
Allemagne : en Rhénanie-Palatinat, les membres de l'AfD ne pourront plus être fonctionnaires
Dans le Land de Rhénanie-Palatinat, à l'ouest de l'Allemagne, les membres du parti Alternative für Deutschland (Alternative pour l'Allemagne), officiellement classé d'extrême droite, ne sont plus autorisés à travailler dans la fonction publique. Cela fait suite à une décision du ministère de l'Intérieur de l'État fédéré frontalier de la France, rendue publique jeudi 10 juillet, renforçant les obligations constitutionnelles des agents afin de «lutter systématiquement contre les ennemis de la Constitution dans la fonction publique», indique l'institution dans un communiqué.
Désormais, les candidats devront obligatoirement compléter une déclaration écrite de loyauté à la Constitution lors du processus de recrutement, dans laquelle ils devront assurer qu'ils n'appartiennent à aucune «organisation extrémiste» et qu'ils n'en ont jamais été membre au cours des cinq dernières années. Toute personne refusant d'écrire cette déclaration et ne pouvant «dissiper les doutes quant à sa loyauté à la Constitution ne sera pas embauchée dans la fonction publique», précise le communiqué. Or, la liste des groupes considérés comme extrémistes inclut l'AfD, a annoncé jeudi à Mayence le ministre de l'Intérieur Michael Ebling (SPD), cité par le quotidien libéral conservateur Die Welt .
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«La loyauté à la Constitution n'est ni un vœu pieux, ni une recommandation ; c'est le devoir inaliénable de tout fonctionnaire de notre pays», a ainsi souligné le responsable social-démocrate. «Quiconque soutient des initiatives extrémistes, participe à des groupes anticonstitutionnels ou manifeste un rejet profond des valeurs fondamentales de notre Constitution n'a pas sa place dans la fonction publique. L'appartenance à un parti ou à une organisation classée comme extrémiste peut même constituer une faute disciplinaire. Les infractions manifestes peuvent entraîner la révocation», a précisé de façon draconienne son ministère.
Critiques de l'AFD, et de la CDU
Le député Sebastian Münzenmaier, issu du Land de Rhénanie-Palatinat et chef adjoint du groupe parlementaire de l'AfD au Bundestag, s'est immédiatement érigé contre cette décision. «Le ministre de l'Intérieur SPD de Rhénanie-Palatinat veut interdire aux membres de l'AfD d'exercer certaines professions. Mais ça, nous ne l'accepterons absolument pas. Cher SPD de Rhénanie-Palatinat, c'est une promesse : nous allons vous écraser politiquement !», a-t-il écrit sur X.
La CDU a également décrié cette nouvelle réglementation inflammable. «Ce que le ministre de l'Intérieur Ebling présente aujourd'hui relève davantage de la mise en scène que du concret», a ainsi déclaré à Die Welt Gordon Schnieder, chef du groupe parlementaire régional de la CDU. Il a critiqué une «mise en scène politique» et un «calcul partisan sur un sujet extrêmement sensible (...) poussé par une décision impopulaire du congrès fédéral du SPD». Le 29 juin dernier, les délégués du SPD réunis à Berlin ont effectivement décidé de lancer un travail préparatoire en vue d'une demande de procédure d'interdiction de l'AfD. Seulement deux partis politiques ont été interdits dans l'histoire de la République fédérale d'Allemagne : un parti néonazi en 1952, et le Parti communiste d'Allemagne (KPD) en 1956.
Une telle initiative, qui devrait récolter au moins deux tiers des voix du Bundestag (l'assemblée parlementaire allemande) ou du Bundesrat (le conseil des 16 Länder) avant d'être transmise à la Cour constitutionnelle, a peu de chances d'aboutir car les conservateurs de la CDU, dont le chancelier Friedrich Merz gouverne dans le cadre d'une coalition avec le SPD, y sont opposés. Toutefois, elle ranime un débat particulièrement vif en Allemagne sur la façon de traiter l'AfD, très à droite et en constante progression électorale.
Débat enflammé en Allemagne
Créée en 2013 dans le contexte de la crise des dettes souveraines, l'AfD était à l'origine concentrée sur la proposition de sortir l'Allemagne de la zone euro. Le parti a ensuite fait de la lutte contre l'immigration son principal cheval de bataille à partir de la crise migratoire de 2015-2016, à l'issue de laquelle il est entré pour la première fois au Bundestag en 2017 avec près de 13% des voix.
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Il est aujourd'hui coprésidé par Alice Weidel, connue pour ses déclarations incisives et son profil qui tranche avec sa défense des valeurs traditionnelles : économiste de formation, ancienne conseillère chez Goldman Sachs, elle est ouvertement lesbienne et vit en Suisse avec sa compagne d'origine sri lankaise. Alice Weidel rejette l'étiquette «extrême droite» et préfère définir son identité politique et celle de son parti comme «libertarienne et conservatrice».
Néanmoins, l'AfD a plusieurs fois suscité la controverse en Allemagne, par exemple en janvier 2024 lorsque le média d'investigation indépendant Correctiv avait révélé l'organisation en novembre 2023 près de Potsdam d'une réunion secrète en présence de cadres du parti portant sur un projet de «remigration ». Celui-ci consistait en un plan d'expulsion massive de millions de migrants vivant en Allemagne, à la fois des étrangers, des demandeurs d'asiles et des «citoyens non-assimilés» (de nationalité allemande tout en ayant une origine étrangère).
Références ambiguës au Troisième Reich
Par ailleurs, Björn Höcke, l'une des figures les plus radicales de l'AfD, président du parti dans le Land est-allemand de Thuringe où il l'avait mené à la victoire aux élections régionales de septembre 2024, a été condamné par la justice allemande l'année dernière pouvoir avoir proclamé la phrase « Alles für Deutschland ! » (« Tout pour l'Allemagne »). Ce slogan utilisé par les SA, organisation paramilitaire du parti national-socialiste qui avait joué un rôle important dans la conquête du pouvoir par Adolf Hitler en 1933, est aujourd'hui interdit en Allemagne.
De même, l'AfD a été plusieurs fois épinglée pour l'emploi d'éléments de communication plus ou moins explicitement liés au nazisme, par exemple sur une affiche de campagne pour les dernières élections régionales en Brandebourg où les bras de deux parents se rejoignant pour former le toit d'une maison suggéraient un parallèle troublant avec le salut nazi. Le parti controversé avait même opté pour le slogan « Alice für Deutschland » lors de la campagne pour les élections fédérales de février 2025, suggérant une nouvelle référence confuse au slogan des SA à travers la figure d'Alice Weidel.
Un parti sous surveillance généralisée
En mars 2021, l'office fédéral de protection de la Constitution (BfV), chargé du renseignement intérieur, avait placé l'ensemble de l'AfD sous surveillance en tant que «Verdachtsfall» (cas suspect) d'extrémisme de droite. Puis, face aux «indices selon lesquels l'AfD aurait des aspirations contre l'ordre fondamental libéral et démocratique» qui seraient devenues des «certitudes», l'office de protection de la Constitution a décidé le 2 mai 2025 de classer le parti AfD comme «extrémiste de droite avéré». Cette classification confère aux autorités des moyens encore plus importants de surveillance et de contrôle, y compris des communications privées. L'agence fédérale avait notamment justifié sa décision en affirmant que «la conception du peuple basée sur l'ethnie et l'origine qui prévaut au sein du parti n'est pas compatible avec l'ordre fondamental libéral et démocratique» de l'Allemagne.
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Le secrétaire d'État américain Marco Rubio avait alors dénoncé sur X une «tyrannie déguisée», appelant les autorités allemandes à faire «marche arrière». Le vice-président américain, JD Vance, s'en était lui aussi pris de façon véhémente aux autorités allemandes, en affirmant sur X : «L'AfD est le parti le plus populaire d'Allemagne, et de loin le plus représentatif de l'Allemagne de l'Est. Aujourd'hui, les bureaucrates tentent de le détruire. L'Ouest a abattu le mur de Berlin. Il a été reconstruit, non pas par les Soviétiques ni les Russes, mais par l'establishment allemand».
L'AfD, auquel Elon Musk avait d'ailleurs apporté son soutien en affirmant notamment le 21 décembre 2024 que «seule l'AfD peut sauver l'Allemagne», avait effectué une percée historique lors des dernières élections fédérales, le 23 février 2025, en récoltant près de 21% des voix et un quart des sièges au Bundestag. L'AfD avait ainsi terminé derrière la CDU de Friedrich Merz mais devant les sociaux-démocrates du SPD, le parti de gouvernement historique en Allemagne avec son pendant de centre droit, qui n'avait jamais échoué à figurer parmi les deux premières forces politiques aux élections législatives (ni obtenu moins de 20% des voix) depuis la création de la République fédérale d'Allemagne en 1949.
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