
Safari dans le Haut-Pays
À Saint-Onésime, aux portes du Kamouraska, les propriétaires de la buvette et cantine Côté Est nous attendent au petit matin. Leur MycoMigrateur, un colosse tout équipé, est conçu pour accueillir quatre foodies en quête d'aventures gastronomiques. Son objectif sera double : nous faire découvrir les richesses de l'arrière-pays et repérer les sentiers carrossables en prévision de la saison de cueillette qui s'amorce.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE La forêt de Saint-Onésime-d'Ixworth
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE La rivière Ouelle
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La forêt de Saint-Onésime-d'Ixworth
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En ardents défenseurs du territoire, Perle Morency et le chef du restaurant de Kamouraska, Kim Côté, ne pouvaient décliner la première proposition. De la mi-juillet à la mi-septembre, leur entreprise offre une sortie unique en nature, pour faire découvrir l'identité du Haut-Pays. Elle comprend une cueillette de champignons et de plantes sauvages, ainsi qu'un festin en plein air.
L'expérience s'adresse aux aventuriers, prévient Perle. « Ça risque de brasser ! On ne sait jamais à quoi s'attendre. Il suffit de bonnes crues pour que les sentiers soient modifiés. » C'est toutefois sur les routes paisibles d'une campagne vallonnée située entre fleuve et Appalaches que nous amorcerons l'escapade du jour.
Le millefeuille kamouraskois
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Le village de Saint-Alexandre-de-Kamouraska
La région de Kamouraska englobe sept municipalités. Elle s'étend, d'ouest en est, des villages de Saint-Onésime et Sainte-Anne-de-la-Pocatière à celui de Saint-Alexandre-de-Kamouraska. Du fleuve au sud, jusqu'à la frontière des États-Unis, elle est composée de trois strates complémentaires et clairement définies : le littoral, l'agricole et le forestier. Le territoire est vaste, peu habité sinon le long de ses berges flattées par les marées.
Un grenier agricole qui renaît
Premier arrêt chez le producteur maraîcher La Ferme d'En-Haut qui est un bel exemple d'un secteur agricole en ébullition dans le Haut-Pays.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
La ferme d'En-Haut de Saint-Onésime-d'Ixworth
Parti faire sa vie en ville, le propriétaire de la ferme, Simon Pilotto, a repris l'ancienne entreprise familiale de boucherie il y a sept ans afin de réaliser son projet maraîcher au champ et en serre. Il produit une cinquantaine de variétés de légumes biologiques destinés à une clientèle locale, qu'il distribue aux restos et par l'entremise de paniers de famille. « Ma satisfaction est de pouvoir faire manger des rabioles aux gens du coin. Je veux que ça reste local », insiste le fermier quand on évoque de potentiels projets d'expansion.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Simon Pilotto, producteur maraîcher
Longtemps, le Kamouraska a été l'un des greniers de l'agriculture du Québec. « Il renaît actuellement avec une nouvelle forme d'agriculture, plus artisanale que les fermes qui ont émergé dans les années 1950 et plus fidèle à ses origines », explique Perle. Les nouveaux entrepreneurs sont créatifs, complémentaires dans leur offre. Ils ont surtout à cœur de valoriser la région avec une agriculture à échelle humaine, dit-elle.
Après avoir fait provision de tomates et de basilic pour notre pique-nique en forêt, Kim reprend le volant du MycoMigrateur pour nous conduire de village en village – certains franchement coquets – en direction de la frontière américaine. Entre deux hameaux, le paysage se dessine : champêtre, ponctué de bâtiments agricoles. En arrière-plan, la découpe des montagnes et le fleuve à l'horizon.
Des forêts à préserver
Les pluies de juin ont gorgé le sol d'eau. Qu'à cela ne tienne. Le MycoMigrateur s'aventure dans les sentiers non balisés d'un territoire semé de grandes érablières, qui fait le bonheur des amateurs de cueillette et de VTT. Kim, ancien guide de chasse dans le Grand Nord, connaît chaque recoin de cet environnement où il chasse depuis l'enfance. Ce bijou est en péril, déplore-t-il : des pins centenaires passent au couperet sous une activité forestière intensive, laissant de larges parcelles de montagne dénudées par la coupe à blanc.
On croisera plusieurs camions chargés de troncs sur notre route. « C'est de même à longueur de journée ! », lance Kim. Avec la loi 97 qui modernisera le régime forestier en 2026, la situation est loin de s'améliorer : les entreprises forestières ont plutôt accéléré la cadence, constate-t-il. « On se sert dans nos ressources, et souvent, sans qu'il y ait eu de consultation publique. À ce rythme, il n'y aura plus de forêt et plus d'habitat pour la faune. »
Depuis deux ans, on a le motton en venant ici. On sent que c'est la fin d'une époque. Nos enfants n'auront peut-être pas accès à cette beauté.
Perle Morency, copropriétaire de la buvette et cantine Côté Est
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE Le majestueux Grand Pin, plus haut pin blanc connu du Québec
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE Les effets de la coupe à blanc dans la forêt du Haut-Kamouraska
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Le majestueux Grand Pin, plus haut pin blanc connu du Québec
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Enfoncé dans un décor de plus en plus sauvage, le MycoMigrateur bondit sur les pierres. Direction le Grand Pin, situé à Saint-Athanase, à 19 mètres de la frontière américaine. D'un âge estimé entre 250 et 550 ans, il est le plus haut pin blanc connu du Québec avec 34,2 mètres de hauteur. Ce tour de manège en vaudra le détour. « C'est le secret le mieux gardé du Haut-Pays ! », s'enthousiasme Kim.
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Le MycoMigrateur s'enfonçant dans un décor de plus en plus sauvage
Sous ce géant, on dressera la table pour un repas forestier aux saveurs du terroir kamouraskois.
Un garde-manger vivant
L'été, la forêt regorge de richesses : champignons, mélilot, pousses de conifère, boutons de marguerite… Des rivières, des lacs et une faune en font un véritable garde-manger. « On pourrait choisir de préserver le territoire pour qu'il soit nourricier, mais il faut pour cela que des décisions soient prises et que toutes les voix soient entendues, plaide Perle. Il y a une force silencieuse et souterraine prête à exploser. On sous-estime le pouvoir social. »
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE Le MycoMigrateur contient tout le nécessaire pour que le chef Kim Côté, ici accompagné de son acolyte Perle Morency, nous concocte un festin digne de ce nom.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE Le repas est accompagné d'un vin aromatique produit par le vignoble Le Raku.
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Le MycoMigrateur contient tout le nécessaire pour que le chef Kim Côté, ici accompagné de son acolyte Perle Morency, nous concocte un festin digne de ce nom.
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Sur la route du retour vers le village de Kamouraska, on s'arrêtera pour observer des sangliers et marcassins à la ferme Les petits régals des bois, tout en zieutant le comptoir de viandes.
Comme d'autres petits producteurs qui proposent du prêt-à-manger ou une buvette à la ferme, l'offre se diversifie ici pour rejoindre un nouveau public.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Le pique-nique met de l'avant les saveurs du terroir kamouraskois : produits de la mer, charcuteries, fromages fins, vin et légumes du coin.
On fera un dernier arrêt chez le producteur de vins et alcools de fruits Amouraska, le temps de siroter un cocktail rafraîchissant aux arômes de petits fruits.
« La pression croissante sur le littoral pousse à investir dans le Haut-Pays. On sent que le rêve d'en faire un pôle touristique devient réalité », dit Perle entre deux gorgées. L'identité du Kamouraska passe maintenant par toutes ses composantes, qu'elles soient maritimes, agricoles ou forestières. Et c'est ce que Côté Est, comme d'autres adresses gourmandes de la région, révèle dans son espace culinaire ancré dans le terroir – du fleuve aux montagnes.
Consultez le site de Côté Est
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