
« Qu'ils balaient devant leur porte » : le ministre des Transports répond au PDG de Ryanair
Dans une interview accordée jeudi à notre journal, et publiée ce samedi, Michael O'Leary s'attaque une nouvelle fois durement au gouvernement et dénonce vertement la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) ― aussi appelée taxe Chirac ―, décidée lors du budget 2025. Elle a triplé, passant de 2,60 euros à 7,40 euros par billet. Michael O'Leary s'appuie sur cette mesure pour justifier la réduction de 13 % de l'activité de la compagnie en France, annoncée la semaine dernière, et l'arrêt complet dans trois aéroports (Strasbourg, Bergerac, Brive).
« En réalité, la TSBA n'est probablement qu'une petite partie de l'explication à leur décision ― et surtout un écran de fumée. Leur attitude me laisse penser que la décision était déjà prise », juge Philippe Tabarot, sollicité par nos soins après l'interview de Michael O'Leary.
« Tant qu'ils mettent assez d'essence dans les avions… »
Et le ministre des Transports de relever la reprise des liaisons de Ryanair à Strasbourg (Bas-Rhin), vers Agadir (Maroc) et Porto (Portugal), par Volotea, avec la création de 70 emplois. « Cela montre bien que la situation n'est pas si terrible ! Moi, je n'ai aucun problème à ce qu'une entreprise fasse des profits, et c'est le cas de Ryanair qui a doublé ses bénéfices en une année (1,6 milliard d'euros), mais il faut l'assumer », tranche Philippe Tabarot. Avant d'ajouter, sarcastique : « Tant qu'ils mettent assez d'essence dans les avions et ne transigent pas sur la sécurité des passagers… »
Le ministre des Transports fait référence aux trois incidents survenus en 2012. Trois avions avaient dû se poser en urgence avant d'arriver à destination, les réservoirs étant vides. Cela avait jeté une lumière crue sur la stratégie d'optimiser les coûts, jusqu'à l'excès.
« Il ferait mieux de s'occuper du service (…) à leurs clients »
« Alors, très franchement, plutôt que de donner des leçons sur la manière dont le gouvernement prépare son prochain budget, il (Michael O'Leary) ferait mieux de s'occuper du service que Ryanair rend à ses clients, enfonce Philippe Tabarot. Sans compter que ses employés n'ont pas tous l'air épanoui, quand je vois qu'il y a un conflit social qui pourrait durer six mois en Espagne, ou les décisions de justice en leur défaveur. »
Peu réputé pour un dialogue social serein et nourri, Ryanair a, entre autres, été condamné pour « travail dissimulé » (sur l'aéroport de Marseille). La Cour de cassation a rejeté son pourvoi en 2023.
Sur le fond, la hausse de la TSBA a suscité la fronde de l'ensemble du secteur aérien. Le PDG d'Air France - KLM, Benjamin Smith, avait lui même fustigé une décision « irresponsable ». Philippe Tabarot rappelle la « continuité de sa position » sur le sujet.
Il n'entend pas céder au chantage du PDG de Ryanair
En tant que sénateur, le ministre des Transports s'était montré sceptique. Aujourd'hui, il estime qu'il ne faut pas de nouvelle augmentation, au risque de voir le secteur aérien français « décrocher » par rapport aux concurrents européens. Tandis que Nathalie Delattre, ministre du Tourisme, s'est dans un premier temps prononcée pour la suppression de cette taxe, avant de nuancer pour coller à la position Philippe Tabarot.
« J'ai conscience de l'effort général qui est demandé au pays. Le transport y prend sa part. Mais je pense qu'il est temps de stabiliser les choses et de donner une visibilité aux compagnies, précise Philippe Tabarot. Il faudrait aussi que les recettes soient mieux fléchées vers la décarbonation des transports. C'est le message que je porte au gouvernement. C'est désormais au ministère des Comptes publics de se prononcer. »
Dans tous les cas, il n'entend pas céder au chantage du PDG de Ryanair, qui exige une suppression des taxes sur l'aérien. À défaut, Michael O'Leary menace de réduire encore davantage l'activité de la compagnie dans le pays.
« Du dialogue, oui, mais pas de menace »
« Je ne tolère pas ces manières de faire, lance le ministre. Je crois l'avoir montré dans les différents conflits sociaux que j'ai eus à gérer. Que ce soit dans le contrôle aérien, à la SNCF ou ici avec le PDG d'une compagnie… Peu importe, c'est la même méthode pour tout le monde. Du dialogue, oui, mais pas de menace. »
Les contrôleurs aériens justement, dont les grèves qualifiées de « récréatives » par Michael O'Leary ont un fort impact sur le trafic européen. Philippe Tabarot fustige la « grossièreté » et « la généralisation » faite à leur propos par le PDG de Ryanair. Ce dernier s'agace, entre autres, de la pratique de la « clairance », qui consiste pour les contrôleurs à gérer eux-mêmes leurs horaires de travail.
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