
J'aurais (pas tant) voulu être un artiste
Auriez-vous voulu être un artiste ?
Je vous avoue que j'ai déjà été envieux tout autant du talent que de la vie des musiciens que j'aime. Mais aujourd'hui, je les regarde différemment : à l'admiration se mêle une grande inquiétude.
Je m'inquiète encore plus depuis la controverse provoquée par le groupe The Velvet Sundown, qui a pondu deux albums en l'espace de deux semaines le mois dernier… et qui vient tout juste d'en sortir un troisième.
Je résume rapidement la polémique.
On a appris au début du mois que The Velvet Sundown, écouté ces jours-ci par plus de 1,5 million d'utilisateurs de la plateforme Spotify, n'existe pas !
Ses chansons – qui, ma foi, sont plutôt bien foutues ; jugez-en par vous-même et vous me direz ce que vous en pensez ! – ont été produites à l'aide de l'intelligence artificielle. Comme tout le reste, y compris les photos de ses (faux) membres.
C'est hallucinant.
Écoutez The Velvet Sundown
The Velvet Sundown a été décrit comme « un projet musical synthétique, guidé par une direction artistique humaine, et composé, interprété ainsi que mis en images avec le soutien de l'intelligence artificielle ».
Étant donné la qualité de ce produit et la rapidité des développements en intelligence artificielle, je dois vous avouer que je m'inquiète pour l'avenir des créateurs musicaux en chair et en os.
J'ai voulu connaître le degré d'inquiétude de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) à ce sujet.
« Il est important », m'a répondu le directeur des affaires publiques, Simon Claus.
« On est face à une concurrence. Et l'un des premiers enjeux, c'est [de savoir] quelle part de marché ils vont venir gruger aux vrais artistes », explique-t-il.
C'est d'autant plus préoccupant que créer de la musique à l'aide de l'IA peut maintenant se faire très rapidement.
IMAGE TIRÉE DE LA PAGE INSTAGRAM DE THE VELVET SUNDOWN Toutes les photos du groupe ont été générées par l'IA. Certaines irrégularités apparaissent dans les photos, notamment au niveau des mains des membres du groupe.
IMAGE TIRÉE DE LA PAGE INSTAGRAM DE THE VELVET SUNDOWN Toutes les photos du groupe ont été générées par l'IA. Certaines irrégularités apparaissent dans les photos, notamment au niveau des mains des membres du groupe.
IMAGE TIRÉE DE LA PAGE INSTAGRAM DE THE VELVET SUNDOWN
Toutes les photos du groupe ont été générées par l'IA. Certaines irrégularités apparaissent dans les photos, notamment au niveau des mains des membres du groupe.
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Les créateurs derrière The Velvet Sundown ont lancé trois albums complets en moins de deux mois !
« C'est une hyperactivité face à laquelle il est difficile de rivaliser pour une industrie classique, dans un contexte où il y a déjà, d'ailleurs, une offre extrêmement importante », résume Simon Claus.
La plateforme française d'écoute en continu Deezer a développé un outil qui permet de détecter les contenus produits par l'intelligence artificielle. En avril dernier, elle a diffusé des chiffres qui permettent de mieux comprendre l'ampleur du bouleversement.
Ces chiffres aussi font halluciner.
Deezer reçoit désormais plus de 20 000 pistes « entièrement générées par l'IA » chaque jour, ce qui représente 18 % de tous les contenus mis en ligne.
Pour vous donner une idée de la vitesse du changement en cours, les pistes conçues à l'aide de l'intelligence artificielle ne représentaient que 10 % des contenus de Deezer au début de 2025.
Et devinez quel pourcentage elles atteignaient un an plus tôt…
« C'était presque 0 », m'a dit Manuel Moussalam, directeur de la recherche chez Deezer, joint à Paris par visioconférence.
« Est-ce que ça va atteindre 50 % dans deux ans ? Le problème, c'est qu'il n'y a aucune limite théorique, c'est-à-dire que ça ne coûte rien à produire, donc on est face à une masse de contenu qui n'a aucune raison de s'arrêter », explique-t-il.
Manuel Moussalam indique toutefois que chez Deezer, jusqu'à maintenant, « ça ne vient pas vampiriser les écoutes ».
Peut-être, mais je dois ici préciser que cette plateforme se distingue par sa politique plus stricte quant aux produits musicaux conçus avec l'intelligence artificielle.
Premièrement, Deezer a décidé que de tels morceaux ne seront jamais recommandés aux utilisateurs. Deuxièmement, ils sont toujours clairement identifiés sur la plateforme.
« Ce qui nous embête, c'est la génération massive et automatique », dit le directeur de la recherche de Deezer, précisant que ces règles ont été mises en place par souci de « transparence vis-à-vis [des] utilisateurs ».
Mais sur Spotify, de loin la plus grande des plateformes d'écoute en continu, les morceaux du groupe The Velvet Sundown sont recommandés aux utilisateurs et se retrouvent dans certaines listes de lecture.
Sentez-vous le sol trembler sous les pieds de nos musiciens ?
Déjà, il faut le rappeler, leurs revenus ont chuté de façon dramatique avec la dématérialisation des supports et la migration des auditeurs vers les plateformes d'écoute en continu.
« Quand on voit que The Velvet Sundown a eu autant d'écoutes sur Spotify, on se dit que c'est encore là une captation qui vient se faire dans un milieu qui ne roule pas sur l'or. On est dans un contexte où de nombreux artistes peinent à trouver une juste rémunération dans cet écosystème numérique », confirme Simon Claus.
N'oublions pas que si l'intelligence artificielle est si efficace pour créer de la musique, c'est qu'elle a été entraînée sur un grand nombre d'œuvres existantes.
Elle les cannibalise, et ça se fait sans obtenir la permission des artistes qui les ont créées.
C'est pourquoi, lorsque j'aborde le sujet des solutions potentielles avec le représentant de l'ADISQ, il réclame plus de transparence de la part des propriétaires d'outils d'intelligence artificielle quant aux œuvres qui ont été utilisées lors de l'entraînement.
Il faut aussi, selon lui, exiger l'autorisation des artistes qui détiennent les droits sur ces œuvres, ainsi que leur rémunération.
L'ADISQ voudrait aussi que toutes les plateformes indiquent clairement quels morceaux ont été conçus avec l'intelligence artificielle.
« Le public a le droit de choisir quelle œuvre il souhaite écouter et quel artiste il souhaite soutenir », dit Simon Claus.
Manuel Moussalam en appelle même, pour sa part, à un débat de société sur l'utilisation de l'IA dans l'univers musical.
« On est face à une question qui nécessite que l'ensemble de la société civile ait son mot à dire sur : est-ce que c'est la société qu'on veut construire, est-ce que c'est le genre d'œuvres qu'on veut pouvoir partager », dit-il.
Je pense qu'il a raison.
Je pense aussi que l'issue de ce débat sera lourde de conséquences pour les artistes d'ici, qui n'ont probablement jamais autant eu besoin de notre soutien. Et, par-dessus tout, de notre écoute.
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Un ciel ukrainien sécurisé stoppera la Russie
Une attaque de drones a endommagé cet immeuble de logements à Kyiv lundi. Pour mettre fin à la guerre, il faut donner les moyens à l'Ukraine de sécuriser son espace aérien, plaide l'auteur. Eugène Czolij Président de l'ONG Ukraine-2050, consul honoraire d'Ukraine à Montréal et président du Congrès mondial ukrainien (2008-2018) Largement inférieurs en nombre et en armes, les Ukrainiens ont résisté à l'invasion russe pendant plus de dix ans, dont plus de trois ans de guerre génocidaire menée par la Russie contre l'Ukraine1. Au cours de cette lutte épique, les Ukrainiens ont été tués, grièvement blessés, torturés, violés et terrorisés ; ils ont été soumis à des traitements inhumains, à la violence, à des substances toxiques, au froid, à l'obscurité et aux sirènes des raids aériens nocturnes ; leurs enfants ont été enlevés et déportés de force en Russie ; et nombre de leurs églises, hôpitaux, écoles, sites culturels et immeubles résidentiels ont été détruits. 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Des pompiers éteignent l'incendie d'une école de pompiers après une attaque aérienne russe à Kropyvnytskyi, en Ukraine, le 28 juillet 2025. Trump donne « 10 ou 12 jours » à Poutine pour cesser la guerre (Kyiv) Donald Trump a déclaré lundi qu'il donnait maintenant « 10 ou 12 jours » à Vladimir Poutine pour cesser le conflit en Ukraine, sous peine de sévères sanctions américaines contre la Russie. Agence France-Presse « Je fixe une nouvelle date limite d'environ 10 ou 12 jours à partir d'aujourd'hui. Il n'y a aucune raison d'attendre. Nous ne voyons aucun progrès », a déploré le président américain, qui avait donné le 14 juillet un délai de 50 jours à son homologue russe. S'exprimant depuis Turnberry en Écosse, il s'est dit « très déçu » par son homologue russe. PHOTO CHRISTOPHER FURLONG, VIA REUTERS Donald Trump effectue un séjour à Turnberry, en Écosse. « Merci au président [Donald Trump, NDLR] de faire preuve de fermeté et d'adresser un message clair de paix par la force », s'est réjoui le chef de l'administration présidentielle ukrainienne, Andriï Iermak, sur X. Huit blessés dans des attaques nocturnes russes Au moins huit civils, dont une fillette de 2 ans, ont été blessés dans des frappes nocturnes russes en Ukraine, ont annoncé lundi les autorités du pays, selon lesquelles la cible principale était une base aérienne dans l'ouest du pays. « Huit personnes ont été blessées » dans ces attaques de drones et missiles, a indiqué le président Volodymyr Zelensky. À Kyiv, la capitale, des journalistes de l'AFP ont entendu des explosions pendant l'alerte aérienne, qui a duré plus de six heures. PHOTO VALENTYN OGIRENKO, REUTERS Des habitants marchent d'un abri vers un immeuble endommagé par une frappe de drone russe, à Kyiv, en Ukraine, le 28 juillet 2025. Cinq habitants ont été blessés, des vitres de leurs immeubles ayant été soufflées par une explosion, a détaillé le maire Vitali Klitschko. Une fillette de 2 ans fait partie des blessés, selon la police. Des attaques de drones ont blessé une femme de 49 ans et une adolescente de 15 ans dans la région de Dnipropetrovsk (Centre-Est) et un homme de 32 ans dans la ville de Kherson (Sud), ont indiqué les autorités régionales. Au total, la Russie a lancé 324 drones et sept missiles contre l'Ukraine pendant la nuit, a rapporté l'armée de l'air ukrainienne, en assurant avoir détruit ou brouillé 309 drones et deux missiles. « La destination principale de la frappe était la ville de Starokostiantyniv, dans la région de Khmelnytsky », a ajouté l'armée de l'air. Située dans l'ouest du pays, à des centaines de kilomètres du front, cette ville abrite un important aérodrome militaire et est très régulièrement visée par les attaques aériennes russes. Le porte-parole de l'armée de l'air, Iouriï Ignat, a ensuite précisé à l'AFP que des missiles hypersoniques russes Kinjal « volaient justement » en direction de Starokostiantyniv. Aucune information sur d'éventuels dommages sur cette installation n'a été publiée. Le gouverneur régional a assuré que l'attaque n'avait pas fait de victimes ou blessés. Les autorités ukrainiennes ne dévoilent habituellement que les pertes parmi les civils. Confrontée depuis plus de trois ans à l'invasion russe, l'Ukraine demande à ses alliés occidentaux de lui fournir davantage de moyens de défense aérienne, notamment de puissants systèmes américains Patriots.


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La réunion entre des délégations iranienne et européenne en Turquie est la première depuis l'attaque israélienne à la mi-juin contre des sites nucléaires et militaires clés et une guerre de 12 jours. Dialogue renoué sur le nucléaire entre l'Iran et les Européens (Istanbul) Les émissaires français, britanniques et allemands ont repris vendredi à Istanbul leurs entretiens sur le programme nucléaire iranien avec une délégation de Téhéran, sous la menace de potentielles sanctions européennes. Agence France-Presse L'Iran a affirmé avoir eu une discussion « franche et approfondie » et s'être entendu avec l'Europe pour « poursuivre » les consultations, à l'issue de cette première rencontre depuis l'attaque israélienne à la mi-juin contre des sites nucléaires et militaires iraniens et une guerre de 12 jours. Les échanges ont duré plusieurs heures, selon les journalistes de l'AFP qui ont vu les voitures quitter l'enceinte du consulat iranien peu avant 14 h (7 h heure de l'Est). 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L'Iran veut cependant éviter un tel scénario qui accentuerait son isolement international et la pression sur son économie déjà fragilisée. « Fierté nationale » Après la guerre, l'Iran a réaffirmé qu'il ne renoncerait pas à son programme nucléaire, qualifié par le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi de « fierté nationale ». « Il était important qu'ils [les Européens] sachent que les positions de l'Iran demeurent inébranlables et que notre enrichissement se poursuivra », a encore souligné M Araghchi jeudi. M. Araghchi a souligné que l'enrichissement était actuellement « à l'arrêt » en raison des dommages « graves et sévères » causés aux installations nucléaires par les frappes américaines et israéliennes. Les États-Unis et l'Iran restent profondément divisés sur la question de l'enrichissement de l'uranium : Téhéran le considère comme un droit « non négociable » afin de développer un programme nucléaire civil, tandis que Washington y voit une « ligne rouge ». 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