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L'Équipe
15-07-2025
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« C'est impressionnant comme Healy est fort » : le nouveau Maillot Jaune suscite l'admiration du peloton
Les compagnons d'échappées de la 6e étape racontent la difficulté d'être à l'avant avec le nouveau Maillot Jaune du Tour, Ben Healy. « Ben Healy things. » En français, « des trucs à la Ben Healy ». C'est comme ça qu'un journaliste américain a évoqué, lundi dans la zone des interviews d'après-course, les folies dont l'Irlandais de Education First est capable sur un vélo. L'expression a fait sourire son coéquipier Neilson Powless, qui n'avait pourtant plus beaucoup de forces après avoir « vécu une de (s) es journées les plus dures sur le Tour. La résistance de Ben à la fatigue de la course est quelque chose dont on n'a pas idée », a-t-il soufflé. Pour illustrer son propos, il a pris son propre exemple, qui est quand même celui d'un vainqueur de la Clasica San Sebastian (en 2021). Lundi matin, dixième jour du Tour, au départ d'Ennezat, Powless avait « les jambes comme du bois. Au bout de vingt minutes de course, j'avais quasiment des crampes au mollet, et je voyais bien que la majorité du peloton ressentait comme la fatigue des premières étapes ». Il s'est quand même extrait du peloton avec Healy et deux autres coéquipiers, Alex Baudin et Harry Sweeney, avant de baisser pavillon assez tôt. « Mais lui, Ben, a été capable de rester dans l'attaque et d'aller chercher le Maillot Jaune, admire Powless. Être agressif après un départ aussi difficile, continuer à prendre du temps sur le peloton qui essayait de contrôler, c'est vraiment incroyable. » Healy, l'un des pires compagnons d'échappée C'est parce qu'ils connaissent les « Ben Healy things » que le staff d'Education First a décidé de l'envoyer à l'avant, lundi, dès le début de l'étape, en lui adjoignant trois camarades. « On a pris un grand risque, raconte Jonathan Vaughters, le manager de la formation américaine, l'objectif était de viser le maillot jaune, pas l'étape. Mais je pensais que Ben pouvait le faire. » Comme Healy affichait la bagatelle de 3'55" de retard sur Tadej Pogacar au classement général, avant cette 10e étape où une bataille entre leaders était attendue, personne n'imaginait qu'EF fomenterait un « projet Maillot Jaune » quand le quatuor rose s'est mis à rouler pleine balle dans l'échappée. Même au sein de ce mini-peloton de vingt-neuf coureurs qui s'était formé dès la première difficulté, la côte de Loubeyrat, chacun pensait que Healy était là pour tréfler tout le monde, comme quatre jours plus tôt sur la route de Vire. « Tous les gars de l'échappée avaient l'oeil sur lui pour ne pas qu'il s'en aille, témoigne l'un d'entre eux, Pablo Castrillo (Movistar). Il a tenté de partir plusieurs fois en début d'étape, ça se voit qu'il a beaucoup de force. » Dans la voiture d'Israel-Premier Tech, on disait d'ailleurs à Michael Woods de ne pas perdre trop d'énergie dans des relais ou des contre-attaques : « Tu connais le danger, c'est Healy ! » À le voir s'arracher à chaque coup de pédale comme un coureur sans classe, on ne devine pas forcément cette réputation d'ennemi public. Mais Healy (24 ans) est bien l'un des pires compagnons d'échappée du peloton. « Il est hyper agressif, témoigne Victor Campenaerts (Visma-Lease a bike), il aime choisir des moments inhabituels pour attaquer. » L'idée n'était pas de partir mais de creuser l'écart sur Pogacar « Soit tu es dans la roue quand il part, soit tu n'y arrives jamais, s'amuse son coéquipier chez Education First, Harry Sweeny. Il est incroyablement aérodynamique et a une puissance incroyable. » Au Giro en 2023 (50 km seul), au dernier Tour du Pays basque (57 km) ou lors de l'étape de Vire jeudi dernier (43 km), ses copains fuyards n'ont pas pris sa roue et ils ne l'ont pas revu. Lundi, Healy n'avait donc pas l'idée de partir, mais juste de creuser l'écart sur Pogacar. Ses coéquipiers ont « gagné les minutes à la pédale », et lui a terminé le travail, étouffant notamment l'attaque de Quinn Simmons dans le col de la Croix-Morand avec un relais sans fin, couché sur sa machine, les épaules appuyant sur les pédales autant que les pieds. L'épisode a rappelé des souvenirs récents (et douloureux) à Simon Yates, vainqueur lundi après être beaucoup resté dans les roues. « Ce n'est pas le premier jour que je sens sa force, car j'étais dans l'échappée quand il a gagné l'étape, glisse le Britannique, 5e ce jour-là. C'est impressionnant comme Healy est fort. » Dans les derniers kilomètres, quand son poulain s'est retrouvé seul derrière après avoir beaucoup roulé, Vaughters lui a juste dit : « Oublie tout, concentre-toi sur toi-même et va chercher la ligne. » C'est alors à lui-même que Ben Healy a fait mal, au point de souffler, une fois le podium passé : « Je suis fatigué, fatigué. » Mercredi, un autre défi que l'attaque l'attendra. Car tant qu'il portera sa nouvelle tunique, le premier Irlandais en jaune depuis Stephen Roche n'aura sans doute plus la liberté pour aller dans les échappées, mais il devra donc contrôler depuis le peloton. Ce qui tombe bien pour ceux qui chercheront à faire un coup. À lire aussi Au milieu des frelons de la Visma, Pogacar imperturbable Yates, heureux en embuscade Une étape «sous contrôle» pour UAE Emirates Visma, un feu d'artifice sans bouquet final

L'Équipe
11-07-2025
- Sport
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Une « méthode dans la folie » : Ben Healy, le hipster irlandais a confirmé le sacré coureur qu'il est grâce à sa victoire à Vire
Ultra-offensif au départ puis parti, sur sa seule attaque, dans un numéro solitaire de 43 kilomètres, le hipster irlandais Ben Healy à la position singulière a confirmé jeudi le sacré coureur qu'il était, ne laissant rien au hasard. Ils ont beau le connaître, la magie opère toujours avec Ben Healy. Mercredi, à quelques heures de s'élancer pour le contre-la-montre de Caen, l'Irlandais traînait sa dégaine de hipster dans le paddock, main dans les poches de son pantalon noir extra-large, cheveux longs en bazar, anneaux aux oreilles, comme s'il cherchait un pub où se planquer, à moins qu'il vienne d'en sortir tant ses yeux toujours mi-clos évoquent l'épuisement. Un détachement, en fait, qui l'avait totalement quitté au départ de Bayeux, jeudi, où Healy avait basculé en méchant coureur, sur cette étape taillée comme une ardennaise qu'il avait cerclée depuis des mois. « Et il a fait un show incroyable, il a montré au monde entier l'athlète qu'il est et à tout le peloton qu'il était le plus fort », s'époustouflait son équipier Neilson Powless. Sous ses airs de chanteur de rock sans succès, le coureur d'EF Education-EasyPost a donc fait du Healy. « C'est un attaquant-né, et quand il est dans sa journée comme ça, il a cartouches illimitées, il en mettait partout au départ, impressionnant », répétait Alex Baudin, qui le découvre dans l'équipe américaine depuis cet hiver. L'échappée a mis du temps à se former, presque soixante kilomètres où le puncheur de 24 ans a beaucoup donné pour s'extirper dans un groupe auquel il a fait sa spéciale, cent bornes plus loin : une attaque pour filer seul, avec encore 43 kilomètres à avaler. « Quand il fait ça, vous êtes un peu sur le fil du rasoir pendant un moment car c'est osé, risqué », grimaçait son directeur sportif Tom Southam, derrière lui dans la voiture. « Mais rien de ce que Ben fait n'est fou, corrigeait Charly Wegelius, son autre DS. Ce qu'il réussit est exceptionnel, mais ce sont ses qualités, sa résistance à la fatigue est incroyable et il ne va pas vite au sprint, donc il doit oser. Il faut prendre des risques, quitte à perdre, mais de la bonne manière. » « Mais l'année dernière m'a ouvert les yeux, j'ai commencé à croire que j'étais capable de le faire. J'ai revisionné beaucoup de séquences et affiné mon style. » Ben Healy, jeudi après sa victoire à Vire Wegelius parle plutôt « de méthode dans la folie » chez son Irlandais, vainqueur exactement de la même façon d'une étape au Pays basque en avril (57 kilomètres seul) ou au Giro, en mai 2023 (50 km), et qui répète que « franchir la ligne seul en tête, mains en l'air, est la meilleure sensation possible ». Hier, il avait ainsi pointé l'endroit exact où il poserait sa banderille finale, sur les conseils de Southam. « Il a exécuté à la lettre le plan qu'il avait annoncé dans le bus au départ », confiait son colocataire sur ce Tour, Harry Sweeny. La suite fut à la fois du jeu (« j'appuyais dans les montées puis tranquille dans les descentes, un faux train, pour laisser croire à mes poursuivants qu'ils pouvaient encore revenir ») et de la technique pure, en position aérodynamique sur sa machine, malgré sa tête toujours tournée vers la gauche. « J'avais prévu et mis les équipements aéro, le vélo, la combi de contre-la-montre, le casque, pour être le plus efficace possible », souriait le baroudeur. « Une fois qu'on lui laisse dix secondes d'avance, c'est impossible de le rattraper », se marrait Baudin. Un côté « tueur sur le vélo », selon Southam, qui ne correspond pas à l'homme né dans la banlieue de Birmingham, en Angleterre, décrit comme « décontracté » (Sweeny), « très détendu, très cool » (Wegelius), « super-discret et très humble » (Baudin). Un amoureux de bicyclette, passion refilée par son père qui l'emmenait sur le vélodrome voisin à ses cinq ans, qu'il squattait tous les dimanches matin avant d'en repartir avec des cartes à échanger en mains, passé ensuite au VTT, puis à l'académie British Cycling, dont il fut viré sans raison à 16 ans avant d'intégrer la formation junior Zappi, comme Tom Pidcock, laissant en pause les études le bac en poche afin de se consacrer à sa passion. Avec succès. Dès sa première grande épreuve, le Tour du Pays Basque juniors, il s'imposait au général devant un jeune Belge qui débutait, Remco Evenepoel, en attaquant pendant quatre jours. Pour son premier contrat professionnel, en 2022, il s'engage chez EF, une équipe qui sied parfaitement à son tempérament offensif. Encore plus quand Richard Carapaz, 3e du dernier Giro et annoncé comme leader sur ce Tour, doit déclarer forfait à quelques jours du départ de Lille, et que l'unique mission est de gagner une étape. Healy l'a fait à sa façon, un an après avoir multiplié les attaques lors de la dernière Grande Boucle, échappé une demi-douzaine de fois mais sans la même réussite (5e à Troyes comme meilleur résultat). « Mais l'année dernière m'a ouvert les yeux, j'ai commencé à croire que j'étais capable de le faire, rembobinait jeudi l'homme aux dix victoires professionnelles. J'ai revisionné beaucoup de séquences et affiné mon style. » Son grand objectif atteint, il pourra rêver désormais de victoires dans une grande classique. Il s'en était approché en 2023, 2e de l'Amstel Gold Race puis 4e de Liège-Bastogne-Liège. Deux mois plus tôt, il s'était fracturé une main sur l'Étoile de Bessèges et Jonathan Vaughters, le manager de son équipe, avait tenté de profiter de l'opportunité pour prolonger son contrat à moindres frais. Healy avait balayé la proposition et promis de revenir vers le patron après la campagne des ardennaises, à la suite de laquelle le tarif n'allait plus vraiment être le même. Sous ses airs hipsters, Healy n'est pas si fou que ça. À lire aussi Van der Poel - Pogacar, acte III ce vendredi ? Une journée dans l'intimité de l'équipe Picnic-PostNL Une féroce bataille de Normandie et un début de renoncement ? Vauquelin, la fête à la maison en Normandie