« On a touché l'or du bout des doigts » : la nouvelle vie des pionniers du 3x3
L'été dernier, tous les matins, ils dégustaient leur petit déjeuner en bord de Seine sur le boulodrome du village olympique. Une partie de pétanque journalière, le secret de leur épopée épique ? « On faisait tout à quatre, comme si on ne faisait qu'un », se souvient le vice-champion olympique Lucas Dussoulier. Depuis, le quatuor n'a pas encore eu le temps de s'affronter de nouveau aux boules, et ne pratique même plus la même discipline au quotidien, mais le souvenir enivrant d'un été historique reste vivace.
Transcendés par le public bouillant sur une place de la Concorde « électrique », les Bleus ont déjoué tous les pronostics, alors qu'on attendait plus les Françaises, championnes du monde 2022 et grandes favorites, éliminées à la surprise générale dès le premier tour. Après une qualification à la dernière minute, des montagnes russes en poule (quatre revers consécutifs sur sept matches), l'équipe de France masculine, absente des JO 2021, a sorti avec brio les sextuples champions du monde serbes en quarts de finale (19-22) et les champions olympiques 2021 lettons en demi (14-21). Deux surprises.
Puis il y a eu cette finale irrespirable contre les Pays-Bas, terminée en prolongations par un coup de poignard (17-18 a.p.), un buzzer beater incroyable qui a crucifié les Bleus, signé Worthy De Jong, sur la tête de Timothé Vergiat. « Juste après les Jeux, j'y pensais pas trop, j'étais euphorique de la médaille, raconte le meneur. Quelques mois après, par contre... Je relativise dans le sens où c'est le 3x3... Je ne peux pas faire plus sur l'action. Mais on me le rappellera toute ma vie. Ça ajoute un peu de dramaturgie à l'histoire. Après, je vais pas mentir, j'aurais préféré qu'on mette un vieux panier moche n'importe comment mais qu'on gagne. »
« On l'aime de tout notre coeur, cette médaille d'argent »
Franck Seguela
Tous affirment que la déception de l'instant a vite été digérée. « On a touché l'or du bout des doigts, forcément on y repensera tout le temps, ajoute Franck Seguela. Mais on l'aime de tout notre coeur, cette médaille d'argent. On reste tellement heureux et fiers de ce qu'on a vécu. »
De Jong a remis ça
Sauf que le cauchemar s'est répété... Quand leurs coéquipiers Vergiat avec Blois (Pro B) et Lucas Dussoulier, avec Nanterre (Betclic Élite), ont vite refoulé les parquets de 5x5, Jules Rambaut et Seguela ont renfilé le maillot de 3x3 Paris, l'équipe de la FFBB créée spécialement pour préparer les JO 2024 et stoppée comme prévu à la fin de l'été 2024. Loin du coup de projecteur des JO. Après leur première historique victoire en Master (le plus haut niveau du circuit) en août, ils se sont hissés en novembre à la deuxième place du classement international, perdant en finale du World Tour. Et de nouveau, le fantasque néerlandais De Wong a frappé, avec Amsterdam, privant le duo français d'un titre sur un buzzer beater en prolongation (22-20). « J'ai eu l'impression de revivre la même chose, ça a presque été encore plus compliqué à encaisser », souffle Rambaut.
« Même aujourd'hui, c'est difficile, encore, de se projeter clairement sur l'avenir »
Jules Rambaut
Un tir dévastateur qui a ouvert une période d'incertitude. Après l'été, Seguela et Rambaut ont vécu longtemps dans le doute de savoir s'ils rejoueront - ou non - toute l'année sur les demi-terrains de leur discipline, olympique depuis 2021. Avec Hugo Suhard, autre spécialiste du 3x3, Seguela a oeuvré dans l'ombre pour créer, partant quasiment de zéro, une équipe privée à Toulouse, les Stormers. Une course contre-la-montre mêlée d'un parcours du combattant. « L'exposition des JO a évidemment beaucoup apporté à la discipline en général, mais on espérait un peu plus pour le projet de Toulouse, souligne Rambaut. Même aujourd'hui, c'est difficile, encore, de se projeter clairement sur l'avenir. »
Clap de fin pour Paris 3x3 et ses médaillés olympiques avec la finale du circuit mondial
Grâce au soutien de l'association Basket Amplitude, plusieurs partenaires locaux, des structures fédérales et de sponsors, l'entité a été lancée officiellement début 2025. « Honnêtement, je ne pensais pas que ce serait aussi difficile, confirme Seguela, devenu numéro un mondial en mai, une première pour un Français. Un mois après notre médaille olympique, on galérait à vivre de notre sport. C'est un choc très présent dans les sports individuels, on y a été confrontés dans un sport collectif. »
Aujourd'hui, leur situation est « plus stable », mais bien loin du confort et des moyens des clubs de l'élite en 5x5. Au-delà de son rôle de joueur, Seguela porte de multiples casquettes pour faire vivre l'équipe, touchant au marketing, à la logistique, au management, au commercial... Complexe mais indispensable. « Le soutien de l'Agence nationale du sport nous permet d'envisager un avenir plus serein pour préparer les JO 2028, mais ça reste un combat », précise le numéro un français.
« Le modèle économique se développe encore, il y a énormément de choses à construire en dehors du basket pour pérenniser tout ça »
Karim Souchu, sélectionneur de l'équipe de France
3x3 Toulouse possède un modèle unique et novateur en France, une structure englobant une dizaine de personnes, dont l'équipe arpente les tournois à travers le monde pour une saison se déroulant de mars à novembre, entrecoupée de rendez-vous avec l'équipe nationale. « Le modèle économique se développe encore, il y a énormément de choses à construire en dehors du basket pour pérenniser tout ça », pointe Karim Souchu, le sélectionneur français.
Cette saison, Toulouse a compilé des succès au Master d'Amsterdam, à deux Challengers (2e niveau) et un sacre fin juillet à l'Open de France. Solide. En équipe nationale, le retour des vice-champions olympique a été bien plus tourmenté : élimination dès la phase de groupes de la Champions Cup (nouveauté du calendrier) en mars puis de la Coupe du monde en juin. Il reste encore la Coupe d'Europe (5-7 septembre), à Copenhague, pour remonter sur un podium cet été.
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