
Greenpeace identifie des microplastiques dans l'air à Genève
KEYSTONE
En bref:
La métropole du bout du lac Léman sera, jusqu'à la fin de la semaine, la capitale mondiale du plastique . De difficiles négociations s'y tiennent aux Nations Unies afin de tenter de faire émerger un traité visant à limiter la pollution plastique au niveau mondial.
Le reste de l'année, Genève n'est pas en reste. Des mesures menées par Greenpeace , en juillet, y révèlent la présence de microplastiques dans l'air ambiant. Celui que respirent les 1900 participants de cette conférence onusienne de la dernière chance .
Ces échantillons pointent un aspect méconnu du problème des particules plastiques, identifiées depuis vingt ans – aussi bien sur les sommets himalayens que dans l'organisme de nombreuses espèces des profondeurs. Leurs effets sur la santé font l'objet de nombreuses recherches. «Cette étude montre que les fragments et fibres de microplastiques sont un polluant atmosphérique courant en milieu urbain, même en Suisse», prévient l'organisation environnementale.
En juillet 2022, une exposition dans la cour du Musée du Léman, à Nyon, attirait déjà l'attention du public sur les microplastiques dans les eaux du Léman. Trois ans plus tard, des échantillons prélevés par Greenpeace à Genève confirment leur présence dans l'air que nous respirons.
Chantal Dervey Fibres de polyamide
Intérieur de bus, cafés, restaurants, centres commerciaux, espaces de travail… Cette photo instantanée a été réalisée le 17 juillet, en aspirant 1,7 m³ d'air durant huit heures – un peu moins de la moitié de ce que nous respirons sur cette durée. Parmi la centaine de micropoussières retenues, aux origines le plus souvent «indéterminées», l'étude au microscope de sa filtration «montre la présence de microplastiques en quantités comparables à celles d'autres études – avec six fragments et six fibres détectées», notent les deux chercheurs chargés de l'analyse.
Les plastiques identifiés se révèlent des fibres de polyester et de polyamide «pouvant provenir de vêtements ou d'articles d'ameublement». Ainsi que des fragments constitués de plusieurs types de polyéthylène, par exemple ceux utilisés dans les câbles.
Le 17 juillet 2025, une chercheuse de Greenpeace a passé la journée à échantillonner l'air ambiant à l'intérieur d'espaces publics – transports en commun, cafés, restaurants, centres commerciaux, boutiques – ainsi que d'espaces de coworking, afin de permettre la mesure de leur teneur en microfragments et fibres plastiques.
© Marc Meier / Greenpeace Quid des nanoparticules?
«On ne peut pas supposer que tous les microplastiques de l'échantillon sont inhalés, certains peuvent aussi être expirés», reconnaissent les deux chercheurs. Qui admettent également que «cet instantané ne permet pas de tirer de conclusion sur la contamination en plastique de Genève dans son ensemble, ni de comparaisons avec d'autres villes». Même si, à première vue, la teneur observée semble loin du millier de microplastiques identifiés par mètre cube dans une étude menée dans la métropole chinoise de Wenzhou, en 2021.
L'analyse de l'échantillon genevois s'est cependant limitée aux fragments de plus de 10 microns. Alors que des études récentes permettent d'estimer une exposition «100 fois plus élevée» aux microparticules de quelques microns – l'épaisseur d'une bulle de savon –, selon les chercheurs. Encore trop peu d'études
Quels sont les effets sur la santé de ces fragments aériens? Ivan Guerreiro, médecin adjoint au service de pneumologie des HUG, répond que l'exposition aux micro- et nanoplastiques (MNP) dans le cadre professionnel a été étudiée dès les années 70. La première mise en évidence de plastique dans du tissu pulmonaire remonte à 1998. «En revanche, il y a très peu d'études sur la population générale et donc sur l'impact de ces polluants inhalés sur les maladies respiratoires et la santé.»
Ivan Guerreiro, médecin adjoint au service de pneumologie des HUG.
DR
Un rapport de l'OMS estime que l'exposition humaine via l'inhalation pourrait être de plus de 3000 particules par jour. Or, Ivan Guerreiro rappelle un principe: «Le poumon est conçu pour ne recevoir que de l'air et des poussières. Il a également des mécanismes de défense contre les microbes. Tout le reste peut causer une inflammation et des dommages cellulaires, parfois irréversibles.»
Dans ces conditions, il serait «difficile de se dire que les microplastiques, dont nous sous-estimons probablement la quantité inhalée, n'ont aucun impact sur notre santé respiratoire». Des tests menés en laboratoire ont ainsi montré que l'exposition aux MNP endommage les cellules des poumons, en particulier, les fameuses cellules souches. Et les particules sous 10 microns?
Selon le médecin, on peut imaginer que ces produits favorisent l'apparition ou l'aggravation des maladies respiratoires classiques, comme des fibroses, la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) ou les cancers pulmonaires. Mais il se montre prudent, car de nombreuses questions restent ouvertes.
Ivan Guerreiro relève ainsi que la majorité des études évaluant les microplastiques contenus dans l'air mettent en évidence principalement des tailles supérieures à 100 microns – ce qui diminue probablement leur toxicité. En effet, on admet que les particules inhalées doivent habituellement être de taille inférieure à 10 microns pour atteindre le poumon en profondeur.
En outre, la relation directe entre ces particules présentes dans l'air que nous respirons et des pathologies précises n'est pas établie scientifiquement. «Contrairement à ce que nous savons sur la pollution atmosphérique classique, il n'y a, par exemple, aucune étude qui montre un lien entre le déclin de la capacité pulmonaire et l'exposition aux micro- et nanoplastiques», explique-t-il. Plus de microplastiques dans les tumeurs
Les preuves sont plus importantes lors d'expositions professionnelles spécifiques, avec de nombreux cas décrits. Ainsi, une étude a été effectuée en 1998 sur l'exposition aux plastiques liée au travail dans la production de PVC. Elle a montré que les concentrations de particules plastiques sont plus élevées dans les tumeurs pulmonaires que dans le poumon adjacent. Mais en dehors du contexte professionnel, les connaissances sont essentiellement basées sur des études effectuées sur des animaux ou réalisées in vitro.
Ivan Guerreiro souligne encore que plusieurs sources de pollution peuvent interagir, et qu'il est difficile de différencier l'impact de chacune. L'humain est souvent exposé en même temps aux microplastiques et à d'autres produits pouvant favoriser les inflammations ou à des additifs carcinogènes (qui peuvent provoquer le cancer) connus. Finalement, les effets varient en fonction du type de plastique étudié, avec parfois des différences entre les résultats obtenus en laboratoire et les effets réels «dans la vraie vie».
Genève, capitale de la pollution plastique Newsletter
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Pierre-Alexandre Sallier est journaliste à la rubrique Économie depuis 2014. Auparavant il a travaillé pour Le Temps , ainsi que pour le quotidien La Tribune , à Paris. Plus d'infos
Caroline Zuercher est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2005. Elle couvre en particulier les sujets liés à la santé et à la politique de santé. Auparavant, elle a travaillé pour Swissinfo et Le Matin. Plus d'infos
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24 Heures
2 hours ago
- 24 Heures
Washington: la Team Switzerland compte un milliardaire très discret
Négociant en matières premières – Qui est le discret milliardaire qui a rejoint le «Team Switzerland» à Washington? Des dirigeants suisses, dont Daniel Jaeggi, cofondateur du géant Mercuria, faisaient partie du voyage à la Maison-Blanche. Le secteur des matières premières pèse 9% du PIB suisse. Benno Tuchschmid Le «Team Switzerland» à Washington était composé de dirigeants économiques de puissantes entreprises suisses dont Daniel Jaeggi, cofondateur du géant genevois des matières premières Mercuria (deuxième en partant de la droite). X/KARIN KELLER-SUTTER Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : Le négoce des matières premières représente 9% du PIB suisse. Daniel Jaeggi , à la tête de Mercuria, a transformé l'entreprise en acteur majeur du commerce international. Le groupe entretient des relations privilégiées avec la Chine et les États-Unis. Cinq hommes en cravate posent côte à côte sur la photo diffusée depuis Washington par la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter et Guy Parmelin: Jens Fehlinger, CEO de Swiss, Marcel Erni et Alfred Gantner, cofondateurs de Partners Group, Severin Schwan, président du conseil d'administration de Roche et un homme à la barbe et au costume gris: Daniel Jaeggi. Il est le membre méconnu du «Team Switzerland», comme Guy Parmelin surnomme le groupe qui s'est rendu à Washington pour épargner à la Suisse des droits de douane de 39%. Daniel Jaeggi est cofondateur de Mercuria, le cinquième plus grand négociant mondial de matières premières, dont le siège se trouve dans la Cité de Calvin. Avec son partenaire d'affaires genevois et ancien condisciple Marco Dunand, il possède une fortune estimée à environ quatre milliards de francs. Son parcours révèle les nouveaux rapports de force dans l'économie suisse et l'ascension d'un secteur entaché de scandales. Il y a une dizaine d'années encore, même les politiciens du Centre considéraient ce domaine comme un risque pour la Suisse. «Nous sommes enfin reconnus en tant que branche, et nous obtenons la place que nous méritons», confie un grossiste qui préfère garder l'anonymat. Selon l'Association suisse de négoce de matières premières, le business représente aujourd'hui 9% du produit intérieur brut, ce qui témoigne d'une forte croissance en peu de temps. Genève est la plus grande place de commerce de matières premières du monde. L'absence de représentants du secteur financier dans le «Team Switzerland» est frappante. Daniel Jaeggi a fait de Mercuria un poids lourd du négoce de matières premières Ses proches décrivent le Soleurois comme quelqu'un de très direct dans ses relations. Comme quelqu'un qui ne tourne pas autour du pot. En tant que trader, il était surnommé «Godzilla» en raison de son approche plutôt agressive, en référence au célèbre monstre japonais, selon le «Wall Street Journal». Il accorde rarement d'interviews. Ni lui ni le service de presse de Mercuria n'ont répondu à nos demandes. L'entreprise pèse lourd dans le négoce de matières premières. Selon le magazine économique «Bilanz», le pétrole et le gaz représentent environ 70% de ses activités commerciales. En 2023, la firme a réalisé un bénéfice d'environ 2,7 milliards de francs. Les nouveaux bureaux de Mercuria, inaugurés en 2014 à Houston, métropole pétrolière du Texas. HOUSTON CHRONICLE/GETTY IMAGES Tout a commencé de manière relativement modeste pour la société. Les anciens banquiers de Goldman Sachs, Daniel Jaeggi et Marco Dunand, ont d'abord vendu du pétrole brut russe. Ils le faisaient raffiner en Pologne avant de le remettre sur le marché. Depuis, Mercuria n'a cessé de croître. Les liens étroits avec la Chine ont constitué un facteur important. À un moment donné, Mercuria était le plus grand importateur de pétrole brut du pays. Dans l'une de ses rares interviews, Daniel Jaeggi déclarait en 2013 au sujet de l'Empire du Milieu: «Nous avons réalisé que la Chine devait se diversifier dans l'approvisionnement en pétrole brut. Le pays était trop dépendant des livraisons en provenance du golfe Persique. Nous avons donc proposé des solutions alternatives, par exemple du pétrole brut russe de bonne qualité qui intéresse Pékin.» Mais Mercuria a également noué très tôt des relations avec les États-Unis, ennemi systémique de la Chine. En 2014, l'entreprise a racheté le département des matières premières de la banque américaine JP Morgan, s'implantant massivement sur le marché américain du gaz et du pétrole. Depuis, les réseaux se multiplient, notamment dans les milieux républicains qui font la pluie et le beau temps à Houston, métropole pétrolière du Texas. Les employés de Mercuria invités à la Maison-Blanche Ces contacts ont permis à Mercuria d'accéder à la Maison-Blanche dès le premier mandat de Trump. Déjà sous Obama, le groupe avait lancé un programme d'apprentissage inspiré du modèle suisse pour faciliter notamment l'insertion de vétérans américains dans le secteur des matières premières. Ce fut l'un des rares programmes d'Obama que Trump a maintenu. En janvier 2017, il a même reçu deux apprentis de Mercuria à la Maison-Blanche. L'affirmation de Karin Keller-Sutter selon laquelle les membres du secteur privé ont «des approches différentes» s'applique particulièrement à Daniel Jaeggi. Plusieurs médias ont émis l'hypothèse que l'achat de gaz liquéfié par la Suisse s'inscrivait dans une stratégie visant à faire fléchir Trump. Le CEO aurait fait le voyage pour donner de la crédibilité à cette partie de l'accord. Sa présence pourrait aussi signifier que la Suisse envisage d'acheter du gaz liquéfié en quantités bien supérieures à ses besoins nationaux. Le gaz pourrait être revendu par le spécialiste du marché Mercuria. Le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche n'a pas souhaité s'exprimer. «Par principe, nous ne nous prononçons pas sur le rôle de Daniel Jaeggi», a fait savoir une attachée de presse. Même les sociétés rivales reconnaissent que Mercuria est exempte de tout scandale Oliver Classen, porte-parole de Public Eye, a cosigné le livre «Swiss Trading Sa. – La Suisse, le négoce et la malédiction des matières premières», publié en 2011 par l'ONG. Cet ouvrage a révélé ce secteur au grand public et au monde politique pour la première fois. Le premier chapitre s'ouvre avec Daniel Jaeggi. Peu après la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, le cofondateur de Mercuria a présenté ses résultats à ses collègues du secteur lors d'une conférence dans un hôtel de luxe genevois. Combien de tonnes de pétrole faudrait-il pour remplacer les 5% d'énergie nucléaire dans la consommation énergétique mondiale? Tout un symbole pour une branche qui voit d'abord une opportunité dans chaque crise, quel que soit le prix humain. L'entrepreneur a été très irrité par cette représentation, raconte l'auteur. «Quand nous nous sommes recroisés, il m'a interpellé.» Oliver Classen reconnaît à Daniel Jaeggi le mérite d'avoir fait bouger les choses dans le business des matières premières. Mercuria s'est intéressée très tôt à l'économie verte et a reconnu le potentiel du commerce des droits d'émission. Par ailleurs, Mercuria a été le principal sponsor du Global Commodities Summit, sommet annuel des négociants en matières premières organisé par le «Financial Times» à Lausanne, contribuant ainsi à braquer les projecteurs sur ce secteur aussi discret que puissant. «Jusqu'à présent, Mercuria n'a été impliquée dans aucun des grands scandales de la branche. Soit l'entreprise a échappé aux investigations, soit elle dirige réellement ses affaires plus proprement que beaucoup d'autres.» Daniel Jaeggi lors d'un colloque à Houston en 2018. BLOOMBERG/GETTY IMAGES Le PDG entretient depuis longtemps de bons contacts avec le monde politique helvétique. En 2007, lors du voyage du Conseil fédéral à Genève, Micheline Calmy-Rey, alors ministre des Affaires étrangères, avait emmené l'ensemble du gouvernement visiter les locaux commerciaux de Mercuria, au 50, rue du Rhône. Avant d'entrer au gouvernement national, elle était ministre des Finances du canton de Genève. Interrogée à ce sujet, l'ancienne conseillère fédérale affirme qu'elle connaît peu le businessman. Elle n'hésite pas à collaborer avec cette branche que beaucoup de gens de gauche détestent. Mercuria et d'autres entreprises de négoce font partie de la Genève internationale et génèrent d'importantes recettes fiscales pour le canton comme pour la Confédération. Elle souligne être favorable à une réglementation stricte et note que beaucoup de choses ont évolué positivement. Selon elle, Mercuria est le reflet d'un domaine qui a évolué de manière positive. Le commerce des matières premières fait déborder les caisses de l'État Fin 2013, le Conseil fédéral s'inquiétait encore, dans un rapport, du risque élevé de violations des droits humains dans le secteur des matières premières. Aujourd'hui, il lui fait des louanges. Au printemps, quand Karin Keller-Sutter a dévoilé des comptes publics équilibrés pour 2024, contre toute attente et alors que des milliards de pertes étaient annoncées, elle a indiqué devant les médias: «Nous remercions les négociants en matières premières.» À Genève aussi, les recettes fiscales sont abondantes. En 2024, le canton a dégagé un excédent de 541 millions de francs. Ces bénéfices ont notamment été générés par les bouleversements du marché causés par la guerre d'agression russe contre l'Ukraine. La réglementation dans le secteur a largement échoué en Suisse. En mars dernier, le parlement a rejeté une motion du PS qui voulait imposer des règles plus strictes. Les politiciens concernés évoquent un intense lobbying et une «prise en tenaille de Genève et Bâle» qui ont fait échouer la loi. Florence Schurch, secrétaire générale de Suissenégoce, qui représente le négoce suisse de matières premières, estime que «si la profession jouit aujourd'hui d'une bien meilleure image qu'auparavant, c'est précisément parce qu'elle a évolué». Mais il est désormais temps d'améliorer les conditions-cadres pour ce secteur en Suisse. Le Conseil fédéral devrait reconsidérer la mise en œuvre de l'imposition minimale de 15% de l'OCDE. En effet, des places concurrentes comme Dubaï, Singapour ou Londres l'appliquent de manière moins stricte que la Suisse, ce qui pénalise le pays. Si la Suisse profite du marasme actuel pour alléger les contraintes qui pèsent sur son économie, elle pourrait en tirer profit. Quand la crise devient une opportunité. Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Se connecter Benno Tuchschmid est journaliste basé à Lausanne. Il a obtenu son diplôme de journalisme au MAZ en 2009 et a ensuite travaillé pour l'Aargauer Zeitung, la SonntagsZeitung et le SonntagsBlick, entre autres. Plus d'infos @BennoTuchschmid Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
4 hours ago
- 24 Heures
La directrice d'EconomieSuisse alerte sur l'impact des mesures Trump sur la Suisse
Selon Monika Rühl, directrice d'EconomieSuisse, 100'000 emplois sont directement touchés par les mesures de Donald Trump. Une situation exceptionnelle qui exige des solutions rapides et créatives. Publié aujourd'hui à 11h24 Monika Rühl, directrice de l'organisation faîtière EconomieSuisse, dans son bureau à Zurich. Boris Müller La Suisse cherche activement des solutions pour réduire les droits de douane américains de 39% . Cette situation représente un stress exceptionnel pour la place économique suisse, constate Monika Rühl. À la tête d' EconomieSuisse depuis onze ans, elle nous a reçus dans les locaux de l'organisation faîtière à Zurich pour parler des défis auxquels notre pays se trouve désormais confronté. Madame Rühl, pouvez-vous estimer l'ampleur des dommages que pourraient causer les droits de douane de Donald Trump à la Suisse? Nous estimons qu'environ 100'000 emplois sont directement menacés par les droits de douane américains. Ils constituent un fardeau considérable pour l'économie suisse. Il nous faut désormais faire front commun et consolider notre position économique. 100'000 emplois? Si tous ces postes disparaissent, le taux de chômage doublera et dépassera les 5%. Non, ce serait alarmiste. 100'000, c'est le nombre d'emplois directement concernés, toutes branches confondues, qui produisent pour le marché américain, y compris le secteur pharmaceutique. Certaines des entreprises touchées continueront à livrer aux États-Unis malgré des droits de douane élevés, d'autres rogneront sur leur marge ou recourront au chômage partiel. Ce chiffre révèle néanmoins l'ampleur des conséquences potentielles de la situation actuelle. Concrètement, à combien d'endroits la situation devient-elle dangereuse? Cela dépend de nombreux facteurs. Ce qui est certain, c'est que si les droits de douane devaient perdurer, une partie de ces emplois directement touchés disparaîtrait. Toutefois, une grande partie pourrait probablement être préservée grâce à des restructurations et des réorientations. L'EPFZ estime que les droits de douane américains pourraient supprimer jusqu'à 15'000 emplois à long terme. L'économie suisse a remarquablement bien résisté ces dernières années à la crise financière, à la pandémie et à la crise énergétique. Vos mises en garde ne sont-elles pas exagérées? Je l'espère. L'économie suisse est résiliente. La plupart des entreprises savent très bien gérer de tels défis et se tourner vers d'autres marchés. Mais l'impact des droits de douane reste lourd, en particulier pour les entreprises actives dans le domaine de l'horlogerie, de la technologie et de l'alimentation. La semaine dernière, plusieurs dirigeants économiques se sont rendus à Washington avec le Conseil fédéral. Pourquoi n'y étiez-vous pas? Nous entretenons des contacts étroits avec le Conseil fédéral et les autorités fédérales. Mais la place économique suisse traverse une période difficile et nous avons besoin de trouver rapidement des solutions avec les Américains. En tant qu'association, nous ne sommes pas en mesure de garantir la sécurité des investissements. C'est la raison pour laquelle des représentants d'entreprises qui exportent ou investissent aux États-Unis ont participé à cette rencontre. Fredy Gantner et Marcel Erni, du groupe financier Partners Group, en font justement partie. Tous deux s'engagent en première ligne contre l'accord entre la Suisse et l'UE . Perdez-vous actuellement votre rôle de leader dans l'économie? Non, pas du tout. Nous avons certes une position différente en matière de politique européenne, mais Partners Group reste une entreprise ancrée sur le marché américain. Il est logique qu'elle fasse jouer ses contacts en faveur de la Suisse. «L'économie suisse est résiliente», affirme Monika Rühl. Boris Müller Les conseillers fédéraux et les CEO se présentent ensemble, presque comme Donald Trump a l'habitude de le faire. Jouons-nous son jeu? En Suisse, l'économie et la Confédération entretiennent depuis toujours de bons échanges. Cette collaboration n'est pas nouvelle et a toujours fait ses preuves. Dans la situation de stress actuelle, ces contacts se sont encore intensifiés. Du côté de la politique intérieure, vous devriez pourtant vous réjouir. Cette crise augmente considérablement vos chances de faire échouer la 2e édition de l'initiative pour des multinationales responsables et de remporter la votation sur les traités européens. L'avenir nous le dira. Quoi qu'il en soit, il faut désormais absolument un train de mesures pour soulager les entreprises en Suisse. Contrairement à la situation avec les États-Unis, nous avons cette possibilité entre nos mains. Vous réclamez moins de coûts, moins de bureaucratie et moins de réglementations pour l'économie. Ces revendications, nous les entendons depuis des années. Face à ce nouveau défi, n'avez-vous pas d'autres solutions à proposer? La question centrale est de déterminer quelles mesures soutiennent efficacement les entreprises. La réponse des entrepreneurs est claire: éviter les contraintes réglementaires et les coûts supplémentaires, tout en réduisant la bureaucratie là où c'est possible. Il faut également poursuivre le développement du réseau de libre-échange et stabiliser les relations avec l'UE. Avant d'occuper votre poste chez EconomieSuisse, vous étiez diplomate commerciale. Comment expliquez-vous un résultat aussi décevant dans les négociations douanières? Je trouve pénible cette recherche constante d'un coupable. En Suisse, chaque crise déclenche automatiquement des querelles internes. Nous devrions plutôt chercher ensemble la meilleure solution possible. La démarche du Conseil fédéral me paraît juste. Notre première offre a d'ailleurs été acceptée par trois membres du cabinet américain. Aujourd'hui encore, nous n'avons d'autre choix que d'améliorer notre proposition et de multiplier les canaux de dialogue avec le gouvernement américain. «Le comportement de Trump est tout simplement imprévisible.» Boris Müller Que devrait offrir la Suisse à Trump? Là réside toute la difficulté. Nous ignorons ce qu'il faudrait de plus pour obtenir l'accord du président américain. Le comportement de Trump est tout simplement imprévisible. C'est pourquoi il faut faire preuve de créativité et examiner des solutions que nous ne proposerions pas dans notre approche typiquement helvétique. Si ces solutions viennent directement de l'économie, c'est encore mieux. La Suisse devrait-elle réduire ses droits de douane agricoles et importer davantage de viande de bœuf américaine? Même si chacun d'entre nous mangeait un steak américain par jour, cela ne suffirait pas pour une population de notre taille. Il faut chercher des solutions là où les volumes sont importants. Lufthansa envisage d'acheter ses futurs Boeing via la Suisse . Cette opération vise à réduire le déficit commercial américain. Est-ce vraiment utile? Nous devrions explorer toutes les pistes et faire preuve de créativité. Les fils de Trump ont investi dans une start-up américaine qui fournit de l'énergie et des capacités informatiques aux spécialistes des cryptomonnaies. Donald Trump possède quant à lui sa propre cryptomonnaie. Faut-il investir massivement dans ce secteur pour s'attirer ses bonnes grâces? Non. La Suisse ne devrait certainement pas s'aventurer dans de telles zones d'ombre. Quelle devrait être l'étendue du paquet global révisé? Un accord avec les États-Unis aura un coût. Rien n'est gratuit. Il faudra peser le pour et le contre. Accepterons-nous de payer le prix de ce nouvel accord ou préférerons-nous subir des droits de douane plus élevés? Selon les sondages, la majorité de la population refuse de céder à la pression. Pourtant, les dirigeants politiques et économiques font exactement l'inverse. Je comprends que l'on puisse dire qu'il faut désormais tenir tête à Trump. Mais nous devons garder à l'esprit notre position: nous sommes politiquement et géographiquement petits, économiquement moyens. Nous sommes condamnés à trouver une solution, aussi insatisfaisante soit-elle. Comme tous les autres d'ailleurs. Même l'UE, pourtant bien plus grande, a dû tendre la main pour conclure un accord. L' industrie pharmaceutique représente la moitié des exportations suisses et constitue donc un risque majeur pour l'économie nationale. Faut-il intervenir dans ce secteur? Nous ne pouvons pas contrôler cela. La structure économique suisse s'est développée historiquement parce que ce secteur est très compétitif. Il existe certes un risque dans ce domaine, dont nous avons pris davantage conscience avec la politique du président américain. Mais nous évoluons dans une économie de marché libre et nous ne voulons certainement pas dicter aux entreprises pharmaceutiques ce qu'elles doivent faire. Traduit de l'allemand par Olivia Beuchat Droits de douane et répercussions Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Konrad Staehelin travaille chez Tamedia depuis 2020. Il est correspondant au Palais fédéral pour la rédaction économique. Parallèlement, ce politologue de formation écrit sur la thématique de l'aviation. Plus d'infos @KStaeh Armin Müller est journalistes à la rédaction de Tamedia à Zurich. De 2018 à janvier 2022, il a été membre de la rédaction en chef de Tamedia. Auparavant, il a travaillé entre autres pour la «SonntagsZeitung», la «Handelszeitung» et le «CASH». Plus d'infos @Armin_Muller Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
4 hours ago
- 24 Heures
Bioparc Genève: triste record d'animaux recueillis cet été 2025
Refuge animalier – Le Bioparc Genève n'a jamais recueilli autant d'animaux en détresse Plus de 120. C'est le nombre d'animaux abandonnés, confisqués ou blessés que le refuge de Bellevue a recueillis depuis le début de l'année. Un triste record. On fait le point avec le directeur. Lauriane Sanchis Si l'animal n'est pas identifié, il est très difficile de retrouver ses propriétaires. MAGALI GIRARDIN Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk En bref : Le Bioparc Genève atteint un nombre record d'animaux recueillis en 2025. Plus de 120 animaux abandonnés ou blessés ont trouvé refuge depuis janvier. L'identification des animaux domestiques reste insuffisante pour retrouver leurs propriétaires. En 2025, alors que l'année est loin d'être terminée, le Bioparc Genève a déjà battu un triste record: celui du nombre d'animaux qu'il a pris en charge. Rien qu'entre janvier et juillet, c'est plus de 120 oiseaux, reptiles et mammifères qui ont été recueillis à Bellevue. C'est inédit. Parmi ces nouveaux pensionnaires, certains ont été abandonnés, d'autres confisqués et quelques-uns ont été retrouvés blessés dans la nature. Réfléchir avant d'adopter Ce maki brun a été sauvé cette année d'un laboratoire français. Magali Girardin Dans la mesure du possible, le refuge souhaite toujours garder ses portes ouvertes pour aider les animaux dans le besoin. «Malheureusement, les places à Bellevue ne sont pas illimitées, s'attriste Tobias Blaha, vétérinaire et directeur du Bioparc Genève. Je pense donc qu'il est essentiel d'agir en amont, avant que ces bêtes ne soient abandonnées, en sensibilisant un maximum de personnes aux diverses responsabilités qu'implique la possession d'un animal.» Le vétérinaire s'inquiète particulièrement de l'influence négative que les réseaux sociaux peuvent avoir sur certains internautes: «Sur la Toile, on peut voir de tout et la tentation de suivre certaines tendances en adoptant un animal exotique est parfois grande, mais il ne faut jamais y céder!» Tobias Blaha insiste sur le fait que l'adoption d'un animal de compagnie doit toujours être mûrement réfléchie. Identifier son animal Les reptiles et les oiseaux sont les animaux les plus abandonnés au Bioparc. Magali Girardin Cette année, ceux qui ont été les plus abandonnés au Bioparc Genève sont les reptiles et les oiseaux. «Certains, comme cette calopsitte élégante (ndlr: perruche), ont été retrouvés dans la nature. Ils n'ont pas forcément été abandonnés. Ils se sont peut-être échappés. Malheureusement, nous ne parvenons pas à retrouver leurs propriétaires, car ils ne sont pas identifiés», explique le vétérinaire, tandis que la facétieuse calopsitte tente de grimper sur sa tête. Pucer, tatouer ou baguer son animal de compagnie est un acte important, trop souvent négligé. Enfin, si l'on ne peut plus assumer son compagnon, il ne faut en aucun cas le relâcher dans la nature. «Il ne pourrait probablement pas survivre seul et, dans le cas contraire, il pourrait avoir un impact très négatif sur la biodiversité locale.» Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Se connecter Lauriane Sanchis est journaliste RP et responsable réseaux sociaux. Au fil des années, Lauriane Sanchis a acquis des connaissances approfondies dans le domaine des jeux vidéo, de la biodiversité et du bien-être animal. Auparavant, elle a travaillé à la Tribune de Genève en tant qu'éditrice web et à Tempslibre en tant que rédactrice web. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.