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Labubu et scoubidou: ces gadgets qu'on a trimballés fièrement

Labubu et scoubidou: ces gadgets qu'on a trimballés fièrement

24 Heures27-07-2025
Phénomène pop culture

Labubu, scoubidou: ces gadgets qu'on trimballe comme des gamins
Totoche, Kiki et faux «tattoo»… On a tous succombé à un accessoire débile. Et si le succès du phénomène Labubu révélait notre irrépressible envie de rester enfants?
Valentina San Martin
Nées en 2015, les figurines Labubu sont désormais plus tendance que jamais.
IMAGO/VCG
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En bref : La figurine Labubu, créée par l'artiste Kasing Lung, connaît un succès mondial.
Pop Mart transforme ces jouets design en véritables objets de collection prisés.
Les prix oscillent entre 42 et 139 francs dans les boutiques suisses.
L'engouement s'explique par son design unique mêlant mignonnerie et monstruosité.
À première vue, un Labubu ressemble à une erreur de casting… une sorte de malheureux mélange entre une peluche, un Gremlins et un lapin sous LSD. Pourtant, cette créature à l'allure étrange affole les influenceuses et les collectionneurs.
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Né en 2015 de l'imagination de l'artiste hongkongais Kasing Lung, Labubu a été propulsé à l'échelle mondiale par Pop Mart, une entreprise chinoise spécialisée dans les figurines en édition limitée, vendues sous blister surprise (le «blind box» que l'on achète sans savoir quelle figurine il contient). Grâce à un univers visuel hypercodé et à une stratégie marketing millimétrée, Pop Mart est devenu un poids lourd du jouet design… et un géant de la Bourse: son action a explosé de plus de 600% en un an, rapporte BFM Bourse.
Labubu, c'est le hit de cette success story. Mi-grotesque, mi-adorable, il incarne cette tendance des jouets qui mêlent nostalgie enfantine, collection obsessionnelle et esthétique pop décalée. Il existe aujourd'hui dans une multitude de déclinaisons: pirate, ange, astronaute ou licorne. Chaque figurine a sa propre personnalité, et parfois, une valeur spéculative.
Car certaines séries rares s'échangent à prix d'or sur les sites de revente, transformant l'objet en fétiche d'initié. La hype est telle que plusieurs célébrités comme Lisa de Blackpink, Rihanna ou encore Dua Lipa s'en sont emparées, contribuant à en faire un accessoire de style autant qu'un jouet de collection.
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En Suisse, les figurines sont disponibles en ligne sur le site du fabricant, mais aussi dans des boutiques physiques comme Du à Aigle (VD), Paulus Shop à Lausanne et à Granges (SO), nous apprend le quotidien «20 minutes». Selon le modèle, les prix varient entre 42 et 139 francs. Mais il faut souvent s'armer de patience pour s'en procurer un: certains modèles sont en rupture de stock et les délais de livraison peuvent aller jusqu'à dix jours. Des listes d'attente ont même été mises en place.
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Mais pourquoi un tel engouement pour un machin en plastique de 12 centimètres? Parce que Labubu coche toutes les cases du doudou pour les adultes: un design mignon mais légèrement flippant, un univers narratif riche et, surtout, une esthétique régressive mais pas cucul. Labubu, c'est l'enfance remixée pour les grands.
Et il n'est pas le seul. Depuis les années 80, chaque génération a vu défiler son lot de gadgets absurdes, attendrissants ou purement décoratifs – mi-jouets, mi-accessoires. Retour sur cinq d'entre eux qui ont marqué nos sacs à dos, nos trousses, nos cous et nos poches.
La chaussette de bébé: doudou présmartphone
Avant les protections solides que l'on connaît aujourd'hui, il y avait: la chaussette de bébé.
DR
Avant les coques design et les protections antichutes en silicone, il y a eu… la chaussette. Ce petit étui molletonné, à rayures ou décoré de motifs enfantins (nounours, cœurs, petites fleurs…), a connu un véritable âge d'or entre 2004 et 2008. Popularisé dans les boutiques de téléphonie comme accessoire rigolo, l'objet détourne littéralement l'imaginaire de la petite enfance pour l'appliquer à une technologie en voie de personnalisation. En d'autres termes: un téléphone, ça méritait aussi son doudou.
Plus qu'un simple étui, la chaussette de téléphone est un symbole du tournant adolescent de la société connectée: l'époque où l'on commençait à styliser son rapport à la technologie, avant même l'arrivée des réseaux sociaux.
Le scoubidou: artisanat compulsif
Les scoubidous: une tendance qui commence dans la cour d'école.
IMAGO/Avalon.red
Si le mouvement DIY («Do It Yourself») connaît un essor numérique depuis les années 2010, le scoubidou représentait déjà une pratique artisanale massive à l'échelle scolaire. Loin de n'être qu'un bricolage en plastique, le scoubidou a été un véritable phénomène collectif. Ces fils en PVC, vendus en lots arc-en-ciel, servaient à créer des porte-clés et objets décoratifs à force de patience… et d'acharnement.
Mais saviez-vous que fabriquer des scoubidous a eu des effets positifs sur votre enfance? En effet, plusieurs études montrent que les activités manuelles comme le tressage, les perles ou la fabrication de petits objets favorisent le développement global des tout-petits. Non seulement elles améliorent la motricité fine et les capacités cognitives (planification, attention, créativité), mais elles jouent aussi un rôle dans la construction de l'identité sociale: en partageant ces rituels créatifs – comme les bracelets brésiliens dans les années 90 –, les enfants développent un sentiment d'appartenance, d'expression personnelle et de collaboration.
Le collier «tattoo»: bijou plastique
Le ras-du-cou a connu la gloire dans les années 90.
Getty Images
Apparu dans les années 90, ce collier élastique noir imitant un tatouage tribal a été l'un des symboles les plus visibles de la préadolescence féminine. Vendu aux caisses des magasins d'accessoires, il incarnait une tentative d'appropriation des codes grunges et rebelles… sans risque réel. Objet plastique bon marché, porté au ras du cou, il suggérait une forme de transgression soft: entre le jeu d'enfant et le vrai bijou d'adulte.
Mais au-delà de la mode passagère, ce type d'accessoire relève de ce que l'on pourrait qualifier de «mimétisme identitaire». Selon une étude parue dans la revue académique «Sage Journals», spécialisée dans les sciences sociales, les adolescents utilisent les vêtements et accessoires comme des marqueurs visibles de leur appartenance à un groupe tout en cherchant à affirmer leur individualité. Le style, ici, devient alors un langage socialement codé.
Autre exemple frappant: un article de 2021 portant sur les «tweens» (ces préados, entre l'enfance et l'adolescence) montre que le choix de tels objets – colliers, chouchous, barrettes – participe à un rituel collectif de construction de soi. Les chercheurs expliquent que ces accessoires permettent aux jeunes filles d'explorer leur rapport au corps et au style tout en maintenant un lien affectif avec l'univers de l'enfance. En clair: un collier à moins de 10 francs, mais chargé de sens.
Les Totoches: miniaturisation régressive
Sur un porte-clé ou en collier, ces petites tétines pouvaient se porter de mille et une façons.
DR
Phénomène étrange et parfaitement assumé des années 90, les Totoches – ces minitétines en plastique coloré, parfois pailletées ou phosphorescentes, souvent accrochées en grappes à une chaîne – ont envahi les cours de récré au même titre que les pogs, les billes ou les cartes Pokémon. On les collectionnait, on les échangeait, on les portait fièrement autour du cou comme un trophée. Le plus souvent, c'était une affaire de quantité, mais aussi de rareté: certaines teintes translucides ou fluos faisaient figure d'objet convoité.
Leur succès repose sur un paradoxe fascinant. À la fois symbole ultime de la petite enfance (la tétine comme archétype de la dépendance et de la régression) et accessoire ostentatoire de préadolescence, la Totoche incarnait un entre-deux. Elle permettait de jouer avec les codes de l'enfance tout en s'en moquant légèrement.
Ce type d'accessoire permettait aussi de renforcer un sentiment d'appartenance, à une classe, un groupe, une microtendance. Comme l'expliquent plusieurs travaux en sciences sociales, ce genre de phénomène obéit à des logiques rituelles: on adopte un code visuel commun, on l'applique, puis on le dépasse. La Totoche, au fond, c'était un passage. Et si elle fait sourire, c'est justement parce qu'elle rappelle ce moment suspendu entre le doudou et la parure.
Kiki: mascotte à emporter
En plus d'être un accessoire trendy, Kiki a eu droit à son lot de produits dérivés.
imago/Revierfoto
Né au Japon en 1974 sous le nom de Monchhichi, Kiki débarque en Europe dans les années 80 et devient instantanément culte. Avec sa fourrure brune et sa tétine à clipper dans la bouche, il incarne une nouvelle génération de peluches: transportables, personnalisables, presque humaines. Moins «animal» que ses prédécesseurs, plus expressif que les jouets standard, Kiki s'inscrit dans une époque où l'objet peluche commence à devenir un compagnon social à part entière.
Mais ce qui distingue vraiment Kiki d'un simple doudou, c'est son statut semi-public. Il sort de la chambre pour être exposé, promené, montré. Il trône sur les cartables, s'accroche aux anses de sac à dos, s'invite même sur les photos de classe.
Son succès prolongé (des années 80 à nos jours) témoigne de sa puissance iconique: Kiki n'est pas juste mignon, il est mémorable.
Enfance portable et nostalgie active
Tous ces objets ont un point commun: ils rendent l'enfance visible, affichable, presque revendiquée. Ce sont des mini-objets sans réelle utilité pratique, mais à forte valeur symbolique. Ils nous parlent de nos goûts, de nos liens sociaux, de notre manière de créer du style à partir de l'inutile.
Dans un contexte de saturation numérique, où les adultes sont de plus en plus sollicités par la productivité, ces objets agissent comme des antidotes à la pression moderne. Ils réinjectent de la douceur, du jeu et une forme de naïveté dans le quotidien.
Les enfants aussi bien que les adultes ont besoin de fétiches rassurants, de grigris, de symboles régressifs. Ce n'est donc pas un hasard si Labubu, cousin trash de Kiki, revient aujourd'hui. On s'accroche à des objets mignons, mous, colorés, absurdes – parce qu'ils nous rappellent qu'on n'est pas obligés d'être tout le temps sérieux. Et qu'on n'a jamais complètement grandi.
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Valentina San Martin est journaliste responsable de la rubrique Beauté au sein du pôle Vibrations. Diplômée en Lettres et Sciences Sociales à l'Université de Lausanne, elle s'intéresse également aux thématiques de société et à la pop culture. Plus d'infos
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Au far° et au Castrum, plusieurs compagnies investissent les rues, dans des propositions conçues spécialement dans l'espace urbain. Publié aujourd'hui à 17h31 Le dessein du collectif romand Dénominateurs Communs? Bâtir la tour la plus haute du monde avec des KAPLA, ces petites planches de bois qu'on empile pour former des structures… jusqu'à la chute. Julie folly En bref: La ville comme immense terrain de jeu. Oublié, le plateau et ses quatre murs, face aux gradins. Au far° , à Nyon, et au Castrum, à Yverdon, plusieurs compagnies façonnent le tissu urbain. Ces spectacles, dits in situ, ne sont pas des formats qu'on peut jouer partout avec deux ou trois accessoires, façon théâtre de rue, mais des objets conçus spécialement pour et dans un espace spécifique. D'un lieu à l'autre, il faut donc repenser la pièce pour l'inscrire à chaque fois sur une nouvelle scène éphémère. On parle alors de re-création, d'une œuvre en mouvement perpétuel! Jeudi soir, le collectif romand Dénominateurs Communs a investi la cour des Marchandises au far° , festival nyonnais des arts vivants. Leur dessein? Bâtir la tour la plus haute du monde avec des KAPLA, ces petites planches de bois qu'on empile pour former des structures... jusqu'à la chute. «Sisyphe(s) proliférations» se joue chaque soir (jusqu'à samedi) sur un autre terrain, livré aux contraintes du lieu: les aspérités du sol, le vent. Sur le bitume, les quatre artistes assemblent les pièces pour assurer les fondations de leur édifice. Peu à peu, le public se rassemble autour de la tour en devenir. Jusqu'où arriveront-ils à tutoyer les hauteurs? Suspense. On retient notre souffle. À l'image de Sisyphe, on sait déjà que la tour va s'effondrer. Souvenez-vous: ce héros de la mythologie grecque est condamné à pousser son rocher vers le sommet d'une montagne avant que celui-ci ne dégringole. Et il recommence son labeur, inlassablement. Mais, écrivait Camus, «il faut imaginer Sisyphe heureux». Sur le bitume, les quatre artistes du collectif romand Dénominateurs Communs assemblent les pièces pour assurer les fondations de leur édifice. Julie folly C'est donc en héros heureux d'un spectacle que les quatre artistes bâtissent des tours vouées à s'écrouler. Comme le monde dans lequel on vit, menacé par le dérèglement climatique et pourtant enferré dans un capitalisme qui enjoint à viser toujours plus haut, toujours plus grand. La proposition, métaphorique, poétique, belle par sa simplicité, valorise la collaboration et l'entraide. Au final, leur tour ne sera probablement pas la plus haute du monde. Peu importe. Elle est le fruit d'un travail collectif et rassembleur. Présence invisible à la gare de Nyon Toujours au far°, l'espace urbain se muera en lieu évanescent avec «assombração: apparition gare de Nyon», recréé in situ par le brésilien Ametonyo Silva et le Français Eduardo Joly, mercredi et jeudi. En brésilien, assombração évoque une présence mystérieuse. Cette essence invisible hantera les quais de la station, le temps d'une fantasmagorie chorégraphique habillée de bribes de souvenirs, de sensations et de sons. Dans une proposition plus énergique, le collectif franco-suisse La Horde dans les pavés recrée à Nyon son «Impact d'une course» dans les rues de la ville. Entre danse contemporaine, cirque et escalade urbaine, les cinq artistes, accompagnés d'un musicien sprinter, explorent tour à tour les rues, les places, saluant au passage les habitantes et habitants au cours de leur promenade acrobatique, rappelant les joies de l'enfance, vendredi et samedi. Le collectif présentera aussi, mercredi, «Run them all» sa toute nouvelle création imaginée en résidence au sein du dispositif L'Exploratoire, au Castrum. Cette proposition nocturne, articulée autour des aléas de l'adolescence, sera créée ce samedi soir sans les rues yverdonnoises. On signalera aussi, au Castrum, la nouvelle épopée urbaine du Cirque immersif Esquisses «How much we carry», jusqu'à dimanche. À l'aide d'une perche, le duo formé par Débora Fransolin et Marin Garnier de déplacera dans la ville d'Yverdon, jouant avec le mobilier urbain pour façonner un spectacle (en étape de travail) qui interroge le terme anglais carry (signifiant à la fois porter et prendre soin). Et nous, que peut-on porter physiquement et intérieurement? Le théâtre, la vie, la ville Cet art de l'in situ n'a rien de nouveau. Libérée des carcans de la scène, la démarche s'inscrit dans le sillage de mouvements tels que Fluxus, qui inscrit le théâtre dans la vie. L'art déborde alors dans les rues, les zones industrielles, les espaces naturels occupés par les humains. En Suisse romande, de nombreux artistes ont arpenté les villes, les friches et les champs pour faire récit de l'espace qui nous environne: Yan Duyvendak , Stefan Kaegi , Massimo Furlan ou le collectif CCC . Dans ce même élan, au far° et au Castrum, la ville entière est un théâtre. Et ses artistes nous invitent à nous ancrer dans le réel en activant l'imaginaire. Plus de sorties à Nyon et à Yverdon Natacha Rossel était journaliste à la rubrique culturelle et couvrait les arts de la scène. Titulaire d'un Master en Sciences de l'Antiquité, elle a travaillé à «24heures» de 2012 à 2023. Elle est passée également par les rubriques Vaud & Régions et Web. Plus d'infos @NatachaRossel Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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Accueil | Culture | Cinéma & séries | Monstre sacré du cinéma américain célèbre pour avoir incarné de sacrés monstres, l'acteur était invité par Locarno. Entretien tout sourire. Publié aujourd'hui à 11h57 Willem Dafoe à Locarno: «J'ai 70 ans et tout fonctionne encore. Je me sens comme Popeye: «I Yam what I Yam!» Samuel Golay. Avec un tel visage en lame de couteau, l'écran du festival courait le risque d'être tranché en deux. Il a tenu bon. Willem Dafoe est un monument du cinéma américain qui aime Locarno, et réciproquement. Jeudi 7 août, il était sur la Piazza Grande, en chair et surtout en os, vedette de «The Birthday Party», huis clos insulaire aux couleurs fauves et aux passions sombres que le festival présentait en première mondiale. Sur l'affiche du film, le nez infiniment aquilin, les yeux terriblement aigus dissimulés derrière une invraisemblable paire de Ray Ban seventies sont la marque de fabrique d'une sacrée gueule. Le comédien de 70 ans a souvent joué les méchants, et même ses rôles de gentils font peur. Son personnage de Marcos Timoleon, armateur grec en double angoissant d'Onassis, n'est pas de ceux qui l'extirperont de la fosse aux serpents… Alors, quand on le retrouve peu avant la cérémonie dans son hôtel au cœur de Locarno, on marche sur des œufs. Scoop: Willem Dafoe est un monstre… de gentillesse. Aimez-vous jouer sur la force expressive de votre visage, aux traits parfois très durs et inquiétants? Je n'y pense jamais, mais les gens en parlent, donc je suis conscient de son pouvoir. Quand je passe devant un miroir, je me sens souvent comme un gosse qui se dit: «Putain, c'est qui ce vieux?». Ou alors: «C'est qui ce gros dur?» (Rire) Un acteur développe forcément un regard aliéné sur son propre physique. Je n'adore pas les miroirs, mais je me vois à l'écran et j'y suis un personnage de cinéma. Du coup, dans une certaine mesure, je disparais dans cette abstraction. Ce n'est pas qui je suis, ce n'est pas vraiment mon visage, ni mon corps, c'est une image. Jeudi 7 août, Willem Dafoe arrive à la première mondiale de «The Birthday Party» sur la Piazza Grande de Locarno. Luca Chiandoni C'est la raison pour laquelle, dans le film, vous le montrez nu si facilement? J'ai toujours fait des trucs nu au théâtre, ce n'est pas un problème d'en faire dans un film. J'ai 70 ans, je ne suis pas un fan de la salle de fitness, mais je suis en forme. J'ai toujours été une personne physique, un danseur. Et puis, vous savez, se mettre nu est un pouvoir, c'est devenir la personne la plus puissante dans la pièce. Bien sûr, quand je me vois à l'écran, je remarque que j'ai le cul qui pendouille un peu, mais en même temps, toutes proportions gardées, je me trouve encore pas mal. Je tiens debout et tout fonctionne encore. Je me sens comme Popeye: «I Yam what I Yam!» En plus de 150 films, vous avez incarné des flics honnêtes, des soldats intègres, des marins nigauds. 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Il chante cette rengaine des Animals: «I'm just a soul whose intentions are good, Oh Lord, please don't let me be misunderstood…» J'ai lu récemment le point de vue d'un professeur de théâtre qui expliquait à ses élèves: souvent, nous faisons des choses que nous n'aimons pas vraiment faire, mais nous les faisons par peur de ne plus exister. Cela va au-delà de la morale. Il y a soudain cette terreur viscérale qu'il convient d'agir afin de valider le sens de sa vie, quel qu'en soit le coût pour les autres. Marcos est très sensible à cela: il a créé un empire, il est pragmatique, il travaille dur et croit subvenir aux besoins des siens – le mensonge patriarcal classique. «Je vais prendre soin de toi, que tu le veuilles ou non, parce que je sais ce qui est bon pour toi!» Et cela conduit à des drames. On n'est pas obligés de l'approuver, mais il faut comprendre que chaque mauvaise action a un côté angélique, et chaque bonne intention un côté obscur. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Comme Marcos, pensez-vous aussi… À laisser un héritage? Une œuvre? Si je peux me vanter d'une chose – mais il ne faut pas le faire, parce que ça gâche tout – c'est d'être plutôt doué pour vivre le présent. Je ne planifie pas tellement ma vie. Une grande partie de notre malheur vient d'attentes déraisonnables. Trop penser à l'avenir crée de l'anxiété. Trop remuer le passé crée de la dépression. Donc il faut vivre entre les deux. C'est ridicule, c'est un truc de hippie, mais je pense que c'est vrai: il faut savoir être là. Pleinement. Et c'est aussi la clé de la création. Le cinéma est très coûteux et demande une planification folle, et souvent les résultats ne correspondent plus aux projets, une fois mis en opération. Les meilleurs cinéastes sont ceux qui savent s'adapter et sont capables d'ajuster leurs attentes, de rester ouverts à l'expérience. Et c'est aussi une loi de la vie. Chaque fois qu'on commence à trop anticiper ou à trop réfléchir, je pense que c'est contre-productif. C'est un credo que vous appliquez à votre travail d'acteur? Oh, absolument! J'ai besoin qu'on me dirige – ou plutôt qu'on me guide. L'une des raisons pour lesquelles je ne suis pas réalisateur, c'est que je n'aime pas les responsabilités. Je suis très responsable dans la vie, mais je ne veux être responsable dans mon art. Je veux trouver ma voie sans avoir de vue d'ensemble. Un cinéaste doit diriger un groupe, avoir une vision et tenter de l'exécuter. Je ferai de mon mieux pour l'incarner au moment où la caméra tournera, mais c'est une activité très différente. Marco Abram Le film que vous présentez à Locarno se déroule en 1975, sur une île. Un monde purement analogique, où l'unique moyen de communication est une ligne téléphonique et un télex. C'est une nostalgie particulière? Écoutez… Vous devez être très prudent quand vous abordez ce sujet, parce que vous ne voulez pas ressembler à une vieille grue qui radote et pleurniche sur les méfaits des nouvelles technologies. Ce truc (il pointe du doigt le smartphone sur la table, qui enregistre la conversation) est la plus grande révolution de tous les temps. Il a changé notre façon de penser et nos relations avec les autres. On voit le monde à travers ça. C'est tellement séduisant! Tout le monde est accro. J'ai le mien, je l'ai laissé dans ma chambre. Politiquement, cependant, beaucoup de choses entrent en jeu qui me font très peur. Un monde artificiel, déformé, une compétition virtuelle qui efface l'expérience physique et l'interaction sociale. Quand je vois des familles au restaurant, et j'en vois de plus en plus, où chaque membre est plongé dans son écran, ça me fend le cœur, mais ça m'inquiète plus encore. Ces années 70 que montre le film, ce mélange de couleurs pastel et chaudes, cette vie de bohème, ces odeurs que l'on devine, ce sont les seventies que vous avez connues? Mes années 1970 furent celles de mes débuts d'acteur. Je faisais des tournées, je vivais dans des endroits différents, c'était passionnant. Puis je suis allé à New York. La ville était dure, mais elle connaissait une explosion dans les domaines de la musique, de la danse, du théâtre, du cinéma. Mais… j'étais jeune! Donc ambitieux. La force de la jeunesse, son inconséquence, y était pour beaucoup, mais il faut reconnaître que New York vivait une époque bénie. Beaucoup de gens créaient en amateurs, ils ne pensaient pas à leur carrière. Le plaisir seul comptait. On ne se souciait pas de monétiser ses activités ni d'acheter une maison ou d'avoir des enfants. Nous étions en chute libre et on y trouvait de la joie. On réparait les conneries de la génération précédente. Donc on peut parier que cela reviendra un jour. Davantage autour de Locarno François Barras est journaliste à la rubrique culturelle. Depuis mars 2000, il raconte notamment les musiques actuelles, passées et pourquoi pas futures. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Une ex-actrice de l'univers de «Star Wars» licenciée conclut un accord avec Disney
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Une ex-actrice de l'univers de «Star Wars» licenciée conclut un accord avec Disney

Le studio avait décidé de se séparer de Gina Carano en raison de ses «messages odieux et inacceptables» sur les réseaux sociaux. Disney évoque même une future collaboration. Publié aujourd'hui à 11h40 Gina Carano avait fait des rapprochements controversés sur les réseaux sociaux. WireImage Une ex-actrice de l'univers «Star Wars» qui avait porté plainte contre Disney pour licenciement abusif, motivé selon cette supportrice de Donald Trump par ses prises de position sur l'Holocauste, la pandémie de Covid-19 ou les droits des personnes transgenres, a conclu un accord avec le studio, a-t-on appris jeudi. Gina Carano avait un rôle récurrent dans la série «The Mandalorian», tirée de l'univers «Star Wars», avant d'être limogée par Disney en 2021. L'entreprise avait annoncé se séparer de cette comédienne spécialiste des arts martiaux à cause de ses «messages odieux et inacceptables» sur les réseaux sociaux, «dénigrant des personnes sur la base de leur identité culturelle et religieuse». Jeudi, un porte-parole de Lucasfilm, filiale de Disney, a annoncé que le studio était «parvenu à un accord avec Gina Carano pour résoudre les litiges liés à son litige en cours». Dans un communiqué envoyé à l'AFP, Disney a indiqué avoir «hâte de trouver l'occasion de travailler avec Mme Carano dans un avenir proche». Les détails de l'accord n'ont pas été divulgués. Ce qui a causé la tourmente de Gina Carano Sur les réseaux sociaux, Gina Carano avait notamment fait un rapprochement entre le fait d'être un conservateur aux États-Unis et le fait d'être juif dans l'Allemagne nazie. «Les soldats nazis pouvaient facilement rassembler des milliers de Juifs», car «le gouvernement faisait en sorte que leurs propres voisins les détestent simplement parce qu'ils étaient juifs, avait-elle écrit sur X. En quoi cela diffère-t-il de la haine de quelqu'un pour ses opinions politiques?» Elle avait accompagné cette publication d'une photo de femme juive battue sous le régime de Hitler. L'actrice s'était également moquée dans un autre message d'une personne portant plusieurs masques durant la pandémie de Covid-19. Elle avait aussi suscité la polémique en adoptant «boop/bop/beep» comme pronoms sur ses réseaux sociaux, une décision assimilée par ses détracteurs comme une pique envers les personnes transgenres. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Dans la plainte de Gina Carano, soutenue et financée par le réseau X, propriété d'Elon Musk, elle expliquait avoir été harcelée en ligne par des «extrémistes de gauche», et estimait que son employeur a terni sa réputation et réduit ses chances de travailler dans l'industrie audiovisuelle. L'univers «Star Wars» Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters AFP Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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