
Voici à quoi ressemblait vraiment le colosse de Rhodes selon un chercheur suisse
Après vingt ans de recherche, Nathan Badoud, l'archéologue cantonal de Genève, a percé quelques mystères de l'une des Sept Merveilles du monde antique. Publié aujourd'hui à 13h57
Dessin du colosse de Rhodes par Maarten van Heemskerck (1570).
The Courtauld Gallery, London
En bref:
C'est sans aucun doute la statue la plus énigmatique de l'Antiquité grecque: le colosse de Rhodes , construit au IIIe siècle av. J.-C. et détruit par un séisme quelques décennies après son édification. Adulé par ses contemporains, puis par des générations d'archéologues, peintres, cinéastes et passionnés, le colosse alimente depuis sa disparition les théories les plus poétiques. Au fil des siècles, sa représentation a varié de manière considérable dans les arts: taille, emplacement, position, raison de sa construction… Mis à part quelques traces écrites, aucune copie ou illustration historique de la statue ne subsiste aujourd'hui dans le monde.
Mais après des années de recherches, l'archéologue cantonal, Nathan Badoud, est parvenu à percer certains de ses mystères dans un livre paru l'an passé: «The Colossus of Rhodes. Archaeology of a Lost Wonder». «En démarrant cette enquête, j'avais pour ambition de renouveler l'image du colosse et de déconstruire les mythes qui l'entourent, introduit Nathan Badoud. Toutes les représentations de la statue sont largement postérieures à son existence et n'ont strictement aucun rapport avec la réalité antique.» Représentations actuelles
Titan de Braavos, illustration de la saga du «Trône de fer», de George R.R. Martin.
PAULO PUGGIONI
Le colosse de Rhodes… dans l'imaginaire collectif, chacun se le représente à sa façon, même si certaines œuvres picturales et cinématographiques ont largement influencé l'image que l'on s'en fait. Une statue immense enjambant le port de la cité de Rhodes, arc ou torche dans les mains… Ces illustrations ont été popularisées par Sergio Leone dans son péplum «Le colosse de Rhodes» (1961), puis à travers «Jason et les Argonautes» (1963), chef-d'œuvre de Don Chaffey, ou encore plus récemment dans l'univers du «Trône de fer», écrit par George R.R. Martin.
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Mais pour se faire une idée réaliste du colosse, il faut remonter loin dans l'histoire de l'archipel du Dodécanèse, au sud-est de la mer Égée. À l'origine, il y a une île, celle de Rhodes, un peuple, les Doriens, et un Dieu, Hélios, celui du soleil. À partir de là, il faut se référer aux dates précises, qui nous sont tout de même parvenues: vers 292 av. J.-C. pour la construction (qui dura douze ans) et aux alentours de -227 pour la destruction. Travail d'orfèvre
«En partant de ces éléments connus, il s'agit alors d'établir une enquête rigoureuse qui démarre au VIIe siècle av. J.-C., détaille l'archéologue. Il faut en effet remonter à cette époque pour comprendre l'origine et la signification du mot kolossós , auquel le colosse doit son nom.» À l'époque, le terme est usité exclusivement par les Doriens, un peuple originaire du Péloponnèse également établi dans le sud de l'Égée, à Rhodes. Il ne signifie pas encore quelque chose de grand, d'immense, de colossal, mais fait plutôt référence à des statues ou même à des statuettes d'un genre particulier.
Nathan Badoud: «L'archéologie éclaire ce que les textes ne peuvent ou ne veulent pas nous dire.»
LAURENT GUIRAUD
Quelles étaient leurs fonctions? «Grâce à des inscriptions découvertes dans la cité dorienne de Cyrène, en Libye, on comprend que le kolossós servait à fixer en lui-même un être qui lui était extérieur», répond Nathan Badoud. On construit une statue à l'effigie d'un dieu ou d'un mortel, celui-ci est alors incarné dans notre réalité.
Enfin, le terme kolossós fait référence à quelque chose d'immobile. Pour l'instant, rien n'évoque un ordre de grandeur. «Il faut alors se demander si le Colosse de Rhodes répond à ces trois éléments de la définition: l'origine dorienne, la fonction magique et l'aspect immobile. C'est le cas.» Personnification de l'empire rhodien
À l'époque, Rhodes est habitée par des Doriens. Un peuple fier de ses origines très anciennes, qui va se heurter aux Macédoniens, des «Néogrecs» dont le plus célèbre représentant est Alexandre le Grand. En 305 av. J.-C., l'un des successeurs de ce souverain, Antigone le Borgne, charge son fils Démétrios Poliorcète «l'Assiégeur de ville» (d'où le terme «poliorcétique», relatif à l'art d'assiéger les villes), de s'emparer de Rhodes.
«Démétrios assiège la ville de Rhodes pendant près d'un an, narre Nathan Badoud. Contre toute attente, les Rhodiens résistent à cet assaut. C'est une victoire immense. Pour célébrer l'exploit, on érige alors une statue, celle du dieu Hélios, choisi par les Rhodiens comme protecteur de la ville.» Un fait corroboré par une inscription figurant sur la base de la statue, selon plusieurs sources scripturales concordantes de l'époque: «C'est pour toi seul, Soleil, que les habitants de Rhodes la Dorienne ont dressé vers l'Olympe ce colosse tout en bronze quand après avoir apaisé les flots de la guerre, ils ont paré leur ville des dépouilles de l'ennemi.»
Monnaie rhodienne en argent frappée d'une tête d'Hélios (IIIe siècle av. J.-C.)
British Museum
L'histoire ne s'arrête pas là. Dans cette même dédicace, on observe une mystérieuse formule qui mettra beaucoup de temps à être élucidée: «Ce n'est pas seulement sur mer, c'est aussi sur terre qu'ils ont, en l'élevant, fait resplendir la lumière éclatante d'une liberté qui ne se laisse pas asservir.» Pour l'archéologue, cette formule ferait allusion à la conquête d'une partie du continent asiatique par les Rhodiens.
«Après la levée du siège, les Rhodiens ont réussi à s'emparer d'une partie de la Turquie actuelle, la Pérée, située à 13 kilomètres de l'île de Rhodes, renchérit Nathan Badoud. Lorsque l'on met cet épisode en relation avec la taille connue de la statue – 70 coudées, soit 34 mètres sans la base – on comprend que le colosse de Rhodes était fait pour être vu depuis la Pérée, à 13 kilomètres de distance. Une manifestation conquérante pour asseoir la domination des Rhodiens! Ça, c'est une belle découverte.» Portrait-robot du colosse
L'enquête ne s'arrête pas là. Où était-il érigé dans la ville? Comment Hélios était-il représenté? Pourquoi l'a-t-on fréquemment imaginé les jambes écartées sur le port de Rhodes? Quelques hypothèses, et une certitude. «Ce qui est sûr, c'est que la statue n'enjambait pas du tout le port, balaye l'archéologue cantonal. Pour des questions de répartition de poids, deux bases éloignées ne permettaient pas de soutenir une statue en bronze de cette envergure.» Mais alors, comment cette représentation nous est parvenue?
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Vers 1300, Rhodes appartient aux Byzantins. À la suite d'une conquête militaire éclair en 1307, l'île est prise par l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, cette confrérie religieuse fondée au début du millénaire, nommé communément l'ordre des Hospitaliers. Des pèlerins, captivés par la légende du colosse, visitent la cité en recherchant ses vestiges. En se baladant, ils aperçoivent deux ruines antiques à l'aspect similaires localisées à l'extrémité de deux parties du port.
Le Palais du Grand-Maître de l'ordre de Saint-Jean (reconstruit entre 1937 et 1940), à Rhodes.
NATHAN BADOUD
«Ils concluent alors que ces ruines sont les bases de la statue du colosse, explique Nathan Badoud. Une erreur de jugement, car Rhodes étant une ville fortifiée dès l'Antiquité, son port était alors déjà garni de tours. Les pèlerins ont pris les ruines de ces tours pour les anciens pieds de la statue.» Cette erreur sera réitérée par la majorité des représentations picturales du colosse de Rhodes année après année, et exercera une grande influence sur les archéologues, qui chercheront la statue sur le port jusqu'au XXIe siècle.
Pour être observable depuis la Turquie, le colosse se devait d'être érigé sur une place en hauteur, comme une colline. Ça tombe bien, Rhodes en compte deux, et si l'une d'elles, celle de l'Acropole, était occupée à l'époque par d'autres édifices, l'autre était vraisemblablement disponible. Autre preuve, l'inscription gravée sur la base de la statue affirmait qu'elle «couronnait la cité».
Tableau «Le colosse de Rhodes», peint par Salvador Dali en 1954.
Musée des beaux-arts de Berne
Finalement, comment l'imaginer? «On sait que le colosse de Rhodes était une statue en bronze, et le dieu était probablement représenté nu, selon l'usage de l'époque. Je pense que la statue était sans attribut distinctif à part une couronne de rayons, symbole d'Hélios, et qu'elle se dressait pieds joints et les bras le long du corps», avance Nathan Badoud sur la base de sources archéologiques et textuelles.
Existe-t-il une représentation picturale se rapprochant de cette description? «Non, conclut l'archéologue. L'analyse des sources métamorphose l'idée que l'on se fait de la statue depuis deux mille ans. Libre à chacun d'imaginer tout ce qu'elles ne disent pas, mais c'est quitter la science pour la fiction.» Sommes-nous arrivés alors au bout des recherches possibles concernant le colosse de Rhodes? C'est bien possible, mais il ne fait aucun doute que cette ancienne merveille du monde continuera à alimenter tous les fantasmes pendant des siècles.
«The Colossus of Rhodes. Archaeology of a Lost Wonder», de Nathan Badoud, Ed. Oxford Academic. Avancées suisses sur l'épave d'Anticythère
Récupérations d'objets archéologiques sur le site d'Anticythère.
ESAG/UNIGE
Découverte en 1900 au large du Péloponnèse par des chasseurs d'éponge, l'épave d'Anticythère, une galère romaine qui a fait naufrage entre 70 et 60 av. J.-C., défraye la chronique depuis plus de septante ans grâce à un certain commandant Cousteau. Ce dernier visite l'épave à deux reprises entre les années 50 et 70 et contribue avec ces fouilles à la découverte de plusieurs objets antiques: buste d'Héraclès, monnaie, verrerie ou amphore. En 1901, des chercheurs avaient déjà déniché la fameuse machine de l'épave d'Anticythère, le premier calculateur analogique antique permettant de calculer des positions astronomiques.
En 2012, les recherches sont relancées, et dès 2020, le projet est porté par l'École suisse d'archéologie en Grèce (ESAG) et l'Université de Genève pour une durée de cinq ans. De mai à juin 2025, une campagne a permis de remonter des nouveaux trésors et d'avancer sur certains points. Lesquels? Accès très difficile
«La période des grandes trouvailles (sculptures et machine de l'épave d'Anticythère par exemple) est derrière nous, explique Sylvie Fournier, responsable de la communication à l'ESAG. Aujourd'hui, le projet est mené de manière scientifique, c'est-à-dire que notre objectif est de documenter, de photographier les restes de l'épave et d'avancer sur les hypothèses de son naufrage. Dernièrement, nous avons réussi à remonter un fragment de bois exceptionnel qui nous permet de dater la construction du bateau entre le IVe et le Ier siècle av. J.-C. C'est une avancée.»
En plus de ce pan de coque, l'ESAG indique avoir découvert quelques amphores, un pied de statue qui pourrait être relié au buste d'Héraclès et surtout une deuxième épave de bateau localisée non loin de celle d'Anticythère. Pour l'instant, difficile de savoir si cet autre navire date de la même époque et si les deux naufrages sont reliés. «Notre hypothèse actuelle, est que la galère était peut-être trop chargée, et comme cette partie de la mer est très agitée, elle aurait simplement coulé.»
À la suite d'un éboulement sous-marin, des gros blocs de pierre ont recouvert une partie de l'épave d'Anticythère. Les futures fouilles s'annoncent compliquées. «Notre mission de cinq ans est terminée, conclut Sylvie Fournier. Mais on espère pouvoir renouveler une campagne dès l'année prochaine.» Comme quoi l'archéologie suisse a toujours autant le vent en poupe!
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Andrea Di Guardo est journaliste RP à la Tribune de Genève depuis mars 2024. Attaché à la rubrique culturelle (pôle Vibrations), il écrit également pour 24 Heures et Le Matin Dimanche. Il s'intéresse aussi aux sujets locaux et internationaux. Il est titulaire d'un Master en journalisme et communication et d'un Bachelor en sciences politiques. Plus d'infos
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