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Neil Young à Montreux, le calme pendant la tempête

Neil Young à Montreux, le calme pendant la tempête

24 Heures5 days ago
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La pluie allait bien au chanteur de «Like a Hurricane». Calé dans la chaleur de ses hymnes électriques, il a visité deux heures de classiques en senior roublard. Publié aujourd'hui à 11h11 Mis à jour il y a 1 minute
Neil Young, dimanche 6 juillet sur la Scène du Lac au Montreux Jazz. Entre ses doigts, sa Gibson «Old Black».
Lionel Flusin
Soyons honnêtes: le romantisme d'un Neil Young sous une pluie battante, bravant les éléments hostiles en capitaine imperturbable tandis que ses musiciens souquent en rythme à ses côtés, confrontant l'électricité de ses amplis à celle de l'orage qui menace, défouraillant «Like a Hurricane» dans des rafales gorgées de flotte, cette image dont se souvient Paléo en 2013 est plus efficace – et confortable – lorsque le ciel veut bien attendre la fin du concert pour éclater en apothéose.
À Montreux dimanche soir, le gredin était pressé. Le ciel, pas Neil Young. Le premier a fondu en averse quelques minutes avant que le second ne fasse son apparition devant 5500 personnes sur la place du Marché, du pas nonchalant de l'artisan qui va au turbin à 79 ans passés, confiant dans la qualité de ses outils – sa légendaire Gibson «Old Black» –, la solidité de son savoir-faire et la probité de ses employés, ces Chrome Hearts au sang neuf. Neil Young comme il se doit
Le «Loner» presque octogénaire a gagné en bajoues et perdu (un peu) en puissance vocale. C'est tout. Pour le reste, la casquette cabossée, la chemise à carreaux, la moue grincheuse que vient parfois éclairer un rictus, voire un sourire, le port de la guitare sur le bidon et cette manière de jouer jambes légèrement arquées afin d'écraser d'un coup de semelle sa pédale d'effets… c'est bien Neil Young, et la principale surprise vient des écrans latéraux dont l'ombrageux n'a pas, cette fois-ci, réclamé qu'on les débranche.
On y voit ses yeux et, souvent, de la malice. Derrière le calme souverain du patron formant un triangle exigu avec le bassiste Corey McCormick et le guitariste Micah Neslon, fils de l'ami Willie, derrière la nonchalance apparente d'un groupe qui joue sur la scène principale du Montreux Jazz comme s'il se trouvait sur celle d'un club de Winslow, Arizona, on devine les joies fugaces du plus célèbre baroudeur rock. Les douze minutes de «Cowgirl in the Sand» en donnent la mesure: alors que Montreux frémit sous la pluie froide, le musicien se chauffe et, dodelinant du manche comme si sa guitare était goupillon, bénit la foule de ses riffs saturés.
Neil Young face au bassiste Corey McCormick et au guitariste Micah Neslon.
Lionel Flusin
Cela ne suffit pas à la réchauffer vraiment. On est venu passer un moment complice en compagnie de Neil Young, peut-être lui dire au revoir, pas acclamer une icône. Et retrouver des chansons qu'il brodera sans emphase ni afféteries, à mille lieues de la démesure multimédia des grands shows contemporains. L'organiste de légende Spooner Oldham, 82 ans dont soixante dans les pas de Bob Dylan et Aretha Franklin, joue avec une parcimonie fatiguée sur le devant de la scène, tournant presque le dos au public. Micah Wilson est sapé comme s'il allait faire ses courses. Le batteur Anthony LoGerfo rayonne mais garde les yeux fixés sur camarades, à leur service avant tout. Concert homogène
Il y aura des montées d'émotion, comme ce «Needle and Damage Done» joué en solo sur une guitare acoustique, pas de climax musical. Même «My My, Hey Hey», asséné comme des coups de pelle rouillée sur la sépulture du grunge qu'il inspira tant, ne vise pas l'éclat du tube à mi-parcours. L'or et la boue vont de pair. De la même façon que le guitariste Young a toujours noyé sa virtuosité dans la densité de son jeu, il jette en concert toutes ses chansons dans le même chaudron, et les brasse au même feu. Au moins concède-t-il un format «best of» qui visite ses classiques.
Entre chaque morceau, ce sont dix personnes qui se retrouvent soudain sur scène. On discute, on apporte des instruments, on en retire d'autres. Alors qu'une éclaircie perce sur le Léman, le groupe fait tanguer un «Harvest Moon» d'une sérénité magnifique. Sous le regard incrédule de ses musiciens, Young s'offre un départ aux fraises sur «Daddy Went Walkin'», que le groupe n'avait pas joué depuis 2009 et dont le chanteur modifie involontairement le rythme mélodique – chacun se marre, tous se rattrapent au vol.
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Faut-il préciser que l'averse reprendra au moment de «Like a Hurricane»? De là à imaginer que le manitou sur scène, défenseur des peuples autochtones, a passé un deal avec les dieux de la pluie… Le chaman ricane, puis redevient un homme de 79 ans. Il en avait 24 quand il écrivit la chanson. «Old man, look at my life…» Dans sa voix fragile, c'est la même émotion. Et la même rage quand il souffle «Rockin' in the Free World» en rappel. Neil Young y croit toujours.
Plus de Montreux
François Barras est journaliste à la rubrique culturelle. Depuis mars 2000, il raconte notamment les musiques actuelles, passées et pourquoi pas futures. Plus d'infos
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People – Lily Collins, la plus suisse des actrices américaines Désormais maman, la star d'«Emily in Paris» a dévoilé une nouvelle coiffure pour la 5e saison. Et elle n'a rien oublié de son enfance passée au bord du Léman. Christophe Pinol Lily Collins à Wimbledon le 6 juillet 2025. Getty Images for Emirates Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : L'actrice Lily Collins a passé une partie significative de son enfance à Begnins en Suisse romande. Sur le lac Léman, elle a développé une passion remarquable pour le ski nautique. La star d'«Emily in Paris» arbore désormais un carré court pour la 5 e saison. saison. Devenue mère par GPA, elle initie sa fille Tove Jane à la musique de Phil Collins. Depuis la série «Emily in Paris», où elle campe une jeune cadre en marketing de Chicago parachutée dans la capitale française pour redorer le blason d'une agence spécialisée dans le luxe, les médias hexagonaux ont fait de Lily Collins la plus Frenchy des Américaines. Mais les Helvètes auraient tout autant pu revendiquer sa part de «suissitude»: l'actrice a en effet passé une bonne partie de son enfance en Suisse romande, dans la maison de son père, Phil Collins. Elle raconte d'ailleurs volontiers à quel point son cœur est encore du côté de Begnins, où elle a notamment appris le français. Elle expliquait même à nos confrères de «20 minutes» y être tombée amoureuse pour la première fois: «J'avais 11 ans, c'était donc platonique, mais mon premier amour est bien un Romand. On est d'ailleurs toujours amis.» C'est aussi là qu'elle apprend à faire du ski nautique. «Les gens ne le savent pas, mais je suis très sportive, confiait-elle à «Elle», et plutôt douée dans cette discipline. J'ai grandi en la faisant sur le lac de Genève.» Née en Angleterre en 1989, elle a 5 ans quand ses parents divorcent. Sa mère, Jill Tavelman, l'emmène alors vivre à Los Angeles tandis que son père emménage sur les bords du Léman. D'abord à Hermance (GE), avant de passer sur la rive vaudoise, à Begnins. C'est là que la jeune Lily viendra passer bon nombre d'étés, entre Genève et Lausanne, dès 1999. Aux États-Unis, elle rêve de comédie après avoir débuté à 2 ans dans une série de la BBC, «Growing Pains», mais enchaîne les déconvenues lors des castings. S'orientant alors vers des études de journalisme, elle publie ses premiers papiers à 16 ans dans «Elle Girl», «Teen Vogue» puis le «Los Angeles Times». Viennent ensuite des années de mannequinat avant qu'elle décroche le rôle qui la fera remarquer, celui de la fille de Sandra Bullock dans le film «The Blind Side». Une touche rétro Il y a quelques semaines, elle annonçait en grande pompe le début du tournage de la 5e saison d'«Emily in Paris» en dévoilant la nouvelle coupe de cheveux arborée par son personnage, parti rejoindre à Rome le séduisant Marcello à la fin de la saison précédente: un carré court non seulement adapté à cet été caniculaire, mais qui lui donne aussi une jolie touche rétro (après non moins de 54 coupes différentes créées depuis le début de la série par le styliste Mike Desir). Mais que l'on se rassure: la série n'en oublie pas Paris puisque cette saison jonglera entre les deux capitales. Michèle Laroque y tiendra d'ailleurs un rôle dans quelques épisodes. En attendant, Lily Collins s'est accordé une parenthèse pour assister, la semaine passée, à quelques matchs du tournoi de Wimbledon en compagnie de son mari, le scénariste et réalisateur Charlie McDowell, lui-même enfant de la balle puisque fils de l'acteur Malcolm McDowell («Orange mécanique») et Mary Steenburgen («C'était demain»). Leur rencontre remonte au tournage de «Gilded Rage», en 2019: Lily y tient alors le premier rôle féminin, lui la dirige… et l'amour s'invite sur le plateau. «C'était une de ces situations où j'ai su à la seconde où je l'ai vu que je voulais un jour être sa femme. Ne restait qu'à savoir quand», confiait l'actrice sur le plateau de «Live with Kelly and Ryan». Maman grâce à mère porteuse Depuis, ils filent le parfait amour. En février dernier, ils sont même devenus les parents surprise (le secret avait été bien gardé) d'une petite Tove Jane, née d'une mère porteuse. «Bienvenue à toi au centre de notre univers, avait posté la jeune maman sur son compte Instagram, en légende d'une photo de son bébé. Les mots ne pourront jamais exprimer l'infinie gratitude que nous avons envers notre mère porteuse et ceux qui nous ont aidés tout au long du chemin.» Quelques semaines plus tard, elle commençait même l'éducation musicale de sa fille en balançant sur les haut-parleurs quelques classiques de Genesis, à commencer par «I Can't Dance». Pourtant, son parcours n'a pas toujours été aussi rose. Dans son livre «Unfiltered», paru en 2017, elle levait le voile sur quelques fêlures. Notamment son combat acharné, durant son adolescence, contre la boulimie, l'anorexie et son addiction aux pilules minceur et aux laxatifs. Une période aujourd'hui bel et bien révolue, son mari et leur bébé lui offrant visiblement un nouvel équilibre, loin des tempêtes passées. Cet article vous a plu? Découvrez davantage de contenus dans l'édition actuelle de l'e-paper «Le Matin Dimanche» et dans nos archives. Chaque dimanche matin, retrouvez également votre journal en caissettes près de chez vous. Vous pouvez aussi vous inscrire à notre newsletter. Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Se connecter Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Voici à quoi ressemblait vraiment le colosse de Rhodes selon un chercheur suisse
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Accueil | Savoirs | Histoire | Après vingt ans de recherche, Nathan Badoud, l'archéologue cantonal de Genève, a percé quelques mystères de l'une des Sept Merveilles du monde antique. Publié aujourd'hui à 13h57 Dessin du colosse de Rhodes par Maarten van Heemskerck (1570). The Courtauld Gallery, London En bref: C'est sans aucun doute la statue la plus énigmatique de l'Antiquité grecque: le colosse de Rhodes , construit au IIIe siècle av. J.-C. et détruit par un séisme quelques décennies après son édification. Adulé par ses contemporains, puis par des générations d'archéologues, peintres, cinéastes et passionnés, le colosse alimente depuis sa disparition les théories les plus poétiques. Au fil des siècles, sa représentation a varié de manière considérable dans les arts: taille, emplacement, position, raison de sa construction… Mis à part quelques traces écrites, aucune copie ou illustration historique de la statue ne subsiste aujourd'hui dans le monde. Mais après des années de recherches, l'archéologue cantonal, Nathan Badoud, est parvenu à percer certains de ses mystères dans un livre paru l'an passé: «The Colossus of Rhodes. Archaeology of a Lost Wonder». «En démarrant cette enquête, j'avais pour ambition de renouveler l'image du colosse et de déconstruire les mythes qui l'entourent, introduit Nathan Badoud. Toutes les représentations de la statue sont largement postérieures à son existence et n'ont strictement aucun rapport avec la réalité antique.» Représentations actuelles Titan de Braavos, illustration de la saga du «Trône de fer», de George R.R. Martin. PAULO PUGGIONI Le colosse de Rhodes… dans l'imaginaire collectif, chacun se le représente à sa façon, même si certaines œuvres picturales et cinématographiques ont largement influencé l'image que l'on s'en fait. Une statue immense enjambant le port de la cité de Rhodes, arc ou torche dans les mains… Ces illustrations ont été popularisées par Sergio Leone dans son péplum «Le colosse de Rhodes» (1961), puis à travers «Jason et les Argonautes» (1963), chef-d'œuvre de Don Chaffey, ou encore plus récemment dans l'univers du «Trône de fer», écrit par George R.R. Martin. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Mais pour se faire une idée réaliste du colosse, il faut remonter loin dans l'histoire de l'archipel du Dodécanèse, au sud-est de la mer Égée. À l'origine, il y a une île, celle de Rhodes, un peuple, les Doriens, et un Dieu, Hélios, celui du soleil. À partir de là, il faut se référer aux dates précises, qui nous sont tout de même parvenues: vers 292 av. J.-C. pour la construction (qui dura douze ans) et aux alentours de -227 pour la destruction. Travail d'orfèvre «En partant de ces éléments connus, il s'agit alors d'établir une enquête rigoureuse qui démarre au VIIe siècle av. J.-C., détaille l'archéologue. Il faut en effet remonter à cette époque pour comprendre l'origine et la signification du mot kolossós , auquel le colosse doit son nom.» À l'époque, le terme est usité exclusivement par les Doriens, un peuple originaire du Péloponnèse également établi dans le sud de l'Égée, à Rhodes. Il ne signifie pas encore quelque chose de grand, d'immense, de colossal, mais fait plutôt référence à des statues ou même à des statuettes d'un genre particulier. Nathan Badoud: «L'archéologie éclaire ce que les textes ne peuvent ou ne veulent pas nous dire.» LAURENT GUIRAUD Quelles étaient leurs fonctions? «Grâce à des inscriptions découvertes dans la cité dorienne de Cyrène, en Libye, on comprend que le kolossós servait à fixer en lui-même un être qui lui était extérieur», répond Nathan Badoud. On construit une statue à l'effigie d'un dieu ou d'un mortel, celui-ci est alors incarné dans notre réalité. Enfin, le terme kolossós fait référence à quelque chose d'immobile. Pour l'instant, rien n'évoque un ordre de grandeur. «Il faut alors se demander si le Colosse de Rhodes répond à ces trois éléments de la définition: l'origine dorienne, la fonction magique et l'aspect immobile. C'est le cas.» Personnification de l'empire rhodien À l'époque, Rhodes est habitée par des Doriens. Un peuple fier de ses origines très anciennes, qui va se heurter aux Macédoniens, des «Néogrecs» dont le plus célèbre représentant est Alexandre le Grand. En 305 av. J.-C., l'un des successeurs de ce souverain, Antigone le Borgne, charge son fils Démétrios Poliorcète «l'Assiégeur de ville» (d'où le terme «poliorcétique», relatif à l'art d'assiéger les villes), de s'emparer de Rhodes. «Démétrios assiège la ville de Rhodes pendant près d'un an, narre Nathan Badoud. Contre toute attente, les Rhodiens résistent à cet assaut. C'est une victoire immense. Pour célébrer l'exploit, on érige alors une statue, celle du dieu Hélios, choisi par les Rhodiens comme protecteur de la ville.» Un fait corroboré par une inscription figurant sur la base de la statue, selon plusieurs sources scripturales concordantes de l'époque: «C'est pour toi seul, Soleil, que les habitants de Rhodes la Dorienne ont dressé vers l'Olympe ce colosse tout en bronze quand après avoir apaisé les flots de la guerre, ils ont paré leur ville des dépouilles de l'ennemi.» Monnaie rhodienne en argent frappée d'une tête d'Hélios (IIIe siècle av. J.-C.) British Museum L'histoire ne s'arrête pas là. Dans cette même dédicace, on observe une mystérieuse formule qui mettra beaucoup de temps à être élucidée: «Ce n'est pas seulement sur mer, c'est aussi sur terre qu'ils ont, en l'élevant, fait resplendir la lumière éclatante d'une liberté qui ne se laisse pas asservir.» Pour l'archéologue, cette formule ferait allusion à la conquête d'une partie du continent asiatique par les Rhodiens. «Après la levée du siège, les Rhodiens ont réussi à s'emparer d'une partie de la Turquie actuelle, la Pérée, située à 13 kilomètres de l'île de Rhodes, renchérit Nathan Badoud. Lorsque l'on met cet épisode en relation avec la taille connue de la statue – 70 coudées, soit 34 mètres sans la base – on comprend que le colosse de Rhodes était fait pour être vu depuis la Pérée, à 13 kilomètres de distance. Une manifestation conquérante pour asseoir la domination des Rhodiens! Ça, c'est une belle découverte.» Portrait-robot du colosse L'enquête ne s'arrête pas là. Où était-il érigé dans la ville? Comment Hélios était-il représenté? Pourquoi l'a-t-on fréquemment imaginé les jambes écartées sur le port de Rhodes? Quelques hypothèses, et une certitude. «Ce qui est sûr, c'est que la statue n'enjambait pas du tout le port, balaye l'archéologue cantonal. Pour des questions de répartition de poids, deux bases éloignées ne permettaient pas de soutenir une statue en bronze de cette envergure.» Mais alors, comment cette représentation nous est parvenue? À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Vers 1300, Rhodes appartient aux Byzantins. À la suite d'une conquête militaire éclair en 1307, l'île est prise par l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, cette confrérie religieuse fondée au début du millénaire, nommé communément l'ordre des Hospitaliers. Des pèlerins, captivés par la légende du colosse, visitent la cité en recherchant ses vestiges. En se baladant, ils aperçoivent deux ruines antiques à l'aspect similaires localisées à l'extrémité de deux parties du port. Le Palais du Grand-Maître de l'ordre de Saint-Jean (reconstruit entre 1937 et 1940), à Rhodes. NATHAN BADOUD «Ils concluent alors que ces ruines sont les bases de la statue du colosse, explique Nathan Badoud. Une erreur de jugement, car Rhodes étant une ville fortifiée dès l'Antiquité, son port était alors déjà garni de tours. Les pèlerins ont pris les ruines de ces tours pour les anciens pieds de la statue.» Cette erreur sera réitérée par la majorité des représentations picturales du colosse de Rhodes année après année, et exercera une grande influence sur les archéologues, qui chercheront la statue sur le port jusqu'au XXIe siècle. Pour être observable depuis la Turquie, le colosse se devait d'être érigé sur une place en hauteur, comme une colline. Ça tombe bien, Rhodes en compte deux, et si l'une d'elles, celle de l'Acropole, était occupée à l'époque par d'autres édifices, l'autre était vraisemblablement disponible. Autre preuve, l'inscription gravée sur la base de la statue affirmait qu'elle «couronnait la cité». Tableau «Le colosse de Rhodes», peint par Salvador Dali en 1954. Musée des beaux-arts de Berne Finalement, comment l'imaginer? «On sait que le colosse de Rhodes était une statue en bronze, et le dieu était probablement représenté nu, selon l'usage de l'époque. Je pense que la statue était sans attribut distinctif à part une couronne de rayons, symbole d'Hélios, et qu'elle se dressait pieds joints et les bras le long du corps», avance Nathan Badoud sur la base de sources archéologiques et textuelles. Existe-t-il une représentation picturale se rapprochant de cette description? «Non, conclut l'archéologue. L'analyse des sources métamorphose l'idée que l'on se fait de la statue depuis deux mille ans. Libre à chacun d'imaginer tout ce qu'elles ne disent pas, mais c'est quitter la science pour la fiction.» Sommes-nous arrivés alors au bout des recherches possibles concernant le colosse de Rhodes? C'est bien possible, mais il ne fait aucun doute que cette ancienne merveille du monde continuera à alimenter tous les fantasmes pendant des siècles. «The Colossus of Rhodes. Archaeology of a Lost Wonder», de Nathan Badoud, Ed. Oxford Academic. Avancées suisses sur l'épave d'Anticythère Récupérations d'objets archéologiques sur le site d'Anticythère. ESAG/UNIGE Découverte en 1900 au large du Péloponnèse par des chasseurs d'éponge, l'épave d'Anticythère, une galère romaine qui a fait naufrage entre 70 et 60 av. J.-C., défraye la chronique depuis plus de septante ans grâce à un certain commandant Cousteau. Ce dernier visite l'épave à deux reprises entre les années 50 et 70 et contribue avec ces fouilles à la découverte de plusieurs objets antiques: buste d'Héraclès, monnaie, verrerie ou amphore. En 1901, des chercheurs avaient déjà déniché la fameuse machine de l'épave d'Anticythère, le premier calculateur analogique antique permettant de calculer des positions astronomiques. En 2012, les recherches sont relancées, et dès 2020, le projet est porté par l'École suisse d'archéologie en Grèce (ESAG) et l'Université de Genève pour une durée de cinq ans. De mai à juin 2025, une campagne a permis de remonter des nouveaux trésors et d'avancer sur certains points. Lesquels? Accès très difficile «La période des grandes trouvailles (sculptures et machine de l'épave d'Anticythère par exemple) est derrière nous, explique Sylvie Fournier, responsable de la communication à l'ESAG. Aujourd'hui, le projet est mené de manière scientifique, c'est-à-dire que notre objectif est de documenter, de photographier les restes de l'épave et d'avancer sur les hypothèses de son naufrage. Dernièrement, nous avons réussi à remonter un fragment de bois exceptionnel qui nous permet de dater la construction du bateau entre le IVe et le Ier siècle av. J.-C. C'est une avancée.» En plus de ce pan de coque, l'ESAG indique avoir découvert quelques amphores, un pied de statue qui pourrait être relié au buste d'Héraclès et surtout une deuxième épave de bateau localisée non loin de celle d'Anticythère. Pour l'instant, difficile de savoir si cet autre navire date de la même époque et si les deux naufrages sont reliés. «Notre hypothèse actuelle, est que la galère était peut-être trop chargée, et comme cette partie de la mer est très agitée, elle aurait simplement coulé.» À la suite d'un éboulement sous-marin, des gros blocs de pierre ont recouvert une partie de l'épave d'Anticythère. Les futures fouilles s'annoncent compliquées. «Notre mission de cinq ans est terminée, conclut Sylvie Fournier. Mais on espère pouvoir renouveler une campagne dès l'année prochaine.» Comme quoi l'archéologie suisse a toujours autant le vent en poupe! Archéologie et antiquité Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Andrea Di Guardo est journaliste RP à la Tribune de Genève depuis mars 2024. Attaché à la rubrique culturelle (pôle Vibrations), il écrit également pour 24 Heures et Le Matin Dimanche. Il s'intéresse aussi aux sujets locaux et internationaux. Il est titulaire d'un Master en journalisme et communication et d'un Bachelor en sciences politiques. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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