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Michel Perrissol, dernier d'une grande lignée de pêcheurs sur le Léman
Michel Perrissol, dernier d'une grande lignée de pêcheurs sur le Léman

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time18 hours ago

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Michel Perrissol, dernier d'une grande lignée de pêcheurs sur le Léman

La famille Perrissol vogue sur le Léman depuis plusieurs générations. Michel, son dernier représentant, a débuté au large de Mies avant de s'établir au bout du lac. Publié aujourd'hui à 11h00 Le pêcheur Michel Perrissol devant son antre à la Maison de la pêche, aux Eaux-Vives, le 17 juin 2025. LAURENT GUIRAUD En bref: En cette matinée ensoleillée de juin, rendez-vous avait été donné à 11 heures à la Maison de la pêche, aux Eaux-Vives. Mais à 8 h 59, message de Michel Perrissol: «Bonjour, j'ai déjà terminé la journée. Si vous pouvez venir plus tôt? Pas de poisson.» Depuis le début de l'année, les journées se suivent et se ressemblent terriblement . Elles se concluent sur une prise bien en deçà des attentes. À notre arrivée, Michel Perrissol dresse le bilan des deux premiers jours de la semaine en cours: à peine 1 kg de perches. «À 58 francs, le kilo, je ne vais pas aller loin», souffle l'homme de 68 ans, dernier représentant d'une grande famille de pêcheurs. Une histoire de famille Cela fait bien longtemps que le nom Perrissol résonne sur le Léman . Autour de lui, Michel dénombre six proches à avoir exercé ce même métier fait d'éreintantes journées commencées à l'aurore: son père, deux oncles, une tante et un cousin. «Mais aujourd'hui, il n'y a plus que moi», confie-t-il, lunettes remontées sur une tignasse poivre et sel, la polaire zippée jusqu'en haut sous un tablier de travail. Qu'on ne lui demande pas son premier souvenir sur le lac, comment voulez-vous qu'il se rappelle «d'un truc pareil»? «On m'a mis sur un bateau, je ne savais même pas marcher», se marre-t-il. «J'étais plutôt bon à l'école, premier en maths, et mes profs me voyaient à l'uni. Mais mon père a dit non, tu viens avec moi. Devenir pêcheur, c'était une évidence. Toute ma famille était là-dedans.» Les longues études, ce sont ses trois enfants qui les entreprendront. Ainsi va la vie. Avec son père, Michel débute au large de Mies, dans le canton de Vaud. «À l'époque, il n'y avait pas d'eaux territoriales cantonales et on pouvait aller où on voulait», remet-il. On aperçoit alors habituellement son bateau – nommé Jéjé Squale , d'après le nom de son fils Jérôme – au large de Founex, Coppet ou Tannay. Si proche de la frontière genevoise. Qu'il finira par franchir. Michel Perrissol et son fils Jérôme sur le lac au large de Mies, dans le canton de Vaud, en août 2005. LAURENT GUIRAUD Il y a une vingtaine d'années, Michel Perrissol s'établit au bout du lac. «Un de mes oncles était malade et il m'a demandé de le remplacer», explique-t-il. Il prend d'abord ses quartiers dans un des cabanons face au Jet d'eau, avant de déménager il y a quelques années à la Maison de la pêche, à la suite de l'aménagement de la plage des Eaux-Vives. Tartare de poissons du lac Pour ses prises, Michel Perrissol a toujours eu des clients historiques, une poignée de restaurants, comme Le Bœuf Rouge aux Pâquis ou le National, à Versoix, commune où il a longtemps vécu. Adresse populaire s'il en est, le National a régulièrement proposé dans son menu un tartare de poissons du lac, exquis et raffiné, fraîchement issus de ses filets. Le brochet ou la féra, le pêcheur, cuisinier à ses heures, aime les fumer à froid, après dix jours au congélateur. Il peut alors les servir «en tartare ou en carpaccio». «J'ajoute un filet d'huile d'olive, un léger assaisonnement selon les goûts, mais pas de sauce. Le produit est tellement bon», insiste-t-il, l'œil soudain gourmand. Multiples petits boulots En plus de cinq décennies à travailler sur le lac, Michel Perrissol aura connu des belles années, mais forcément aussi des galères. Comme entre 1977 et 1983, lorsqu'il n'y avait «plus un poisson», sans doute en raison de la surpêche. «On travaillait tous dehors», dit-il. C'est la face cachée du métier. Il arrive souvent que les pêcheurs soient contraints à multiplier les petits boulots en parallèle. Michel Perrissol décompte six ans comme peintre, trois à trimer sur le tarmac de l'aéroport, ou encore une autre année comme ébéniste. Dans le local de Michel Perrissol à la Maison de la pêche, aux Eaux-Vives, à Genève. LAURENT GUIRAUD Cela étant, un début d'année comme celui-ci, il n'avait encore jamais expérimenté. «Idéalement, il faudrait réussir à amasser entre 60 et 80 kg de perches entières par jour pour tourner, mais là, c'est à peine si on arrive à 20 kg», rapporte Michel Perrissol, qui voit ses «cinquante-deux ans d'économies» partir en fumée. Le poisson roi du Léman n'est d'ailleurs pas le seul à se faire rare. La féra? Disparue également. Les brochets et les ombles chevaliers ne se font guère voir davantage. En revanche, les silures , «on pensait qu'il y en avait des centaines, mais ils sont des milliers», rapporte Michel Perrissol, en montrant un spécimen attrapé ce matin. Mensurations: 2,7 m pour 60 kilogrammes. «On est prêts à pêcher tout ce qu'on trouve pour s'en sortir», affirme François Liani, qui occupe la pêcherie voisine à la Maison des Eaux-Vives. Mais encore faut-il que le client soit demandeur, ce qui n'est pas gagné. Combat politique Le silure, lui, raffolerait des perches et cela constituerait une des explications de leur mystérieuse évaporation. Mais pas la seule. Les pêcheurs évoquent également la présence des cormorans, désormais présents toute l'année en raison des températures clémentes, la prolifération des moules quagga, qui filtrent l'eau des aliments recherchés par les poissons, ou encore les aléas d'une météo toujours plus imprévisible. Mais surtout, de manière générale, le lac est trop chaud et il n'est plus à même de brasser ses eaux . «On est bien embêtés avec le réchauffement climatique», résume Michel Perrissol. Que faire? Les pêcheurs ont écrit aux autorités afin de demander de l'aide. Un courrier a été adressé au Département du territoire dans l'espoir d'une exemption de loyer. Mais les services d'Antonio Hodgers n'évoquent en retour qu'«un arrangement de paiements» . Le Département de l'économie de Delphine Bachmann a également été sollicité. Une aide en faveur de la douzaine de professionnels genevois est envisagée. «Si le métier n'est pas aidé momentanément, on ne s'en sortira pas», redoute Michel Perrissol. Qui en a vu d'autres, pourtant. NOTRE SÉRIE SUR LES PÊCHEURS Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Théo Allegrezza est journaliste à la Tribune de Genève. Il couvre en particulier la politique, ainsi que les questions d'aménagement, d'urbanisme et de logement. Diplômé de l'Université de Genève et de Sciences Po Paris. Plus d'infos @theoallegrezza Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Une vie au fil de l'eau (5/6): Avec Laura Fayet, la relève des pêcheurs est passionnée et connectée
Une vie au fil de l'eau (5/6): Avec Laura Fayet, la relève des pêcheurs est passionnée et connectée

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time2 days ago

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Une vie au fil de l'eau (5/6): Avec Laura Fayet, la relève des pêcheurs est passionnée et connectée

À 23 ans, la Glandoise est la septième génération à embrasser cette profession. Sur Instagram, elle partage des anecdotes pour promouvoir le métier et prendre soin du lac. Publié aujourd'hui à 11h06 Laura Fayet est la septième génération de pêcheurs de sa famille. YVAIN GENEVAY En bref: Elle s'affaire dans la cabane de pêche , pieds nus, béret marin sur la tête et lunettes aux montures couleur fonds marins sur le nez. Il est 7 h 30 ce matin-là à Gland, et Laura Fayet extrait les estomacs de trois féras. «C'est pour un projet scientifique qui surveille les conséquences de la prolifération de la moule quagga sur la chaîne alimentaire.» Bonne nouvelle: les organes regorgent de zooplancton, les féras semblent manger à leur faim. De quoi rassurer l'étudiante en biologie, mais surtout la travailleuse du lac: Laura Fayet est l'une des rares pêcheuses professionnelles du Léman. Avec un père fier qu'elle perpétue la tradition, elle tient la pêcherie de la Dullive , à Gland. À 23 ans, elle est la septième génération à embrasser ce métier. Stage de pêche et bachelor de front La Glandoise naît pratiquement dans le lac. Elle grandit sur les rives, les pontons et le pont du bateau familial. «J'ai tout de suite aimé accompagner mon père et mon grand-papa. J'ai toujours pensé que je serais pêcheuse professionnelle, c'était une évidence.» À la fin du Cycle d'orientation, l'adolescente enchaîne avec le Collège en attendant les 18 ans, qui lui ouvriront les portes de la pêche professionnelle. C'est là qu'elle prend goût à la biologie. Maturité en poche et tatouages sur les bras - des hirondelles pour rappeler les étés de l'enfance et une boussole entourée d'eau - elle commence enfin son stage de pêche. Six mois sont requis au minimum, non rémunérés, avant l'examen; la passionnée en fera 24, pour vivre toutes les saisons sur le lac, tout en commençant un bachelor en biologie, à mi-temps. «Mon grand-père a toujours conseillé à mon père d'avoir un autre métier à côté, au cas où, car on travaille avec la nature. Je fais pareil.» Le grand-père de Laura Fayet a nommé son bateau «Capitaine Laura» en son honneur. La jeune pêcheuse, elle, a baptisé le sien «Lau l'eau». YVAIN GENEVAY Le rythme est intense, les deux jours sans cours et le samedi sont consacrés à la pêche. «Je me levais à 3 h 30, j'étais sur le lac à 4 h pour relever les filets. Puis retour sur la terre ferme pour travailler le poisson, reprendre le bateau pour les autres filets, retourner au large en fin de journée pour les reposer. Réviser les cours entre-temps...» C'est trop. L'étudiante redouble. En revanche, elle obtient haut la main son examen de pêcheuse professionnelle, en finissant première. Les candidates n'avaient d'ailleurs jamais été si nombreuses à l'examen. Elles étaient… deux. Dans ce milieu encore très masculin, «où on croise des mecs supercools comme des vieux ronchons qui disent qu'une femme n'a rien à faire là», Laura Fayet dit s'être fait sa place assez naturellement. «Je me sens légitime car je pratique le métier avec mon père depuis longtemps.» Dans sa famille, les modèles féminins ne manquent pas. L'arrière-grand-mère possédait un permis de pêche, et Daisy, la grand-mère, a arrêté son métier de courtepointière pour travailler avec le grand-père. «Mais elle n'allait jamais sur le bateau, elle avait peur. Ma maman, c'est pareil et le comble, elle n'aime pas le poisson!» Pas des «videurs du lac»! Des stéréotypes, il y en a encore d'autres. «On nous prend parfois pour des videurs du lac. Mais ces gens ne savent pas que la pêche est très réglementée! Le nombre de nasses et de filets est limité, la taille des mailles est calculée pour ne prendre que les individus matures qui se sont déjà reproduits, il existe des périodes de restrictions par espèces pour les laisser se reproduire, etc.» Quand le courant est fort, les filets de Laura Fayet sont parfois vides de poissons mais remplis de moules quagga… Cette espèce invasive perturbe la chaîne alimentaire du Léman. LAURA FAYET Autre idée reçue: «Petite, quand je disais que mon père était pêcheur, on me répondait: «Oui, mais son métier, c'est quoi?» C'est souvent perçu comme un hobby.» À ce sujet, elle précise ne pas vivre de la pêche pour l'instant, à cause des études menées en parallèle. «Un pêcheur professionnel peut vivre de sa passion, mais c'est difficile s'il se limite uniquement à la féra et à la perche. Il faut se diversifier, avec d'autres espèces. Le brochet par exemple, c'est superbon une fois désarêté!» Instagram pour faire connaître le métier et les poissons Encore faut-il que le client accepte d'en manger… Pour valoriser ces poissons moins connus – une trentaine est comestible dans le Léman – et toucher une nouvelle clientèle, la jeune pêcheuse a ouvert un compte Instagram . Elle y partage aussi quelques inspirations culinaires, de l'émincé de tanche à la tarte au poisson fumé. Mais son Instagram sert surtout à faire connaître le métier et à sensibiliser à la protection de l'environnement. Depuis son bateau, le Lau l'eau , Laura Fayet offre ainsi une plongée dans le quotidien d'un pêcheur professionnel. Les déceptions – les filets remplis d'invasives moules quagga – comme les moments de fierté, avec cette première prise, seule, d'un brochet de 3 kilos. Les difficultés, aussi, en particulier l'hiver avec la brûlure des gants gelés, ainsi que les moments de grâce quand le lac flamboie à l'aube. «Être sur le lac est toujours un privilège» «J'aimerais montrer combien on est sensible à l'environnement, à sa beauté. On a conscience que les poissons, ce sont des êtres vivants. Quand j'en tue un, c'est avec respect. Et j'espère toujours que la personne qui l'achète finira son assiette.» Enfin, la future biologiste partage également des informations sur la faune et la biodiversité. «Elle m'apprend beaucoup de choses», sourit son père, notamment pour composer avec les nouveaux résidents du lac. Parmi eux, les silures , la moule quagga et les cormorans , qui perturbent la chaîne alimentaire. «Toutes les espèces ont leur place dans la nature, mais là il y a un dérèglement, souligne la pêcheuse. Le cormoran mange d'énormes quantités de poissons et, comme le silure, il ne trie pas les jeunes, il mange tout!» Cet été, Laura Fayet s'octroiera quelques vacances. Sur l'eau évidemment, en Irlande pour suivre la migration des baleines et rencontrer des pêcheurs ainsi que des scientifiques. Avant de revenir barrer sur le Léman, son terrain favori. «Être sur le lac est toujours un privilège, même quand il y a du brouillard. J'ai alors l'impression d'être seule au monde, perdue dans les nuages.» Laura Fayet vend ses poissons à son père Alexandre, à la pêcherie familiale de la Dullive. YVAIN GENEVAY Notre série d'été sur la pêche Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Aurélie Toninato est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2010 et diplômée de l'Académie du journalisme et des médias. Après avoir couvert le domaine de l'Education, elle se charge aujourd'hui essentiellement des questions liées à la Santé. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Le doyen des pêcheurs amateurs pleure un ami disparu
Le doyen des pêcheurs amateurs pleure un ami disparu

24 Heures

time3 days ago

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Le doyen des pêcheurs amateurs pleure un ami disparu

L'octogénaire évoque son parcours, ses prises, ses amours et ses amitiés au bord des cours d'eau et sur le Léman. Publié aujourd'hui à 11h00 Serge Schupfer revient sur sa vie passée entre amis au bord de l'eau. LAURENT GUIRAUD En bref: «Je pense que je suis le plus ancien des pêcheurs amateurs du club à Genève, sourit Serge Schupfer, 80 ans cette année. Il y a en un qui est plus vieux que moi, mais il ne pêche plus, alors on peut m'appeler le doyen. Mais ici, tout le monde me connaît par mon surnom: Schoupy.» Le Genevois, neuchâtelois par son père «mécano», fribourgeois du côté de sa mère «ouvrière à l'usine», possède un petit bateau amarré devant les palaces du quai Wilson aux Pâquis: «La semaine dernière, j'ai fait 100 perches en face de la Tour Carrée. Mais ce matin, je ne suis pas sorti au lac. Je fais tranquille après être allé chez le toubib hier.» Mort imminente à 3 ans Le pêcheur, qui se touche la poitrine «pour résumer le problème», ne s'attarde pas plus sur son bulletin de santé. Très tôt, ce petit-fils de cultivateurs de primeurs a pourtant dû faire face à l'adversité peu après son arrivée à Genève à la rue des Maraîchers. «J'avais 3 ans quand un vélo, puis une voiture m'ont shooté non loin de chez nous, à Plainpalais. Je me souviens à l'hôpital avoir vu mon âme se détacher de mon corps.» Une expérience précoce de mort imminente: «Mais j'ai dû me dire qu'il me restait encore tant de choses à faire.» À commencer par la pêche: «L'année suivant mon accident, on a déménagé aux Eaux-Vives. Dans le quartier, on passait des heures sur les pontons avec mon frère à guetter les poissons.» Quid de la première prise attirée par un simple asticot au bout d'un hameçon? Un gardon qui a fini avec quelques autres congénères en friture à la maison. «C'était une des premières fois qu'on mangeait du poisson.» Le Genevois ne s'arrêtera pas en si bon chemin. «J'ai fait un apprentissage de peintre en lettres. Un savoir qui permettait d'écrire à la main des publicités, des motifs sur des voitures et des panneaux d'exposition divers. Par la suite, j'ai été engagé à la Migros où j'ai travaillé pendant quarante-deux ans.» C'est chez le géant orange que Serge Schupfer fera très vite la connaissance de son meilleur ami, le décorateur Roland Ducimetière, alias Dudu. Cinq minutes d'altercation «Un ami m'avait initié à la pêche en rivière à la Versoix. Mais avec Dudu, on allait aussi sur la Drize et on a fait les 400 coups au bord de l'eau à Genève, en France voisine, mais aussi dans les Grisons.» La pêche en rivière, dit-il, demande un grand sens de l'observation («les truites se cachent sous les rochers et les pierres» ) et une bonne mobilité («il faut beaucoup se déplacer sur les berges, parfois très pentues»). Les deux hommes tissent une solide amitié en passant des journées avec leur canne à pêche ou avec leur cadre en bois entouré de fil: «Nous parlions de poissons mais aussi de nous. On ne s'engueulait jamais.» Il ferme un œil pour capturer un souvenir lointain: «Ah si! Une seule fois. On s'est pris de bec pour une histoire de stand qu'on avait installé au Salon des arts ménagers.» Cinq minutes de tensions vite effacées par d'inoubliables moments passés au bord de l'eau. «Dudu est mort en 2015. Parfois, je me recueille sur sa petite case au jardin du souvenir à Saint-Georges.» Perches grasses et rances Dans ces moments, Serge se remémore les prises exceptionnelles avec son copain: «La truite fario de 35 centimètres dans la Vals, celle de 600 grammes dans une gravière grisonne ou ces 70 kilos de perches capturées au large de Corsier Port. Elles étaient tellement grosses et grasses qu'elles avaient un goût rance.» Serge Schupfer lève des filets de perche: «Je dois m'y reprendre à deux fois. Ce que j'aime vraiment c'est pêcher.» LAURENT GUIRAUD Il y a une vingtaine d'années, ce célibataire alors endurci par les déceptions amoureuses fait la connaissance de sa future femme: «Je voyageais pas mal quand j'étais jeune et un ami voulait aller en Inde avec moi. Il n'y avait plus de place à l'agence pour la destination prévue et on s'est retrouvé en Thaïlande.» À Chang-Maï, Serge y rencontre une femme, 23 ans plus jeune que lui, qui n'est d'abord qu'une amie. «Je l'ai invitée quelque temps en Suisse. Ma maman l'aimait beaucoup. Puis elle est rentrée au pays. J'ai senti soudain un vide et une étincelle.» Tout se précipite: «Quand on s'est retrouvé en Thaïlande, son père avait préparé, sans rien nous demander, une cérémonie de mariage.» Serge en rigole et nous livre son happy end: «On a fait le vrai mariage à Genève. Je vis depuis avec cette femme que j'aime.» Tuer un animal Travaillant dans un restaurant thaï en ville, cette adepte du bouddhisme s'est essayée à la pêche sous la houlette de son mari: «Mais elle s'est vite arrêtée, car ses préceptes lui interdisent de tuer un animal.» Mais pas de le cuisiner: «Elle prépare des perches entières avec une sauce pimentée. C'est très bon.» Elle poêle aussi, comme il se doit, les filets de perche au beurre. «Et là, je fais la sauce: du bouillon, du beurre, de l'ail haché, un peu d'eau, du citron et de la maïzena. C'est une recette de la femme de Dudu.» «Avec le temps», Serge Schupfer se dit aujourd'hui plus écolo que les Verts: «J'ai vu comme le plastique pollue le lac ou la mer en Thaïlande. C'est partout pareil. Les lieux de fraie diminuent à cause de l'homme. Le climat change et personne ne dit rien. Le monde se fout en l'air, mais quand les gens tomberont comme des mouches, ce sera trop tard.» Il soupire en ajustant son t-shirt décoré de palmiers: «Quand je vais à la pêche, j'oublie un peu tout ça.» Il y a deux mois, le retraité a tenté de taquiner la truite sur les flancs de la Versoix . Bilan? «Que dalle, rien. Comme l'année précédente. C'est comme ça. Ce n'est pas grave, ma passion c'est un peu comme de la méditation.» Les derniers mots d'un ami Une phrase de son ami Dudu lui revient comme un mantra: «La dernière fois que je l'ai vu vivant, il sortait d'une opération en raison d'un cancer. Je suis parti en vacances peu après et il m'a dit en me regardant au fond des yeux: profite bien. Je sentais que ce n'était pas des mots en l'air.» Il lève les yeux au ciel: «Peut-être qu'en ce moment, il pêche là-haut.» Un autre souvenir remonte soudain à la surface: «Quand mon père est décédé, on a mis dans son cercueil un marteau, un tournevis et une pince pour qu'il continue à bricoler ailleurs.» Serge Schupfer suggère-t-il qu'on fasse pareil avec lui en glissant une canne à pêche dans sa dernière demeure terrestre? «Non, non, je trouverai tout le matériel là-bas, avec Dudu.» Au même moment, un héron cendré fend l'air surchauffé sous un ciel sans nuage. Notre série d'été sur la pêche Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Fedele Mendicino est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2002. Il couvre en particulier les faits divers et l'actualité judiciaire. Plus d'infos @MendicinoF Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Sur la côte atlantique, une partie de la taxe éolienne au secours de la filière pêche
Sur la côte atlantique, une partie de la taxe éolienne au secours de la filière pêche

Le Figaro

time3 days ago

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Sur la côte atlantique, une partie de la taxe éolienne au secours de la filière pêche

Collectivités et organismes professionnels mettent la main à la poche pour renflouer et moderniser les pêcheries historiques de la presqu'île guérandaise. Des travaux engagés notamment avec l'aide de la taxe sur les éoliennes en mer, prélevée à EDF. Les vents marins à la rescousse des pêcheurs de la côte sauvage. Engagé au chevet de sa filière pêche locale, le département de Loire-Atlantique a présenté, lundi 7 juillet, les avancées du plan d'actions mis en route l'été dernier. Au cœur des discussions, un plan de financement des deux derniers ports de pêche du département a été arrêté en début d'année. Les différents acteurs de la filière se sont accordés sur une enveloppe de 9 millions d'euros, pour la période 2025-2027. Une somme en partie financée par la taxe éolienne, dont bénéficient différents acteurs locaux de l'économie littorale. L'un de ces acteurs, le comité régional des pêches des Pays de la Loire, a annoncé engager une partie de la taxe éolienne qui lui est versée par EDF - 1,8 million d'euros par an - en faveur de «projets structurants pour la filière régionale et le territoire». Le comité réinvestira la moitié de cette manne, soit 900.000 euros par an. Les communes des deux ports concernés, La Turballe et Le Croisic, cotiseront également. D'après le quotidien Presse Océan, le maire de La Turballe, Didier Cadro, se serait engagé à verser la moitié de ses 270.000 euros annuels, sur une période d'au moins cinq ans. Publicité Moderniser les ports Réunis à trois reprises lors d'une conférence des financeurs, les acteurs de la filière pêche se sont entendus sur un programme de travaux et d'investissements à réaliser pour remettre d'équerre les criées du Croisic et de La Turballe. Au programme : réhabilitation des glacières et des bâtiments historiques des deux ports, construction d'un nouveau ponton de service à La Turballe ou encore acquisition de nouveaux matériels roulants. L'État, la région ou encore la communauté d'agglomération CapAtlantique s'acquitteront de leur écot. À lire aussi «Une occupation organisée» : 250 caravanes de gens du voyage forcent un terrain privé à Guérande «Le constat avait été fait, il y a un an que le poids de la filière pêche dans l'économie locale ne pouvait pas reposer uniquement sur la seule autorité portuaire et son exploitant», a résumé le département, dans un communiqué publié mardi. La menace planant sur les deux dernières criées de Loire-Atlantique - les halles à marées où se pratiquent les ventes en enchères - a nécessité l'intervention du département en 2024. La collectivité s'était engagée à accompagner la modernisation des ports pour améliorer leur attractivité et leur compétitivité, avec la bénédiction du comité régional des pêches. Ce dernier a appelé, mardi, à une «une restructuration globale des outils et des modèles économiques» de la filière. Ces investissements en faveur des ports du Croisic et de La Turballe s'inscrivent dans un programme de revitalisation plus large de l'industrie de la pêche de Loire-Atlantique. «C'est toute la filière qui doit être intégrée à la gouvernance des outils de production afin d'affronter les enjeux de commercialisation à l'échelle régionale et nationale», a fait savoir José Jouneau, président du comité régional des pêches des Pays de la Loire. Les acteurs se sont accordés sur un plan à 30 millions d'euros sur les dix prochaines années. Un large tonnage financier censé remettre à flot l'activité dont dépend encore aujourd'hui une centaine de bateaux de pêche dans le département.

Ce surdoué de la pêche a des recettes plein ses filets
Ce surdoué de la pêche a des recettes plein ses filets

24 Heures

time4 days ago

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Ce surdoué de la pêche a des recettes plein ses filets

Installé aux Eaux-Vives, ce mordu de l'hameçon a la réputation d'être un gros bosseur et un as des fourneaux. Publié aujourd'hui à 11h00 Rencontre avec Alexandre Muni, jeune professionnel travaillant son poisson à la Maison de la pêche. LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA En bref: Le jour se lève sur la rade de Genève. Il est 4 h 45 et Alexandre Muni saute dans son bateau et plonge dans le rose du ciel pour rejoindre ses filets tendus au large: «C'est la première fois que l'aube a cette couleur aussi marquée cette année», sourit, ému, ce pêcheur de 25 ans. Escorté par des goélands renfrognés et des cormorans aux aguets, Alexandre n'est jamais vraiment seul au travail. À son retour au port à 10 h 30, à la Maison de la pêche des Eaux-Vives, le jeune habitant de Chambésy ramène 4 kilos de perches aux teintes exotiques et un silure argenté. Il nous montre la bête à la bouche ouverte et gluante: «Celui-ci est petit. Hier, j'en ai ramené un qui mesurait 2 mètres.» Une silhouette dans les algues Fasciné par ce moustachu du lac, faussement placide et vraiment vorace, le pêcheur nous mène à la «tanière» à silures la plus proche. Bingo: dans l'eau verdâtre, une silhouette grise surgit d'une forêt d'algues. «Regardez ce gros mâle, il rôde pour protéger le nid. Forcément, on est en période de reproduction.» Le silure du jour, trois ou quatre fois plus petit que celui de la veille. LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA C'est plus fort que lui. Quand Alexandre voit frétiller une bestiole dans l'eau, il l'imagine immédiatement dans son assiette. «J'ai un rapport démesuré à la bouffe, j'adore cuisiner.» Le voilà en train de nous expliquer comment dégraisser le silure, trancher un morceau de filet blanc ivoire, le fariner et le saisir dans une huile de colza très chaude: «Une fois qu'il est rôti de chaque côté, je sors de mon congélo une fine plaque de beurre ramolli avec de la livèche et de la panure. Je pose cet appareil sur la chair nacrée et dix minutes de four plus tard, je déguste le plat agrémenté d'une sauce composée de jus de veau, de fond de poisson et de vermouth Noilly-Prat.» De la Sicile à l'usine à Genève À l'issue du récit de sa recette, ses yeux scintillent comme des écailles. Ses origines italiennes, par son père sicilien, expliquent en partie ce goût des fourneaux. «C'est mon grand-père qui est venu en Suisse au milieu des années 50. Il a bossé comme maçon puis comme taxi. Il a pris sa retraite il y a quelques années. À 80 ans. Ma grand-mère, elle, a travaillé comme ouvrière à l'usine.» Issu d'un milieu modeste, le couple a ses racines à Centuripe: «Une ville historique», précise le petit-fils de ces immigrés, comme pour les habiller d'un passé plus glorieux. Du côté de sa mère, on est plutôt vaudois. Un grand-père de Lavaux, une grand-mère du Gros-de-Vaud. Un couple qui s'établira à Chambésy, où vit encore aujourd'hui son petit-fils devenu pêcheur. «J'avais 4-5 ans quand mon père, ingénieur électricien et fan de voile, m'a emmené pêcher sur le Léman avec mon frère. Je revois les premières perches sautiller dans notre petit bateau. Avant l'âge de 10 ans, j'ai dit à mes parents que j'allais faire ce métier.» L'intuition précoce de la vocation en somme. La pêche miraculeuse À l'âge de 8 ans, il se rend en vacances avec sa famille sur l'île de Favignana, dans le sud de l'Italie. «On appâtait avec une sorte de pâte faite de farine, de fromage et d'œuf.» Au pied des rochers, la pêche miraculeuse: des poissons multicolores, d'autres noirs et allongés mordaient à l'hameçon: «On les a mangés en soupe et en friture. Inoubliable.» Les parents d'Alexandre n'ont jamais tenté de le dissuader de faire un travail manuel, parfois ingrat et éprouvant dès potron-minet: «Mais ils m'ont dit d'apprendre d'abord un autre métier.» Ce sera l'horticulture à l'école de Lullier: «J'ai beaucoup apprécié ce boulot. Mais, comme paysagiste, je regardais souvent ma montre en espérant la venue de la fin de la journée. Aujourd'hui je fais pareil, mais c'est pour être sûr d'avoir assez de temps pour finir ce que je suis en train de faire. J'aime passionnément ma profession.» Difficile d'en douter. À la Maison de la pêche , Alexandre Muni fait office de surdoué de l'hameçon, même si, par modestie, il s'en défend. Trois amateurs lèvent les filets de leurs perches du jour et assurent en chœur: «Muni, c'est un sacré bosseur.» Depuis cinq ans, le jeune homme se lève aux aurores et se fait des journées qui peuvent aller jusqu'à seize ou dix-sept heures de travail: «Installer, lever et réparer les filets. Enlever les poissons , les préparer notamment en terrine, en rillettes et en version fumée. Je fais tout, tout seul et c'est pour cela que je m'en sors.» Des piranhas aux truites géantes Au chapitre des prises exceptionnelles, ce pêcheur tout terrain en a plein ses filets. Il les cite en vrac: des piranhas au Brésil, une daurade coryphène de 6 kilos à Tenerife, des brochets au Canada. «J'adore la pêche en rivière dans la vallée d'Aoste pour ses truites. Mais aussi dans la Versoix ou le Borne, en Haute-Savoie.» À propos de ce salmonidé «mythique, très malin et dur à piéger», le Genevois n'est pas peu fier de celui capturé en 2021 en face de Genthod: 10 kilos et demi de bonheur. «Bon poids. J'en ai fait du gravelax, du tartare, des filets fumés et d'autres poêlés et déglacés. Au champagne, forcément.» À 25 ans, ce rythme de vie lui convient; mais plus tard? «On verra bien. Je prépare un projet de repas que je pourrais proposer ici au public, mais aussi une idée de conserverie de poissons du lac. Ceux que les gens ne connaissent pas.» Et de citer la liste des mal-aimés de la clientèle accro aux filets de perches au beurre: «Découvrez la brême, la tanche, le gardon, le rotengle.» Sans oublier son espèce chérie, qui a l'avantage d'être dépourvue d'arêtes: le silure. «J'en vends beaucoup au restaurant du Creux de Genthod et sur sa carte, ça commence à marcher. Vous savez, pour répondre à votre question, une conserverie me permettrait d'adopter des horaires compatibles avec une vie de famille.» Mais pour l'heure, c'est de la musique d'avenir. Coups de couteau Il est passé midi. Le soleil cogne sur la surface du Petit-Lac. Le temps presse. Les prises du jour, stockées dans une grosse glacière de pique-nique, doivent être préparées pour les clients. Couteau effilé en main, Alexandre se met au travail. Les filets se multiplient. Dans sa tête, il égrène des dizaines de recettes possibles: «Je vous l'ai bien dit, la bouffe, c'est obsessionnel.» Du bateau au vélo, Alexandre Muni est à l'aise partout. LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA Autour de la pêche Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Fedele Mendicino est journaliste à la rubrique genevoise depuis 2002. Il couvre en particulier les faits divers et l'actualité judiciaire. Plus d'infos @MendicinoF Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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