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«Il faut lire Boualem Sansal, non seulement pour les raisons qu'on devine, mais parce que c'est un grand écrivain»
«Il faut lire Boualem Sansal, non seulement pour les raisons qu'on devine, mais parce que c'est un grand écrivain»

Le Figaro

time21-07-2025

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«Il faut lire Boualem Sansal, non seulement pour les raisons qu'on devine, mais parce que c'est un grand écrivain»

TRIBUNE - Le journaliste et écrivain Salomon Malka a lu Le village de l'Allemand, de Boualem Sansal, prisonnier des geôles algériennes depuis plus de huit mois. Un roman au style haletant fait d'un mélange d'humour grinçant, de cynisme et d'observations sur la vie et sur le monde. Salomon Malka est journaliste et écrivain. Dernier ouvrage paru : « Samedi prochain à Auteuil, les leçons de Lévinas » 2025, Le Cerf. À découvrir PODCAST - Écoutez le club Le Club Le Figaro Idées avec Eugénie Bastié Ma première rencontre avec Boualem Sansal fut d'abord une rencontre de lecteur. Fascination pour ce livre fascinant qu'est Le village de l'Allemand. Récit croisé de journaux intimes où, sur fond de massacre du village familial d'Ain Deb, près de Sétif, deux frères perdent leurs parents et du même coup découvrent le passé allemand de leur géniteur, Tout d'un coup, trois épisodes se télescopent : les ravages de la Shoah, la sale guerre des années 90 en Algérie, et l'ascension des «barbus» dans une cité des banlieues françaises Tout se mélange dans la tête des frères Schiller : Hitler, l'imam de la cité, les égorgeurs islamistes. À lire aussi Bruno Retailleau au Figaro : «Sur l'Algérie, la diplomatie des bons sentiments a échoué» Publicité Pourquoi Rachel (condensé de Rachid et de Helmut) s'est-il donné la mort ? Son frère cadet appelé Malrich (condensé de Malek et d'Ulrich), répond : Rachel a commencé à réfléchir. Il a compris que le nazisme et l'islamisme, c'est du pareil au même. Il a voulu voir ce qui nous attendait si on laissait faire comme on a laissé faire en Allemagne, à Kaboul, en Algérie. Dans un style haletant fait d'un mélange d'humour grinçant, de cynisme, d'observations sur la vie et sur le monde, ce roman polyphonique raconte l'histoire vraie dans une large mesure de Rachel et Malrich, les deux fils de Hans Schiller, ancien nazi exfiltré de l'Algérie et devenu un cadre du FLN. Les deux frères, élevés en France, sont issus d'un mariage mixte entre leur père et une Algérienne restée au pays. Faut-il dire islamique ou islamiste ? Le dictionnaire ne dit rien. Probablement parce que le fanatisme va plus vite que le Larousse. Salomon Malka Rachel part à la recherche de son père et se demande ce qu'il a fait pendant la guerre. Et dans le même temps, il écrit au ministre algérien des Affaires étrangères pour lui demander des comptes sur ce qui est arrivé à ses parents, et aux voisins, sauvagement assassinés dans leur village d'Ain Deb, dans le département de Sétif, par un «groupe armé non identifié», à savoir un groupe de terroristes islamistes. Il se plaint aussi au passage, que son père et sa mère aient été inscrits sous des noms qui ne sont pas leurs véritables noms. On passe d'un journal à l'autre. Le frère cadet prend le relais et fait à son tour le voyage d'Ain Deb. Il va d'abord au «Carré des martyrs» où reposent les siens. La stèle posée par l'administration n'est plus visible. Les défunts sont placés sous la même loi, celle du «temps qui efface tout». Et soudain, devant ce carré, c'est l'explosion de colère, la rage de voir ce pays se complaire dans le silence, dans l'accoutumance au mensonge, à la dissimulation, à l'ignorance, à l'oubli. Les deux frères visitent à tour de rôle la Turquie et sa cuisine épicée, l'Égypte et sa manière de mettre «les deux pieds dans la même babouche». «L'Égypte heureuse, l'Egypte cosmopolite, chaleureuse et romantique de Neguib Mahfuz qui n'existe hélas plus». L'Europe centrale et sa mémoire endolorie. Tout cela se confond dans la tête. Publicité Et puis retour à Paris. Atmosphère lourde de la cité aux prises avec l'islamisme conquérant. Faut-il dire islamique ou islamiste ? Le dictionnaire ne dit rien. Probablement parce que le fanatisme va plus vite que le Larousse. «Des garçons ont quitté l'école pour la mosquée. Des filles ont pris le voile, certaines se sont cloîtrées, des hommes épuisés par les prêches au corps se sont mis un bonnet sur la tête et un keffieh sur les épaules et ont commencé à sermonner à leur tour». Debout sur la tombe, le frère cadet parle à son frère aîné. Il lui dit qu'il va publier son journal et le sien. Il espère qu'il va trouver un éditeur. Il dit aussi qu'avec la permission de son frère, il va parler à son ancienne professeur d'école, celle qui l'aimait beaucoup, pour lui demander « de nous arranger ça comme un vrai livre ». Il lui parle aussi de Primo Lévy qui pense qu'il faut tout dire aux enfants parce qu'ils doivent tout savoir et que ce sont eux qui héritent des parents, le bien comme le mal. En février 1997, c'est la fin du voyage pour le plus jeune des frères Schiller. Le périple aboutit à la rampe d'Auschwitz-Birkenau. Il en connaît toute la topographie. Il a le plan dans sa tête et peut se guider les yeux fermés, en suivant son père par la pensée. Au milieu du livre, le poème de Primo Lévy, Si c'est un homme figure dans son entièreté. Le frère aîné n'a fait que rajouter ces lignes : «Ma maison s'est écroulée, et la peine m'accable. Et je ne sais pas pourquoi mon père ne m'a rien dit». Boualem Sansal ou la mémoire en partage. Le refus de s'exonérer des crimes commis ici, là ou ailleurs. Salomon Malka J'ai relu ces jours-ci Le village de l'Allemand ou le journal des frères Schiller. J'y ai trouvé des accents de Vassili Grossman. Les mêmes interrogations sur la petite bonté. La même intensité dans la peinture de la catastrophe et du désarroi. Le même désir d'aller au bout d'une possible réparation. Publicité Le livre est paru en 2008. L'auteur affirme avoir reçu beaucoup de lettres racontant un périple similaire à celui du « village de l'Allemand ». Y a-t-il une place pour l'espoir ? Pour la clarification ? Pour la reconstruction ? Tel est en tout cas la tâche de l'écrivain. Tel est son risque aussi. Celui d'être toujours au bord de la rupture. Boualem Sansal ou la mémoire en partage. Le refus de s'exonérer des crimes commis ici, là ou ailleurs. La décision d'arpenter les lieux où les blessures restent encore visibles. Partout où ça saigne. Partout où les violences s'accumulent. Les guerres souterraines. La fin d'un monde ou la fin du monde. Le souvenir du père trimbalant ses crimes dans une vieille malle. Et la question lancinante qui revient incessamment : «Qui est mon père ?» et «où est le bien et le mal ?» Il faut lire Boualem Sansal. Pour toutes sortes de raisons qu'on devine maintenant. Mais d'abord et avant tout parce que c'est un grand écrivain.

Interdits de baignade dans le Jura, les habitants de Delle applaudissent
Interdits de baignade dans le Jura, les habitants de Delle applaudissent

24 Heures

time13-07-2025

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Interdits de baignade dans le Jura, les habitants de Delle applaudissent

La piscine de Porrentruy n'accueille plus les étrangers sans permis. Une décision largement soutenue, même du côté français de la frontière. Un ennemi commun: les jeunes des banlieues. Publié aujourd'hui à 08h02 Ce panneau de la piscine de Porrentruy a mal vieilli. Depuis début juillet, les baigneurs français n'y sont plus les bienvenus. Florian Cella / Tamedia En bref: «Oui, c'est une punition collective. Oui, ça met malheureusement tous les Français dans le même sac, mais franchement, on ne peut rien reprocher aux autorités suisses. Elles n'avaient plus le choix. Voilà au moins un pays qui respecte ses citoyens», glisse Selim entre deux bouffées de cigarette. Dans les rues de Delle, aux portes de l'agglomération Belfort-Montbéliard, les citoyens français ne se voient pas comme les grands perdants de la mesure-choc de la piscine de Porrentruy, fermée depuis la semaine dernière aux étrangers sans permis de séjour ou de travail. Bien au contraire. Dans cette bourgade de 5000 habitants, tous les passants interrogés disent leur ras-le-bol de la «racaille» sortie des banlieues de Montbéliard qui venait tuer son ennui en Suisse, défiant l'autorité des gardes-bains et chassant les familles locales qui n'osaient plus profiter de l'établissement les jours de forte affluence. «Les mêmes venaient chez nous il y a quelques années.» Bagarres, blocage du toboggan et des plongeoirs, baignade en habits d'extérieur, fumette et drague lourde… à Porrentruy, la police intervenait jusqu'à huit fois par jour. Pour rétablir le calme, les autorités bruntrutaines n'ont pas fait dans le détail. Pas de lien avec la Suisse? Pas d'accès au bassin. «Mes voisins allaient souvent à la piscine de Porrentruy avec leurs deux gosses pour se rafraîchir les jours de canicule. C'est à vingt minutes de voiture. Forcément, ils sont un peu déçus, mais ils comprennent, comme beaucoup de gens ici», confie le jeune Selim, 24 ans. Où ira se baigner cette famille? «On a un centre aquatique à Delle, mais le bassin extérieur est fermé en attendant une rénovation. Nager sous un toit couvert, c'est moins fun.» La piscine de Delle, en France voisine, a été confrontée aux mêmes incivilités il y a quelques années. Aujourd'hui, la situation est revenue au calme. En grande partie parce que le bassin extérieur est en travaux. Florian Cella / Tamedia Éviter les délits de faciès Un ami de Selim, casquette du PSG vissée sur le crâne, se joint à la discussion. «Franchement, ce n'est quand même pas compliqué de faire la différence entre des daronnes sans histoire et une bande de blédards! Ils auraient pu faire le tri.» Son pote lui tape dans le dos: «Si les autorités avaient ciblé uniquement les Maghrébins, imagine un peu les contrôles à la caisse. Que des délits de faciès! C'est là que cela aurait été raciste .» En optant pour un décret plus universel, les autorités suisses éviteraient de distinguer «bons et mauvais Français». «Tu vois, c'est malin.» Laetitia, employée de mairie de 43 ans, confirme que la situation à la piscine de Delle était «catastrophique» il y a quelques années, du temps où le bassin extérieur était encore ouvert. «On y allait le dimanche matin pour échapper aux bagarres. Alors s'ils vivent le même enfer en Suisse en ce moment, rien d'étonnant à ce que les Français récoltent ce qu'ils ont semé, même si cela pénalise quelques innocents.» À titre personnel, elle ne se sent pas stigmatisée. Plus loin, deux hommes prennent le café à l'ombre d'un parasol. Eux aussi parlent d'une mesure «logique». Nostalgiques du temps où les Français «respectaient leur drapeau», ils admirent le service militaire obligatoire en Suisse. «Tout part de là. Si notre pays se remettait à inculquer de bonnes valeurs aux jeunes, on n'aurait pas autant de piscines qui ferment dans la région.» Ils font référence aux établissements alsaciens de Colmar, Obernai et Strasbourg, où les agents de sécurité ont été abreuvés d'injures et de menaces de mort ces dernières semaines. Catherine, ex-prof de 66 ans, dénonce plutôt le manque de loisirs dans les banlieues chaudes. «De nos jours, les colonies de vacances sont réservées aux enfants de bobos. Les jeunes de cités sont délaissés, alors forcément ils se mettent à faire n'importe quoi», soupire-t-elle en sortant ses poubelles. À la place des responsables de la piscine jurassienne, elle aurait fixé une limite d'âge. Ce n'était tout de même pas les retraités qui faisaient des vagues! «Les gens s'offusquent à notre place» De nombreux Dellois s'amusent du «tapage médiatique» provoqué par cette décision. «Sur les réseaux sociaux, on a l'impression que beaucoup de gens s'offusquent à notre place, alors qu'ils ne connaissent rien de notre réalité. Si les Suisses ne veulent plus de certains Français dans leur piscine, ils ont leurs raisons, insiste un vendeur du centre-ville. À force de crier au racisme pour tout et pour rien, on oubliera bientôt ce que cela veut dire.» Le château de Porrentruy, qui abrite une prison, fait beaucoup parler les riverains. Mais pas pour ses attraits touristiques. «Qu'on y enferme ces voyous pour une semaine, voilà qui les calmera», ricane Jean-Marc, venu remplir quelques grilles de mots fléchés sur un banc public. Gabriel, 72 ans, ancien pâtissier qui a longtemps travaillé à Porrentruy, a une autre solution: «Les caméras de surveillance!» Et tant pis si ça coûte cher. «C'est le prix de la tranquilité.» À Delle, les petits baigneurs peuvent désormais s'amuser sans craindre d'être embêtés par les jeunes hommes turbulents venus des banlieues de Montbéliard. Bannis des piscines françaises, ces derniers descendaient jusqu'à Porrentruy. Florian Cella / Tamedia «La France n'a pas à exporter ses échecs» Direction la fameuse piscine de Delle, qui a vécu le même calvaire que Porrentruy en 2020. Nous y rencontrons Christian Rayot , maire de Grandvillars et président du syndicat intercommunal qui gère ledit centre nautique. Face à l'explosion des incivilités, il avait sorti le grand jeu: trois agents de sécurité, un maître-chien, deux agents de police et trois médiateurs, en plus des quatre maîtres-nageurs. «Vous venez avec des tournevis ou des couteaux à la piscine, vous? C'est ce qu'on retrouvait dans les sacs à l'entrée.» Aujourd'hui, la situation s'est «apaisée» grâce à la trentaine d'expulsions de bain prononcées au plus fort de la crise et aux 40'000 euros dépensés chaque année dans la sécurité. «Fini la thérapie de la parlotte. Passé un certain stade, il faut sévir.» Le centre aquatique de Delle a mis le paquet sur la surveillance à l'entrée. Florian Cella / Tamedia Se réclamant de la gauche chevènementiste, le maire ne voit rien de discriminatoire dans le décret décidé par ses collègues ajoulots. «Le prêchi-prêcha du vivre-ensemble est d'une naïveté confondante. Lorsque vous êtes confrontés à des sauvages qui ne respectent rien, vous êtes obligés de cogner fort. Les Suisses ont raison de marquer leur territoire. Notre pays n'a pas à exporter ses échecs de l'autre côté de la frontière.» Lionel Maitre , son homologue à Boncourt, nous a déclaré qu'il était hors de question d'allonger le budget sécurité à Porrentruy (de 15'000 francs cette année, alors qu'il est de 350'000 euros à la piscine de Montbéliard, qui vient d'installer des caméras de surveillance pour lutter contre les incivilités). Ou alors, que la France paie pour le salaire de vigiles supplémentaires. Une pique qui agace l'élu français: «Je rappelle que le canton du Jura a encaissé 39 millions d'impôts sur les revenus des frontaliers français l'année dernière.» Largement de quoi renforcer le personnel de sécurité au bord du bassin à Porrentruy, selon lui. Christian Rayot, maire de Grandvillard et président du syndicat intercommunal qui gère le centre nautique de Delle. DR Une solution «paresseuse» Du côté des gardes-bains dellois, la décision des autorités suisses n'est pas accueillie avec les mêmes louanges. «J'avoue que ça me choque», admet Christophe, 35 ans, tout en gardant un œil attentif sur le bassin des enfants. «C'est peut-être efficace, mais bannir toute une population pour quelques dizaines de perturbateurs, c'est une solution de facilité bien paresseuse.» Avec une telle mesure, c'est toute l'amitié franco-suisse qui prendrait une grosse baffe. «Sérieusement, vous imaginez l'inverse? Si Lidl interdisait à tous les Suisses de faire leurs courses en France uniquement parce qu'une minorité d'entre eux viennent jeter leurs ordures sur leur domaine pour échapper à la taxe au sac, toute la Suisse crierait au scandale.» En revanche, Christophe est de tout cœur avec ses collègues de Porrentruy. «Quand ces bandes débarquent à la piscine, ça prend toute notre attention. Passer son temps à faire la police avec des jeunes qui ne savent pas se tenir, c'est des précieuses minutes que nous perdons à surveiller les bassins. Si dans l'intervalle, il y a une noyade, cela peut se retourner contre nous.» La piscine de Porrentruy fait des remous Thibault Nieuwe Weme a rejoint la rubrique vaudoise en octobre 2022. Après un Bachelor en science politique, il a obtenu son Master à l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de l'Université de Neuchâtel. Il est également passé par la rédaction du Temps. Depuis juin 2025, il couvre l'actualité fribourgeoise. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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