Dernières actualités avec #Bashar


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2 days ago
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Sombrer dans la famine qu'on photographie
Des manifestants et des journalistes se sont rassemblés samedi, à Gaza, pour protester contre la famine qui sévit dans l'enclave palestinienne. « Je n'ai plus la force de travailler pour les médias. Mon corps est maigre et je ne peux plus travailler. » Dans un moment de désespoir, Bashar*, qui est actuellement le photographe principal de l'Agence France-Presse (AFP) dans la bande de Gaza, a écrit cette phrase crève-cœur sur Facebook le 19 juillet. Dans un autre message, le photoreporter annonce – avec un euphémisme – que son frère aîné a succombé à la faim. « Je me sens vaincu pour la première fois », écrit le jeune homme de 30 ans qui collabore avec l'agence de presse internationale depuis près de 15 ans. Ce travail demande une résilience sans borne. Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), plus de 170 journalistes gazaouis ont été tués depuis le début de l'offensive israélienne à Gaza, au lendemain des attentats du Hamas du 7 octobre 2023. PHOTO EBRAHIM HAJJAJ, ARCHIVES REUTERS Funérailles d'un journaliste tué, selon le ministère de la Santé de Gaza, par une frappe israélienne, le 10 juin dernier Cette offensive, qui a tué près de 59 000 Palestiniens à ce jour, selon le ministère de la Santé de Gaza, a elle-même été précédée par plus de 15 ans de blocus, d'épisodes de guerre et de répression politique. Et malgré tout, Bashar n'a jamais arrêté de documenter la vie à Gaza, la destruction, les privations, mais aussi les cœurs qui battent. Jusqu'à ce que la faim – qui accable la grande majorité des 2,2 millions d'habitants de Gaza depuis qu'Israël a imposé un blocus complet en mars et rationne l'entrée des vivres depuis la fin mai – frappe avec insistance à sa porte. En fait, à ce qui lui reste de porte. Le photographe, déplacé plusieurs fois en 20 mois par les bombardements israéliens, vit dans les ruines de sa maison de la ville de Gaza avec sept autres membres de sa famille. J'ai réussi à le joindre hier et il s'accrochait à un brin d'espoir. Il venait de mettre la main sur quelques vivres qui sont disponibles dans les marchés de Gaza et se vendent à prix d'or. « Je suis en vie, m'a-t-il écrit. J'ai réussi à acheter deux kilos de farine à 100 shekels (40 $) et des haricots à 70 shekels (28 $) le kilo. Ce soir, on mange du pain et des haricots frits », décrit-il sur Messenger. Un petit triomphe dans une mer d'inquiétude et de détresse. Les récentes publications du photographe ont fait bondir les dirigeants de la Société des journalistes (SDJ) de l'Agence France-Presse, une association de 430 journalistes de l'AFP qui défendent à l'interne l'indépendance journalistique, l'éthique et l'exercice du métier. Lundi, ils ont décidé de publier une lettre ouverte pour faire connaître la situation extrêmement préoccupante de Bashar et des huit autres collaborateurs gazaouis qui sont toujours sur le terrain. « Depuis que l'AFP a été fondée en août 1944, nous avons perdu des journalistes dans des conflits, nous avons eu des blessés et des prisonniers dans nos rangs, mais aucun de nous n'a le souvenir d'avoir vu un collaborateur mourir de faim », peut-on lire dans la missive qui a été relayée par des journalistes de plusieurs pays sur les réseaux sociaux. PHOTO RAMADAN ABED, REUTERS Des Palestiniens ont essayé dimanche d'obtenir de la nourriture à Nousseirat, dans le centre de la bande de Gaza. La direction de l'AFP n'a pas tardé à emboîter le pas à la SDJ et à déplorer la « situation intenable » dans laquelle ses collaborateurs se trouvent, « malgré un courage, un engagement professionnel et une résilience exemplaires », lit-on dans un communiqué. L'organisation de presse, qui avait évacué son personnel permanent de la bande de Gaza entre janvier et avril 2024, désire maintenant évacuer ses collaborateurs, sans manquer de souligner l'impact qu'aura leur départ. « Depuis le 7 octobre [2023], Israël interdit l'accès de la bande de Gaza à tous les journalistes internationaux. Dans ce contexte, le travail de nos pigistes palestiniens est capital pour l'information du monde, peut-on lire. Mais leur vie est en danger, aussi exhortons-nous les autorités israéliennes à autoriser leur évacuation immédiate. » Une requête aussi tragique que nécessaire. Ce n'est pas la seule demande pressante qu'a reçue le gouvernement israélien lundi. Un groupe de 25 pays, incluant le Canada, a publié une déclaration demandant la fin immédiate du conflit à Gaza et dénonçant le système de distribution d'aide mis en place par Israël depuis la fin mai et dont j'ai récemment fait état1. PHOTO MAHMOUD ISSA, ARCHIVES REUTERS Une foule attend le début d'une distribution alimentaire à Gaza, le 14 juillet dernier. « Nous condamnons l'apport d'aide au compte-gouttes et le massacre inhumain des civils, dont les enfants, qui tentent de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires en eau et en nourriture. Il est effroyable que 800 Palestiniennes et Palestiniens aient été tués alors qu'ils cherchaient de l'aide », ont noté les ministres des Affaires étrangères de pays allant du Royaume-Uni à l'Australie, en passant par le Japon, la Pologne et la France. Et comment a réagi le gouvernement israélien à cette missive qui le montre du doigt, tout en demandant la libération des otages que retient le Hamas ? Comme à son habitude. En rejetant le tout en bloc. « Car [la déclaration] est déconnectée de la réalité et envoie le mauvais signal au Hamas », selon le gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Espérons maintenant que la réponse des pays signataires ne sera pas qu'une autre série de mots, mais plutôt un chapelet d'actions concrètes, incluant des sanctions, un embargo complet sur la vente d'armes, la suspension d'accords économiques et un soutien fort à la Cour pénale internationale, qui se penche sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis dans l'enclave palestinienne. Car s'il y a des « déconnectés » dans cette affaire, ce ne sont pas ceux qui dénoncent les horreurs en cours à Gaza, mais bien ceux qui nient les faits que documentent, jusqu'au bout de leurs forces, Bashar et ses collègues. * Au moment où ces lignes étaient publiées, Bashar, que nous avons interrogé par le biais de Messenger, n'avait pas eu l'aval de l'AFP pour que son nom complet et sa photo soient publiés. 1. Relisez la chronique « Le contraire de l'aide humanitaire »


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2 days ago
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Nous refusons de les voir mourir
Des manifestants et des journalistes rassemblés pour protester contre la faim dans le quartier de Rimal, à Gaza, samedi. Sur la pancarte, on peut lire en arabe « un journaliste affamé écrit un rapport sur les affamés ». Sans intervention immédiate, les derniers reporters de Gaza vont mourir, alertent les cosignataires de cette lettre, qui rapportent les conditions dans lesquelles leurs collègues sont forcés de travailler Emmanuel Duparcq Président du C.A. sortant de la société des journalistes (SDJ) de l'Agence France-Presse (AFP), au nom des membres de celui-ci* L'AFP travaille avec une pigiste texte, trois photographes et six pigistes vidéo dans la bande de Gaza depuis le départ de ses journalistes staff au courant de 2024. Avec quelques autres, ils sont aujourd'hui les seuls à rapporter ce qu'il se passe à Gaza. La presse internationale est interdite d'entrée dans ce territoire depuis près de deux ans. Nous refusons de les voir mourir. L'un d'eux, Bashar, collabore avec l'AFP depuis 2010, d'abord comme fixeur, ensuite comme photographe pigiste, et depuis 2024 comme principal photographe. Le samedi 19 juillet, il est parvenu à publier un message sur Facebook : « Je n'ai plus la force de travailler pour les médias. Mon corps est maigre et je ne peux plus travailler. » Bashar, 30 ans, travaille et vit dans des conditions égales à celles de tous les Gazaouis, allant d'un camp de réfugiés à un autre camp au gré des bombardements israéliens. Depuis plus d'un an, il vit dans le dénuement le plus total et travaille en prenant d'énormes risques pour sa vie. L'hygiène est pour lui un problème majeur, avec des périodes de maladies intestinales sévères. Bashar vit depuis février dans les ruines de sa maison de Gaza avec sa mère, ses quatre frères et sœurs et la famille d'un de ses frères. Leur maison est vide de tout aménagement et confort, à part quelques coussins. Dimanche matin, il a rapporté que son frère aîné était « tombé, à cause de la faim ». PHOTO EYAD BABA, AGENCE FRANCE-PRESSE Des Palestiniens rassemblés devant un point de distribution de nourriture dans le camp de réfugiés de Nuseirat, samedi Même si ces journalistes reçoivent un salaire mensuel de l'AFP, il n'y a rien à acheter ou alors à des prix exorbitants. Le système bancaire a disparu, et ceux qui pratiquent le change entre les comptes bancaires en ligne et l'argent liquide prennent une commission de près de 40 %. L'AFP n'a plus la possibilité d'avoir un véhicule et encore moins de l'essence pour permettre à ses journalistes de se déplacer pour leurs reportages. Circuler en voiture équivaut de toutes les façons à prendre le risque d'être une cible pour l'aviation israélienne. Les reporters de l'AFP se déplacent donc à pied ou en charrette tirée par un âne. « Documenter la vérité » Ahlam, elle, survit dans le sud de l'enclave. Et tient à « témoigner », le plus longtemps possible. « À chaque fois que je quitte la tente pour couvrir un évènement, réaliser une interview ou documenter un fait, je ne sais pas si je reviendrai vivante. » Le plus gros problème, confirme-t-elle, c'est le manque de nourriture et d'eau. Nous voyons leur situation empirer. Ils sont jeunes et leur force les quitte. La plupart n'ont plus la capacité physique de parcourir l'enclave pour faire leur métier. Leurs appels au secours, déchirants, sont désormais quotidiens. Depuis quelques jours, nous avons compris de leurs brefs messages que leur vie ne tenait plus à grand-chose et que leur courage, consacré depuis de longs mois à informer le monde entier, ne les aiderait pas à survivre. Nous risquons d'apprendre leur mort à tout moment et cela nous est insupportable. Dimanche, Bashar a écrit : « Pour la première fois, je me sens vaincu. » Plus tard dans la journée, il dit à l'un de nous qu'il le remerciait d'« expliquer ce que nous vivons au quotidien entre la mort et la faim ». « Je souhaiterais que M. Macron puisse m'aider à sortir de cet enfer. » Ahlam se tient encore debout. « J'essaie de continuer à exercer mon métier, à porter la voix des gens, à documenter la vérité face à toutes les tentatives pour la faire taire. Ici, résister n'est pas un choix : c'est une nécessité. » Depuis que l'AFP a été fondée en août 1944, nous avons perdu des journalistes dans des conflits, nous avons eu des blessés et des prisonniers dans nos rangs, mais aucun de nous n'a le souvenir d'avoir vu un collaborateur mourir de faim. * La SDJ, qui compte près de 430 membres, journalistes AFP de statuts et langues divers, a pour mission de défendre la rédaction de l'agence, son indépendance, sa déontologie et sa capacité à pouvoir pratiquer un journalisme de qualité à l'abri des pressions. Elle est à l'écoute de ses adhérents et interroge régulièrement la direction sur ces sujets, et se mobilise également à l'extérieur de l'agence avec d'autres SDJ pour la défense de la profession et des journalistes sur le terrain. Les autres membres de son C.A., qui cosignent cette lettre, sont Myriam Adam (vice-présidente), Philippe Alfroy (trésorier), Ouerdya Aït-Abdelmalek, Jules Bonnard, Sofia Bouderbala, Toni Cerdà, Thomas Coex, Pierre-Henry Deshayes, Léo Huisman, Chloé Rouveyrolles-Bazire et Eloi Rouyer. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


Le HuffPost France
2 days ago
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Guerre à Gaza : les journalistes de l'AFP refusent de « voir mourir » leurs confrères dans l'enclave palestinienne
MEDIAS - « Aucun de nous n'a le souvenir d'avoir vu un collaborateur mourir de faim. » Dans un rare communiqué, publié ce lundi 21 juillet, la Société des journalistes de l'AFP alerte sur les conditions dans lesquelles travaillent et survivent les reporters de l'Agence France-Presse présents à Gaza. L'enclave palestinienne est bombardée par l'armée israélienne quasi quotidiennement depuis plus de deux ans, après l'attaque meurtrière du Hamas, le 7 octobre 2022. Elle est par ailleurs confrontée à un blocus israélien empêchant vivres et médicaments d'entrer dans le territoire. Dans ce texte, les journalistes de l'AFP détaillent la souffrance endurée par leurs collègues. « Une pigiste texte, trois photographes et six pigistes vidéo » travaillent actuellement pour l'agence et sont pratiquement « les seuls à rapporter ce qu'il se passe dans la bande de Gaza. » La presse internationale n'étant pas autorisée à entrer sur le territoire. « Mon corps est maigre et je ne peux plus travailler » Les signataires de ce texte racontent notamment la vie de Bashar, collaborant depuis plusieurs années en tant que fixeur, puis comme photographe, pour l'AFP. Samedi 19 juillet, sur son compte Facebook, il a écrit ces mots glaçants : « Je n'ai plus la force de travailler pour les médias. Mon corps est maigre et je ne peux plus travailler. » « Bashar vit depuis février dans les ruines de sa maison de Gaza City avec sa mère, ses quatre frères et sœurs et la famille d'un de ses frères », relatent encore les journalistes, ajoutant que son frère est « tombé, à cause de la faim ». Bashar appelle à l'aide auprès de ses collègues : « Je souhaiterais que M. Macron puisse m'aider à sortir de cet enfer » Des appels au secours « quotidiens » Le communiqué précise que malgré le salaire mensuel que l'AFP verse à ses journalistes à Gaza, ils ne peuvent rien acheter, à cause des prix exorbitants et des pénuries. Les reporters se déplacent « à pied ou en charrette tirée par un âne », faute de voiture (pas d'essence, et trop de risque d'être ciblés par l'aviation israélienne). « Nous voyons leur situation empirer. Ils sont jeunes et leur force les quitte. La plupart n'ont plus la capacité physique de parcourir l'enclave pour faire leur métier. Leurs appels au secours, déchirants, sont désormais quotidiens », poursuit ce communiqué. Alors que l'AFP, fondée en août 1944, n'a jamais perdu un collègue à cause de la faim même pendant les conflits, l'agence conclut :