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Face à Trump, le Canada devrait jouer l'horloge

Face à Trump, le Canada devrait jouer l'horloge

La Presse3 days ago
Donald Trump vient de faire mentir ceux qui l'affublaient du sobriquet TACO (Trump Always Chickens Out), le traitant pour ainsi dire de poule mouillée qui finit toujours par reculer après avoir lancé des menaces en l'air.
Le président américain est en train de chambouler l'ordre économique mondial en passant en travers de la gorge des droits de douane de 10 % à 41 % à ses principaux partenaires commerciaux.
Ces droits ne sont nullement « réciproques », malgré ce que Donald Trump peut en dire.
Il s'agit d'un pizzo comme celui que les restaurateurs sont forcés de payer pour s'éviter des ennuis, d'un taxage de la part d'une superpuissance qui négocie l'accès à son marché, selon le bon vouloir du président.
L'Union européenne et le Japon, qui ont donné l'impression de se mettre à genoux devant Trump, se retrouvent avec des droits de 15 %, moins pires que prévu. Cela dit, leurs promesses d'investir davantage aux États-Unis et d'acheter plus de produits américains pourraient bien être de la poudre aux yeux.
Le Canada, qui s'est tenu debout en déclarant vouloir reconnaître l'État de la Palestine, s'est fait coller des droits de 35 %, applicables dès maintenant, alors que le Mexique bénéficie d'une extension de 90 jours pour continuer à négocier.
Mais malgré les apparences, le Canada s'en tire relativement bien au milieu de cette guerre commerciale mondiale.
C'est que les produits canadiens conformes à l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) sont épargnés des droits de douane de 35 %. En 2024, cela représentait 93 % de tous les produits canadiens exportés aux États-Unis, selon une étude de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke1.
Il est vrai que certains secteurs sont durement touchés par d'autres droits spécifiques de 50 % (cuivre, acier, aluminium) ou de 25 % (automobile).
Mais dans l'ensemble, le taux de droit de douane effectif applicable aux produits et services canadiens qui entrent aux États-Unis se situe à 6,3 %, calcule la Banque Scotia.
C'est deux fois moins que le taux de 12,7 % applicable aux produits et services importés aux États-Unis à partir des autres pays du monde 2. En théorie, cela devrait procurer un avantage concurrentiel au Canada.
En pratique, malheureusement, les exportations canadiennes vers les États-Unis ont perdu du terrain, depuis un an, par rapport à celles des autres pays, excluant la Chine, observe la Banque Royale 3.
Cela porte à croire que nos entreprises sont mal outillées pour survivre dans un monde plus protectionniste. Si on ne veut pas se faire manger la laine sur le dos à l'international, il est crucial de dynamiser notre économie qui souffre d'un manque de productivité chronique.
Là est l'urgence. Bien plus que dans les négociations avec un président américain qui change d'idée comme il change de chemise. Et qui ne respecte pas les ententes qu'il a lui-même signées.
Malgré l'incertitude actuelle, le Canada a donc avantage à jouer l'horloge face à Donald Trump. À quoi bon se presser si c'est pour accorder des concessions sans rien obtenir en retour ?
Entre-temps, le vent pourrait tourner en notre faveur.
Premièrement, les tribunaux américains pourraient renverser les droits de douane généraux « sur le fentanyl » imposés au Canada en vertu d'une loi sur les pouvoirs économiques d'urgence (International Emergency Economic Powers Act).
Cette loi exige qu'il y ait un lien entre le risque soulevé et la mesure adoptée. Or, il est difficile de voir comment des droits de douane peuvent être une solution à un problème de fentanyl… surtout quand d'infimes quantités arrivent aux États-Unis par la frontière canadienne.
Il faudra toutefois être patient, car la décision pourrait prendre un an, puisque le dossier risque d'aboutir à la Cour suprême.
Deuxièmement, les droits de douane finiront par nuire aux consommateurs américains qui ont voté pour Donald Trump en pensant qu'il ferait baisser l'inflation. Les droits feront plutôt grimper les prix de 1,8 %, ce qui représente une facture de 2400 $ par ménage en 2025, selon le Budget Lab de l'Université Yale4.
Certains craignent que les tensions actuelles soient de mauvais augure pour la révision de l'ACEUM, prévue en 2026. Il est vrai que Donald Trump a dans sa ligne de mire l'agriculture, le pharmaceutique, le bois d'œuvre…
Mais les États-Unis ne peuvent pas modifier l'ACEUM sans l'accord du Canada et du Mexique, explique Geneviève Dufour, professeure de droit à l'Université d'Ottawa.
L'article 34,7 prévoit que l'entente peut être renégociée six ans après son entrée en vigueur, mais les changements doivent être le fruit d'un consensus.
Donald Trump pourrait mettre de la pression en menaçant de se retirer complètement de l'ACEUM, ce qu'il peut faire avec un préavis de six mois.
Mais il s'attirerait les foudres des entreprises américaines s'il déchirait l'entente qui arrive à échéance seulement en 2036, à moins d'être reconduite pour un autre 16 ans.
D'ici là, restons calmes et respirons par le nez.
1. Consultez l'étude de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke
2. Consultez les données de la Banque Scotia (en anglais)
3. Consultez l'analyse de la Banque Royale (en anglais)
4. Consultez l'étude du Budget Lab de l'Université Yale
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