améliore l'irrigation et la surveillance des maladies. Il y a aussi une dilution si le climat est particulièrement propice, une année donnée. »
En revanche, s'il s'agit de maladies touchant les racines, il n'y a probablement pas de dilution de nutriments, selon lui.
En d'autres mots, la plupart des manières d'avoir une croissance agricole plus rapide provoquent une dilution des nutriments.
L'agriculture biologique entraîne moins de dilution parce qu'elle a des rendements plus faibles. « Si on a des fruits et légumes ratatinés à cause des maladies ou du manque d'eau, ils ont probablement une plus grande concentration de nutriments », dit M. McGrath.
La prochaine étape de ses recherches est de trouver une manière d'augmenter la quantité de nutriments dans les nouvelles variétés de céréales. « Ça pourrait se faire par génie génétique, pour avoir plus de transport des nutriments dans les parties comestibles. On pourrait aussi voir si différents types de culture, de gestion des sols ou d'engrais ont un impact sur ce transport des nutriments. Il faut faire une nouvelle révolution verte. »
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