
«En Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes ont gagné et Paris s'en félicite»
Alain Destexhe, médecin et essayiste, a récemment exercé en Nouvelle-Calédonie. Il a récemment publié Mayotte : comment l'immigration détruit une société (Éditions Texquis, 2025).
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De Manuel Valls à Bruno Retailleau, le monde politique se félicite bruyamment du nouvel accord sur la Nouvelle-Calédonie. Mais ce concert d'autosatisfaction masque mal une réalité brutale : la violence a payé, l'État, humilié, a reculé et offert une victoire nette aux indépendantistes.
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Il y a à peine dix-huit mois, le président Macron et son ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, proposaient le dégel du corps électoral, conditionné à dix ans de résidence, projet adopté à une large majorité par le Sénat et l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, à la place, l'État accorde à la Nouvelle-Calédonie rien de moins qu'une double citoyenneté, une représentation internationale, un dégel du corps électoral après quinze ans de résidence ininterrompue (le diable est dans les détails), et prépare le transfert de compétences régaliennes. Il suffira désormais d'un vote à 64 % du Congrès calédonien pour transférer des prérogatives jusque-là réservées à l'État, mais une nouvelle flambée de violence fera aussi bien l'affaire.
Héritage pervers des accords de Nouméa, le gouvernement local est constitué à la proportionnelle, selon les forces politiques représentées au Congrès (le législateur local) et fonctionne sur un principe de consensus. Ce système a engendré un pouvoir clientéliste - voire corrompu - instable, et souvent paralysé. Désormais, des indépendantistes hostiles à la France accéderont à des fonctions de représentation internationale. Ambassades, siège à l'ONU ? Le double discours est désormais institutionnalisé.
Dans la tradition kanak, si une femme veut divorcer, elle doit d'abord passer par les chefs tribaux hostiles à cette pratique et ce n'est qu'en dernier recours qu'elle peut faire appel à la justice de droit commun
Parmi les mesures les plus inquiétantes, la création d'une police coutumière. Les traditions kanak sont en contradiction frontale avec les principes fondamentaux de la République. Des pans entiers du droit civil (divorce, héritage) sont déjà gérés par les autorités coutumières. Une femme épousant un membre d'une autre tribu perd ses droits successoraux. Si elle veut divorcer, elle doit d'abord passer par les chefs tribaux hostiles à cette pratique et ce n'est qu'en dernier recours qu'elle peut faire appel à la justice de droit commun. La France va-t-elle désormais un peu plus abandonner les femmes kanak et financer une police appliquant une telle négation de l'égalité des droits ?
Sur le plan économique, la relance de la filière nickel dans la province Nord, contrôlée par les indépendantistes, est une coûteuse illusion. Des milliards ont déjà été engloutis en pure perte dans le projet Koniambo, prétendu symbole du «rééquilibrage», qui incarne surtout l'échec flagrant de leur gestion. Les calamiteux accords de Nouméa, à l'origine de la situation actuelle, ont été signés sous l'égide de deux premiers ministres socialistes (Rocard et Jospin). Cette fois, c'est un ancien premier ministre socialiste (Valls) et un ancien ministre socialiste devenu président qui bradent ce territoire français.
Ce qui, hier encore, était présenté comme des lignes rouges est aujourd'hui célébré comme un «compromis historique». On ne blâmera pas car on les comprend, les représentants loyalistes, pris en étau entre les menaces indépendantistes et la pression d'un État qui les a abandonnés. Et ce sont les populations qu'ils représentent qui sont exposées à la violence des kanaks, non l'inverse.
À lire aussi Nouvelle-Calédonie: indépendantistes et loyalistes signent un accord en forme de «saut dans le vide»
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Comme en métropole face aux émeutes de banlieue, le pouvoir ne cherche pas à résoudre les problèmes, mais à les contenir. Il se contente de remettre le couvercle sur la marmite. Ce que l'accord organise, ce n'est pas la paix, c'est un sursis. La marche vers l'indépendance est désormais enclenchée, hélas, dans l'indifférence des Français.
Ce précédent sera pourtant scruté avec attention, en Polynésie, dans les Antilles, à Mayotte, en Corse, voire en Bretagne. L'État a ouvert une brèche dans le principe même d'unité républicaine. L'article premier de la Constitution est doublement bafoué. En Nouvelle-Calédonie, depuis les accords de Nouméa, la République n'était déjà plus pleinement démocratique, elle n'est désormais plus indivisible. Les indépendantistes ont gagné. Pas par les urnes, mais par la force. Et Paris s'en félicite.
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