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Suisse: le salaire minimum cantonal est-il vraiment respecté?

Suisse: le salaire minimum cantonal est-il vraiment respecté?

24 Heures19-07-2025
L'histoire du jour | 19 juillet 2025

Le salaire minimum cantonal est-il vraiment respecté?
Des employeurs sous-paient leur personnel, au mépris de la loi. Nous avons recueilli des témoignages d'employés qui gagnent moins que le salaire minimum dans des cantons romands où il est en vigueur.
Salomé Philipp
Le secteur de la restauration figure parmi les premiers touchés par les infractions sur le salaire minimum.
KEYSTONE
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En bref : La restauration romande peine à respecter les salaires minimaux face aux coûts croissants.
Plus d'un employeur neuchâtelois sur cinq contrôlé en 2024 a enfreint la réglementation salariale.
Les courtiers en assurance, particulièrement victimes des abus salariaux, bénéficient d'un contrôle renforcé à Genève.
Seuls cinq cantons suisses imposent actuellement un salaire minimum légal.
Alors que le débat sur les salaires minimums cantonaux fait rage à Berne, nous nous sommes penchés sur leur mise en œuvre concrète là où ils sont en vigueur.
En Suisse romande, les cantons de Genève, de Neuchâtel et du Jura ont adopté un salaire minimum, qui évolue chaque année et qui peut dépendre de la branche d'activité. Mais cette obligation n'est pas respectée par tous les employeurs, comme nous avons pu le constater.
«J'ai besoin d'argent»
«Je sais que je ne suis pas payé au salaire minimum, mais j'ai besoin d'argent», témoigne Nolan*, qui travaille depuis trois ans en tant que livreur pour une pizzeria dans un petit village neuchâtelois. Avec ses 17 francs de l'heure, il touche un revenu bien inférieur aux 21 fr. 31 fixés par le Conseil d'État neuchâtelois pour 2025.
À Genève, Julio* travaille dans un bar des Eaux-Vives, où il ne gagne que 22 francs de l'heure, alors que le salaire minimum cantonal est actuellement de 24 fr. 48 de l'heure. Le serveur ne reçoit par ailleurs aucune compensation financière pour ses heures de travail les soirs ou les jours fériés, contrairement à ce qu'exige la loi. Son employeur engage principalement de jeunes adultes.
Survivre dans un secteur en crise
«Certains de mes collègues doivent cumuler plusieurs petits jobs pour s'en sortir», témoigne le jeune homme.
Si le salaire est trop bas, les tâches, elles, sont exigeantes tant du point physique que mental. Entre la préparation des boissons et des mets et le service, Julio doit régulièrement gérer des clients saouls et leurs comportements inadéquats. Son employeur restant sourd à ses tentatives de dialogue, il songe désormais à démissionner.
En Suisse romande, les restaurateurs peinent à boucler leurs fins de mois, et les employés en pâtissent. Nolan en a conscience: «Je sais que si mon patron ne me paie pas davantage, c'est parce qu'il ne peut pas», affirme le livreur.
Des difficultés dont se fait écho Jean*, restaurateur depuis près de trois décennies et gérant d'un établissement à Genève: «C'est une profession malmenée. Les loyers sont très chers et l'augmentation des coûts de l'électricité impacte toute la chaîne d'approvisionnement.»
Pris en étau entre la hausse des charges et la peur de faire fuir la clientèle, beaucoup finissent par répercuter la pression financière sur leur personnel. Jean assure n'avoir jamais fait l'objet de contrôle sur le respect du salaire minimum.
Un cadre légal nouveau
Nouveau venu sur le territoire helvétique, le salaire minimum n'est en vigueur que dans cinq cantons suisses. C'est dans celui de Neuchâtel, pionnier en la matière, qu'il est d'abord introduit en 2017. Puis, il est adopté dans le Jura en 2018, à Genève en 2020, au Tessin en 2021 et à Bâle-Ville en 2022. Dans chaque canton, le Conseil d'État détermine le salaire minimum selon le coût de la vie.
Professeure de droit du travail à l'Université de Genève, Karine Lempen explique: «Chaque canton a ses propres législations, ses propres organes de contrôle et de sanction.» À Neuchâtel, par exemple, lorsque l'office compétent constate une infraction, la première étape consiste à tenter une conciliation. Si cela ne fonctionne pas, la commission tripartite du canton peut intervenir, avec comme ultime recours le Ministère public.
«Les cas portés en justice concernent principalement les peines pécuniaires infligées aux employeurs par les autorités de contrôle cantonales, affirme Karine Lempen. Il y a peu de plaintes des employés.»
Plus de 20% des employeurs contrôlés ne respectent pas les règles à Neuchâtel
Dans le canton de Neuchâtel, plus d'un employeur contrôlé sur cinq ne rémunérait pas correctement ses employés en 2024. Ces chiffres, révélés par le rapport de la commission tripartite sur le salaire minimum, reflètent une nette augmentation par rapport aux années précédentes. Parmi les 25 entreprises contrevenantes, trois étaient issues du secteur de la restauration et de l'hébergement, soit 12%.
Malgré des chiffres relativement élevés, les autorités se veulent rassurantes. Selon elles, les contrôles menés, le devoir de remboursement et les potentielles sanctions pénales suffisent à exercer un effet dissuasif. Elles considèrent que l'effectif actuel de contrôle «remplit son rôle de conseil et de surveillance au vu des infractions limitées sur l'ensemble des sept années d'observation».
Les responsables du dossier ajoutent que les infractions sont liées à «la méconnaissance de certains employeurs, qui ne sont pas forcément soutenus par des associations professionnelles et qui n'ont pas saisi les subtilités de calcul et d'application du salaire minimum». Ils estiment en outre que leur récente augmentation découle probablement de «la plus grande variété des domaines contrôlés par rapport aux années précédentes».
L'Office des relations et des conditions de travail (ORCT) surveille les salaires en vigueur au sein des entreprises. Elle opère selon des dénonciations, des plaintes, des informations externes et des observations du marché du travail.
À la suite de ces interventions, plusieurs conciliations ont eu lieu entre employeurs et travailleurs: 54'000 francs ont ainsi été remboursés à 79 employés lésés. Selon la commission, la plupart des contrevenants ont versé les salaires dus dès le premier avertissement des autorités pour l'année 2024.
À Genève, les abus salariaux peuvent coûter cher
À Genève, où la réglementation sur le salaire minimum relève aussi des compétences cantonales, le fonctionnement diffère de celui de Neuchâtel. Les rapports publiés y sont également moins détaillés concernant les infractions constatées.
Selon l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), lorsqu'une entreprise est en infraction, la priorité consiste à obtenir une mise en conformité, notamment par le rattrapage des salaires dus. La plupart des employeurs s'y soumettent. Quelques-uns, toutefois, préfèrent s'acquitter directement de l'amende, plus lourde, en cas d'absence de régularisation. Elle peut atteindre 30'000 francs, voire le double en cas de récidive. D'autres encore contestent, sans succès à ce jour, les décisions de l'inspection jusqu'au Tribunal fédéral.
Stages abusifs
Parmi les infractions courantes commises par les employeurs pour contourner la réglementation sur le salaire minimum, l'inspection du travail constate de nombreux cas de stages qui ne remplissent pas les critères d'exemption prévus par la loi, et qui sont à ce titre abusifs. Parmi eux, des stages dits «de formation» qui ne sont liés à aucune institution reconnue et pour lesquels aucun objectif pédagogique n'est fixé.
L'OCIRT a aussi lancé sa première campagne de contrôles d'office dans des secteurs où la rémunération repose principalement sur la perception de commissions. Ce type de contrôle, mené à l'initiative de l'office sur la base d'une analyse de risques, explique en partie un taux élevé d'infractions constatées - près d'une entreprise sur deux. Les inspections peuvent être lancées pour différentes raisons, les plaintes et dénonciations menant fréquemment à la découverte d'une faute de l'employeur.
Selon nos informations, un secteur d'activité en particulier est problématique: celui de courtier en assurance.
Les courtiers sous contrôle renforcé
Milo*, ancien courtier, ne dira pas le contraire. Dans le cas du jeune homme, aucun revenu mensuel n'était garanti: s'il ne parvenait pas à convaincre des clients d'opter pour l'assurance qu'il proposait, il ne gagnait rien. Car le métier repose souvent sur une rémunération composée de commissions, sans revenu fixe - ce qui crée une pression immense.
«J'étais étudiant. Si j'avais eu une famille, des charges, j'aurais détesté ce travail», confie le jeune homme. Il ajoute que les départs réguliers d'employés et le stress constant rendent la profession instable et difficile.
Il raconte encore que les jeunes recrues, fortement incitées à exploiter leur entourage pour signer des contrats, devaient atteindre rapidement des objectifs, sous peine d'être licenciées durant les deux premiers mois.
«Au début, on pense qu'on peut se faire beaucoup d'argent, affirme-t-il. Mais une fois qu'on a épuisé tout notre réseau, alors la tâche se complique. Ceux qui ont pris des engagements financiers importants se retrouvent fauchés.»
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États-Unis: Les nouveaux droits de douane américains entrent en vigueur

Les nouveaux droits de douane américains visant une dizaine de pays sont entrés en vigueur ce jeudi. Publié aujourd'hui à 06h29 Mis à jour il y a 1 minute Le président américain Donald Trump s'exprime après avoir signé un décret pour une task force olympique 2028 à la Maison-Blanche, le 5 août 2025. AFP Les nouveaux droits de douane américains sur les produits en provenance de dizaines d'économies sont devenus effectifs jeudi, esquissant le nouvel ordre commercial mondial voulu par Donald Trump. Ces surtaxes, entrées en vigueur à 04 h 01 GMT (06 h 01 heure de Suisse), une semaine après la signature du décret par le président américain, viennent remplacer, pour les économies concernées, celle de 10% appliquée depuis avril sur quasiment tous les produits entrant aux États-Unis. Il s'agit, selon Donald Trump, de rééquilibrer les échanges entre les États-Unis et ses partenaires, qui «profitent» d'après lui de la première puissance économique. «Des milliards de dollars» «Des milliards de dollars, provenant en grande partie de pays qui ont profité des États-Unis en se frottant les mains, vont commencer à affluer aux États-Unis», a claironné le dirigeant sur son réseau Truth Social quelques minutes avant l'échéance. Le gouvernement fédéral suisse tiendra une séance extraordinaire ce jeudi, après le retour d'une délégation des États-Unis qui a tenté de convaincre l'administration Trump de renoncer à imposer dès jeudi des droits de douane punitifs de 39% sur les produits helvétiques importés aux États-Unis. «Le Conseil fédéral tiendra une séance extraordinaire» «Le Conseil fédéral tiendra une séance extraordinaire en début d'après-midi. Il communiquera dans la foulée», précise le bref message sur le réseau social X, alors qu'aucun détail n'a filtré des entretiens de la délégation menée par la présidente et ministre des Finances, Karin Keller-Sutter. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Ces surtaxes se situent dans une large fourchette, comprise entre 15% et 41%. L'Union européenne (UE), le Japon ou la Corée du Sud, qui comptent parmi les principaux partenaires commerciaux des États-Unis, sont désormais concernés par un taux d'au moins 15%. Avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles taxes, le taux effectif moyen appliqué aux produits entrant dans le pays était de 18,4%, le plus élevé depuis 1933, selon le centre de recherche Budget Lab de l'Université Yale. De nouvelles annonces devraient suivre Cette hausse supplémentaire devrait porter ce taux à près de 20%, selon les analystes de Pantheon Macroeconomics. Cela en ferait le plus élevé depuis le début des années 1930, selon le Budget Lab. Et de nouvelles annonces devraient suivre, puisque le locataire de la Maison-Blanche souhaite également taxer les produits pharmaceutiques et les semi-conducteurs importés. Ces derniers, ainsi que les puces, devraient se voir appliquer une taxe de 100%, a-t-il précisé mercredi, sans plus de détails. Certains pays, à l'image de la Suisse, ont tenté jusqu'au dernier moment de faire évoluer le taux qui leur a été affecté, la Confédération envoyant à Washington sa présidente, Karin Keller-Sutter, et son ministre de l'Economie, Guy Parmelin. Le Mexique a échappé aux nouvelles hausses Pour l'heure, alors que le gouvernement américain assurait que «des dizaines d'accords» seraient signés ces derniers mois, tout juste sept se sont matérialisés, notamment ceux avec l'Union européenne, le Japon ou le Royaume-Uni. Il s'agit le plus souvent de pré-accords, devant être formalisés, accompagnés de promesses d'investissements massifs aux États-Unis de la part des pays ou blocs concernés. Rare exception, le Mexique a échappé aux nouvelles hausses. Le président Trump a prolongé de 90 jours les conditions douanières dont il bénéficie actuellement, à savoir 25% sur les produits entrant aux États-Unis en dehors de l'accord de libre-échange nord-américain. Plus de 85% des exportations canadiennes vers son voisin n'étaient pas concernées En revanche, l'heure n'est pas à la détente avec le Canada, qui a vu le 1ᵉʳ août augmenter la surtaxe appliquée sur ses produits, à 35%. Le premier ministre canadien, Mark Carney, a cependant relativisé l'impact de cette surtaxe, estimant que plus de 85% des exportations canadiennes vers son voisin n'étaient pas concernées. L'administration Trump se montre particulièrement ferme avec certains pays. Donald Trump a ainsi signé la semaine dernière un décret imposant 50% de surtaxe douanière au Brésil, entré en vigueur mercredi. Là encore, les nombreuses exceptions font que moins de 35% des produits sont concernés, selon Brasilia. Cette surtaxe fait office pour Donald Trump de représailles contre les poursuites visant l'ex-président Jair Bolsonaro, son allié d'extrême droite, accusé d'avoir tenté un coup d'État après sa défaite à l'élection de 2022. 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Aux États-Unis aussi, les droits de douane de Trump inquiètent… et pas qu'un peu
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Donald Trump assure que sa politique commerciale est un succès. Entreprises, importateurs et même élus républicains n'en sont pas si sûrs. Alexis Buisson - correspondant à New York Publié aujourd'hui à 06h28 Times Square, New York, le 1ᵉʳ août 2025. Les consommateurs américains pourraient faire les frais de la politique douanière de leur président. KATSANIS En bref: «On tablait sur 10-15%, comme pour l'Union européenne, mais 39%, nous ne l'anticipions pas». Comme d'autres, Neal Rosenthal est tombé des nues quand la Maison-Blanche a dévoilé les surtaxes particulièrement élevées qu'elle compte appliquer aux importations de Suisse à partir du jeudi 7 août. Seuls le Laos, la Syrie et la Birmanie s'en sortent moins bien, à 40 et 41%. PDG de Rosenthal Wine Merchant, un distributeur new-yorkais qui a fait découvrir le vin suisse aux Américains, l'entrepreneur n'a pas encore décidé comment il allait s'adapter à cette nouvelle donne, si elle devient réalité. Heureusement pour lui, les bouteilles françaises et italiennes représentent l'essentiel de son activité. Il n'empêche. «De tels droits de douane seront un obstacle majeur pour agrandir le marché du vin suisse, qui est petit aux États-Unis. D'autant que le dollar a beaucoup baissé, ce qui complique les achats», regrette-t-il. Frustration des importateurs de produits suisses Sa frustration est partagée par de nombreux importateurs de produits suisses outre-Atlantique à l'approche de la date couperet. La présidente Karin Keller-Sutter s'est rendue à Washington mardi 5 août pour trouver un accord de dernière minute. Une chose est sûre: quel que soit le scénario, Donald Trump se déclarera vainqueur. Si les 39% entrent en vigueur, cela générera des recettes pour les États-Unis au moment où le Républicain doit financer les réductions d'impôts pour les ménages les plus riches contenues dans sa «grande et belle loi» adoptée début juillet. S'il conclut un accord, il pourra le mettre en avant auprès de l'électorat pour montrer que sa stratégie de gros bras fonctionne, comme il l'a fait fin juillet au moment d'annoncer un deal avec l'Union européenne largement vu comme défavorable à Bruxelles. «Nous encaissons des milliers de milliards de dollars provenant d'autres pays qui, pendant des années, nous ont exploités comme si nous étions des enfants, et ce n'est plus le cas», s'est-il félicité mardi. Le président Donald Trump signe un décret exécutif à la Maison-Blanche, le 5 août 2025. THEW «Avec ces accords commerciaux, il donne à ses partisans le sentiment qu'il remporte des victoires sur le front intérieur et à l'international», analyse J. Lawrence Broz, professeur spécialisé dans l'économie politique à l'Université de Californie-San Diego. Il a fondé toute sa carrière sur l'idée qu'il est un gourou du business qui parvient à faire des deals à enjeux élevés. Il applique désormais cette approche au niveau commercial.» Les Républicains inquiets des droits de douane Si le milliardaire crie aujourd'hui victoire, il pourrait le regretter plus tard. Pour l'expert, les consommateurs américains pâtiront de sa politique commerciale sur le long terme. «Il y aura des gagnants et des perdants. Comme toujours. Mais, de manière générale, cela entraînera plus de protectionnisme. La hausse des prix qui en résultera et les exportations perdues, redirigées vers d'autres partenaires, affecteront le pays.» Si le poids des surtaxes ne se fait pas encore sentir dans les portefeuilles, les signaux inquiétants se multiplient. Ainsi, les chiffres décevants de l'emploi (+ 73'000 en juillet contre 100'000 créations attendues, et 14'000 en juin et 19'000 en mai selon des statistiques révisées), dévoilés le 1ᵉʳ août, ont été largement attribués à l'incertitude créée par les nouvelles barrières tarifaires. Le président a réagi en limogeant la cheffe du Bureau de statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics, BLS) , l'organe à l'origine du rapport mensuel, l'accusant, sans preuve, d'avoir manipulé les chiffres. Alors que le candidat Trump avait fait de la lutte contre l'inflation l'une de ses promesses phares en 2024, plusieurs élus républicains, inquiets d'une éventuelle défaite lors des «midterms» de novembre 2026, pendant lesquels l'intégralité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat seront renouvelés, partagent ouvertement leurs inquiétudes. «Les entreprises repoussent leurs décisions d'expansion, d'embauche et d'investissement. L'incertitude constitue un défi pour une économie en croissance», a averti le sénateur du Kansas Jerry Moran dans les colonnes du site conservateur «The Hill». Les droits de douane devant les tribunaux Autre obstacle possible à la politique commerciale du locataire de la Maison-Blanche: les tribunaux. En avril, un groupe d'importateurs a entamé des poursuites contre le gouvernement, arguant que ses surtaxes ont été instaurées illégalement au nom d'une loi d'urgence de 1977, la «International Emergency Economic Powers Act» (IEEPA). L'exécutif a invoqué cette loi car les déficits commerciaux, le déclin de la base industrielle et la crise du fentanyl, cet opiacé meurtrier qui traverse les frontières, constituent des urgences à ses yeux. Problème: selon les plaignants, le texte ne fait «nulle part mention de tarifs, de droits, d'impôts ou de taxes, et aucun autre président dans les près de 50 ans d'histoire de la loi n'a prétendu qu'elle autorisait les tarifs douaniers». L'affaire a été couplée avec une plainte semblable émanant de douze États américains. Après un premier revers essuyé par le gouvernement en mai, le dossier est examiné par une Cour d'appel fédérale depuis la fin juillet. D'autres plaintes font également leur chemin dans les arcanes de la justice. «On ne peut pas compter dessus car même si l'administration est battue, ces affaires pourraient monter jusqu'à la Cour suprême», un aréopage à majorité conservatrice, observe toutefois Neal Rosenthal. «Nous devons gérer cette situation par nous-mêmes, sans se reposer sur les tribunaux.» L'homme d'affaires veut continuer à faire connaître le vin suisse autant que possible. Sa clientèle de connaisseurs pourrait être capable d'absorber une éventuelle hausse de prix. «Vendre moins de bouteilles ne ferait pas une grande différence pour nous sur le plan économique. En revanche, cela affectera notre identité. Je suis fier de mettre en avant du vin de haute qualité issu de petites productions familiales du Valais et de Vaud. 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Swiss made sous pression à Washington – Et si tout se jouait sur la pharma ?
Swiss made sous pression à Washington – Et si tout se jouait sur la pharma ?

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timean hour ago

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À Genève, les banques affinent les scénarios sur la taxation du Swiss made par l'Amérique. Et si tout dépendait de la pharma? Publié aujourd'hui à 06h28 C'était il y a trois mois. Ou peut-être une éternité. Le 9 mai , la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter (au centre) et le conseiller fédéral chargé de l'Économie, Guy Parmelin (à g.), tentaient de s'entendre sur un projet d'accord commercial rapide avec les États-Unis, à l'occasion du passage à Genève du secrétaire au Trésor, Scott Bessent (à dr.) AFP En bref: Mardi dans la soirée, alors que la présidente de la Confédération et le ministre de l'Économie atterrissaient à Washington, les économistes et les stratèges au sein des banques continuaient d'affiner les scénarios élaborés depuis le choc du 1er août . Une poursuite des négociations avec l'administration américaine «jusqu'au jeudi 7 août, voire au-delà» est déjà esquissée depuis le début de la semaine au sein de Lombard Odier. En particulier sur le secteur de la pharma – le seul qui semble compter aux yeux du président Trump. Nannette Hechler-Fayd'herbe, responsable de la stratégie d'investissement au sein de la banque genevoise, et l'économiste Filippo Pallotti privilégient un accord sur des surtaxes douanières «plus proche des 15% imposés à l'Union européenne ou au Japon». Que proposer de plus à Washington? Mais moyennant «des concessions potentiellement contraignantes». Que proposer de plus? Responsable de la stratégie d'investissement au sein de la banque Cité Gestion, John Plassard évoque les commandes d'équipements américains par les centres hospitaliers, «une manière concrète d'offrir un retour économique immédiat». Et, évidemment, cette commande pour 8 milliards d'avions de chasse F-35, «qui pourrait être complétée par une coopération plus large dans la maintenance, la formation ou l'équipement». La principale concession devra probablement venir de cette «big pharma», dont Donald Trump a déjà conspué à maintes reprises les prix pratiqués sur leur débouché le plus rentable. Au-delà de sa remarque cruelle sur «cette dame sympathique qu'[il] ne connaissait pas», son interview sur CNBC mardi a surtout marqué sa volonté de surtaxer jusqu'à 250% les importations pharmaceutiques – qui représentent plus de la moitié des ventes de produits suisses en Amérique. La pharma, bien sûr Des traitements qui ne sont pas directement concernés par les discussions sur la surtaxe générale de 39%. Ils dépendent de mesures spécifiques – la «section 232» – qui relèvent de la Maison-Blanche. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. «Le fait que l'Union européenne ait pu obtenir [le 27 juillet] une visibilité sur les tarifs pharmaceutiques dans le cadre de son accord commercial – indépendamment de cette section 232 – pourrait signaler une certaine ouverture des États-Unis à accorder des dérogations», veulent croire les spécialistes de Lombard Odier. Conjoncture pour le commerce suisse revue à la baisse Les économistes commencent à faire les calculs du pire. Sur les produits à forte valeur ajoutée – montres, machines-outils, dispositifs médicaux – «les importateurs américains pourraient, dans de nombreux cas, répercuter la majeure partie des droits de douane sur leurs clients sans baisse significative de la demande», estiment les stratèges de la banque genevoise. Cependant, «pour la grande majorité des exportations, cette logique a ses limites – si les entreprises supportent des droits de douane de 10 à 15% sans érosion majeure de leurs marges, ni perte de demande, une taxe de 39% place la barre beaucoup plus haut», préviennent-ils. De fait ces derniers revoient déjà à la baisse – de 1,1% à 0,9% – leur prévision de croissance économique en Suisse cette année. Déplacement crucial à Washington Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Pierre-Alexandre Sallier est journaliste à la rubrique Économie depuis 2014. Auparavant il a travaillé pour Le Temps , ainsi que pour le quotidien La Tribune , à Paris. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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