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Zelensky défend la nouvelle loi qui supprime l'indépendance d'organismes anticorruption

Zelensky défend la nouvelle loi qui supprime l'indépendance d'organismes anticorruption

La Presse23-07-2025
(Kyiv) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a défendu mercredi la nouvelle loi très controversée supprimant l'indépendance d'organismes anticorruption, qui provoque la colère de l'UE et les premières manifestations d'ampleur en Ukraine depuis le début de l'invasion russe il y a plus de trois ans.
Stanislav DOSHCHITSYN
Agence France-Presse
Cette mesure a suscité un tollé au sein de la société civile ukrainienne, dans un contexte de pressions gouvernementales croissantes sur les acteurs de la lutte contre la corruption dans ce pays, où ce fléau est très présent.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a demandé des « explications » à M. Zelensky qui a très rapidement promulgué ce texte après son vote mardi par le Parlement, a annoncé mercredi un porte-parole.
Ce dernier a souligné que le respect de l'État de droit et la lutte anticorruption étaient au cœur du projet européen.
« En tant que pays candidat, l'Ukraine est censée respecter pleinement ces normes. Il ne peut y avoir de compromis », a insisté ce porte-parole de la Commission européenne.
« Inéluctabilité de la punition »
Plus tôt dans la journée, le chef de l'État ukrainien a pourtant pris fait et cause pour la nouvelle loi qui taxe d'inefficacité ces structures de lutte contre la corruption.
« Nous avons tous un ennemi commun : les occupants russes. Et pour défendre l'État ukrainien, il faut un système de protection de l'ordre suffisamment solide, capable de garantir un véritable sentiment de justice, » a-t-il argué.
M. Zelensky a assuré « entendre ce que dit la société » et promis de « régler des contradictions existantes », après avoir reçu les chefs des organismes chargés du maintien de l'ordre, dont les structures anticorruption concernées par cette loi.
Il a insisté sur l'importance de ce texte qui supprime l'indépendance du Bureau national anticorruption (NABU) et du parquet spécialisé anticorruption (SAP) en les plaçant sous l'autorité directe du procureur général, nommé quant à lui par le président.
« Les procédures pénales ne doivent pas s'éterniser pendant des années sans aboutir à des verdicts légaux. Et ceux qui agissent contre l'Ukraine ne doivent pas se sentir à l'aise ou à l'abri de l'inéluctabilité de la punition », a-t-il lancé.
Manifestations
Le NABU et le SAP, dont les dirigeants ont participé à cette rencontre avec M. Zelensky, ont de leur côté réitéré leurs critiques à l'égard de la nouvelle législation dans une déclaration commune.
« Des mesures législatives sans ambiguïté sont nécessaires pour rétablir les garanties révoquées par le Parlement », ont martelé les deux structures, dans un communiqué diffusé après la réunion.
Mardi soir, quelques heures après le vote, un millier de personnes, dont beaucoup de jeunes, se sont rassemblées dans le centre de Kyiv en signe de protestation, les premières manifestations d'importance depuis le début de l'invasion russe en 2022.
Depuis son indépendance en 1991, l'Ukraine a connu plusieurs soulèvements d'ampleur en faveur de la démocratie dont le dernier, en 2014, a débouché sur la chute d'un président prorusse.
PHOTO ROMAN BALUK, REUTERS
Des Ukrainiens manifestent contre une loi nouvellement adoptée qui limite l'indépendance des institutions de lutte contre la corruption dans le centre de Lviv, en Ukraine, le 22 juillet 2025.
Cependant, depuis le début de l'invasion, les rassemblements importants sont interdits en vertu de la loi martiale en vigueur en Ukraine.
Une nouvelle manifestation de protestation est prévue pour mercredi soir.
Certains analystes ukrainiens ont prévenu que la nouvelle loi risquait de bloquer l'adhésion de leur pays à l'UE, voire de potentiellement entraîner une réduction de l'aide financière à l'Ukraine, cruciale pour sa capacité à se défendre.
« Limiter l'indépendance des agences anticorruption entrave l'Ukraine sur la voie de l'UE », a confirmé mercredi sur X le ministre allemand des Affaires étrangères Johann Wadephul.
Renforcement de la présidence
Certains craignent qu'une crise politique autour de cette législation ne profite à la Russie en sapant l'unité due l'Ukraine.
« C'est un cadeau fait à Poutine », a critiqué Oleksandra Matviïtchouk, la directrice du Centre pour les libertés civiles, une ONG ukrainienne qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2022.
Les détracteurs de la loi considèrent qu'elle renforce illégitimement le pouvoir de la présidence et permettra au gouvernement de s'immiscer dans les affaires de corruption.
Le NABU a commencé ses activités en 2015, après la révolution proeuropéenne du Maïdan l'année précédente. Depuis sa création, cette instance a mis au jour des cas majeurs de corruption, y compris au sein de l'armée et du gouvernement. Cependant, peu d'entre eux ont débouché sur des condamnations en justice.
Selon des médias ukrainiens, le NABU et le SAP s'apprêtaient aussi à inculper l'ex-ministre de l'Unité nationale Oleksiï Tchernychov et enquêtaient sur l'ex-ministre de la Justice Olga Stefanichina.
Lundi, les services de sécurité ukrainiens (SBU) avaient annoncé l'arrestation d'un responsable du NABU soupçonné d'espionnage au profit de Moscou et perquisitionné dans les locaux de cette organisation, qui rejette ces accusations.
Avant le vote de mardi, les militants ukrainiens s'étaient déjà inquiétés des récentes poursuites judiciaires contre Vitaliï Chabounine, le directeur d'une des principales ONG luttant contre la corruption.
Cette décision intervient aussi après que le gouvernement a rejeté la nomination du chef du Bureau de la sécurité économique (BEB), invoquant des liens présumés avec la Russie, une décision vivement critiquée par la société civile.
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Les menaces russes, crédibles ou non, ont alimenté d'intenses discussions en Europe sur la manière de maintenir une dissuasion nucléaire crédible. L'incertitude entourant l'engagement du président américain Donald Trump envers l'OTAN et sa volonté éventuelle de répondre militairement à toute attaque contre un pays membre de l'alliance a forcé plusieurs États à envisager une solution de rechange. Le président français Emmanuel Macron a avancé dans ce contexte la possibilité que l'arsenal nucléaire de son pays serve de bouclier pour l'ensemble de l'Union européenne. Je veux croire que les États-Unis seront à nos côtés, mais il nous faut être prêts si tel n'était pas le cas. Le président de la France, Emmanuel Macron L'Allemagne avait appelé de ses vœux un tel scénario. La Pologne a indiqué de son côté qu'elle serait disposée à recevoir sur son territoire des armes nucléaires provenant de la France. Une telle réorganisation nécessiterait de complexes discussions stratégiques pour définir quels intérêts devraient être défendus et de quelle manière la décision d'utiliser les armes devrait être prise. Si le projet allait de l'avant à la suite d'un retrait américain de l'OTAN, la dissuasion devrait s'exercer avec un nombre considérablement réduit d'ogives nucléaires, puisque la France en compte quelques centaines comparativement à 3700 au total pour les États-Unis. Même en intégrant l'arsenal du Royaume-Uni, le nombre d'ogives disponibles ne serait que d'environ 500. Lawrence Freedman note que cette force nucléaire limitée pourrait, en cas de conflit nucléaire avec Moscou, permettre d'infliger des dommages considérables en Russie et exercerait à ce titre un pouvoir non négligeable de dissuasion. 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Le gouvernement du premier ministre Narendra Modi, qui accusait Islamabad d'avoir commandité l'attentat, a lancé le 6 mai une offensive « proportionnée » ayant mené à des frappes loin en territoire pakistanais, suscitant une réponse musclée du Pakistan avant la conclusion d'un cessez-le-feu quatre jours plus tard. Sumit Ganguly, un spécialiste de la région rattachée à l'Université Stanford, en Californie, note que l'attaque contre une base militaire liée au programme nucléaire pakistanais dans les premiers jours de l'offensive indienne a fait craindre un possible dérapage, mais les deux camps s'en sont tenus aux armes conventionnelles, sachant que le bilan d'un affrontement nucléaire serait catastrophique de part et d'autre de la frontière. Le risque d'un tel affrontement était relativement faible, mais la proximité des deux pays limite le temps de réaction et augmente la possibilité d'une « escalade involontaire » qui demeure plus présente que jamais. L'Inde, note M. 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Ali Vaez, analyste de l'International Crisis Group La décision n'a probablement pas encore été prise, ajoute le chercheur, parce que les hauts dirigeants iraniens craignent de se réunir physiquement après avoir vu Israël éliminer par des frappes précises plusieurs hauts responsables du programme nucléaire. « Ils veulent éviter de nouvelles fuites d'informations qui seraient susceptibles de mener à de nouvelles attaques israéliennes ou américaines », relève le chercheur. L'Iran va parallèlement négocier pour garder le plus grand nombre d'options ouvertes en laissant planer une ambiguïté sur ses intentions qui est susceptible d'alimenter les inquiétudes de plusieurs pays voisins. L'Arabie saoudite a déjà clairement fait savoir qu'elle ferait tout ce qu'il faut pour se doter de l'arme nucléaire si jamais le régime islamique iranien allait de l'avant. « Ils ne seraient pas à l'aise de se retrouver avec un Iran nucléaire à leurs portes, et ils ne feraient pas confiance aux États-Unis pour assurer leur sécurité », dit M. Vaez. La Turquie, sous la gouverne du président Recep Teyyip Erdoğan, a aussi déjà manifesté son intérêt pour l'arme nucléaire et serait motivée à aller de l'avant si Téhéran franchit le Rubicon.

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