Dernières actualités avec #salaireminimum


24 Heures
6 days ago
- Business
- 24 Heures
Suisse: le salaire minimum cantonal est-il vraiment respecté?
L'histoire du jour | 19 juillet 2025 – Le salaire minimum cantonal est-il vraiment respecté? Des employeurs sous-paient leur personnel, au mépris de la loi. Nous avons recueilli des témoignages d'employés qui gagnent moins que le salaire minimum dans des cantons romands où il est en vigueur. Salomé Philipp Le secteur de la restauration figure parmi les premiers touchés par les infractions sur le salaire minimum. KEYSTONE Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : La restauration romande peine à respecter les salaires minimaux face aux coûts croissants. Plus d'un employeur neuchâtelois sur cinq contrôlé en 2024 a enfreint la réglementation salariale. Les courtiers en assurance, particulièrement victimes des abus salariaux, bénéficient d'un contrôle renforcé à Genève. Seuls cinq cantons suisses imposent actuellement un salaire minimum légal. Alors que le débat sur les salaires minimums cantonaux fait rage à Berne, nous nous sommes penchés sur leur mise en œuvre concrète là où ils sont en vigueur. En Suisse romande, les cantons de Genève, de Neuchâtel et du Jura ont adopté un salaire minimum, qui évolue chaque année et qui peut dépendre de la branche d'activité. Mais cette obligation n'est pas respectée par tous les employeurs, comme nous avons pu le constater. «J'ai besoin d'argent» «Je sais que je ne suis pas payé au salaire minimum, mais j'ai besoin d'argent», témoigne Nolan*, qui travaille depuis trois ans en tant que livreur pour une pizzeria dans un petit village neuchâtelois. Avec ses 17 francs de l'heure, il touche un revenu bien inférieur aux 21 fr. 31 fixés par le Conseil d'État neuchâtelois pour 2025. À Genève, Julio* travaille dans un bar des Eaux-Vives, où il ne gagne que 22 francs de l'heure, alors que le salaire minimum cantonal est actuellement de 24 fr. 48 de l'heure. Le serveur ne reçoit par ailleurs aucune compensation financière pour ses heures de travail les soirs ou les jours fériés, contrairement à ce qu'exige la loi. Son employeur engage principalement de jeunes adultes. Survivre dans un secteur en crise «Certains de mes collègues doivent cumuler plusieurs petits jobs pour s'en sortir», témoigne le jeune homme. Si le salaire est trop bas, les tâches, elles, sont exigeantes tant du point physique que mental. Entre la préparation des boissons et des mets et le service, Julio doit régulièrement gérer des clients saouls et leurs comportements inadéquats. Son employeur restant sourd à ses tentatives de dialogue, il songe désormais à démissionner. En Suisse romande, les restaurateurs peinent à boucler leurs fins de mois, et les employés en pâtissent. Nolan en a conscience: «Je sais que si mon patron ne me paie pas davantage, c'est parce qu'il ne peut pas», affirme le livreur. Des difficultés dont se fait écho Jean*, restaurateur depuis près de trois décennies et gérant d'un établissement à Genève: «C'est une profession malmenée. Les loyers sont très chers et l'augmentation des coûts de l'électricité impacte toute la chaîne d'approvisionnement.» Pris en étau entre la hausse des charges et la peur de faire fuir la clientèle, beaucoup finissent par répercuter la pression financière sur leur personnel. Jean assure n'avoir jamais fait l'objet de contrôle sur le respect du salaire minimum. Un cadre légal nouveau Nouveau venu sur le territoire helvétique, le salaire minimum n'est en vigueur que dans cinq cantons suisses. C'est dans celui de Neuchâtel, pionnier en la matière, qu'il est d'abord introduit en 2017. Puis, il est adopté dans le Jura en 2018, à Genève en 2020, au Tessin en 2021 et à Bâle-Ville en 2022. Dans chaque canton, le Conseil d'État détermine le salaire minimum selon le coût de la vie. Professeure de droit du travail à l'Université de Genève, Karine Lempen explique: «Chaque canton a ses propres législations, ses propres organes de contrôle et de sanction.» À Neuchâtel, par exemple, lorsque l'office compétent constate une infraction, la première étape consiste à tenter une conciliation. Si cela ne fonctionne pas, la commission tripartite du canton peut intervenir, avec comme ultime recours le Ministère public. «Les cas portés en justice concernent principalement les peines pécuniaires infligées aux employeurs par les autorités de contrôle cantonales, affirme Karine Lempen. Il y a peu de plaintes des employés.» Plus de 20% des employeurs contrôlés ne respectent pas les règles à Neuchâtel Dans le canton de Neuchâtel, plus d'un employeur contrôlé sur cinq ne rémunérait pas correctement ses employés en 2024. Ces chiffres, révélés par le rapport de la commission tripartite sur le salaire minimum, reflètent une nette augmentation par rapport aux années précédentes. Parmi les 25 entreprises contrevenantes, trois étaient issues du secteur de la restauration et de l'hébergement, soit 12%. Malgré des chiffres relativement élevés, les autorités se veulent rassurantes. Selon elles, les contrôles menés, le devoir de remboursement et les potentielles sanctions pénales suffisent à exercer un effet dissuasif. Elles considèrent que l'effectif actuel de contrôle «remplit son rôle de conseil et de surveillance au vu des infractions limitées sur l'ensemble des sept années d'observation». Les responsables du dossier ajoutent que les infractions sont liées à «la méconnaissance de certains employeurs, qui ne sont pas forcément soutenus par des associations professionnelles et qui n'ont pas saisi les subtilités de calcul et d'application du salaire minimum». Ils estiment en outre que leur récente augmentation découle probablement de «la plus grande variété des domaines contrôlés par rapport aux années précédentes». L'Office des relations et des conditions de travail (ORCT) surveille les salaires en vigueur au sein des entreprises. Elle opère selon des dénonciations, des plaintes, des informations externes et des observations du marché du travail. À la suite de ces interventions, plusieurs conciliations ont eu lieu entre employeurs et travailleurs: 54'000 francs ont ainsi été remboursés à 79 employés lésés. Selon la commission, la plupart des contrevenants ont versé les salaires dus dès le premier avertissement des autorités pour l'année 2024. À Genève, les abus salariaux peuvent coûter cher À Genève, où la réglementation sur le salaire minimum relève aussi des compétences cantonales, le fonctionnement diffère de celui de Neuchâtel. Les rapports publiés y sont également moins détaillés concernant les infractions constatées. Selon l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), lorsqu'une entreprise est en infraction, la priorité consiste à obtenir une mise en conformité, notamment par le rattrapage des salaires dus. La plupart des employeurs s'y soumettent. Quelques-uns, toutefois, préfèrent s'acquitter directement de l'amende, plus lourde, en cas d'absence de régularisation. Elle peut atteindre 30'000 francs, voire le double en cas de récidive. D'autres encore contestent, sans succès à ce jour, les décisions de l'inspection jusqu'au Tribunal fédéral. Stages abusifs Parmi les infractions courantes commises par les employeurs pour contourner la réglementation sur le salaire minimum, l'inspection du travail constate de nombreux cas de stages qui ne remplissent pas les critères d'exemption prévus par la loi, et qui sont à ce titre abusifs. Parmi eux, des stages dits «de formation» qui ne sont liés à aucune institution reconnue et pour lesquels aucun objectif pédagogique n'est fixé. L'OCIRT a aussi lancé sa première campagne de contrôles d'office dans des secteurs où la rémunération repose principalement sur la perception de commissions. Ce type de contrôle, mené à l'initiative de l'office sur la base d'une analyse de risques, explique en partie un taux élevé d'infractions constatées - près d'une entreprise sur deux. Les inspections peuvent être lancées pour différentes raisons, les plaintes et dénonciations menant fréquemment à la découverte d'une faute de l'employeur. Selon nos informations, un secteur d'activité en particulier est problématique: celui de courtier en assurance. Les courtiers sous contrôle renforcé Milo*, ancien courtier, ne dira pas le contraire. Dans le cas du jeune homme, aucun revenu mensuel n'était garanti: s'il ne parvenait pas à convaincre des clients d'opter pour l'assurance qu'il proposait, il ne gagnait rien. Car le métier repose souvent sur une rémunération composée de commissions, sans revenu fixe - ce qui crée une pression immense. «J'étais étudiant. Si j'avais eu une famille, des charges, j'aurais détesté ce travail», confie le jeune homme. Il ajoute que les départs réguliers d'employés et le stress constant rendent la profession instable et difficile. Il raconte encore que les jeunes recrues, fortement incitées à exploiter leur entourage pour signer des contrats, devaient atteindre rapidement des objectifs, sous peine d'être licenciées durant les deux premiers mois. «Au début, on pense qu'on peut se faire beaucoup d'argent, affirme-t-il. Mais une fois qu'on a épuisé tout notre réseau, alors la tâche se complique. Ceux qui ont pris des engagements financiers importants se retrouvent fauchés.» Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Se connecter Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
6 days ago
- Business
- 24 Heures
Un salaire suisse doit suffire à vivre dignement partout en Suisse
Accueil | Opinion | Éditorial | Opinion Le débat sur le salaire minimum en Suisse ne doit pas occulter l'essentiel: il est de la responsabilité des employeurs de proposer des rémunérations décentes. Éditorial Publié aujourd'hui à 07h56 «Un salaire décent n'est pas la responsabilité des employeurs.» C'est ce qu'a déclaré fin mars le directeur de l'Union patronale suisse, Roland Müller, devant des élus à Berne. Cette saillie s'inscrit dans la bataille politique visant à faire primer les conventions collectives de travail (CCT) sur les salaires minimums que certains cantons ont adoptés. Le camp bourgeois a emporté le morceau au National en juin, avec un texte qui prévoit que les clauses des CCT primeraient sur les lois cantonales. La prochaine manche de cette bataille acharnée se jouera donc cet automne aux États, et c'est sans doute le peuple qui aura le dernier mot. Roland Müller a depuis nuancé ses propos, affirmant à Blick que «l'objectif est que l'on puisse vivre de son salaire». Mais il relève que «des salaires minimums trop élevés peuvent entraîner la disparition de certains emplois». Et c'est problématique. On peut comprendre que le patronat préfère en passer par les CCT, sur lesquelles il a une influence directe. Mais le salaire minimum n'est pas une simple variable d'ajustement. Un salaire suisse doit suffire à vivre dignement partout en Suisse. Notre dossier le montre : les employés qui sont payés au lance-pierre peuvent rapidement basculer dans la précarité. Les chiffres sont importants, mais il faut aussi mettre du bon sens dans l'économie. C'est la responsabilité des employeurs – et la plupart d'entre eux en ont heureusement conscience. Alors avançons, mais en pensant toujours au bien-être de celles et ceux qui travaillent dur. C'est vital. Sur le même sujet Eric Lecluyse est rédacteur en chef de «24 heures» et de la rédaction romande de Tamedia depuis décembre 2024. Diplômé de l'Ecole supérieure de journalisme de Lille (ESJ), il était auparavant rédacteur en chef du quotidien neuchâtelois «ArcInfo». Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.