
Elise Rousseau, naturaliste : «Observer les oiseaux peut s'avérer plus facile que pratiquer la cohérence cardiaque ou la méditation»
Vous l'entendez sans toujours le voir : que vous soyez en ville ou à la campagne, un merle chante, quelque part. La première fois, vous n'y avez pas prêté attention, tant le son était pris dans le tumulte ambiant : circulation, réseaux sociaux, télévision. Et puis un jour, vous l'avez écouté, et le monde a semblé réenchanté. Le phénomène est prouvé : «Six minutes de contact avec les chants d'oiseaux suffisent à diminuer votre taux de cortisol, donc votre stress, ainsi qu'à baisser vos pensées irrationnelles. Et l'effet peut durer jusqu'à huit heures.» Une donnée phare d'Ornithérapie*, de Philippe J. Dubois, ornithologue et ingénieur écologue, et Élise Rousseau, journaliste et naturaliste, qui a répondu à nos questions. Leur ouvrage, riche de nombreux conseils pratiques (comment installer une mangeoire, télécharger une appli de reconnaissance de chants comme BirdNet ou Merlin Bird ID) et d'informations sur les oiseaux, confirme combien les observer peut faire du bien. Démonstration.
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Madame Figaro. – D'où est venue l'idée d'écrire Ornithérapie ?
Élise Rousseau. – Les naturalistes que nous sommes ressentent depuis longtemps l'influence positive des oiseaux en particulier. Des études ont démontré scientifiquement, depuis des années, les bienfaits de leur chant. Nous avons donc eu l'envie de partager cette expérience avec le plus grand nombre. Nous travaillons aussi pour la protection des oiseaux : sensibiliser le public au bonheur de les regarder peut lui faire prendre davantage conscience de la nécessité de prendre soin de la nature en général.
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On sait que le contact avec les animaux, du ronronnement d'un chat à l'équithérapie, est bénéfique. Qu'apportent les oiseaux en particulier ?
Ils sont accessibles : tout le monde ne peut pas avoir d'animal domestique, ni s'émerveiller devant un chevreuil en montagne, mais on peut tous observer les oiseaux, même en ville. Ils constituent la manière la plus simple d'observer une nature sauvage : les mammifères se cachent, mais les oiseaux, comme ils peuvent s'envoler, ont les moyens de nous narguer du haut de leur branche. Sans oublier leur chant : c'est la musique de la nature. Enfin, leur capacité à voler provoque chez nous, humains, une véritable fascination, tant elle constitue un symbole de liberté.
En quoi les observer peut-il développer nos facultés cognitives ?
Quand on étudie un oiseau, il faut y aller avec délicatesse, sinon cela peut tourner court dès qu'il s'envole. Il faut donc affiner notre sens de l'observation, de l'écoute : j'ai d'ailleurs remarqué que les ornithologues sont souvent des gens qui se rendent compte de petits détails. Et en affûtant nos sens, on redevient un peu ce que nous sommes depuis la nuit des temps, à savoir nous-mêmes des êtres sauvages.
Une grande partie du livre défend aussi l'idée d'un birdwatching qui s'apparenterait à la méditation…
L'oiseau est dans le temps présent. Si on veut l'observer correctement, il faut être avec lui dans l'ici et maintenant, oublier ses soucis, ses questionnements. Se demander, dès qu'on l'entend, dans quel arbre ou buisson il se trouve. Et une fois repéré, en profiter, car il peut très vite s'envoler. C'est, je pense, ce que le birdwatching nous enseigne de plus fort : cet ancrage que nous, humains, avons tant de mal à trouver. Nos interrogations, nos ruminations, notre anxiété font partie de notre condition humaine. S'ancrer dans le moment présent, c'est aussi retrouver notre animalité. Et le faire par le biais de l'observation et de l'écoute active, en ne se contentant pas «d'entendre» simplement les oiseaux, est moins compliqué, pour certains, que de pratiquer la cohérence cardiaque ou la méditation.
Nous évoluons dans un monde qui ne favorise pas la sensibilité Élise Rousseau
Vous écrivez aussi qu'observer les oiseaux rend humble. Pourquoi ?
Il ne faut jamais oublier que nous sommes, à mes yeux en tout cas, de super prédateurs. Pourtant, les oiseaux acceptent de cohabiter avec nous, alors qu'il y a beaucoup d'animaux qui n'en ont pas du tout envie ! Pour se rapprocher d'eux, il faut mettre notre statut de dominant sur pause, en faisant par exemple attention à notre démarche, souvent trop bruyante. De plus, le birdwatching nous apprend la patience, car on peut souvent rentrer bredouille. Cela arrive même aux meilleurs ornithologues ! Mais quel sentiment de gratification quand on aperçoit l'oiseau que l'on traquait depuis des mois !
Vous développez dans Ornithérapie le concept de congruence : pouvez-vous l'expliquer ?
Il s'agit d'être vraiment aligné avec ses émotions, et c'est quelque chose que les animaux nous enseignent. L'oiseau ne masque rien : que vous observiez un merle terrorisé ou en phase de séduction, il va l'exprimer très simplement. Alors que nous passons notre vie à camoufler, à intérioriser nos peurs, nos émotions amoureuses, et même à ne pas oser en parler, quitte à passer complètement à côté de certaines choses. Nous évoluons dans un monde qui ne favorise pas la sensibilité ou qui, en tout cas, la considère mal. Mais si l'on apprenait à accepter certaines de nos émotions et à les laisser transparaître, chez nous comme chez les autres, peut-être irions-nous beaucoup mieux ?
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Ornithérapie nous alerte sur l'alarmante disparition des oiseaux (selon une étude du CNRS publiée en 2023, le nombre d'oiseaux a décliné de 25 % en quarante ans sur le continent européen, NDLR ). Les observer est-il un acte militant ?
Les oiseaux peuvent, en tout cas, constituer un premier pas vers l'envie de protéger la nature. On a tendance à les voir comme des animaux faibles, fragiles : c'est absolument faux. Ce sont des animaux qui descendent des dinosaures et sont là depuis la nuit des temps. Ils sont extrêmement adaptables, aérodynamiques, ont un squelette incroyablement léger… D'un point de vue évolutif, c'est vraiment une réussite. Si eux-mêmes se mettent à disparaître, c'est un vrai signal d'alarme. Ils représentent de véritables sentinelles de la biodiversité.
Mais les observer ne génère-t-il donc pas, paradoxalement, de l'écoanxiété ?
L'écoanxiété est un sentiment que nous, naturalistes, ressentons depuis longtemps. J'en ai fait l'expérience, et j'en suis sortie en me reconnectant avec l'actualité de la nature. Quand on regarde un merle, qu'on entend le premier chant du coucou, c'est toujours le même bonheur. Avoir ces moments de connexion intenses avec la nature reste un baume sur nos cœurs. Et être touché par cette beauté nous donne de la force pour avoir envie de changer le monde.
*Ornithérapie, de Philippe J. Dubois et Élise Rousseau, Éd. Albin Michel, 272 p., 17,90 €.
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L'hôpital de Creil reconnu « entièrement responsable » après la mort d'un nourrisson et condamné à 150 000 euros d'amende
Une famille anéantie, un hôpital en faute. Poursuivi après la mort d'un nourrisson , en mai 2017, à la maternité de Creil (Oise), le groupement hospitalier du sud de l'Oise ( GHPSO ) a été reconnu « entièrement responsable des préjudices subis » et condamné à 150 000 euros d'amende, dont 80 000 euros avec sursis, par le tribunal judiciaire de Senlis , ce mercredi. Jugée à la fin du mois de juin, l'affaire avait été mise en délibéré jusqu'à ce mercredi 23 juillet. Le 7 mai 2017, les parents du petit Liiam, alors âgé de moins de quatre semaines, l'amènent aux urgences pédiatriques de Creil pour une toux persistante. Son état est jugé satisfaisant mais compte tenu de son très jeune âge, les soignants préfèrent l'hospitaliser pour le garder sous surveillance. La toux et une poussée de fièvre font croire au médecin et à l'interne de garde qu'il s'agit sans doute d'une bronchiolite et on ne lui administre que du Doliprane. Deux jours après son admission, l'état du nourrisson se dégrade. Les soignants comprennent que l'enfant ne fait pas une bronchiolite, mais un sepsis, une infection qui l'amène à faire un choc septique. Le nouveau-né est héliporté jusqu'au CHU d'Amiens ( Somme ) mais après trois arrêts cardiaques, il succombe le 10 mai au matin. Une expertise médicale, confiée à un spécialiste en pédiatrie de l'hôpital Necker de Paris , va alors se montrer accablante pour l'hôpital de Creil. « La prise en charge par le GHPSO n'est pas conforme, il n'y a pas eu de surveillance des fréquences respiratoires, des examens tardifs, des antibiotiques donnés trop tardivement et un médecin senior qui n'a pas été averti à temps de l'aggravation de l'état de l'enfant. » « Depuis qu'il est parti, notre vie s'est arrêtée. On a fait confiance au corps médical, ils ont brisé notre vie. Mon bébé, mon champion, mon trésor… », avait témoigné son père au tribunal de Senlis, le 23 juin dernier. « Je suis en colère et je culpabilise de l'avoir mis dans cet établissement, je me dis que c'est de ma faute. » Lors de cette même audience, le substitut du procureur, avait dénoncé « une foultitude de manquements des soignants » ainsi qu'une « une désorganisation totale » de l'hôpital et requit une peine d'amende de 250 000 euros, dont 100 000 euros avec sursis.


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Nantes : une fuite d'un produit chimique provoque la fermeture temporaire de plusieurs blocs opératoires d'une clinique
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