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Le Jour de la marmotte dans une banque près de chez vous

Le Jour de la marmotte dans une banque près de chez vous

La Presse13-07-2025
Le Jour de la marmotte dans une banque près de chez vous
C'est triste à dire, mais les conclusions de la plus récente enquête sur les conseillers financiers des grandes banques auraient pu être écrites d'avance. Les conflits d'intérêts sont connus depuis des lustres.
Que ce soit dans une banque, un concessionnaire auto ou une boutique de téléphones cellulaires, la pression pour atteindre des cibles de vente mène souvent au même résultat : un produit optimal… pour le vendeur.
Dans le réseau bancaire, un conseiller sur quatre (24 %) admet avoir recommandé des produits qui n'étaient pas dans l'intérêt du client. Et un sur trois (33 %) dit avoir fourni des informations erronées sur les fonds communs ou les CPG recommandés.
Les outils de mesure des cibles de ventes – ces fameux « tableaux de bord » – sont au cœur du problème. Pas moins des 40 % des conseillers affirment qu'ils influencent leurs recommandations. Plus de la moitié (56 %) disent qu'ils exercent sur eux une pression « significative » pour accroître les ventes. Certains évoquent une « pression quotidienne excessive ».
Un conseiller révèle qu'il est beaucoup plus payant de vendre des fonds communs que des CGP, ce qui « crée un certain conflit d'intérêts ». Un autre confesse qu'il se sent forcé de vendre des produits inadaptés. « Ça doit changer. Ça crée du stress pour moi et pour mes clients. »
« Nous faisons semblant d'être favorables à la planification financière, mais une personne qui vend un gros fonds commun de placement est mieux perçue qu'une personne qui a bâti un plan financier complexe et aidé le client, mais de manière plus modeste, éthique et saine. Il faut que cela change », témoigne un autre employé.
Ce n'est qu'un des cris du cœur du rapport publié par l'Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO), le 9 juillet. Leur enquête vise cinq grandes banques : RBC, BMO, CIBC, Scotia et TD.
La vérité est peut-être encore plus déprimante. Rien n'empêche que les 2900 conseillers interrogés aient voulu embellir leur réalité. Pour sauver l'image de leur industrie ou leur propre ego. Pour éviter un alourdissement réglementaire ou une baisse de rémunération.
Quoi qu'il en soit, et même si le rapport ne nous apprend rien de neuf, la situation est grave.
Quand de mauvais conseils sont prodigués, quand les produits vendus sont inadaptés, ce sont potentiellement des milliers de dollars durement gagnés par de petits épargnants qui ne fructifient pas autant qu'ils le devraient.
À long terme, les effets néfastes s'additionnent, voire se multiplient. C'est la magie des intérêts composés, mais à l'envers.
Peut-on vraiment blâmer ceux qui suivent aveuglément les recommandations de leur conseiller ? Quand on connaît le niveau moyen de la littératie financière de la population, et son manque chronique de temps, on réalise vite que les clients n'ont souvent pas le choix. Il faut bien se fier à quelqu'un… dans un monde où les options objectives sont rares et rarement gratuites.
Les conseillers eux-mêmes ne s'y connaissent pas toujours assez. Près d'un conseiller sur quatre (23 %) ne peut même pas définir ce qu'est le ratio de frais de gestion⁠1. Il s'agit pourtant d'un « élément fondamental et important des fonds communs » qui peut influencer « de manière significative les décisions d'investissement des clients », note le rapport.
Cela dit, il ne faut pas croire que 100 % des conseils sont biaisés ou désavantageux. Ce n'est pas le cas, et les services rendus peuvent être d'excellente qualité.
Mais gardons en tête que le secteur bancaire nous offre un bel exemple de Jour de la marmotte.
Si l'OCRI et la CVMO se sont intéressés aux pratiques de vente des banques, c'était en réaction à une enquête de l'émission Marketplace diffusée à la CBC. Grâce à des caméras cachées, on pouvait y voir les effets néfastes des cibles de vente2.
Il était particulièrement choquant d'entendre un conseiller suggérer à un nouvel héritier d'investir les 50 000 $ reçus plutôt que de rembourser en priorité le solde de sa carte de crédit. Quelle belle manière de faire d'une pierre deux coups ! La banque continue d'encaisser 20 % d'intérêts avec la carte tandis que le conseiller empoche la prime.
En 2018, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada avait elle aussi conclu, à la suite d'une étude approfondie du secteur, que les succursales des banques sont devenues des « boutiques » dont la culture « vise avant tout la vente de produits et services⁠3 ».
Cette étude avait elle aussi été déclenchée par un reportage dévastateur de la CBC. Ces drapeaux rouges à répétition ne sont pas plus surprenants que la chaleur en juillet.
Rien ne changera si la rémunération des conseillers reste liée aux ventes. Ce n'est pas une question de mauvaise foi individuelle, mais de politiques d'industrie et de nature humaine.
Les banques ont réagi en affirmant qu'elles « tiennent toujours compte de l'intérêt du client au moment de recommander un produit ou un service », m'a écrit la porte-parole de l'Association des banquiers canadiens, Nathalie Bergeron. Je lui ai demandé comment cette affirmation pouvait être compatible avec les conclusions inverses de l'enquête de l'OCRI et de la CVMO⁠4. Elle n'a pas répondu.
La prochaine fois que j'écris au sujet des conflits d'intérêts, j'espère que ce sera pour annoncer une réforme. Pas les résultats prévisibles d'une autre enquête.
1. Le Ratio des frais de gestion (RFG) représente le coût total associé à la détention de parts d'un fonds commun de placement (frais de gestion du fonds, frais administratifs, frais d'opération et taxes), détaille l'OCRI.
2. Lisez « Hidden cameras capture bank employees misleading customers, pushing products that help sales targets » (en anglais)
3. Consultez l'examen des pratiques de vente au détail des banques canadiennes
4. Consultez les conclusions de l'enquête de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario
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