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Pollution plastique: des déchets suisses expédiés à l'étranger par milliers de tonnes

Pollution plastique: des déchets suisses expédiés à l'étranger par milliers de tonnes

24 Heures4 days ago
Pollution plastique

Des déchets suisses sont expédiés par milliers de tonnes aux antipodes
Les exportations de débris plastique atteignent 87'000 tonnes. Une pratique dans le viseur du traité mondial négocié à Genève.
Pierre-Alexandre Sallier
Centre de recyclage du plastique à Bentong, dans l'État malaisien de Pahang, en juin 2024. Depuis quelques semaines, la Malaisie refuse les cargos de déchets américains, en riposte au refus des États-Unis de se plier à la Convention de Bâle sur le commerce de déchets dangereux.
AFP
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En bref : La Suisse a exporté 87'000 tonnes de débris plastique l'an dernier. Destination? Allemagne, mais aussi Malaisie ou Thaïlande.
La raison officielle de ces cargaisons? Leur recyclage, car les capacités pour les traiter sont insuffisantes en Suisse.
La limitation de ce commerce de déchets reste l'un des objectifs du traité sur le plastique sur lequel le monde tente de s'entendre à Genève.
C'est l'un des versants méconnus des négociations en cours à Genève, où 120 États tentent de faire émerger d'ici au 14 août un traité sur une réduction imposée, au niveau mondial, de la pollution plastique. Un aspect qui concerne directement la Suisse: l'expédition par les pays occidentaux de leurs déchets plastique aux antipodes.
Les pourparlers s'enlisent sur la question, centrale, de la limitation de la production de nouveaux polymères – contre laquelle ferraillent 230 lobbyistes de la pétrochimie. Elle en vient à éclipser toutes les autres. Une scientifique malaisienne, présente depuis lundi aux Nations Unies pour ces négociations de la dernière chance, alerte pourtant sur le «colonialisme des déchets».
Son pays est devenu l'une des principales destinations de ces cargos de détritus. Ils contribuent à de «graves dégradations de l'environnement et à des problèmes de santé publique», explique l'experte de l'organisation Sahabat Alam Malaysia. Au sortir d'une réunion tardive d'un des groupes de contact planchant sur le traité, Mageswari Sangaralingam pointe, sur son ordinateur, les 258 tonnes de plastique helvétique au rebut arrivées l'an dernier en Malaisie. Soit quatre fois plus qu'il y a deux ans.
Une affaire de pays riches
«Les pays développés sont à l'origine des huit dixièmes des exportations de déchets plastique», confirme David Vivas Eugui, responsable de l'unité sur l'économie océanique et circulaire au sein de l'agence ONU Commerce et développement, l'ancienne CNUCED. Leurs cargaisons représentent un total de 4,3 millions de tonnes, un marché dépassant les 2,6 milliards de dollars.
«Un traité reste à portée de main»
«La porte reste ouverte pour quitter Genève avec un traité», assurait, ce samedi après-midi, Inger Andersen, directrice exécutive du programme des Nations Unies pour l'Environnement. «En dépit du brouillard des tractations, un traité efficace pour mettre un terme à la pollution plastique est à portée de main», a-t-elle répété lors d'un point presse à mi-parcours des négociations qui se déroulent depuis mardi à Genève.
Aucun consensus n'émerge pourtant sur un aspect crucial – la limitation de la production de plastique. Samedi matin, au Palais des Nations, en pleine assemblée plénière, l'Arabie saoudite et l'Iran ont ouvertement demandé que la question soit retirée des discussions. Ce qui reviendrait à aboutir à un traité amputé de son ambition phare.
«Après cinq jours, le texte du traité contient encore plus d'un millier d'options entre parenthèses», alerte Graham Forbes, responsable de la délégation Greenpeace. Avant de pointer du doigt les États-Unis. Et de s'en remettre à la Chine pour «aider les négociations à sortir de l'impasse». Le temps presse. Des dizaines de ministres arrivent mardi 12 août à Genève. Afin de se prononcer sur un éventuel traité d'ici jeudi soir.
Vérification faite auprès de l'Office fédéral des douanes, la Suisse a vendu près de 87'000 tonnes de débris plastique à l'étranger l'an dernier, pour un montant de 13 millions de francs. Dont les deux tiers à l'Allemagne et à l'Autriche. Afin qu'ils soient recyclés – un sort qui concerne moins d'un dixième des 790'000 tonnes de déchets plastique collectés par an. L'écrasante majorité (83%) reste incinérée par les centrales de chauffage collectif, qui se battent pour un tel combustible.
Expédié pour «recyclage»
Mais comment un pays disposant des tels moyens de gestion de ses ordures peut-il encore expédier du plastique en Inde, en Malaisie, en Turquie, en Chine ou en Thaïlande? Pour obtenir des détails, il faut demander à Earth Action de plonger dans sa base de données sur les plastiques d'emballage.
Selon ce cabinet de conseil en recherche environnementale basé à Lausanne, les plus exportés sont le polypropylène, le PP des pots de yogourt. Ou le polyéthylène HDPE, utilisé, par exemple, pour les bouteilles de shampooing collectées à l'entrée des supermarchés. Chacun à hauteur de quelque 12'000 tonnes annuelles, soit «la moitié des déchets de PP ou de HDPE», en raison de «capacités de recyclage locales insuffisantes», pointe Ricardo de Gennaro, spécialiste de ces mesures.
Une partie du PVC «reste également exportée, même s'il est beaucoup plus recyclé», ajoute ce dernier. À la différence du PET des bouteilles d'eau, modèle du genre, dont 35'000 tonnes sont recyclées par an dans le pays.
Ce plastique dont on perd la trace
Le volume des cargaisons officiellement étiquetées comme «déchets, rognures et débris plastique» et destinées au recyclage ne représente que la partie émergée du problème. «D'une part, les pays destinataires vont souvent en réexpédier une partie, dont on perd la trace. D'autre part, beaucoup d'objets – pensez au boîtier d'un écran plat – ne sont pas répertoriés comme du plastique», pointe Julien Boucher, le fondateur de Earth Action.
«Et vous pouvez y ajouter toute la part illégale de ce commerce», poursuit le scientifique, qui travaille depuis vingt ans sur l'impact environnemental des polymères. «Surtout, ces cargaisons, une fois arrivées à destination, vont cannibaliser les infrastructures de recyclage locales, avec le risque qu'une partie finisse dans la nature», prévient celui qui enseigne à l'EPFL.
Lente décrue des cargos
Il y a quinze ans, trois fois plus de ces déchets – près de 15 millions de tonnes – voyageaient autour du globe, rappelle le spécialiste des Nations Unies. Entre-temps, un nombre croissant de pays du Sud ont commencé à refuser ces cargaisons, dans le sillage de la Chine. Depuis juin, la Malaisie refuse ainsi la masse de plastiques américains, en raison du refus des États-Unis de se plier aux règles de la Convention de Bâle.
L'entrée en vigueur, en 2o21, d'amendements spécifiques aux plastiques dans cet accord international sur les déchets dangereux impose désormais, sur le terrain, un arsenal de justificatifs et de vérifications.
«Il y a une exception majeure, ce sont les déchets plastique propres, non contaminés et prétriés, pour lesquels aucun permis n'est requis, pointe David Vivas Eugui. Mais il y a tellement de types de polymères, de normes sanitaires, qu'il reste difficile pour les douanes de détecter les plastiques contaminés ou dangereux.»
Les déchets dans le viseur du traité
Les délégations réunies à Genève trancheront sur l'intégration, dans le futur traité, de nouvelles restrictions sur ce commerce de déchets. «L'une des recommandations clés reste d'exiger un consentement préalable – et en connaissance de cause – avant toute expédition, en particulier pour les cargaisons qui échappent aux contrôles, comme les textiles synthétiques et les plastiques non dangereux», invoque la spécialiste arrivée de Malaisie.
Objectif: pouvoir refuser ces déchets plastique dont «se débarrassent les pays riches» au nom du recyclage. Un retraitement ou une élimination «qui génèrent du CO 2 , des cendres dangereuses, des microplastiques, rappelle Mageswari Sangaralingam. Le nouveau traité peut mettre l'accent sur cette pollution.»
Le paradoxe du plastique
Le grand paradoxe des plastiques – qui explique la difficulté d'obtenir un accord à Genève – vient du fait que ce sont des matériaux «très peu chers à produire mais très coûteux à recycler ou à gérer après usage», résume David Vivas Eugui. «Résultat, les seules forces du marché ne suffisent pas à en gérer les déchets, contrairement au verre ou à l'alu, recyclés à 33%», ajoute le juriste, très impliqué dans les négociations.
Il faut donc laisser aux contribuables le soin de payer. Ou présenter la facture aux multinationales, grâce à un traité contraignant. Et, in fine, faire payer les amateurs de salade en barquette.
Genève, jeudi 7 août 2025. Des militants de Greenpeace peignent en noir l'accès au Palais des Nations pour dénoncer l'influence des grandes entreprises pétrolières sur le traité contre la pollution plastique. Plus de 250 lobbyistes de la pétrochimie sont présents alors que les gouvernements du monde entier se réunissent pour les négociations de la dernière chance en vue d'établir un traité international limitant la pollution plastique.
LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA
Peu de taxes douanières pour les polymères
Au-delà de ses seuls déchets, l'approvisionnement en plastique nécessaire à nos modes de vie modernes représente l'un des principaux circuits commerciaux. Au point de peser aujourd'hui pour 5% des échanges autour du globe, selon un rapport de l'agence ONU Commerce et développement. Ce commerce totalise plus de 1100 milliards de dollars en 2024 et a doublé en vingt ans, rappelle l'ex-CNUCED. Soit plus de cinq fois l'ensemble des exportations de produits de la pêche.
L'organisation basée à Genève met le doigt sur un paradoxe qui résonne étrangement en ces temps de surtaxes douanières brandies par l'Amérique. «Ces trente dernières années, les droits de douane moyens frappant les plastiques ont fondu de 34 à 7% – avant tout en raison des accords de l'OMC et d'accords régionaux et bilatéraux prévoyant des droits de douane quasi nuls», note le rapport. Alors que, dans le même temps, la taxation des alternatives végétales aux plastiques dépasse les 14%, «minant leur compétitivité».
En Suisse, la suppression des droits de douane sur les produits industriels le 1er janvier 2024 concerne également ceux en plastique, quelle que soit leur origine.
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Pierre-Alexandre Sallier est journaliste à la rubrique Économie depuis 2014. Auparavant il a travaillé pour Le Temps, ainsi que pour le quotidien La Tribune, à Paris. Plus d'infos
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Alors que des études récentes permettent d'estimer une exposition «100 fois plus élevée» aux microparticules de quelques microns – l'épaisseur d'une bulle de savon –, selon les chercheurs. Encore trop peu d'études Quels sont les effets sur la santé de ces fragments aériens? Ivan Guerreiro, médecin adjoint au service de pneumologie des HUG, répond que l'exposition aux micro- et nanoplastiques (MNP) dans le cadre professionnel a été étudiée dès les années 70. La première mise en évidence de plastique dans du tissu pulmonaire remonte à 1998. «En revanche, il y a très peu d'études sur la population générale et donc sur l'impact de ces polluants inhalés sur les maladies respiratoires et la santé.» Ivan Guerreiro, médecin adjoint au service de pneumologie des HUG. DR Un rapport de l'OMS estime que l'exposition humaine via l'inhalation pourrait être de plus de 3000 particules par jour. Or, Ivan Guerreiro rappelle un principe: «Le poumon est conçu pour ne recevoir que de l'air et des poussières. Il a également des mécanismes de défense contre les microbes. Tout le reste peut causer une inflammation et des dommages cellulaires, parfois irréversibles.» Dans ces conditions, il serait «difficile de se dire que les microplastiques, dont nous sous-estimons probablement la quantité inhalée, n'ont aucun impact sur notre santé respiratoire». Des tests menés en laboratoire ont ainsi montré que l'exposition aux MNP endommage les cellules des poumons, en particulier, les fameuses cellules souches. Et les particules sous 10 microns? Selon le médecin, on peut imaginer que ces produits favorisent l'apparition ou l'aggravation des maladies respiratoires classiques, comme des fibroses, la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) ou les cancers pulmonaires. Mais il se montre prudent, car de nombreuses questions restent ouvertes. 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