
Montreux Jazz Festival: «Jouer le blues avec Bobby Rush, c'est une façon de montrer ma gratitude»
Kenny Wayne Shepherd, extraordinaire guitariste de Louisiane, passe mercredi par Montreux en accueillant la légende vivante Bobby Rush, 91 ans. Interview show devant. Publié aujourd'hui à 18h00
Kenny Wayne Shepherd et Bobby Rush à la Nouvelle-Orléans, Louisiane, en mai 2025.
WireImage
Brothers and sisters, voici «the real thing», comme ils aiment à dire là-bas, dans ce sud étasunien où est née un peu de la musique des cent dernières années. Mercredi soir à Montreux, Scène du Lac, soleil couchant, Kenny Wayne Shepherd, 48 ans, gars de Shreveport, Louisiane, va faire monter de sa guitare un son ancien, âpre, dont la force brute peut arracher des larmes sans que vous compreniez bien pourquoi. Une puissance, une virtuosité folle, inspirée de Stevie Ray Vaughan, maître que little Kenny Wayne découvrit en concert alors qu'il avait 7 ans. Six années plus tard, le jeune Shepherd déclenchait des ovations debout dans les clubs. Sa manière de blues moderne (il a tourné avec les Stones et Dylan) n'oublie cependant jamais l'hommage et les racines (des collaborations avec Clarence Brown ou B. B. King).
Son récent disque, titré « Young Fashioned Ways » (une référence à Muddy Waters) et qu'il vient célébrer à Montreux, est un opus étonnant, réalisé en compagnie du légendaire chanteur Bobby Rush, 91 ans, survivant de toute l'aventure du blues de Chicago. Rush sera sur scène avec Kenny Wayne Shepherd mercredi, c'est l'un des événements de la programmation 2025. Le guitariste nous en parle.
Comment sont nés ce disque et cette tournée avec Bobby Rush?
Je le connais depuis pas mal de temps, lui et sa musique. Il a 91 ans, c'est l'un de ceux qui ont contribué à façonner, à créer le blues tel qu'on le connaît aujourd'hui, et qui ont inspiré des gens comme moi à devenir ce que je suis. Il y a deux ans et demi, je lui ai demandé de se joindre à nous pour un festival de blues, ici aux États-Unis. Il était l'un de nos invités spéciaux. C'était la première fois, et dès les premières notes, j'ai senti une alchimie. Ça ne se simule pas. Soit elle est là, soit elle n'est pas là. Il était évident que nous ressentions quelque chose de cool ensemble. À la fin du concert, je lui ai dit: «On devrait enregistrer un album ensemble.» Il m'a répondu: «C'est exactement ce que je pensais.»
Pensez-vous qu'il y a dans ce projet une sorte de transmission, d'héritage? De dire l'histoire du blues à de jeunes auditeurs?
Oui, faire découvrir à un nouveau public des gens comme lui est une part de cette aventure. Quand j'ai commencé à jouer du blues ou ma musique, qui était en fait davantage du blues rock, j'étais très jeune. Mais j'avais beaucoup de jeunes fans, parce qu'ils voyaient quelqu'un de leur âge jouer cette musique. Je pouvais ainsi dès mes débuts faire découvrir à ces jeunes les artistes de blues qui m'avaient inspiré. C'est un peu ma mission. Aujourd'hui, jouer avec Bobby Rush, c'est aussi une façon de montrer ma gratitude, car je ne joue pas toujours du blues pur et dur. Mais c'est cette musique qui m'a donné envie d'empoigner une guitare. C'est en jouant sur des disques de blues que j'ai appris. En m'asseyant avec ma guitare, j'imaginais ce que ce serait de jouer cette musique avec les «authentiques» musiciens. J'ai maintenant l'occasion de le faire. C'est aussi un rêve d'enfant qui se réalise.
Qu'est-ce qui vous a touché le plus chez Bobby Rush?
D'abord, il a 91 ans. Quand on pense à quelqu'un de cet âge, on imagine souvent une personne qui bouge très lentement, qui n'a probablement pas beaucoup d'énergie, qui n'est peut-être pas très concentrée. Mais cet homme est sidérant. Il semble déborder d'énergie. Il travaille très dur. Il est très concentré, son niveau est très élevé. Nous faisons cette tournée et, chaque soir, j'ai la chance de le voir et de l'écouter. Ce qu'il est capable de faire est tout simplement incroyable. Je pense que le public à Montreux va être époustouflé quand il le verra jouer. Beaucoup de mes fans viennent à ces concerts et découvrent Rush pour la première fois.
Comment se déroule le spectacle?
Bobby ne fait jamais deux fois la même chose. Chaque soir, c'est différent. Nous avons également dû ajouter des instruments sur certaines chansons afin de les enrichir pour le live. Mais je dois surtout voir combien de temps nous aurons à disposition au festival. Ce sera similaire à ce que nous avons fait au festival de jazz de La Nouvelle-Orléans, où nous jouons. Le Kenny Wayne Shepherd Band commence, puis, au milieu du spectacle, nous appellerons Bobby sur scène pour qu'il nous rejoigne, et nous jouerons ensemble plusieurs chansons de notre album. Ensuite, le groupe et moi terminerons le spectacle. À la fin, chaque soir, les gens sont amoureux de Bobby Rush.
Cette expérience vous marque-t-elle?
C'est un moment de grande fierté. Jouer avec Bobby me ramène à mon enfance, quand je regardais des gens comme lui avec admiration en imaginant ce que ça pourrait être de jouer avec eux. Le fait de pouvoir réaliser cela dans ma carrière m'y ramène, en tant que musicien et en tant que fan de blues.
Avez-vous cherché à recréer un son vintage ou à le moderniser?
Un peu des deux, mais nous n'avons pas vraiment cherché à le moderniser à outrance. Je voulais juste avoir une approche légèrement différente sur certaines chansons, comme «Make Love To You». C'est toujours assez dépouillé, mais avec les battements de pieds, les claquements de mains et l'arrangement, on sent quand même une touche de modernité. C'est littéralement une transposition du blues traditionnel dans l'ère moderne, mais sans essayer de le faire avec du rock'n'roll, en s'en tenant strictement au blues.
Les jeunes générations redécouvrent le blues grâce à des artistes comme vous ou Gary Clark, Jr., par exemple. Qu'est-ce qui fait que le blues ne se démode pas?
Ce qui rend toujours le blues pertinent, à mes yeux, c'est que toutes les formes de musique populaire en sont issues. Si vous remontez dans le temps pour retracer l'histoire de ces musiques, vous retrouvez le blues: il a donné naissance au rock'n'roll, et le rock'n'roll a ensuite donné naissance à la musique populaire.
«The Blues Had a Baby and They Named It Rock and Roll», le blues a eu un bébé qu'ils ont appelé rock'n'roll, dit la chanson de Muddy Waters.
Oui, exactement (rires).
Concert au Montreux Jazz Festival, Scène du Lac, mercredi 16 juillet dès 20 h 30. Disque: «Young Fashioned Ways» (Deep Rush Records/Thirty Tigers).
Sur le Montreux Jazz Festival
Christophe Passer, né à Fribourg, travaille au Matin Dimanche depuis 2014, après être passé notamment par le Nouveau Quotidien et L'Illustré. Plus d'infos
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